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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 29 mars 2022, point 17 de l'ordre du jour

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Texte adopté par CE - R-CE INT Epars 21_INT_99 - publié

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Olivier Epars —

Je remercie le Conseil d’Etat pour ses réponses données dans les temps ! Hélas, il en manque une, mais il est vrai qu’elle concernait un autre département ; nous y reviendrons peut-être plus tard dans la journée. J’ai déjà déclaré mes intérêts de propriétaire d’alpage lors du point précédent à l’ordre du jour. La rapidité de la réponse apportée à un sujet aussi brûlant montre qu’après avoir été quelque peu débordé par la rapidité du développement du loup, au début, le Conseil d’Etat a fini par rattraper le loup par toutes les mesures et actions qu’il a entreprises. On l’a bien vu et cela a bien été expliqué par Mme la conseillère d’Etat et je ne tiens pas à y revenir. Les actions sont multiples.

De nouveaux événements se sont produits depuis la rédaction des réponses, parmi lesquelles je vois des choses positives. Je ne sais pas si vous connaissez l’Association OPPAL, qui emploie des bénévoles pour gardienner les troupeaux, jusqu’ici en Valais et pour les moutons. En 2021, 8000 heures de gardiennage ont été effectuées sur des alpages ovins, et ces alpages n’ont connu aucune attaque de loup. Je pense donc que c’est un très bon moyen pour assurer la sécurité des troupeaux ovins. Maintenant, OPPAL a envie d’étendre son activité sur le canton de Vaud et, à ce jour, il est déjà soutenu financièrement par le WWF alors que ProNatura est en train d’en discuter. Je crois savoir que le Conseil d’Etat a aussi ouvert sa porte à cette association. J’estime que cela va encore se développer et je ne peux que le saluer parmi le panel des solutions à trouver pour assurer la cohabitation.

Il y a aussi une mesure toute récente de la Confédération. Nous parlions de gros sous et, évidemment, le problème pour les agriculteurs de métier – contrairement à moi – est que la Confédération a augmenté les montants auprès des alpagistes par unité de gros bétail (UGB). Jusqu’à maintenant, les agriculteurs qui avaient un alpage – les amodiataires – recevaient 400 francs par UGB alors que le propriétaire du bétail en recevait 370. Dès cette année, la part du propriétaire du bétail reste la même, mais pour les alpagistes, on passe à 600 francs, soit la somme que les propriétaires d’alpage reçoivent pour y mettre une UGB. Avec ces 200 francs de plus, il me semble que l’on peut facilement avoir un berger, ce qui est trop peu le cas actuellement – et un berger qui sera formé. Ce sont là des choses concrètes qui ont encore été ajoutées tout récemment.

Pour moi et contrairement à certains, le loup n’est pas une vache sacrée. Clairement, j’estime qu’il est de temps en temps nécessaire d’en tirer, mais je souhaite que cela soit fait uniquement en termes d’efficacité par rapport à la diminution de la prédation sur les troupeaux. Concernant le loup qui vient d’être tiré, j’en doute quelque peu et je crois que d’autres objectifs étaient visés.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. José Durussel (UDC) —

Notre collègue Epars nous a dit avoir un alpage sur France et ne pas être exploitant – c’est bien ; il explique bien ce qu’il fait. Mais contrairement à nombre de collègues assis autour de moi, il ne sait pas ce que c’est que de s’occuper d’un alpage. Cela va d’ailleurs débuter ces jours prochains. On commence par voir ce qui s’est passé pendant l’hiver, car l’entretien est un immense travail. Souvent, on doit s’atteler à refaire les clôtures pour éviter – c’est la première clôture – que nos animaux s’éparpillent n’importe où et aillent trouver les voisins et voisines, etc. Car c’est le but des parcages. Alors, je dis que parmi les dix mesures édictées – bien sûr qu’il en faut et que certaines sont intéressantes –, on se moque un peu des bergers, des amodiateurs et des gens qui s’occupent de nos troupeaux en montagne. Ainsi que je l’ai déjà répété lors de plusieurs interventions, y a-t-il une activité plus écologique que la garde d’animaux sur un alpage durant l’été ? S’il y en a une, dites-le-moi ! Ce sont nos arrière-grands-parents et leurs parents qui ont créé la biodiversité de montagne ! Et cela va perdurer. Or, il est vrai qu’elle est actuellement mise à mal avec l’arrivée de cet animal.

Analyse de vulnérabilité ! On va détecter peut-être entre sept et dix alpages sur les 1049 que Mme la conseillère d’Etat a cités. Rendez-vous compte : plus de mille alpages ! Tout à coup, le loup est peut-être sur deux ou trois alpages et on fait le nécessaire sur ces alpages, c’est bien. Mais c’est un animal bien plus malin que l’homme et il va se déplacer et trouver facilement de la nourriture sur tout le territoire, si nécessaire. On n’en a pas encore autour du Creux-du-Van, mais je pense que c’est pour cet été, c’est sûr.

