Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 1er février 2022, point 11 de l'ordre du jour

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M. Jean-Luc Bezençon (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Je vous communique la position majoritaire de la commission qui a traité de cette motion. Ont participé à cette séance, hormis les membres de la commission, Mme la conseillère d’Etat Béatrice Métraux, cheffe du Département des institutions et de la sécurité, ainsi que Mme Corinne Martin, cheffe du Service des communes et du logement, et MM. Florian Failloubaz, chef de la Division logement, et Eric Bron, juriste auprès de la même division. Mme Fanny Krug, secrétaire de commission, était chargée de rédiger les notes de séance. J’en profite pour remercier l’ensemble de ces personnes pour leur collaboration.

En préambule, je relève que, selon ses auteurs, la motion devait être traitée de toute urgence pour éviter les problèmes de blocage qui pourraient survenir entre propriétaires et locataires lors de rénovations de bâtiments, ces auteurs jugeant que l’article 6 de la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) était incomplet et pourrait nuire aux rapports entre partenaires concernés. Il est assez cocasse de constater que le traitement en urgence aura finalement attendu jusqu’à aujourd’hui – soit plus de trois ans après la séance de commission – pour être traité. Rappelons au passage que la loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2018, soit voilà quatre ans, à dix jours près. La commission s’est réunie le 8 octobre 2018 et ensuite la motion qualifiée de pressante, ainsi que les rapports établis, a dormi plus de trois ans dans le tiroir des objets en attente de traitement. Il y a fort à parier que cette motion pourrait somnoler encore longtemps sans créer pour autant les problèmes promis à l’époque !

Pour rappel, l’article 6 de la LPPPL instaure un devoir d’information et de consultation des locataires lorsque des travaux de rénovation importants sont prévus dans l’immeuble. Ce droit est essentiel et peut aussi bien profiter aux locataires qu’aux bailleurs, propriétaires ou promoteurs. Cela permet aux locataires de donner leur avis sur les projets et éventuellement de faire des propositions quant à la planification des travaux. Il s’agit, par une consultation ou une information préalable, d’éviter une procédure qui peut aller jusqu’au Tribunal fédéral et bloquer les travaux sur plusieurs années, ce qui n’est dans l’intérêt de personne. Il est en effet toujours mieux de prévenir que de guérir.

Lors de l’élaboration de cette loi, au début de l’année 2017, les débats en plénum avaient déjà fait l’objet de discussions nourries concernant cet article 6. Le motionnaire prétend que le Grand Conseil n’a pas réussi à trouver de formulation satisfaisante sur l’éventuelle sanction à prononcer en cas de violation de cette obligation, et selon lui, c’est à tort qu’il a laissé cet aspect dans le règlement. Il reconnait cependant qu’il était difficile de préciser dans le règlement la procédure à mettre en œuvre. Le texte actuellement en vigueur à l’article 6, alinéa 3, est ainsi libellé :

« Le maître de l’ouvrage ou son mandataire a l’obligation d’informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter lorsqu’il a l’intention d’exécuter des travaux de démolition, transformation ou rénovation d’un bâtiment existant. Il leur expose son projet et les informe de la répercussion probable sur leurs loyers. Il leur impartit au moins un délai de trente jours pour présenter leurs observations et suggestions. »

Notre ancien collègue Jean-Michel Dolivo propose donc un ajout à cet article ainsi libellé : « A réception de ces observations et suggestions, le maître d’ouvrage ou son mandataire les transmet à l’autorité compétente. En cas de violation de cette obligation, celle-ci n’entre pas en matière sur la demande d’autorisation de transformation ou de rénovation. »

