Point séance

Séance du Grand Conseil du mercredi 30 juin 2021, point 10 de l'ordre du jour

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Dépôt

Rapport de la commission - 20_PET_043_044_045_046_047_048 - François Cardinaux

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

J’aimerais signaler que les rapports de commission ont été rédigés par notre collègue le député François Cardinaux qui a accepté de se faire remplacer par M. Petermann pour que les pétitionnaires puissent avoir une réponse avant l’été.

M. Olivier Petermann (PLR) —

(remplaçant le rapporteur M. Cardinaux, absent) La Commission thématique des pétitions a siégé le jeudi 3 septembre 2020 pour traiter de cet objet à la salle du Bicentenaire, Place du Château 6, à Lausanne. M. Jérôme Marcel, secrétaire de la commission a tenu les notes de séance : qu'il en soit ici chaleureusement remercié.

Pour les pétitionnaires, la délégation est composée de 3 personnes et, pour les représentants de l’Etat, de Vincent Grandjean, Chancelier, Christophe Unger, directeur de l’Ecole technique des métiers de Lausanne (ETML), Lionel Eperon, directeur général de l’enseignement postobligatoire (DGEP), Giancarlo Valceschini, directeur général de l’enseignement obligatoire (DGO), Nadia Gois Marta, juriste à la DGEP, Carlos Vazquez, directeur RH de la DGEO. Les pétitions reçues demandent que nous reconnaissions les pétitionnaires comme lanceurs d'alerte et que nous enquêtions de manière approfondie sur des dysfonctionnements au sein du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, principalement sur la systématique de traitements de dossiers.

Les pétitionnaires expliquent qu’ils sont les représentants d’un collectif citoyen concerné de près ou de loin par une systématique de méthode de traitements de dossiers considérés comme problématique au sein du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, et nécessitant, selon eux, qu’une enquête administrative soit menée. Ils estiment que les situations dénoncées se sont toutes déroulées de la même manière, en commençant par une « bavure », comme celle qu’ils dénoncent et présentent longuement, ainsi que concernant une situation à l’ETML. En effet, sans enquête préliminaire, le Conseil de discipline convoque cinq jeunes de l’ETML, ouvre une procédure disciplinaire à leur encontre sans l’instruire, mais sur la base de simples allégations. Pour les pétitionnaires, dont l’un est le père et l’autre la grand-mère d’un des cinq jeunes concernés, l'administration a refusé tout dialogue, tout comme l’accès au dossier et les pièces remises par les parents. Cela amène les questions suivantes de la part des pétitionnaires :

  • Comment se fait-il qu’aucune enquête digne de ce nom ne soit faite par le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture quand une enseignante dénonce l’inaction de son directeur ?
  • Pourquoi aucune enquête digne de ce nom n’est-elle mise en place lorsque cinq jeunes d’une école d’enseignement professionnel sont carrément cloués au pilori, humiliés et n’ont aucun droit de se défendre ?
  • Est-ce normal que le département mis en cause soit le juge qui punit celui qui le dénonce ?
  • Qui n’a pas fait son devoir dans ces situations ?

Il est expliqué que le dossier concernant l’ETML démarre par un soupçon de harcèlement entre pairs – apprentis en l’espèce. Il s’agirait de harcèlement verbal et via téléphone portable, de soupçons de sabotage, de dérèglements de machines, sans qu’on puisse clairement identifier l’origine de ce harcèlement. Il est insisté sur le terme de soupçon. Dans ce type de situations, le dispositif déployé par la DGEP et le département suit les principes suivants : d’abord, un principe de tolérance zéro concernant le harcèlement entre pairs comme entre enseignants et élèves, ce qui est rappelé à chaque rentrée scolaire ; ensuite, un principe non pas de présomption d’innocence, mais de précaution visant à protéger la victime potentielle. La gestion de ce cas par l’ETML, fortement mise en cause, s'est déroulée selon les principes décrits ci-dessus, soit :

  • Un faisceau d’indices portés à la connaissance de la direction – les cinq jeunes ont été entendus ;
  • Une mesure d’éloignement de deux jours a été prise – l’application du principe de précaution. C’est-à-dire éloigner les protagonistes dans la relation de harcèlement supputée ou postulée. Cela permet de faire diminuer la pression et d’avoir une analyse plus objective des faits, en aucun cas cela doit être pris pour une preuve de culpabilité ;
  • Une médiation administrative mise en route.

