Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 16 mars 2021, point 27 de l'ordre du jour

Texte déposé

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Documents

Rapport de commission - Lutter contre la pauvreté

Objet et développement

Transcriptions

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M. Felix Stürner (VER) —

D’emblée, la motionnaire insiste sur le fait que son objet touche l’ensemble des citoyens et des citoyennes du canton. Plus spécifiquement, elle estime qu’il est extrêmement important de casser la chaîne générationnelle de la pauvreté, notamment chez les enfants. Dans cette perspective, la motion a été élaborée en collaboration avec le Centre social protestant (CSP) et Caritas qui ont d’ailleurs demandé très récemment la création d’un observatoire cantonal de la précarité, et ce, afin de prévenir que des milliers de personnes ne se retrouvent dans une situation difficile. Selon les chiffres de ces deux organismes susmentionnés, 10 % de la population vaudoise était considérée comme pauvre avant la crise sanitaire. Les conséquences économiques qui vont en découler ne feront qu’augmenter ces chiffres. A cet égard, la première vague de la pandémie a amené Caritas à aider de nombreuses personnes qui n’avaient jamais sollicité de soutien jusque-là. Bien qu’un certain nombre de mesures aient été prises par le canton, la motionnaire juge qu’elles ne suffisent pas à répondre à tous les cas de figure et relève qu’environ 30 % de la population ne demande pas les prestations sociales auxquelles elle aurait pourtant droit. En cause, la méconnaissance des droits, la honte, les démarches administratives trop compliquées et bien d’autres raisons.

Pour ces différents éléments, la motionnaire souhaite qu’une politique cantonale coordonnée soit mise en place, avec une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Une telle stratégie permettrait d’améliorer, de renforcer et de développer un ensemble de programmes dont le détail est mentionné dans le rapport de la commission. En dernier lieu, elle pense qu’il est également impératif de se doter d’un outil qui mesurerait systématiquement et périodiquement l’ampleur et l’évolution de cette problématique dans le canton au moyen d’un monitorage ou d’un observatoire, comme déjà mentionné, qui tiendrait compte de l’ensemble des personnes en situation de précarité.

La conseillère d’Etat nous répond que, depuis une quinzaine d’années, différentes mesures de politique publique, dont le détail figure également dans le rapport de la commission, ont été mises en place. Le canton s’est donné pour mission de lutter contre la pauvreté. A ce titre, plusieurs dispositifs ont été introduits en se basant notamment sur l’article 40 de la Loi sur l’action sociale vaudoise qui permet de fonder légalement les démarches de prévention dans le domaine de la pauvreté et de financer des projets pilotes. En outre, la conseillère d’Etat relève le travail effectué sur le terrain par les associations subventionnées par le canton, ou par le biais de la facture sociale, et qui offrent une multitude de prestations spécifiques pour répondre aux besoins des populations précarisées ou vulnérables. De plus, la Direction générale de la cohésion sociale fédère toutes les activités de politique sociale et médico-sociale dans le canton, et ce, dans un objectif d’égalité de traitement de la population. Le Département de la santé et de l’action sociale se coordonne étroitement avec le Département de l’économie, de l’innovation et du sport, en particulier le Service de l’emploi, pour tout ce qui touche l’insertion des chômeuses et des chômeurs de longue durée, mais également avec le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture en ce qui concerne la politique de formation pour les personnes défavorisées. L’objectif est donc de pouvoir développer à terme l’appui social populationnel sur l’ensemble du territoire, en permettant une meilleure coordination et intégration des différents acteurs publics ainsi que des privés. Il convient également de faire mention de la santé communautaire, à savoir les centres médico-sociaux et les associations actives dans le soutien, notamment aux proches aidants - Pro Infirmis, Pro Senectute ou le Groupe d’accueil et d’action psychiatrique (GRAAP), par exemple.

S’agissant du monitorage, les exigences et demandes contenues dans la motion sont pour la plupart remplies, puisque le département possède déjà certains indicateurs. Ces différents éléments amènent la cheffe du Département de la santé et de l’action sociale à considérer que le canton de Vaud dispose d’ores et déjà d’une stratégie de lutte contre la pauvreté, laquelle est par ailleurs en constante évolution et adaptation aux besoins. Dès lors, elle ne voit pas très bien en quoi l’élaboration d’un décret ou d’un projet de loi viendrait appuyer tout ce qui est déjà mis en œuvre, étant donné que le canton possède déjà plusieurs bases légales. Elle se dit favorable à ce que cette motion soit éventuellement transformée en postulat, puisque le Conseil d’Etat serait disposé à présenter, d’ici la fin de la législature, un rapport sur le phénomène du non-recours aux principales prestations sociales. Enfin, un nouveau rapport social pourrait être rédigé d’ici la mi-législature 2022-2027.

Du côté de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), il est encore précisé que, en termes de monitorage et de suivi, chaque régime bénéficie d’outils lui permettant d’obtenir de l’information pour lui-même. La difficulté réside plutôt dans le fait de pouvoir faire en sorte de croiser ces informations avec les autres régimes. Il convient donc que ces bases de données puissent se parler, mais cela reste extrêmement technique et complexe, puisqu’il faut être certain que la bonne valeur est mesurée.

S’agissant de la question du non-recours aux prestations, la situation est également complexe. En effet, certaines personnes sont informées par les autorités fiscales du fait qu’elles pourraient être éligibles à un subside au vu du revenu inscrit dans leur déclaration d’impôts. Néanmoins, il s’avère que le taux de demande et de réaction est inférieur à 30 %. C’est la raison pour laquelle il serait opportun d’effectuer des enquêtes auprès de ces personnes pour comprendre leurs raisons : méconnaissance, oubli, crainte, etc.