Lors de la séance de commission, il nous a été rappelé par la cheffe du département, à l’époque Mme Métraux, que le recul pour mesurer d’éventuelles lacunes ou imprécisions concernant cette loi récente était difficilement mesurable, mais qu’après huit mois d’entrée en vigueur de la loi, la question de l’information ou du défaut d’information n’a pas suscité de problème porté à la connaissance de la Division du logement. Après 48 mois d’entrée en vigueur de la loi en question, le recul semble aujourd’hui largement suffisant pour mesurer d’éventuelles déficiences. Comme déjà évoqués, les libellés – tant à l’article 6 de la LPPPL que son règlement d’application à son article 10, alinéa 2 – introduisent l’obligation d’information préalable des locataires. C’est par souci de simplification administrative que la Commission cantonale consultative du logement n’a pas souhaité un renvoi systématique des documents relatifs à l’information des locataires. Ce point de vue a également été partagé par le Conseil d’Etat. Imaginez l’usine à gaz que nous mettrions en place en acceptant une telle proposition ! Si la transmission des documents en question devenait obligatoire et systématique, ce sont 2000 ou 3000 dossiers que la Division du logement devrait contrôler chaque année, pour des problèmes qui n’existent finalement pas. J’en ai encore eu la confirmation auprès d’un collaborateur du Service du logement qui m’a déclaré que depuis l’entrée en vigueur de la loi – il y a 4 ans – aucun cas d’abus ou de non-respect de l’article incriminé n’était à relever. De plus, en ce qui concerne les sanctions, la LPPPL prévoit déjà, à ses articles 25 et 26, la possibilité d’infliger une amende ou la suspension des travaux.

Lors de la discussion générale, les positions se sont très vite braquées, la minorité cherchant à minimiser ce que représenterait la charge administrative pour les autorités de surveillance et la nécessité de mettre en place une procédure, malgré le fait que les propriétaires malhonnêtes ne soient que très minoritaires, voire inexistants. Pour la majorité des commissaires, toutes les garanties sont réunies et ont pu être vérifiées dans la pratique, comme nous l’avaient expliqué à l’époque Mme la conseillère d’Etat, Mme Métraux et Mme Martin, cheffe du Service des communes et du logement, tout comme MM. Failloubaz et Bron, respectivement chef de la Division logement et juriste de cette même division. Il sera sans doute intéressant d’entendre la nouvelle cheffe du département en question, Mme la conseillère d’Etat Luisier Brodard sur ce sujet. Peut-être aura-t-elle d’autres informations à nous communiquer ? Pour la majorité de la commission, la motion ne ferait qu’alourdir un système qui donne aujourd’hui satisfaction, grâce à une loi qui comporte toutes les cautèles afin de garantir, tant aux locataires qu’aux propriétaires, la sauvegarde de leurs intérêts. En conclusion, la majorité de la commission vous recommande par 6 voix contre 5 et aucune abstention de ne pas prendre en considération cette motion.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

J’ai le plaisir de vous présenter la position des minoritaires de la commission qui m’ont confié le soin de rédiger le rapport que je m’apprête à brièvement vous résumer, tant le rapporteur de majorité s’est montré exemplatif s’agissant de la lecture tout à fait extensive du rapport rédigé il y a 4 ans. Comme l’a expliqué ce dernier, ni la LPPPL ni son règlement d’application ne prévoient de sanctions spécifiques à l’intention du maître de l’ouvrage, dans l’hypothèse où la consultation des locateurs, qui est prévue à l’article 6, n’est pas effectuée. Aucune sanction spécifique n’est prévue si cette obligation n’est pas effectuée ! Pour les minoritaires et contrairement à ce que le rapporteur de majorité a avancé, il n’est pas nécessaire que l’entier du dossier de la consultation soit transmis à la Division logement – un élément repris par le motionnaire lors de la séance de commission et soutenu par les minoritaires.