Il est à noter que la Commission de gestion a été informée de cette affaire. Cette dernière a examiné la manière dont se comporte l'administration lors de conseils de discipline, comment sont mises en place les sanctions, etc. La sous-commission du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture se rendra prochainement à l’ETML. La Commission thématique des pétitions prend note que la Commission de gestion est déjà en charge de cette affaire. Le classement de ces pétitions ne signifierait donc pas qu’on ne se préoccupe pas de ces questions, puisqu’elles font l’objet d’un suivi. Les établissements de formation prennent ces cas au sérieux. Concernant les licenciements, les affaires font l’objet de procédures devant les instances compétentes. Enfin, concernant la méthode de travail du département, elle fait d’ores et déjà l’objet d’un suivi par la Commission de gestion.

Par 9 voix et 1 abstention, la commission recommande au Grand Conseil de classer les six pétitions.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Les Libres sont étonnés que ces pétitions soient écartées d’un revers de main avec une approche superficielle. Certains dossiers ne peuvent pas être traités en deux coups de cuillère à pot. En effet, la lumière est loin d’être faite sur cette triste affaire qui a vu un père défendre son fils – le plus logiquement du monde – et faire l’objet d’un licenciement qui, au vu du déroulé des faits, peut être qualifié d’abusif. La manière dont cela s’est passé donne le sentiment que nous vivons dans un état autocratique où on s’ingénie à étouffer la critique. Nous jugeons le rapport de la Commission des pétitions comme particulièrement léger, dans la mesure où la presse nous en dit largement plus, de même que les représentants des pétitionnaires, pour autant que l’on ne se contente pas de les entendre, mais qu’on prenne le temps de les écouter, de lire les documents fournis et de faire des vérifications et des recoupements. On lit dans le rapport de la commission : « Il est regrettable que les pétitionnaires n’aient pas fait mention immédiatement de leur lien de parenté, mais se sont présentés comme un collectif citoyen de lanceurs d’alerte. »

Cela commence mal…car cela est faux ! En effet, le père dont il est question n’est pas signataire des pétitions. Il s’est rendu devant la commission en tant qu’expert d’un des dossiers pour accompagner l’initiatrice du collectif. Les quelque vingt signataires des pétitions n’appartiennent pas à la même famille. Le père en question n’en connaît d’ailleurs que 4 ou 5. Ni les jeunes, injustement mis en cause dans l’affaire de l’ETML, ni leur famille ne font partie des signataires. Par ailleurs, une vingtaine de familles sont personnellement touchées par ces dysfonctionnements. Ce n’est donc pas un cas isolé.

Curieusement, la Commission thématique des pétitions a limité à trois personnes le collectif citoyen auditionné, alors que le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, quant à lui, est venu fort de six personnes, dont le Chancelier. Sur le fond de l’affaire, la conclusion du courrier daté du 3 mai est claire. Il y est affirmé qu’en cas de récidive ou de représailles, la direction sera dans l’obligation de prendre des sanctions qui pourraient aller jusqu’à l’exclusion. L’administration les considère donc comme coupables, puisque récidive signifie une première faute avérée. Onze jours plus tard, le directeur de l’ETML écrit à l’avocate du fils que la mise à pied des jeunes n’était pas une sanction, mais une mesure de protection de la victime, le temps de réunir les informations nécessaires à une bonne compréhension de la situation. Malheureusement, le mal a été fait. Cette rétractation arrive bien trop tard. Par ailleurs, des élèves ont été désignés comme responsables des événements qui leur étaient reprochés. Cette suspicion conduira au moins l’un d’eux à abandonner ses études. Cela est bien triste.

Nous avons par conséquent une administration qui, dans un premier temps, accuse des jeunes et corrige le tir sans s’excuser. Les documents remis par le collectif citoyen en attestent. Le Conseil de discipline a clairement dysfonctionné. Pire qu’une présomption de culpabilité, ce fut au départ un jugement sans instruction. Le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture a toujours refusé de reconnaître que le harcèlement n’a pas du tout été clairement identifié. Nous pensions que la manière archaïque et maladroite dont cette affaire a été traitée appartenait à un autre temps. Or, c’est malheureusement d’actualité.

Par conséquent, nous posons un certain nombre de questions et espérons des réponses claires.

