Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 20 avril 2021, point 9 de l'ordre du jour

Document

EMPL et rapport CIDROPOL avec annexes

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Premier débat

Projet de loi modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC)

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice

Il s’agissait d’une motion, déposée au nom de la Commission thématique des institutions et des droits politiques, qui repose sur l’idée que la transparence est essentielle à la préservation de la confiance entre le corps électoral — la population — et ses élus, qu’elle nécessite d’éviter autant que possible et par tous les moyens toute tentative de corruption, ou toute tentative de détourner les élus de leur intégrité. Naturellement, les élus sont quelquefois approchés et peuvent, dans le cadre de leur activité, se voir proposer certaines libéralités ou cadeaux. Par conséquent, il est important de posséder une base légale claire, précise, transparente qui conditionne et détaille ce qui est envisageable de ce qui ne l’est pas. A l’évidence, pour des cadeaux de moindre importance, on peut considérer que cela fait partie de la fonction, mais pour des cadeaux qui commencent à s’élever à plusieurs centaines de francs, cela n’est pas acceptable.

Le texte proposé, repris dans la Loi sur le Grand Conseil (LGC), se base sur l’existante Loi sur les communes (LC) qui régit l’activité des municipaux, en fixe le cadre. En toute sincérité — et il y a de nombreux députés municipaux dans cet hémicycle — il n’est parfois pas toujours aisé de savoir lorsqu’un député municipal reçoit un cadeau, s’il lui est adressé en tant que député ou en tant que municipal. Par conséquent, il nous semblait cohérent de reprendre la même base légale que celle qui régit l’activité des municipaux, par la formulation suivante :

« Les membres du Grand Conseil ne doit ni accepter, ni solliciter, ni se faire promettre des libéralités ou d’autres avantages directement ou indirectement liés à l’exercice de leur fonction, que ce soit pour eux-mêmes ou pour des tiers. Font exception les libéralités ou les avantages usuels et de faible valeur. »

La règle reprise fait appel au bon sens et fixe l’interdiction de principe des cadeaux, mais prévoit une exception pour les cadeaux de faible importance. Il s’agit là du premier niveau. Ensuite, qui dit LGC, dit aussi règlement d’application. Comme nouvelle base légale, nous vous proposons l’article 6a, qui donne compétence au Bureau du Grand Conseil pour édicter une directive en matière de libéralités ou d’autres avantages en lien avec le mandat de député, et qui prévoit une consultation à la fois des présidents des groupes politiques et de la Commission des institutions et des droits politiques. En d’autres termes, au premier niveau, une base légale qui figure dans la LGC et, au deuxième, une précision sur l’élaboration de la directive, qui doit pouvoir s’adapter aux circonstances et à l’évolution de la société, et qui renvoie au troisième niveau en assurant une consultation aussi large et étendue que possible : un mécanisme destiné à créer davantage de transparence.

Encore une fois, il s’agit de préserver la confiance entre la population et ses élus, confiance nécessaire pour éviter autant que possible la corruption. Nous aurons l’occasion de débattre de l’autre volet de la transparence, puisque comme vous le savez, le Conseil d’Etat a proposé une révision de la Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) ; cette dernière est en cours d’examen auprès de la Commission des institutions et des droits politiques. Elle a notamment comme mesure phare la question de la transparence du financement des partis.

Ainsi, avec d’une part, la question des cadeaux clarifiée par la loi et, d’autre part, les règles sur le financement des partis, nous générerons davantage de transparence dans la vie politique vaudoise ; c’est à saluer. En conclusion, une large majorité de la commission vous propose d’adopter ces révisions de loi et cet exposé des motifs.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

D’une part, j’aimerais communiquer ma grande satisfaction face à l’aboutissement de ce projet et, d’autre part, faire part d’un certain regret sur un volet particulier. D’abord, au chapitre de la satisfaction, cette révision est modeste mais bienvenue. A l’époque, le groupe des Verts et le groupe socialiste avaient déposé une motion indiquant qu’il était temps de clarifier les règles du jeu, exprimant ainsi un besoin. Ensuite, ce travail a été digéré par la Commission des institutions et des droits politiques. Au fond, il s’agit de savoir à quelle sauce nous sommes mangés.