En commission, la possibilité fut évoquée que, dans le formulaire existant qui est à la disposition des maîtres d’ouvrage afin de requérir l’autorisation auprès des autorités, figure une case que les propriétaires peuvent cocher dans l’hypothèse où ils ont correctement effectué la consultation auprès des locataires. Ainsi, la sanction prévue par la loi qui serait intégrée par le renvoi de cette commission au Conseil d'Etat équivaudrait à ce que l’autorisation ne puisse être délivrée s’il s’avère que le maître d’ouvrage a donné une information erronée ; en d’autres termes s’il avait ainsi menti en déposant sa demande de permis de construire.

Lors des discussions, en tant que minoritaires, nous avons indiqué que cette modification du formulaire était suffisante ; le chef de la Division logement a alors admis qu’il ne s’agissait pas d’une usine à gaz, mais d’une proposition tout à fait gérable. Ainsi, si cela correspondait au souhait du motionnaire, cela serait parfaitement réalisable. Par conséquent, lors des discussions en commission, le motionnaire a proposé de légèrement modifier les conclusions de sa motion, dès lors que la commission accepterait de la soutenir. Le rapporteur de majorité a omis de préciser que ces modifications entraînaient la conclusion suivante : à réception de ces observations et de ces suggestions, le maître d’ouvrage ou son mandataire atteste à l’autorité compétente qu’il a bien effectué une consultation et information ; en cas de violation de cette obligation, l’autorité n’entre pas en matière sur la demande d’autorisation de transformation ou de rénovation.

En tant que minoritaires, nous sommes convaincus que la motion rendrait service à l’administration en lui offrant une base légale suffisante afin de sanctionner préalablement et sans équivoque un éventuel maître d’ouvrage qui faillit à ses obligations légales. Contrairement au rapporteur de majorité, nous estimons que les sanctions prévues aux articles 25 et 26 de la loi sont insuffisantes. En effet, ces dispositions prévoient la possibilité de suspendre les travaux dans l’hypothèse où il y aurait eu une faille ou un non-respect de la loi. Or, pour nous, il n’est pas question d’intervenir au moment de la suspension des travaux, mais plutôt en amont, lors de la délivrance de l’autorisation, afin d’éviter qu’un maître d’ouvrage démarre des travaux et qu’il soit ensuite stoppé dans leur réalisation.

Par conséquent, il est absolument nécessaire que la motion soit renvoyée au Conseil d'Etat afin de permettre la création d’une base légale. Lorsque le rapporteur de majorité affirme que ce cas ne s’est jamais présenté, c’est faux, puisque la motion Dolivo a précisément été déposée parce qu’un cas topique a eu lieu à Lausanne, où un maître d’ouvrage n’a pas consulté les locataires, alors que la loi l’y obligeait.

En conclusion, la motion permet de répondre à un problème pratique en fournissant à l’administration une base légale qui lui permette de refuser de délivrer un permis et ainsi de s’assurer que la toute petite minorité de maîtres d’ouvrage et de propriétaires qui ne respectent pas la loi puisse être sanctionnée. Raison pour laquelle les minoritaires de la commission vous recommandent de prendre en considération cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat. Je me réserve la possibilité d’intervenir en cours de débat pour rectifier tel ou tel propos si cela devait s’avérer nécessaire.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Notre ancien collègue Jean-Michel Dolivo ayant quitté le Grand Conseil, je m’exprimerai à sa place pour vous inviter, bien sûr, à suivre le rapport de minorité et à prendre en considération cette motion. En effet, elle met le doigt sur une problématique importante et bien réelle, à savoir le risque qu’une minorité de propriétaires peu scrupuleux ne consultent pas les locataires avant des travaux projetés dans l’immeuble, alors même qu’une telle consultation est expressément prévue par la LPPPL.

Le droit des locataires à être consultés est d’autant plus important que, comme l’a rappelé Mme Jaccoud, des abus ont eu lieu, ces dernières années, suite à des travaux de rénovation ou de transformation. Ce sont des cas concrets de tels abus qui ont inspiré cette motion à notre ancien collègue, qui est toujours avocat et très actif dans le domaine de la défense des locataires. Ainsi, je considère que le rapporteur de majorité fait preuve de déni par rapport à des problèmes bien réels rencontrés par des locataires.