Personnellement, je suis donc tout de même réservé quant à toutes ces mesures. C’est bien qu’elles soient mises en place, madame la conseillère d’Etat ; je ne le conteste pas. Mais mon inquiétude est qu’à moyen terme, ces mesures deviennent plus ou moins obligatoires pour que l’éleveur touche des rémunérations en cas d’attaque sur ses animaux. Je m’inquiète des frais qui seraient demandés de cet éleveur ne serait-ce que… Ecoutez bien, mesdames et messieurs, et imaginez. L’été passé, du côté de l’Hongrin, une jeune éleveuse s’est retrouvée deux matins de suite devant une attaque de ses moutons. Certains étaient encore vivants et elle a dû les achever sur place, ce qui n’est pas du tout joli ni à voir ni à faire. Mais après, ce n’est pas fini ! Une fois l’animal abattu ou déjà tué par le loup, il faut encore le descendre au clos d’équarrissage, ce qui prend pratiquement une journée pour une personne, depuis le Pays d’Enhaut, depuis le fond de la Vallée, ou depuis le Chasseron etc., cela représente déjà plus d’une demi-journée d’occupation qui n’est jamais payée, jamais rémunérée alors que ce n’est pas du joli job !

Quant au renforcement du mandat de M. Landry, je veux bien. Mais tout de même, M. Landry, qui est un éthologue et un biologiste réputé, semble-t-il, a été surpris, l’année passée, de voir qu’il y avait une deuxième meute à la Vallée de Joux ! Mais alors quand même ! Qui est le spécialiste ? Il faudrait savoir ! Si l’on est surpris… Qui sera surpris de voir une meute s’étendre sur le Chasseron ou à la Cote aux fées ? Là, j’ai un peu de peine ; je suis désolé de le dire, mais si c’est votre job, alors vous faites votre job.

Et pour terminer, l’usage de chiens a déjà été expérimenté et c’est très compliqué. Les chiens sont dressés pour attaquer le loup, donc ils attaquent tous les petits caniches qui se promènent avec Madame et Monsieur, c’est clair. Cela ne va pas changer, on ne va pas pouvoir changer leur mentalité et leur attitude tout de suite ! Ce n’est pas possible, en plus d’être extrêmement coûteux. Les chiens de protection coûtent cher et ne sont pas faciles.

M. Nicolas Bolay (UDC) —

J’aimerais revenir sur quelques termes utilisés par M. Epars. Déjà, avec son alpage en France, il a droit aux aides européennes au niveau des paiements. Il ne faut donc pas dire qu’il ne touche rien du tout ! Il touche moins que les Suisses, on est d’accord, mais il a droit à des aides. Ensuite, concernant les 200 francs supplémentaires dont il nous a parlé, en tant qu’exploitant, je n’ai aucune information sur ce sujet. Je sais que c’est une proposition qui a été faite par Prométerre, qui nous dit « prenez un peu plus pour monter vos bêtes à l’alpage et quand il y aura une attaque sur vos bovins, vous fermez votre bouche et mettez la bête au creux d’équarrissage. » Cette proposition n’est donc absolument pas soutenue par les éleveurs !

Concernant les bénévoles qui travaillent en Valais et effarouchent le loup pendant la nuit, j’ai vu le reportage présenté dans l’émission Mise au point et je trouve cela très bien. Mais pour couvrir tous les alpages concernés par la présence du loup, ce ne sont pas 8000 heures, mais peut-être 800'000 heures qu’il faudrait ! Je vous laisse donc trouver les bénévoles qui feront du travail de nuit en permanence, tout l’été. En été, quand on est au bord de la mer, il fait beau et chaud, mais à l’alpage, il y a souvent encore du gel, de la neige et ce n’est pas tous les jours agréable ! Et puis, cela va pour les moutons, mais quand vous approchez des troupeaux de bovins, la nuit, avec des lampes de poche, il y a beaucoup plus de risques d’attaques. Par conséquent, il faudra encore adapter la protection des bénévoles qui devront être formés au comportement bovin, etc. Donc encore une fois, il s’agit de mesures qui seront longues à mettre en place.

M. Olivier Epars —

J’aimerais m’expliquer. Je n’ai jamais dit que je ne touchais rien pour mon alpage ! Il s’agissait de la problématique du loup. Il est clair que j’ai des paiements européens pour d’autres choses, mais pour le loup, je ne touche rien, contrairement aux Suisses. Quant à OPPAL, il est clair que le bénévolat ne pourra pas continuer, puisque les surfaces sont trop vastes. C’est pour cela qu’ils cherchent à professionnaliser leurs structures, en l’occurrence. Et ma foi, si les éleveurs ne sont pas d’accord avec les 200 francs de plus… J’ai dit que l’on pouvait les investir ; je ne parlais pas de juste fermer sa gueule ! Il s’agit de les investir pour protéger les troupeaux et j’estime que c’est un pas dans la bonne direction.