Depuis que je suis député, il m’est arrivé, à quelques reprises, de me poser la question de la ligne rouge à ne pas franchir. S’il est impossible de régler toutes les situations de façon précise, il s’agit néanmoins d’adopter un certain code de conduite. Ainsi, la base légale reprend uniquement ce qui est prévu pour les municipalités, puis le Bureau sera chargé — tout en nuances et en intelligence — de prévoir un code de conduite pour distinguer les cadeaux acceptables des inacceptables. Le but de cette entreprise — et on l’oublie parfois lorsqu’on commente l’affaire Maudet à Genève — n’est pas d’épargner l’argent du contribuable, mais de préserver l’intégrité et l’indépendance des élus. En effet, un certain stade de générosité de la part de groupes de pression peut faire perdre son indépendance ou, en tous les cas, donner l’apparence qu’elle est perdue.

Je conclus toutefois par un regret : nous avons consenti à cet exercice, mais malheureusement à la faveur d’un vote du Parlement — qui était en quelque sorte un vote de circonstances — nous nous sommes employés à l’exercice pour le Grand Conseil, mais rien n’a été prévu pour le Conseil d’Etat. Face à ce constat, une explication est possible : suite à l’affaire Maudet, le Conseil d’Etat avait anticipé en élaborant une directive ; c’est une excellente, mais insuffisante chose, car une base légale est nécessaire. Ainsi, le vote du Parlement, qui s’était prononcé favorablement pour le Grand Conseil, mais pas pour le Conseil d’Etat, me reste un peu en travers de la gorge. Je soupçonne — permettez-moi d’être mauvaise langue une seconde — que quelques coups de fil ont été passés par le Conseil d’Etat avant le vote du Parlement — ce n’est nul procès d’intention, mais une simple supposition. Quoi qu’il en soit, la solution trouvée par le Parlement est pertinente. En réalité, il me semble qu’il suffirait de reprendre cette base légale pour le Conseil d’Etat, ce dernier ayant déjà, de son côté, sa propre directive et, par conséquent, déjà accompli le travail. C’est le souhait que j’exprime. Peut-être, un jour, le Conseil d’Etat amènera-t-il cette proposition… car je n’ai jamais senti de fortes réticences sur le principe. Sous réserve de ce petit regret, nous pouvons aller de l’avant pour ce qui concerne le Parlement et, ensuite, le Bureau élaborera une espèce de code de conduite.

M. Yvan Luccarini (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP est bien entendu favorable à l’introduction de cette base légale régissant l’acceptation des cadeaux et autres avantages par les députés. Nous sommes aussi complètement en accord avec le fait de ne pas régler tous les détails dans la loi ou dans le règlement d’application et, donc, de les introduire dans une directive. A ce propos, et à la lecture de l’article 9a proposé pour le projet de loi, on comprend relativement vite les enjeux de cette directive prévue dans le règlement d’application, notamment à la lueur de la dernière phrase « font exception les libéralités, les avantages usuels et de faible valeur ». Toutefois, la question de pose : qu’est-ce qui est l’usage ? Qu’est-ce qu’une valeur faible ? Pour certains et certaines, un repas chaud représente déjà une richesse, alors que pour d’autres, le curseur se met à un autre endroit. Ce sont des enjeux d’importance. De ce fait, il est donc d’autant plus essentiel que la représentativité de l’organe qui édicte cette directive soit garantie. En ce sens, le Bureau du Grand Conseil ne nous paraît pas opportun, puisque tous les groupes politiques n’y sont pas représentés. En outre, la seule consultation des présidents de groupe et de la Commission des institutions politiques est à notre avis insuffisante. Ainsi, au moment de la discussion sur le règlement d’application, nous proposerons un amendement pour inverser la logique de l’organe qui édicte et de celui qui est consulté.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

A l’ouïe de toutes les professions de foi, la main sur le cœur, et de ces volontés de preux chevalier, de laver plus blanc que blanc, me vient tout de même une certaine nostalgie, ou pourquoi le taire une certaine amertume. Mener une vie politique en terre vaudoise implique non seulement une dose d’ambition personnelle — qui n’est pas pénalement répréhensible —, une bonne dose d’ambition pour notre région, pour notre localité, pour les causes en lesquelles nous croyons et que nous voulons défendre, mais aussi, de temps en temps, et à la vaudoise, un carton de trois bouteilles qu’on nous donne publiquement à la fin d’une présentation, ou un dîner avec le conseil de fondation d’un hôpital, lorsqu’on le visite en tant que membre de la sous-commission de gestion : tout cela est très loin des excès en nature et en espèces de certains pays ou cantons étrangers.