Ces problèmes ont été favorisés par un contexte de pénurie aiguë de logements dans certaines agglomérations du canton, assortis d’une tentation forte de rénovation et de transformation. Des travaux portant sur des appartements ou des immeubles anciens et souvent peu entretenus, depuis des décennies, mais loués à des loyers raisonnables, visent dans la majorité des cas à la relocation d’appartements rénovés à des loyers très fortement augmentés et ainsi à une très forte hausse du rendement locatif de l’immeuble. Ce contexte de pénurie a pesé, puisqu’il permet aux bailleurs de tenir le couteau par le manche. Parfois, les opérations étaient vraiment spéculatives, dans le sens où elles ne visaient pas à assurer la sécurité, la salubrité ou le confort des appartements loués. Dans certains cas, des locataires se sont vu notifier une résiliation de leur bail, alors que dans d’autres, elles et ils ont dû subir pendant de nombreux mois des travaux difficiles à vivre, avec comme seule perspective une hausse de loyer.

Dans ces conditions, l’obligation de consulter les locataires s’avère particulièrement importante. Dans l’état actuel de la législation et de la pratique, la Division logement de l’Etat de Vaud qui délivre les autorisations relatives à la démolition, transformation ou rénovation de bâtiments n’exige pas que la demande d’un propriétaire soit assortie de la preuve que la consultation préalable des locataires a été effectuée. De plus, comme l’a rappelé Mme Jaccoud, l’Etat ne dispose pas aujourd'hui, dans la LPPPL, d’une base légale pour prendre des sanctions efficaces et rapides dans le cas où l’obligation de consulter n’est pas respectée.

Par conséquent et en conclusion, il nous paraît assez malsain, dans un Etat démocratique, que ce dernier ne dispose d’aucun moyen adéquat pour faire respecter la loi. Dans ces conditions, nous vous recommandons de prendre en considération cette motion qui apporterait une amélioration bienvenue à la LPPPL.

M. Jean-Marc Genton (PLR) —

La motion de notre ancien collègue allait encore plus loin que l’ensemble des règles qui existent déjà, dans la loi et le règlement, en vue de protéger le locataire lors de rénovation d’immeubles. Pour moi, la loi est claire. Je vous épargne une nouvelle lecture de l’article 6, déjà consentie par M. Bezençon. Toutefois, le règlement stipule à l’article 10 que « Le département et la commune peuvent demander au propriétaire qu’il leur communique les démarches entreprises auprès des locataires, notamment une copie des informations ou du courrier type adressé à ces derniers. Lorsque cela s’avère indispensable à l’analyse d’un dossier, notamment sous l’angle de l’appréciation technique des travaux, le département peut requérir du propriétaire qu’il lui communique les réponses reçues des locataires. » Si le locataire se rend compte que cela n’est pas fait, il peut toujours déposer plainte. La loi n’a donc pas à être modifiée par de nouvelles contraintes, trois ans après son entrée en vigueur.

En outre, l’article 260 du Code des obligations prévoit que le bailleur n’a le droit de rénover ou de modifier la chose louée que si les travaux peuvent raisonnablement être imposés aux locataires et que le bail n’a pas été résilié. Ces dispositions prévoient également que, lors de l’exécution de tels travaux, le bailleur doit tenir compte des intérêts du locataire. La motion propose d’instaurer l’obligation pour le bailleur de transmettre à l’autorité compétente les observations et suggestions reçues du locataire en lien avec les travaux de rénovation projetés, et qu’en cas de violation de cette obligation, l’autorité compétente refuse la demande d’autorisation de transformation ou de rénovation. Toujours plus de bureaucratie pour toujours moins de rénovation ! Est-ce cela que vous désirez ? Criez-le haut et fort, mais cessez de dire que la droite ne fait rien pour le climat ! En effet, il faut encourager les propriétaires à assainir les bâtiments qui sont des gouffres à énergie et ne pas les décourager par de la paperasse inutile.

