Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 24 août 2021, point 15 de l'ordre du jour

Document

Texte adopté par CE

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Hadrien Buclin (EP) —

Mon interpellation illustre l’opportunité d’avoir pris en compte la motion de notre ancien collègue Jean-Michel Dolivo, discutée au point précédent de l’ordre du jour. En effet, le cas concerné par l’interpellation concerne une personne gravement malade, atteinte d’un cancer et originaire de Géorgie. Malgré sa maladie, elle avait fait l’objet d’un renvoi forcé vers l’Allemagne. Le cas est déjà ancien, puisque l’interpellation a été déposée en février 2019. Au passage, cela en dit long sur le retard dans le traitement des dossiers par le Grand Conseil – retard problématique parfois, les interpellations devenant parfois caduques. Le cas m’avait interpellé à l’époque. La personne avait été expulsée par les autorités vaudoises l’avant-veille d’un rendez-vous au CHUV où la personne devait suivre son traitement en chimiothérapie. Ce renvoi avait ralenti et péjoré sa prise en charge, puisqu’elle avait obtenu un nouveau rendez-vous oncologique en Allemagne seulement le 5 mars 2019, alors que le rendez-vous au CHUV était prévu le 14 février 2019. A ce titre, l’exécution de ce renvoi avait été dénoncée par diverses associations de défense des réfugiés, estimant qu’exécuter un renvoi, alors qu’on risquait de péjorer la prise en charge d’une personne atteinte d’une forme grave de cancer, était problématique. J’ai partagé cette préoccupation en déposant cette interpellation.

Comme presque à chaque fois, le Conseil d’Etat, dans sa réponse, soutient qu’il ne dispose d’aucune marge de manœuvre par rapport aux décisions de renvoi de la Confédération. J’aimerais nuancer cette affirmation. Ne serait-ce que pour le rythme auquel on exécute un renvoi, il me semble que l’autorité cantonale a une marge de manœuvre. Elle aurait pu sursoir au renvoi, le temps que le traitement puisse être poursuivi ou qu’un nouveau traitement puisse être mis en place en Allemagne. D’autant que les autorités bénéficiaient d’informations médicales en provenance du CHUV, indiquant que cette personne avait besoin d’un suivi médical régulier. Même si l’Allemagne dispose d’un bon système de santé, on a vu que ce renvoi, dans les conditions précipitées, l’avant-veille d’un rendez-vous médical, avait contribué à ralentir le traitement et donc à péjorer la santé de cette personne.

Plus largement, nul besoin d’avoir suivi de longues études de médecine pour savoir que le stress engendré par le renvoi d’une personne gravement malade ne peut qu’empirer son état de santé. La suite des événements illustre le caractère contre-productif du renvoi : quelques jours après ce renvoi, la personne est revenue en Suisse poursuivre son traitement médical. Finalement, une fois que son état de santé s’est amélioré, quelques semaines après, elle a accepté un retour volontaire en Géorgie dans le cadre d’une aide cantonale au retour. Si l’on avait attendu que l’état de santé de la personne s’améliore, on aurait pu épargner aux contribuables vaudois les frais d’un renvoi vers l’Allemagne, qui s’est avéré inutile. On aurait pu agir avec plus de bon sens dans ce dossier. Je ne regrette pas d’avoir déposé cette interpellation qui a eu le mérite, deux ans et demi après les faits, de porter un regard un peu critique sur les pratiques de vos services, monsieur le conseiller d’Etat.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

M. Buclin a lu l’histoire qui lui appartient ; permettez-moi de vous en lire une autre. La personne en question était soignée en Allemagne. J’ai bien dit en Allemagne. Or, à ma connaissance, le système hospitalier y est à peu près identique à celui de la Suisse. Nonobstant des soins prodigués en Allemagne, elle est venue en Suisse. Puis, en effet, nous l’avons fait expulser en Allemagne. Ensuite, elle est revenue en Suisse et repartie volontairement dans son pays d’origine. Je me permets de penser : premièrement, que le retour en Allemagne était parfaitement légitime, compte tenu notamment du niveau des soins prodigués dans ce pays ; deuxièmement, que si nous n’avions pas fait preuve de détermination, elle ne serait sans doute jamais rentrée en Géorgie. Parce que la Suisse tenait un unique message : « vous ne pourrez pas obtenir l’asile en Suisse », elle a consenti à rentrer dans son pays avec une aide au retour. C’est fort heureux. L’objectif du Conseil d’Etat est de favoriser le retour volontaire, ce à quoi nous sommes parvenus, dans ce cas. Par conséquent, dans ce domaine, l’attitude des services dont je suis honoré de diriger la politique est parfaitement justifiée.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Vous dites que j’ai refait l’histoire, mais je me base sur les informations qui figurent dans la réponse à l’interpellation. Même si le système de santé en Allemagne est bon et certainement analogue à celui de la Suisse, il a fallu remettre en place un suivi en Allemagne. Cela a pris plusieurs semaines et retardé ce suivi, car la personne, selon les informations contenues dans la réponse à l’interpellation, a d’abord été orientée vers un médecin généraliste, puis vers un service d’oncologie. Cela a retardé le suivi du traitement, par rapport à la prise en charge prévue quelques jours plus tard au CHUV, par les médecins qui avaient le dossier en main. Apparemment, le suivi n’a pas été aussi adéquat qu’il aurait pu l’être dans la transmission des informations médicales entre la Suisse et l’Allemagne.

Deuxième point : lorsque l’on est atteint d’une forme grave de cancer, faire l’objet d’un renvoi génère un stress qui ne peut que dégrader l’état de santé. On aurait pu réduire les risques en permettant à la personne de terminer son traitement ou en tout cas de se rendre à son rendez-vous au CHUV, plutôt que de l’expulser deux jours avant celui-ci. A mon avis, on pourrait améliorer quelque chose. La prise en considération partielle de la motion Dolivo permettra d’améliorer la situation dans ce genre de cas pour les personnes qui se trouvent dans un état de santé très détériorée.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Monsieur Buclin, permettez-moi de vous dire que, comme vous l’avez reconnu, le niveau de soins en Allemagne est probablement comparable à celui de la Suisse. Cette personne était au bénéfice d’un traitement et a décidé de quitter l’Allemagne pour venir en Suisse. C’est elle qui a décidé d’interrompre son traitement. Je suis désolée de vous le dire, mais vous ne pouvez pas mettre cette décision et ses conséquences sur le dos de l’administration. Ce monsieur était suivi et soigné en Allemagne et, malgré cela, il a décidé de venir en Suisse, alors qu’il n’était absolument pas poursuivi en Allemagne, comme chacun peut le reconnaître. Si une interruption du traitement a été constatée, elle est due au choix de l’individu.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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