Ainsi, lorsqu’on en arrive à distiller un esprit de suspicion en devant absolument cadrer, chiffrer, peser, mesurer ce que l’on reçoit, alors que si l’on procédait à la balance entre ce qu’on donne en temps, en vie de famille à laquelle on ne participe pas, et en enthousiasme par rapport aux trois bouteilles qu’on reçoit ici ou là, je crois que chacun d’entre nous pourrait, la tête haute, dire qu’il contribue à sa façon à l’épanouissement de ce canton. Allez-y ! Réglementez ! Continuez de nettoyer, de laver, je ne suis pas sûr que ce soit de cette façon que nous allons susciter des carrières politiques pour le plus grand bien des localités de notre canton.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Mon opinion figure en annexe du rapport, puisque j’avais signé à l’époque la prise de position du PLR. La question de la transparence — et nous en discuterons au moment de la LEDP — ne pose pas de problème. Fort d’un aplomb certain, M. Tschopp disait tout à l’heure que la loi était claire et qu’il fallait que les choses soient parfaites, indiquées de façon législative ; ce n’est pas mon avis.

En effet, à la lecture de la phrase « ne pas accepter des avantages ou d’autres éléments de ce type qui seraient indirectement liés à la fonction », j’attends que me soit expliqué ce que signifie l’adverbe « indirectement ». Si je comprends l’adverbe « directement », « indirectement » ouvre la porte à n’importe quelle interprétation. Il me paraît ainsi difficile d’appuyer une norme dont on ne définit pas clairement le champ d’application. Par la suite, cela se corse. En effet, il s’agit non seulement d’ « indirectement » pour soi, mais d’ « indirectement » pour des tiers. Je me réjouis qu’on me fournisse un exemple d’un avantage indirectement lié à une fonction de député pour un tiers qui, a priori, n’est pas député ou dans l’exercice d’une activité politique. J’imagine que ceux qui ont rédigé cet article ont eu accès à des exemples, j’aurais souhaité que dans le rapport quelques-uns y figurent, car cela aurait apporté un peu de transparence et de lumière sur l’obscure rédaction de ce texte.

On me répondra que cela figure déjà dans la LC. Or, cela ne me paraît pas être une raison suffisante. Je n’ai pas vérifié dans le Bulletin du Grand Conseil, mais cela me rappelle vaguement le même genre de discussions sur la difficulté d’appliquer une norme aussi vague, imprécise, obscure… cela dans un souci de transparence ! Avouez que cela est un peu cocasse ! Si cette norme devait s’appliquer, il faudrait au moins la clarifier. A cela, il m’est répondu que le règlement précisera ces éléments. Nous verrons. Au-delà de savoir le prix du cadeau des six bouteilles de vin, du Lavaux, du La Côte, du Vully… cela risque d’être très intéressant ! Je me réjouis de consulter cette directive nantie de chiffres et de barèmes, de calculs… Nous devrions aussi nous atteler à clarifier le sens à donner à « un avantage indirect pour des tiers » ; nous ne sommes pas sortis de grandes difficultés d’interprétation.

A titre exceptionnel, je partage l’avis de M. Luccarini, car je ne saisis pas pourquoi nous ne faisons pas le travail jusqu’au bout, pourquoi le législateur ne précise pas ce qu’on entend par des avantages indirects. En effet, la LC qui s’applique déjà depuis sept ou huit ans n’a pas eu d’effets manifestes. Précisons encore que nous n’avons pas attendu M. Tschopp pour édicter des lois sur la question de la transparence, que le Code pénal existe. A ce propos, si vous lisez ce dernier, il est clair, net et précis en matière de corruption, il n’y est pas question d’adverbe, d’indirectement, potentiellement, pour des tiers ou pour soi-même. La différence de qualité normative entre le texte qu’on nous propose et celui du Code pénal est aisément perceptible.