Je me permets encore de demander à Mme la conseillère d’Etat de nous dire si des cas d’abus ont été signalés depuis le traitement de cette motion. Car avant la séance de commission, Mme Métraux avait affirmé qu’il n’y en avait pas. Au nom du groupe PLR, je vous invite à refuser cette motion.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

La motion éclaircit un point sensible de la loi sur le parc locatif en vigueur depuis 4 ans. Le Grand Conseil a voulu que le maître d’ouvrage consulte les locataires avant travaux et leur indique les répercussions des coûts sur les loyers – l’article 6 de la LPPPL. Les débats en commission débouchent sur une solution simple : une coche sur le formulaire adéquat permettra au maître d’œuvre d’attester, à l’intention de la Direction du logement, que l’information des locataires concernés a eu lieu ; la Direction du logement pourra dès lors entrer en matière.

Isoler et assainir les immeubles, qui doivent moins consommer d’énergie, constitue un immense enjeu climatique. Je le souligne également comme co-président lausannois de l’Association suisse des locataires, siégeant au Bureau exécutif vaudois de cette même association. Réussir ces rénovations implique de planifier les travaux, en concertation avec celles et ceux qui habitent le bâtiment et en entendant leurs suggestions. C’est ainsi que nous rattraperons le retard pris pour assainir le parc locatif en termes d’énergie, avec les cofinancements publics forts demandés par plusieurs collègues. Le groupe Vert soutient le rapport de minorité et vous invite à prendre la motion en considération.

M. Jean-Louis Radice (V'L) —

Force est de reconnaitre que la conduite de travaux de transformations ou de rénovations lourdes entrepris dans des immeubles occupés par un ou plusieurs locataires reste une démarche délicate, voire difficile. A cet égard, il est bien normal que, dans de telles circonstances, les locataires soient correctement informés et entendus, comme le prévoit justement l’appareil légal en vigueur. La proposition tendant à renforcer simplement l’application de cette disposition par la modification d’un formulaire ad hoc, comme évoqué par mon collègue Pierre Zwahlen, et l’inscription d’une sanction administrative correspondrait à des mesures de précaution complémentaires qui n’apparaissent pas superfétatoires à l’appréciation du groupe des Libres et ne mettent pas en doute la probité des maîtres d’ouvrage. Pour toutes ces raisons, le petit groupe des Libres soutiendra les conclusions du rapport de minorité.

M. Pierre Volet (PLR) —

Nous devons très rapidement transformer et améliorer le parc immobilier de notre canton, pour des questions énergétiques, de confort, voire d’entretien du patrimoine immobilier. Si nous voulons diminuer la pollution, cela doit s’intensifier. Selon moi, pourquoi alourdir les démarches administratives ? Il est question de 2000 à 3000 dossiers, ce qui correspond peut-être à 2 emplois à temps plein (ETP), car il faudra bien contrôler les dossiers. Alors que, comme cela a été dit, il n’y a pas eu de problème depuis 4 ans ! Je vois très mal un propriétaire entamer des travaux sans avoir au préalable averti et informé ses locataires pour risque de voir ses travaux bloqués par le non-respect de l’article 6, alinéa 3. En effet, cela lui causerait de gros problèmes, voire des frais hors normes, avec des baisses de loyer à la clé qui pourraient être réclamées par les locataires qui n’auraient pu utiliser la chose louée comme due. Selon moi, il n’y a aucun intérêt à accepter le rapport de minorité.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