  • La commission a-t-elle vérifié l’absence de lien de causalité entre la mesure d’éloignement d’un des apprentis concernés et son échec, ou le constat est-il basé sur la déclaration des représentants du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture ?
  • Comment se fait-il que l’engagement pris par le directeur de l’ETML, audible dans un enregistrement, n’ait pas été tenu ? Il ressort pourtant de cet entretien qu’un consensus intelligent avait été trouvé. Par la suite, il a disparu pour d’obscures raisons.
  • Comment se fait-il que le juge instructeur choisi pour le traitement du dossier au sein de la Cour de droit administratif et public ne soit autre que le président de la Commission thématique « Administration des affaires juridiques » du Parti socialiste vaudois ? Ce choix n’est pas très heureux et rend le jugement sujet à caution.

En outre, lorsque le père concerné demande à être reçu par la cheffe du département, le refus d’entrer en matière est notifié au supérieur hiérarchique du père à la DGEO. Une affaire privée dans laquelle il intervient en tant que père d’élève prend alors une tournure professionnelle ; cela est fort surprenant dans cette affaire.

Comment se fait-il que des publications – certes critiques à l’égard de sa hiérarchie, mais faites dans un cercle privé – soient considérées comme de la diffamation ? On notera au passage qu’il n’est pas question de calomnie, mais de diffamation, ce qui sous-entend que les critiques du père d’élève ne sont pas contestées, mais qu’il y aurait une simple atteinte à l’honneur du fait de leur publication – pour autant que la DGEO comprenne la différence entre diffamation et calomnie. Est encore à noter l’intervention du groupe Impact qui finit par admettre en février 2020 qu’il va devoir traiter le dossier, jusqu’à ce que le processus soit finalement interrompu par une intervention du Chancelier, censé reprendre le traitement du dossier. Non seulement il ne le fera pas, mais il témoignera avec le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture devant la Commission thématique des pétitions.

A la lecture des documents relatifs à cette affaire, on se rend compte de sa gestion catastrophique. Nous nous étonnons que l’Etat n’ait pas une meilleure capacité d’accepter la critique et la remise en question. Nous éviterions ainsi des situations conflictuelles aux funestes conséquences. Vous me répondrez que ce qu’affirment les pétitionnaires ne représente qu’un son de cloche, qu’il faudrait avoir le point de vue des services de l’Etat. Nous l’avons en partie. Mais, obtenir plus d’informations incombe à la commission. Cependant, cette dernière n’aborde malheureusement pas les questions que je viens de poser et d’autres que je n’expose pas ici pour ne pas abuser de votre patience. Les plaignants n’ont peut-être pas « fait tout juste », les pétitionnaires n’ont peut-être pas su exposer les faits comme il l’aurait fallu, mais il n’en demeure pas moins que l’on ne peut rester impassible face à l’Etat tyrannique et sa machine à broyer.

En conclusion, les Libres attendent des questions aux réponses posées et, sauf révélations extraordinaires, accepteront le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat afin que toute la lumière soit faite et que les victimes de cette triste affaire soient réhabilitées.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je remercie mon collègue d’avoir explicité la situation sur laquelle je ne reviendrai pas. Le traitement de ces situations me laisse le sentiment d’un immense gâchis, puisque plusieurs cas font l’objet de ces pétitions. Forte d’un rapport assez succinct sur une situation humaine toute de même assez interpellante, la décision de la Commission thématique des pétitions m’a passablement surprise. J’estime que s’il y avait eu au départ une volonté de rectifier et de reconnaître un droit à l’erreur d’une part et d’autre, que parfois certaines choses ne sont pas faites correctement, cet édifice n’aurait pas pris cette ampleur. Vous avez sûrement tous des enfants et joué aux legos… quand on met la première pièce de travers au bas de la tour, toute cette dernière est déséquilibrée et se casse. Je regrette infiniment que cette situation ait dégénéré. La situation concerne plusieurs enseignants d’une même famille. Peut-être vous souvenez-vous qu’il y a un an et demi, avant le Covid, ces personnes avaient manifesté devant notre bâtiment ; notre groupe avait aussi été alerté bien avant par la situation de Bex. Malheureusement, le Covid a fait qu’il a été beaucoup plus difficile de rencontrer les gens. Toutefois, vous avez peut-être vu que même la presse a relayé un certain nombre d’éléments de cette situation conflictuelle. Personnellement, je considère extrêmement regrettable que des possibilités de remises en question de certaines décisions ne puissent pas avoir lieu, en particulier par le département, compte tenu du mélange de genres entre vie professionnelle et privée qui n’avait pas lieu d’être. Ce collectif était même composé d’une grand-maman mobilisée pour son petit-fils. Ce n’est pas évident d’imaginer devoir aller défendre ses enfants dans de telles situations – j’ai trouvé cela extrêmement courageux.