En conclusion, je ne voterai pas en faveur de ce texte, mais m’abstiendrai, car il me paraît insuffisamment mûr, trop imprécis, générateur de grandes incertitudes et de difficultés d’application. Je considère que nous aurions dû aller un peu plus loin avant de nous décharger du fardeau sur des directives ou des dispositions d’application qui ne résoudront pas tous les problèmes, alors qu’il s’agissait, pour ce Grand Conseil, de se prononcer sur un certain nombre de notions.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

La confiance que la population manifeste aux élues et élus doit se baser sur un cadre réglementaire clair et transparent. A ce titre, les éventuels avantages qui peuvent être obtenus lors de l’exercice d’un mandat au Grand Conseil peuvent poser problème. En effet, des avantages au-delà de cas symboliques, de faible valeur, peuvent engendrer un lien d’intérêt qui engage le ou la membre du Grand Conseil. Vis-à-vis de la population, l’absence de cadre pose question, puisqu’elle engendre le doute.

Nous sommes partisans de la transparence et du devoir d’exemplarité des élus et élues. Ainsi, lorsque j’entends les propos de MM. Buffat et Chollet, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de la même loi, par conséquent, je me permets de vous relire la disposition proposée : « Les membres du Grand Conseil ne doit ni accepter, ni solliciter, ni se faire promettre des libéralités ou d’autres avantages directement ou indirectement liés à l’exercice de leur fonction, que ce soit pour eux-mêmes ou pour des tiers. Font exception les libéralités ou les avantages usuels et de faible valeur. » Cette dernière disposition devant par ailleurs rassurer mon collègue Chollet, puisque les avantages usuels de faible valeur ne sont pas concernés.

Faire évoluer la politique vers plus de transparence vers un renforcement de l’exigence éthique est nécessaire, mais évidemment compliqué ; personne ici ne prétend que cela est simple. Ceci dit, monsieur Buffat, je ne vois pas très bien en quoi le statu quo — c’est-à-dire ne pas du tout répondre à cette attente morale — serait plus clair et plus précis que la proposition faite aujourd’hui. La solution proposée, c’est-à-dire de reprendre les dispositions connues et prévues aujourd’hui pour les communes, nous semble une excellente solution, et c’est pourquoi le groupe socialiste la soutient.

M. Grégory Devaud (PLR) —

J’entends les propos d’un certain nombre d’intervenants nous indiquer que le cadre proposé manque un peu de clarté, de détails. Je suis aussi partisan de la transparence, dans un certain cadre et sous une certaine forme. Et, précisément, comme indiqué par M. Eggenberger à l’instant, j’y reconnais la proposition qui vous est faite. Le travail réalisé par la commission relève d’un compromis trouvé grâce à la bonne compréhension entre les membres de la commission. En outre, nous sommes sous le coup d’autres révisions, notamment celle de la LEDP, qui touchera d’autres thématiques, dont la question des dons aux partis.

L’idée a d’abord consisté à reprendre une législation que nous avons votée il n’y a pas si longtemps, que nous avons imposée aux communes, aux Conseils généraux, aux Conseils communaux, aux municipalités et aux administrations communales. Ainsi, vous retrouverez le même texte. L’idée de la commission est d’avancer pas à pas. Sans trahir les secrets de la commission, il a été largement discuté de savoir jusqu’où nous devions aller, jusque dans quels détails, et nombre d’exemples ont été apportés : bouteilles de vin, montres, invitations à des manifestations. Il incombera au Bureau d’édicter une directive — comme c’est le cas dans les communes — en consultation avec les présidents de groupe, pour parvenir à calibrer ce que nous identifions comme étant des libéralités ou des avantages directement ou indirectement liés à l’exercice de notre fonction.

Bien sûr, cela n’est pas simple, le nombre ou la taille des avantages n’est potentiellement pas le même, et chaque député n’a pas la même sensibilité, pas la même vision sur ce qu’est un ou non un avantage. Nous pouvons imaginer que ce travail s’accomplisse dans un bon esprit de collaboration, comme ce fut le cas au sein de la commission et que le Bureau, dans le cadre de la préparation de la prochaine législature, puisse proposer un pas de plus vers une certaine transparence assurant la crédibilité des institutions auprès de l’opinion publique.