A l’époque de la LPPPL, j’avais eu beaucoup de sympathie pour cette proposition que j’avais soutenue et qui avait passé la rampe. A la lecture du texte, on ne peut que continuer à éprouver le même sentiment. Toutefois, si nous reprenons l’article 10 du règlement lu par notre collègue Genton, on constate que les outils existent, via cette disposition qui est déjà dans la loi. En relisant les notes des rapports de majorité et de minorité, on observe qu’une proposition a été amenée sous la forme d’une petite coche à ajouter, non contraignante, à laquelle la conseillère d’Etat s’est déclarée favorable. En outre, à l’époque, la responsable des communes, Mme Martin, indiquait qu’il ne s’agissait pas d’une grande charge administrative. Ainsi, pour introduire cette case à cocher, je n’ai pas le sentiment qu’une motion est nécessaire, mais qu’il s’agit plutôt d’une information qui peut mettre la puce à l’oreille du département, le cas échéant. Les outils existent déjà dans le règlement d’application et la nécessité d’information destinée aux locataires est déjà appliquée. La commission a siégé il y a 4 ans, et il serait intéressant que Mme la conseillère d’Etat nous fournisse une information sur le nombre de cas qui auraient failli à ce qui est prévu par la loi.

Ainsi, je suggère que les services de Mme la conseillère d’Etat introduisent cette coche dans le formulaire afin que les propriétaires soient attentifs à l’obligation, sans que cela implique un suivi de remise de documents, afin que le Département applique les lois et les règlements qu’il a lui-même rédigés. En conclusion, je vous invite à suivre le rapport de majorité.

M. Maurice Treboux (UDC) —

Le groupe UDC unanime soutient les conclusions du groupe de majorité, soit le refus de la motion Dolivo. La majorité des commissaires a été rassurée par les déclarations des représentants des services de l’Etat. Plus pragmatiquement, la Division logement s’est montrée favorable à l’ajout d’une ligne sur le formulaire de demande n°54. En effet, il s’agirait d’une case à cocher par le propriétaire confirmant qu’il a fait le nécessaire concernant l’information aux locataires. De plus, le propriétaire devra fournir la copie de la lettre d’information aux locataires. Ces dispositions nous paraissent suffisantes pour garantir le strict respect de l’article 6 de la LPPPL et de l’article 2 du règlement d’application.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je me permets de rappeler mes liens avec les milieux de l’immobilier, siégeant au Conseil d’administration d’une régie immobilière intercantonale, d’une part, et présidant un Conseil de fondation d’utilité publique sur le logement, d’autre part.

D’abord, quant à la question du contournement de la loi, dans la fondation que je préside et qui dispose d’une trentaine d’immeubles dont les loyers sont entre 20 et 30 % moins chers que sur le marché libre, il est procédé à des rénovations sans augmentation de loyer, les locataires sont informés et cela se passe très bien. Je ne comprends guère l’idée sous-jacente qui consiste à dire que l’on tord la LPPPL, car il faut aller complètement à l’envers du bon sens pour ne pas informer les locataires, car c’est le meilleur moyen pour se retrouver avec des procès. Même si Me Dolivo dit que certains essaient de contourner la loi, vous parvenez vite à la conclusion que vous auriez mieux fait d’informer les locataires. Que la loi le dise ou non, cela reste une évidence : il faut le faire si on souhaite éviter des difficultés.

Comme notre collègue Schaller l’a dit à juste titre, nous avons déjà mené ce débat récemment, dans le cadre de la LPPPL ; le débat avait déjà porté sur l’amendement Dolivo et les observations relayées par les rapports de minorité. Finalement, une loi différente fut adoptée. Nous pouvons bien nous donner du travail tous les 4 ans pour modifier et faire revoter le peuple ! Mais, à nouveau, cette LPPPL fut validée par le peuple, puisqu’il y eut référendum. Cela me paraît dangereux de modifier l’équilibre d’une loi. En ce qui me concerne, je l’avais soutenue.