Ainsi, les questions soulevées par M. Christen sont totalement pertinentes. Je vous invite à revenir sur la décision de la commission et à accepter de transmettre la pétition au Conseil d'Etat pour obtenir les réponses aux questions posées en plénum, qui méritent d’être éclaircies. En outre, nous avons bien entendu que la Commission de gestion avait aussi été saisie de cette question. Nous souhaiterions avoir l’assurance que cette dernière va répondre à toutes les questions posées, faire la lumière, et que le département accepte de revoir certains éléments. En effet, une petite remise en question pourrait aider à résoudre un certain nombre de choses. Je pense que cela peut revêtir un caractère instructif pour l’avenir et éviter que les choses se reproduisent. En conclusion, je vous remercie d’accepter de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Taraneh Aminian (EP) —

En préambule, je déclare mes intérêts comme enseignante au gymnase et déléguée syndicale SUD dans mon établissement. A l’origine de cette pétition, il y a une histoire. Un jeune homme accusé de harcèlement a été sanctionné et son parcours scolaire et de vie perturbé par une direction d’établissement soutenue par le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, alors même que ce dernier n’a pu prouver sa culpabilité. Le département n’a pas eu le courage de reconnaître son erreur. Ce n’est que grâce à sa famille que ce jeune homme s’est reconstruit aujourd’hui et qu’il est en deuxième année d’apprentissage dans le milieu bancaire. Le père, qui s’est battu pour prouver l’innocence de son fils, et qui s’est retrouvé devant l’impossibilité de se faire entendre par les voies officielles du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, son employeur, utilise des canaux non officiels pour dénoncer le dysfonctionnement d’une institution pour laquelle il travaille depuis 25 ans. Il est licencié sans indemnités avec perte immédiate de son salaire. Oui, 25 ans de bons et loyaux services, une satisfaction complète de l’employeur et des éloges des parents de ses élèves au moment de son licenciement. La presse régionale a relaté le licenciement de ce père à bout, de cet enseignant sans histoires, qui se trouve à la rue, pour avoir défendu son fils.

Des citoyens, des parents et des professionnels ont consacré une grande quantité d’énergie pendant de très nombreux mois pour essayer d’attirer notre attention sur ces dysfonctionnements graves au sein du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture. En outre, avant de venir essayer d’interpeller chacune et chacun d’entre nous devant le Parlement pendant quatre mardis consécutifs en février et mars 2020, ces personnes avaient déjà tenté de faire respecter leurs droits de citoyens et d’employés de l’Etat par toutes les voies que nous, législateurs, avions mises à leur disposition pour que la Constitution que nous servons soit respectée par notre administration. Mais cette dernière a systématiquement refusé de procéder correctement, selon les règlements que nous leur avions pourtant imposés comme cadre pour agir au nom des citoyennes et citoyens que nous représentons.

Parallèlement, certains d’entre nous demandaient au Conseil d'Etat que les lanceuses et lanceurs d’alerte, autrement dit, celles et ceux qui ont le courage de dénoncer publiquement les abus du pouvoir en place, soient mieux protégés dans notre administration — je vous rappelle la motion transformée en postulat de Jean-Christophe Schwaab, en 2011, et la motion de Jean-Michel Dolivo, en 2019. Malgré ces demandes répétées depuis 10 ans, le Conseil d'Etat n’a toujours pas fait de proposition concrète pour protéger de telles personnes, refusant par là même aux pétitionnaires d’aujourd'hui les outils législatifs dont elles et ils pourraient avoir besoin pour procéder.

J’aimerais encore vous signaler que, depuis leur mobilisation devant le Grand Conseil, deux enseignantes encore en fonction lors de ces manifestations de février et mars 2020, ont perdu leur poste à la fin du mois de juin de la même année. L’une d’entre elles est pourtant victime de propos sexistes sur son lieu de travail et n’est pas soutenue par sa hiérarchie. Malgré ses nombreuses demandes d’aide, alors qu’elle-même a été hospitalisée d’urgence à la suite de cette situation de harcèlement psychologique institutionnel, elle a finalement retrouvé un poste de dernière minute dans un autre établissement du canton, suite aux démarches engagées par son avocate et son syndicat à mi-juin 2020.