Vous l’aurez compris, je vous encourage à franchir ce pas, à accepter la proposition de la commission introduisant ce texte et son règlement dans notre loi pour ensuite amorcer le travail avec les groupes en vue de la prochaine législature.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Je remercie Grégory Devaud d’avoir clarifié l’état d’esprit dans lequel nous avons travaillé. Je voulais apporter une réponse identique, notamment en réaction aux propos de notre collègue Buffat. Pour tout vous dire et, encore une fois, sans trahir les secrets de la commission, la partie de l’hémicycle à laquelle j’appartiens était plutôt favorable à aller plus loin dans le niveau de détail de la loi. En effet, c’est plutôt de votre côté qu’une disposition sobre ou de compromis a été souhaitée, un procès d’intention pour trop de sobriété — vertu fort importante — est donc particulièrement malvenu… Personnellement, je trouve finalement que posséder une disposition ainsi formulée n’est pas si mal.

Ensuite, nous avons déjà croisé le fer sur ce sujet, lors du dépôt de ma motion, il y a trois ans. Cher collègue Buffat, le Code pénal serait suffisant… justement pas ! Car ce dernier ne dit rien, et la jurisprudence relative aux infractions sur la corruption dit systématiquement la même chose, c’est-à-dire qu’il faut aller voir pour la collectivité publique en question de quoi il retourne, ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Pour aider ceux qui ont affaire à ces infractions pénales — et nous espérons que cela ne se passera jamais chez nous — pour aider les exégètes qui vont interpréter le Code pénal, il s’agit de prévoir des règles du jeu claires — tout l’enjeu, d’ailleurs, du procès Maudet. Si le droit genevois avait été plus clair, peut-être que cela aurait-il été plus facile pour tout le monde, y compris pour le principal acteur de cette affaire.

Quant à l’argument tendant à dire que la formulation n’est pas claire, qu’on y parle de libéralités en faveur de tiers. Vous me voyez navré de le dire… en effet, la phrase est un peu longue, mais il suffit de la lire pour la comprendre, car elle est très simple. En effet, si Pro Natura m’approche en m’offrant 1 million pour que je continue de voter d’une manière à ses yeux plaisante, il s’agit d’une libéralité directe adressée à un député. C’est interdit. Si Pro Natura souhaite la même chose, mais en promettant 1 million à mon épouse, cela est également interdit. C’est de cela qu’il est question : une libéralité ne peut être promise à soi-même ou à un tiers. La phrase est en effet un peu plus longue que « sujet, verbe attribut », mais une lecture attentive ne laisse pas la moindre ambiguïté, me semble-t-il. Pour toutes ces raisons, je vous invite à suivre le compromis trouvé par la commission, qui ajoute une transparence souhaitée par toutes et tous.

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice

Je remercie M. Devaud pour son intervention qui a bien retranscrit l’état d’esprit ayant présidé aux travaux de la commission, la recherche d’une règle compréhensible et claire. Monsieur Buffat, il est vrai qu’il s’agira de la détailler dans une directive, car nous avons estimé que pouvoir associer l’ensemble des groupes politiques à une proposition du Bureau paraissait une bonne formule. On peut évidemment ironiser sur la difficulté à sillonner entre ce qui est un cadeau excessif ou de faible valeur, mais en exemplifiant ces phénomènes, on voit aisément qu’une bouteille de vin est acceptable, mais qu’un billet pour la Champions League, en place VIP, ne l’est certainement pas.

Avec du bon sens, je suis convaincu que nous parviendrons à trouver un chemin avec le Bureau, avec les différents groupes politiques, pour donner des indications précises et détaillées. C’est bien la fonction d’une directive. En effet, une loi fournit des indications générales. D’ailleurs, je n’ai jamais entendu, au sein de cet hémicycle, de quelque parti que ce soit, des demandes d’abroger la base légale qui figure à l’article 100 de la LC, car cette dernière permet aux municipaux de donner une première indication, et à la population de s’y retrouver. C’est ce qu’a souhaité la commission.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je remercie M. Mahaim de me dire que je ne sais pas lire, ce à quoi je répondrai qu’il ne sait, pour sa part, pas écouter… puisque je n’ai jamais dit que le Code pénal se suffisait à lui-même, mais que ce dernier existait déjà en matière de répression, contrairement à ce que laissait entendre M. Tschopp.