Au cours de la discussion nourrie, deux tendances se sont dessinées, comme souvent dans la Commission thématique de la politique familiale (CTPOF). La première juge que le filet social est assez fin pour répondre à tous les cas de figure. Au contraire, la deuxième estime qu’il faut encore renforcer et développer un certain nombre de mesures. Dans ce sens, des précisions sont souhaitées quant au faible taux de retour relatif aux demandes de subsides. A cela s’ajoute le fait que la formation des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux pourrait être améliorée ou encore des questions relatives au travail au noir. Au terme des débats, le directeur de la DGCS insiste sur le fait qu’il n’existe actuellement aucune indication quant au faible taux de réponse relatif aux demandes de subsides. En ce sens, l’administration va initier une démarche qui vise à crédibiliser et à solidifier l’analyse du non-recours.

A l’issue de la discussion générale, la motionnaire annonce formellement aux membres de la commission sa volonté de transformer sa motion en postulat. La commission recommande au Grand Conseil de renvoyer au Conseil d’Etat cette motion transformée en postulat par 11 voix contre 2 et aucune abstention.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Nathalie Jaccard (VER) —

Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je travaille à l’Association Lire et Ecrire et j’ai travaillé plus de 15 ans à l’Association des Familles du Quart-Monde, ainsi que dans diverses activités bénévoles. Le CSP Vaud — qui tenait d’ailleurs une conférence de presse ce matin sur l’augmentation de la pauvreté et les effets sociaux de la pandémie — et Caritas estiment que, avant la crise sanitaire et ses conséquences, environ 10 % de la population vaudoise se trouvait en situation de pauvreté. On peut craindre que, dans la situation actuelle, les conséquences économiques qui se profilent déjà provoqueront de gros dégâts et feront gonfler les statistiques. Une récente étude de l’EPFZ confirme le creusement du fossé des inégalités : les ménages les plus modestes ont connu une baisse de 20 % en moyenne de leurs revenus, contre une baisse de 8 % pour les ménages les plus aisés. Par ailleurs, 39 % d’entre eux ont puisé dans leurs économies pour faire face aux dépenses courantes. Plus on est pauvre, moins on a accès à la formation, aux services de santé, à la sécurité, à l’adoption de bonnes habitudes de vie, à des environnements physiques et sociaux sains, à la culture, etc. La pauvreté contrevient au développement social qui préconise un développement économique inclusif, durable et intégré, ainsi qu’à l’amélioration de la capacité des citoyens à développer leur potentiel à participer à la vie citoyenne. Les aides financières sont essentielles, mais ne suffisent pas pour lutter efficacement contre ce fléau. Les masques de la pauvreté ont différentes formes et des provenances diverses. 70 % des personnes qui font appel au CSP travaillent. L’aide alimentaire est aussi demandée par des personnes qui ont une situation professionnelle, ainsi que par des personnes qui ont quelques biens et qui, par conséquent, n’ont pas droit aux aides sociales étatiques. Sans oublier les familles monoparentales et celles qui ont hérité de la pauvreté à travers les générations et tant d’autres situations qui ont amené les individus à se retrouver en grande difficulté. Ainsi, il est fondamental de mieux comprendre et appréhender les raisons qui ont amené à une situation de précarité, afin de pouvoir y remédier et trouver des solutions pour agir directement sur les causes. Notamment pour les enfants, il est important de casser la chaîne générationnelle. Pour ce faire, il est également important que l’ensemble des acteurs, tant étatiques qu’associatifs, actifs dans ce domaine puissent échanger et croiser leurs expériences, constats et propositions pour améliorer la situation.

Comme le signale le rapport de la commission, le canton de Vaud propose un ensemble de mesures pour venir en aide aux personnes en situation de précarité, mais ces mesures sont insuffisantes. Constatant que 30 % de la population ne demande pas les prestations sociales auxquelles elle a pourtant droit, il est donc essentiel que ce qui est mis en œuvre soit rendu plus visible et accessible — ce que reconnaît d’ailleurs le Conseil d’Etat. Afin de laisser la marge de manœuvre demandée et plus de latitude au Conseil d’Etat, comme annoncé en commission, je transforme cette motion en postulat, souhaitant vivement la prise en compte de mes propositions, telles que :

-        des mesures pour un accès facilité à des programmes de formation, de rattrapage et à la formation continue ;

-        un meilleur accompagnement de la détection précoce ;

-        un développement des échanges pour tester les approches innovantes ;

-        des recherches de pistes pour une formation plus efficiente des travailleurs sociaux ;

-        le développement d’actions pour aider les ménages à retrouver leur autonomie ;

-        la simplification de l’accès aux aides, par exemple en recourant à l’octroi automatique de certaines prestations ;

-        la facilitation de l’accès à l’information et à l’orientation.

Par conséquent, je vous encourage à soutenir ce postulat et à le renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Nicolas Bolay (UDC) —

Comme présenté en commission, un filet de couverture sociale et beaucoup d’autres projets sont déjà en place. Accepter ce postulat ferait doublon, donc du travail administratif supplémentaire pour les services.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 70 voix contre 60 et 2 abstentions.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est soutenue par au moins 20 députés.

Si vous acceptez la prise en considération de ce postulat vous votez oui ; si vous la refusez, vous votez non. Les abstentions sont possibles

Au vote nominal, le Grand Conseil prend le postulat en considération par 68 voix contre 63 et 2 abstentions.

*insérer vote nominal

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