M. Eric Sonnay (PLR) —

J’aimerais réagir au sujet de la protection des troupeaux et de ces parcs dans lesquels vous voulez investir, que vous voulez créer pour protéger les veaux sur les alpages. Or, pour faire un parc pour protéger les veaux la nuit, on est obligés d’y mettre aussi les mères. Imaginez-vous un parc pour protéger ces animaux pendant quatre mois pendant lesquels il pleut, il fait beau et qu’il y a du soleil, mais aussi la nuit ? C’est impossible ! Ces parcs sont trop petits, on abime toute l’herbe et cela devient de la terre et lorsqu’il pleut, vous n’imaginez pas la pollution qu’il peut y avoir. OPPAL font des essais en Valais, où tous les soirs, on rentre les troupeaux de moutons dans des parcs. On va chercher les moutons dans les alpages et ils font des kilomètres tous les jours pour être réceptionnés dans les parcs. Au bout du deuxième ou du troisième mois, imaginez un peu ! C’est de la boue et ce n’est plus de la nature ! Alors si c’est cela la biodiversité, j’ai un sérieux souci.

Quand vous formez des gens pour travailler dans les alpages et qu’il y a le stress des animaux et le stress des gens, qui va former ces gens ? Seront-ils aussi formés par le stress dû au fait de voir des prédateurs qui débarquent ? Non, mesdames et messieurs ! Chaque humain est peut-être différent, mais chacun d’eux est sensible au stress des animaux. Aujourd’hui, je crois que personne dans notre pays ne peut se dire que l’on va former des gens pour gérer des troupeaux. Alors, j’espère quand même que vous pensez un peu. Nous ne sommes pas habitués à cela, il n’y a rien à faire. Je crois donc que l’on doit absolument limiter les loups. Je ne suis pas pour les interdire, car je suis aussi pour la nature et pour laisser quelques loups, mais limiter les loups est la principale chose que l’on puisse faire aujourd’hui.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

J’ai évidemment le plus profond respect pour tout ce qui se dit à propos des loups et je pense surtout au chagrin que les agriculteurs ressentent quand il manque quelques brebis et autres dans leurs troupeaux. Vous me pardonnerez ce que je vais dire maintenant, mais c’est une forme de phantasme. Sachant que l’on se plaint tout le temps des dégâts faits par les sangliers, pourrait-on imaginer une manipulation génétique du loup pour lui faire manger les sangliers ? (Rires.) Cela mettrait déjà un premier baume au cœur de ceux qui souffrent des dégâts des sangliers. Car c’est finalement là le rôle du prédateur : manger ceux qui dérangent. (Brouhaha.)

M. Olivier Epars —

Cela tombe bien, car je suis opposé aux manipulations génétiques : vu que le loup est déjà le prédateur du sanglier, il n’y a pas de souci. C’est d’ailleurs pour cela que… Mais je préfère me taire sans quoi cela va relancer le débat.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d’Etat

Très brièvement, nous avons été en effet approchés par l’Association OPPAL et nous en discutons ici. L’un d’entre vous a dit qu’il y avait un certain nombre d’alpages et que les bénévoles ne suffiront pas. Il faut donc trouver d’autres solutions, mais on les trouvera.

A entendre vos débats, on ne sait pas très bien ce que veulent les agriculteurs. Nous avons dressé toute une liste de propositions. Alors oui, les parcs présentent des inconvénients techniques, mais on peut les résoudre. Il y a l’effarouchement ; il y a la prise en charge de la bête prédatée ; il y a un accompagnement par un berger ; il y a le service civil ; il y a la Fondation Esprit. Nous faisons un certain nombre de propositions, mais j’ai l’impression qu’elles ne sont pas très bien accueillies de la part des agriculteurs qui voudraient peut-être voir la population des loups éradiquée. Mais cela n’est pas possible ! Je ne sais plus qui l’a dit, mais le loup est extrêmement malin ; il s’est installé dans le canton de Vaud et il y restera. Nous devons donc absolument mettre en place la cohabitation et c’est bien ce que le Conseil d’Etat cherche à faire. La cohabitation passe par le tir de régulation et j’assume complètement les décisions prises à ce sujet. Mais cela passe aussi par certaines des mesures que l’on vous propose, alors merci de leur faire tout de même bon accueil.

Il a été question de la proposition de Prométerre de verser 200 francs, en des termes assez peu choisis, je dois dire. A la Direction générale de l’environnement (DGE), nous n’avons pas la base légale pour le faire. Nous avons donc averti l’association Prométerre et d’autres associations d’éleveurs que cette proposition ne pouvait pas entrer dans le cadre des mesures que la DGE propose de réaliser et il faut plutôt regarder du côté de la réglementation agricole. J’ai la base légale pour indemniser les bêtes prédatées, pour trouver des mesures d’accompagnement et aussi pour financer un préposé aux troupeaux, ce que j’ai déjà fait. Nous avons vraiment utilisé et interprété au maximum nos bases légales pour aider les éleveurs et agriculteurs. En effet, je le répète : ce qui est important, c’est aussi de défendre les éleveurs et agriculteurs qui font un travail très important sur ces pâturages boisés. Ainsi, le Conseil d’Etat choisit la voie du milieu avec des tirs de régulation, il prône la cohabitation et propose des mesures aux agriculteurs et aux éleveurs. J’espère que ces mesures seront mises en œuvre rapidement, pour le prochain estivage.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

 

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