Toutefois, j’observe que personne, malgré les exemples, n’a fourni l’explication de ce qu’était un avantage indirect. Maître Mahaim a utilisé l’exemple de Pro Natura pour montrer ce qu’était un avantage direct ou en faveur d’un tiers… Mais, « indirectement lié à une activité de député », je n’ai toujours pas compris ce que c’était. Je doute fort, au vu de l’absence de détails, que cela soit dans les débats ou dans le texte du rapport, que le règlement puisse nous apporter des exemples à ce sujet. Je persiste à dire que cela ouvre la porte à n’importe quel type d’interprétation. En outre, on me rétorque la LC, mais, à ma connaissance, cette disposition n’a jamais été appliquée. Il est par conséquent difficile d’arguer de sa grande efficacité, puisqu’elle n’a jamais été appliquée — peut-être parce qu’il n’y a pas de problèmes, ou en tous les cas pas de corruption avec « C » majuscule, ou de transparence avec « T » majuscule.

Enfin, on a parlé de la transparence des partis politiques. Personnellement, j’ai toujours été favorable à ce type de dispositions. En revanche, il sera intéressant de voir si toutes les associations ou organisations, parfois extrêmement précaires, qui se dissolvent et se créent au gré des votations ou d’autres actions politiques, qui font désormais partie du jeu politique, qui investissent des sommes parfois par centaines de milliers de francs, si celles-là seront soumises à la transparence. Je vous assure que je m’en réjouis, parce qu’ainsi, les gens qui font des dons à ces organisations sauront à l’avenir, finalement, à quoi leur argent est utile. Au niveau de la transparence politique, cela sera un vrai pas en avant.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Je m’exprime en mon nom personnel et partage les propos de M. le député Devaud. Je considère que c’est tout à l’honneur vis-à-vis de nos citoyennes et de nos citoyens, de la part de nous tous et toutes députés et députées, de vouloir réglementer la thématique d’acceptation de cadeaux par les élus. Ce sera au moment d’évaluer le règlement que nous pourrons adapter le contenu et en discuter en fin de législature, afin de mettre ces points, qui provoqueront peut-être la divergence, au programme de la nouvelle législature. Pour ce qui concerne le vote de mes collègues, je vous laisse la surprise.

M. Philippe Ducommun (UDC) —

En effet, je ne vais pas suivre ma collègue Rey-Marion. Je suis assez surpris par les différents propos tenus et, quand bien même je déteste dire cette phrase, je ne pensais pas intervenir dans ce débat, alors que je fais partie de la commission. Toutefois, par rapport au bon sens exprimé par M. Tschopp et aux différents chiffres irréalistes exprimés par M. Mahaim, je pense qu’il faut rester humble et réaliste au niveau de notre simple canton de Vaud. En effet, à entendre les intervenants de gauche, j’ai l’impression que la classe politique vaudoise est corruptible à souhait — une attitude que je refuse résolument. Je vous recommande de ne pas entrer en matière et de ne pas suivre cet objet.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Je fais mienne la réflexion que vient de nous livrer notre collègue. J’aimerais y ajouter l’essence de ma fonction de député et l’idée que je me fais d’elle. Finalement, dans l’approche déontologique de sa fonction, un député n’est pas très différent d’un syndic, d’un pasteur, d’un chef de gendarmerie locale, voire d’un inspecteur fiscal. La plupart du temps, une déontologie liée à la fonction et à la personne — dans l’écrasante majorité des cas intimement liées — est censée prévaloir. A titre personnel, je préfère donc miser sur la personne humaine, sans naïveté, sachant de toute façon qu’aucun filet n’empêchera l’un ou l’autre, ou l’une ou l’autre, de fauter, mais miser encore sur la responsabilité et la confiance, plutôt que de vouloir cadrer, pour ne pas dire « fliquer », l’ensemble des personnes qui ont des responsabilités, à quelque degré que ce soit.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

En entendant les derniers députés qui viennent de s’exprimer, on a le sentiment d’une anarchie… si je vous suis bien, nous ne sommes plus obligés de faire du Code pénal, il n’y a plus d’infractions, puisque tout le monde va bien se comporter, nous sommes tous des citoyens responsables… soyons un peu sérieux ! Nous avons besoin de règles, notamment dans le domaine de la corruption.