Ensuite, il s’agit de lire le texte de la motion. L’aspect « aider, améliorer » est toujours possible ; j’en suis parfaitement conscient. Toutefois, il est dit : « à réception de ces observations et suggestions, le maître d’ouvrage ou son mandataire les transmet à l’autorité compétente en cas de violation ». C’est une procédure d’une complexité dingue ! Vous souhaitez que les locataires amènent des observations ? Je peux vous dire ce qui va se passer : entre eux, les locataires ne seront déjà pas d’accord sur le comment et le quoi. Il s’agira donc de trier les remarques majoritaires et il faudra peut-être organiser des assemblées de locataires pour savoir lesquels sont d’accord avec la rénovation du toit et lesquels considèrent qu’il faudrait plutôt isoler la dalle au-dessous du toit ! Bon voyage pour parvenir à des solutions ! Ensuite, le texte proposé ne nous dit pas quelle est la teneur de ces observations et suggestions. Faut-il ou non en tenir compte ? S’il s’agit simplement de constater les observations des locataires puis de les mettre dans un tiroir ? Tout cela me semble parfaitement inutile.

Finalement, la situation ne me paraît absolument pas tordre le droit des locataires, car ils peuvent se manifester par toutes les dispositions du Code des obligations. Une coche ou ce qui figure dans le règlement suffit largement. Le traitement des observations des locataires amène des complications extrêmes. Et, finalement, que se passera-t-il ? Il n’y aura pas de travaux, pas d’assainissement, pas de modifications ; toute la rénovation énergétique des bâtiments en pâtira sans que les intérêts des locataires ni les intérêts du bailleur soient mieux défendus. On dit parfois « win-win », mais ici il s’agit d’une proposition « lose-lose » pour toutes les parties.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je décline mes intérêts de propriétaire d’une entreprise d’installation électrique à Lausanne et de propriétaire immobilier. En tant que professionnels de la construction, nous intervenons souvent dans les immeubles à rénover et, à chaque reprise, les propriétaires sont attachés à respecter la loi. Des séances d’information à l’égard des locataires sont systématiques comprenant des éléments sur la durée, le planning et les nuisances dues aux travaux. Je serais très intéressé qu’on nous communique le nombre d’infractions connues à ce jour ; elles sont très certainement épisodiques. En outre, la LPPPL est entrée en vigueur il y a relativement peu de temps et nous devons la laisser faire ses preuves.

Comme beaucoup d’autres propriétaires, j’ai beaucoup de respect pour mes locataires : c’est un minimum. Il est bien clair que des travaux urgents tels que le remplacement de la chaudière, le chemisage de la cheminée, l’installation d’interphones, etc. ne nécessitent pas, à mon avis, de longues discussions ; une lettre d’information suffit.

En conclusion, l’immense majorité des propriétaires est correcte et soucieuse du bien-être de ses locataires. Vouloir ajouter une couche en acceptant la motion Dolivo ne servirait qu’à alourdir les démarches administratives déjà suffisamment contraignantes, raison pour laquelle le PLR vous invite à suivre le rapport de majorité et à refuser la prise en considération de cette motion.   

Mme Jessica Jaccoud (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

J’aimerais réagir relativement à quelques points. D’abord, il s’agit de ne pas confondre règle et sanction, car la règle selon laquelle le propriétaire ou le maître d’ouvrage doit consulter les locataires est déjà inscrite dans la loi, et j’ai cru comprendre par les différentes interventions que cet élément n’était pas contesté ; cela me réjouit. Par conséquent, il n’est pas question de débattre ce point, mais plutôt de savoir si l’absence de consultation par un propriétaire ou un maître d’ouvrage doit être sanctionnée par un refus d’accorder l’autorisation demandée par le propriétaire. Il s’agit uniquement de ce point.

