Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 27 avril 2021, point 36 de l'ordre du jour

Texte déposé

Actuellement, les durées d'arrêts disciplinaires dans les établissements de détention du canton de Vaud, sont fixées à 30 jours pour les personnes détenues majeures et à 10 jours pour les personnes détenues mineures[1]. La fixation de ces durées relève de la compétence cantonale et elles varient de 7 à 30 jours pour les cantons signataires du concordat latin sur la détention pénale des adultes. Notre canton applique les durées les plus longues de Suisse et se montre donc particulièrement sévère.

Mais en quoi consiste une sanction sous forme d’arrêts disciplinaires ? Les arrêts s'exécutent en principe dans des cellules spécialement prévues à cet effet, à l'intérieur de la section disciplinaire de l'établissement. Celles-ci sont le plus souvent agencées de manière rudimentaire avec un lit, une chaise, une surface plane et des sanitaires.[2] La personne détenue y passe 23h sur 24h, elle a droit à une heure de promenade par jour, peut parfois bénéficier de matériel pour écrire, de lecture d’ouvrages religieux, elle mange en cellule et ses contacts avec des personnes sont réduits au maximum.

 

Si l’existence de ce type de mesure est indispensable au maintien de l’ordre au sein des établissements pénitentiaires et au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, elle ne doit être ordonnée qu’en dernier recours, et les personnes détenues doivent voir leur droit à une procédure équitable respecté et sa durée doit être en adéquation avec le principe de la proportionnalité.

Or, la durée des arrêts disciplinaires dans le canton de Vaud, ne respecte pas les normes du Conseil de l’Europe fixées par le Comité́ européen pour la Prévention de la Torture (CPT) qui les fixe respectivement à 14 jours (majeurs) et 3 jours (mineurs). Je relève que selon l’Association pour la Prévention de la Torture (APT) : « La mise à l’isolement est une sanction grave, qui si elle est utilisée de manière prolongée et/ou répétée peut constituer un traitement inhumain ou dégradant, voire un acte de torture »[3], il est donc indispensable que notre Canton les ramène aux normes recommandées.

De plus, concernant les personnes détenues mineures et au regard des standards existants, cette durée semble elle aussi excessive et ne prend en compte ni les besoins spécifiques des mineurs, ni l’intérêt supérieur de l’enfant. Il convient de rappeler ici que les « Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures » insistent sur le fait que « la mise à l’isolement à titre disciplinaire ne peut être infligée que dans des cas exceptionnels, où d’autres sanctions seraient sans effet. Une telle mesure doit être ordonnée pour une durée déterminée, qui doit être aussi courte que possible »[4]. Le Comité́ européen pour la prévention de la torture (CPT) est encore plus précis en la matière :« le placement à l’isolement comme mesure disciplinaire ne devrait être imposé que pour des périodes très courtes, et en aucun cas pendant plus de trois jours »[5]. L’APT pour sa part, indique que : « Les mineurs ne doivent jamais être placés à l’isolement »[6].

Enfin, le sous-comité́ de l’ONU pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT), indique dans son dernier rapport[7] : « Le SPT recommande à l’État partie d’envisager d’harmoniser la procédure de placement à l’isolement, si possible par voie législative et souhaite rappeler que la durée maximale d’isolement disciplinaire ne devrait pas excéder 14 jours, qu’il devrait être utilisé uniquement en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible, sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation d’une autorité́ compétente. »

Au vu de ce qui précède, j’ai l’honneur de demander au Conseil d’État de modifier les lois, règlements et textes afférant à la durée des sanctions sous forme d’arrêts disciplinaires afin de respecter les normes du Conseil de l’Europe fixées par le Comité́ européen pour la Prévention de la Torture.

[1]https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/securite/penitentiaire/fichiers_pdf/Concept_des_Lechaires.pdf

[2] David Millet, Les arrêts disciplinaires, in : Jusletter 23 janvier 2012

[3] Guide pratique : « Visiter un lieu de détention », p.112, APT, 2005

[4] CM/Rec. (2008)11du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures, 95.4.

[5] Comité́ européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants 24ème rapport annuel du CPT, CPT/Inf. (2015) 1, p. 63

[6] Guide pratique : « Visiter un lieu de détention », p.112, APT, 2005

[7]https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-82583.html

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Cendrine CachemailleSOC
Cédric EchenardSOC
Isabelle FreymondSOC
Eliane DesarzensSOC
Sébastien CalaSOC
Sébastien PedroliSOC
Stéphane MontangeroSOC
Jean-Claude GlardonSOC
Yves PaccaudSOC
Salvatore GuarnaSOC
Anne-Sophie BetschartSOC
Julien EggenbergerSOC
Marc VuilleumierEP
Valérie InduniSOC
Muriel ThalmannSOC
Delphine ProbstSOC
Felix StürnerVER
Stéphane BaletSOC
Amélie CherbuinSOC
Pierre ZwahlenVER
Monique RyfSOC
Léonard Studer
Hadrien BuclinEP

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Muriel Cuendet Schmidt (SOC) —

Ma motion a pour but de faire diminuer la durée des arrêts disciplinaires sous forme d’isolement, pour les personnes détenues majeures et mineures, afin de respecter les différentes règles et standards internationaux. En Suisse, ces durées vont de 7 à 30 jours et, actuellement, notre canton fait partie de ceux qui appliquent les normes les plus sévères. Les arrêts sous forme d’isolement sont nécessaires au maintien de l’ordre au sein des établissements pénitentiaires et au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Toutefois, ils devraient toujours être ordonnés en dernier recours et constituer une réponse proportionnée à des situations difficiles. De plus, ils ne devraient en aucun cas être imposés à des personnes détenues souffrant d’une incapacité mentale ou physique, lorsqu’ils pourraient aggraver leur état. En effet, les longues périodes d’isolement cellulaire risquent davantage d’avoir des effets négatifs sur le comportement de la personne détenue, exacerbant ainsi ou créant des problèmes de santé mentale que la prison et les services de santé devront ensuite gérer. L’uniformisation de la durée de ces arrêts éviterait également des disparités importantes entre établissements du concordat latin, provoquant un sentiment d’inégalité de traitement au sein de la population carcérale, en cas de transfert dans un autre canton. Enfin, les ramener à 14 jours pour les personnes majeures et à 3 jours pour les personnes mineures correspond à ces standards, ce qui permettrait de rendre nos textes législatifs conformes aux recommandations internationales, telles que les normes du Conseil de l’Europe fixées par le Comité européen pour la prévention de la torture ou encore les Règles Nelson Mandela. Enfin, cette limitation éviterait à notre canton d’être régulièrement épinglé dans les rapports du sous-comité de l’ONU pour la prévention de la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Je me réjouis d’en débattre avec vous en séance de commission.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 députés, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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