J’ai beaucoup de peine à suivre le raisonnement du député Buffat sur l’interprétation de la loi, ce d’autant qu’un règlement la précisera. Je me suis livré à quelques recherches, notamment en France. Certaines dispositions mentionnent les adverbes « directement » et « indirectement », la même chose pour le Code pénal suisse. Par conséquent, je ne comprends pas ce qui vous dérange dans ces termes, qui sont en réalité usuels dans les dispositions qui légifèrent en matière de corruption ou d’avantages illégitimes. J’ai plutôt le sentiment qu’on nous fait un mauvais procès, qu’en réalité, vous ne voulez tout simplement pas de ces règles, parce qu’elles vous dérangent. Or, la société a besoin de ces règles… car, si je suis votre logique, il faudrait abroger totalement le Code pénal ainsi que d’autres lois qui, au nom de la société, imposent des règles. En outre, vous vous êtes suffisamment plaints de la colline du Mormont, du fait que les règles n’étaient pas respectées… il faut arrêter de charrier ! Dans le canton de Vaud, il y a actuellement des exemples de personnes qui sont renvoyées devant les tribunaux pour des questions de corruption ; nous avons besoin de ces règles. Je vous invite à voter ce texte.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise avec une petite majorité.

Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.

L’article 9a est accepté par 81 voix contre 38 et 8 abstentions.

L’article 2, formule d’exécution, est accepté.

Le projet de loi est adopté en premier débat.

Projet de règlement modifiant celui du 29 mai 2007 (RLGC) d’application de la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil

La discussion sur l’entrée en matière n’est pas utilisée.

L’entrée en matière est admise avec une petite majorité.

M. Philippe Ducommun (UDC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Celles et ceux qui acceptent l’entrée en matière votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’entrée en matière est admise avec 82 voix contre 40 et 6 abstentions.

*insérer vote nominal

Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.

Art. 6a.

M. Yvan Luccarini (EP) —

Comme indiqué lors de la discussion d’entrée en matière, nous proposons un amendement à cet article. J’aimerais aussi préciser que j’ai entendu à de nombreuses reprises, lors de cette même discussion, que ce qui était indiqué dans la loi était précisé dans le règlement — ce n’est pas tout à fait le cas. Ce qui y est précisé est la compétence donnée d’édicter une directive. Ainsi, les détails souhaités vont bien être édictés dans une directive, non dans le règlement d’application de la loi — c’est-à-dire que l’organe désigné aura toutes les compétences nécessaires. Il nous paraît d’autant plus important qu’il soit parfaitement représentatif de notre assemblée avec l’ensemble des groupes représentés. Je rappelle que la nécessité que tous les groupes politiques soient représentés au Bureau a été supprimée de la loi, ajoutée dans cadre de la Commission institutions et des droits politiques où tous les groupes doivent être représentés. Nous proposons par conséquent d’inverser la logique et de donner la compétence de cette directive à la Commission des institutions et des droits politiques, puis, dans un deuxième temps, de toujours consulter les présidents de groupe et le Bureau du Grand Conseil.

« Art. 6a. ‑ : Le Bureau du Grand ConseilLa Commission thématique en charge des institutions et des droits politiques édicté une directive en matière de dons, libéralités ou autres avantages liés au mandat de député. Les présidents des groupes politiques et la commission thématique en charge des institutions et des droits politiqueset le Bureau du Grand Conseil sont consultés. »

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice

Il est assez cohérent de confier cette compétence au Bureau, en sachant que l’ensemble des groupes, via leur président, sera ensuite associé à la démarche, au même titre que la Commission des institutions et des droits politiques. La façon de procéder proposée par la commission est cohérente et garantit l’intégration et la participation de l’ensemble des partis représentés au sein de ce Grand Conseil. Je vous propose par conséquent de rejeter cet amendement.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je vous propose aussi de rejeter cet amendement. En effet, je considère que si nous avons un Bureau qui permet justement une vision d’ensemble, la Commission des institutions et des droits politiques ne doit pas être l’organe suprême.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’amendement Yvan Luccarini est refusé par 110 contre 13 et 6 abstentions.

L’article 6a est accepté par 71 voix contre 44 et 11 abstentions.

L’article 2, formule d’exécution, est accepté à une large majorité.

Le projet de règlement est adopté en premier débat.

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice

Je vous propose un deuxième débat immédiat.

M. François Cardinaux (PLR) —

Personnellement, je considère que nous devons digérer ce premier débat et y revenir à une date ultérieure.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est refusé, la majorité des trois quarts n’étant pas atteinte (67 voix contre 50 et 11 abstentions).

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

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