Aujourd'hui, nous possédons une règle, mais pas de sanction imposée, hormis celle un peu bancale – que je mentionnais tout à l’heure – de la suspension des travaux. Messieurs –  je vous prie de m’excuser de ne pouvoir dire « mesdames et messieurs » – qui représentez les milieux immobiliers dans cet hémicycle, vous conviendrez qu’il vaut mieux éviter qu’une autorisation soit donnée et que les travaux démarrent, plutôt que laisser démarrer les travaux pour ensuite les suspendre. Vous conviendrez aussi que la règle existe déjà et qu’il s’agit uniquement de déterminer si une sanction doit être intégrée dans le dispositif légal. J’entends de la part de M. Buffat qu’il n’est pas question de modifier la LPPPL, sacralisée par un vote populaire ; je pars par conséquent du principe que son groupe refusera notamment la motion Jobin qui vise précisément à modifier cette loi et à réduire les droits des locataires.

Enfin, notre appareil législatif est rempli de règles et de sanctions qui ne s’appliquent quasiment jamais. Il y a finalement très peu de fabricants de fausse monnaie dans notre pays ; la disposition qui s’y rapporte est peu souvent reprise par nos tribunaux et les sanctions y afférentes sont fort peu souvent prononcées : ce n’est pas pour autant que la règle et la sanction n’existent pas dans le Code pénal. Par conséquent, même si les cas peuvent être rares, je vous invite à adopter une sanction afférente à l’obligation légale des maîtres d’ouvrage de consulter les locataires.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Conseiller-ère d’Etat

Au nom du Conseil d'Etat, je vous invite à rejeter cette motion et, compte tenu du ton des débats, à éviter de déclencher une guerre qui n’a pas lieu d’être entre locataires et propriétaires de ce canton. Nous avons d’autres conflits à gérer qu’une guerre au niveau du logement, domaine dans lequel la sérénité et la bonne volonté sont nécessaires.

D’abord, cela a été rappelé, au moment de la consultation sur le règlement lié à la LPPPL, la Commission consultative liée au logement avait elle-même préconisé de ne pas créer une usine à gaz ni une surenchère par rapport aux documents devant être examinés au niveau administratif. C’est d’autant plus vrai aujourd'hui par rapport au nombre de cas concernés après quatre ans d’application de la loi ; cette loi n’est évidemment pas sacralisée, mais elle déploie aujourd'hui ses effets. En quatre ans, nous avons eu affaire à trois cas, dans lesquels nous avons pu suspendre la procédure jusqu’à ce que nous soyons assurés que le locataire ait été consulté. Je vous enjoins à ne pas imaginer une prise en considération d’un texte qui viendrait régler un problème qui n’a pas lieu d’être et qui est aujourd'hui traité différemment.

Aujourd'hui, l’envoi systématique, dans tous les cas, d’un nombre massif de documents à la Division logement, alors même que le nombre de cas est très faible et que nous avons trouvé des solutions pragmatiques en la matière, est une solution qui ne se justifie pas. Mesdames et messieurs les représentants des locataires et des propriétaires, mesdames et messieurs les représentants de l’ensemble du canton de Vaud, nous sommes capables d’adopter des solutions pragmatiques. Depuis moins d’une année, soit depuis mars 2021, le formulaire a déjà été modifié – et nous voyons ainsi à quel point il s’agit d’un élément qui ne suscite pas énormément de réactions puisqu’il est déjà mis en œuvre. Il me semble qu’il s’agit du point de base. Vous demandiez une solution pragmatique : elle a été mise en œuvre. En effet, la coche existe déjà dans le formulaire. Lorsque des travaux sont prévus, nous demandons que la case soit cochée pour indiquer qu’une information systématique est assurée. Depuis cette introduction, un seul cas d’absence d’information a été déploré ; la procédure a été interrompue jusqu’à ce que l’information aux locataires ait lieu.

Par conséquent, nous avons répondu à la demande de manière pragmatique et sans engorgement administratif de nos services. Il nous paraît que le changement apporté à ce formulaire, appelé par les vœux du motionnaire, était la réponse appropriée, ne créant pas d’usine à gaz et elle n’a pas fait l’objet de discussions ou de remise en question depuis sa mise en œuvre. En conclusion, pour tous ces motifs, je vous invite à rejeter cette motion.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 76 voix contre 55.

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