L’autre enseignante, la propre sœur du père évoqué plus haut, par ailleurs déléguée syndicale, s’est vu ouvrir une procédure de licenciement immédiat à son encontre, une première fois à mi-juin 2020, procédure non réglementaire et finalement avortée, très probablement grâce à l’intervention de syndicats et à l’article paru dans 24heures, en juillet 2020. Dans un second temps, après cette nouvelle atteinte à la personnalité, et un transfert urgent, puisque son ancien poste avait lui aussi été repourvu par sa hiérarchie durant son congé maladie, l’enseignante en question s’est vu une nouvelle fois entraîner dans une procédure de licenciement immédiat en décembre de la même année, le jour même où la DGEO a annulé l’entretien de service demandé par elle et son avocate pour parler de certains dysfonctionnements graves signalés depuis deux ans et demi. Elle a finalement été aussi jetée à la rue depuis 2021 à l’aide de l’article 61.

A la suite de ces trois affaires, ces procédures, paraît-il, se sont multipliées. L’image et les finances du canton sont donc régulièrement entamées depuis plus de deux ans, par les douteux agissements du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture en matière de gestion du personnel. Je crois que l’ouverture de l’enquête administrative externe à propos des dysfonctionnements graves et multiples du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture à la suite des dénonciations des pétitionnaires permettrait aux députées et députés de mieux comprendre la situation et d’envisager une solution plus efficace que la multiplication des procédures individuelles en cas de problématique fonctionnelle avérée au sein de ce département. De ce fait, nous ne pouvons tolérer qu’un département employeur use et abuse de la brutalité administrative et de la cruauté sociale comme peu de gouvernements l’avaient fait avant lui, quelle que soit leur couleur politique.

En demandant votre soutien à nos concitoyennes et concitoyens dont je connais les dossiers et que je sais être légitimes dans leurs revendications, je vous prie au nom du groupe Ensemble à Gauche et POP de ne pas classer ces six pétitions et de les renvoyer au Conseil d'Etat.

10:24:13    0:03:34Vuillemin Philippe              

Ma préopinante a fait son travail de responsable syndicale. Personnellement, je remercie le député Christen pour ses propos. Je pense que nous – les 150 députés – allons commencer par battre notre propre coulpe. Hier, nous avons parlé d’une motion citoyenne. J’avais exprimé mes raisons de ne pas en vouloir, mais cela signifie tout de même aussi que nous devons vraiment repenser la problématique du traitement des pétitions. Il faut avoir le courage de dire que parfois elles sont traitées trop rapidement, tout comme il est vrai aussi qu’on ne possède pas toujours toutes les données. Toutefois, de cette affaire doit d’abord surgir le fait que le Grand Conseil – et le nouveau Grand Conseil – doit et devra se pencher sur comment mieux traiter les pétitions. Au fil des ans, une certaine diminution du respect du citoyen est observée qui, encore une fois, ne justifiait pas une motion citoyenne, mais qui constitue une alarme très claire par rapport au fait que nous devons fonctionner autrement.

Par ailleurs, je puis vous affirmer – puisque j’en ai vécu plusieurs – que cela ne dépend pas du conseiller ou de la conseillère d’Etat responsable du département en place. Selon le bon vieux slogan à l’Administration cantonale vaudoise, les conseillers et conseillères d’Etat passent, mais nous restons ! J’ai toujours dit – un peu méchamment, il est vrai – que la façon de fonctionner du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture faisait partie du patrimoine immatériel de l’humanité vaudoise… en d’autres termes qu’il n’a quasi pas changé depuis 1990, époque à laquelle j’avais siégé dans une commission, qui avait duré, à l’époque, toute une journée. J’avais alors chronométré tous les temps de parole. C’est bien simple, le conseiller d’Etat et les députés avaient parlé pendant une heure, les représentants du département pendant 5 heures… pour nous communiquer très poliment, à intervalles de 15 minutes, que c’était bien gentil de notre part d’être là, mais que dans le fond nous n’avions rien compris ou que nous ne comprendrions rien. J’en ai gardé un souvenir absolument marquant.

Par conséquent, nous devons aussi avoir l’honnêteté de dire que la cheffe du département actuel – on pourra toujours dire que c’est une adversaire politique, mais je ne suis pas de cet avis – essaie de changer un peu les choses. Il y a un certain nombre de frémissements qui me semblent être de bon augure, mais pour les soutenir, afin qu’ils deviennent du bruit, je pense que renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat va de soi.

Mme Monique Ryf (SOC) —

En tant que présidente de la Commission de gestion, j’interviens pour remettre le cadre. D’une part, le dossier est entre les mains de la sous-commission en charge du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture qui fait son travail et, d’autre part, j’aimerais aussi rappeler à Mme Aminian qu’elle est membre de la Commission de gestion et qu’elle n’est donc pas censée s’exprimer dans le cadre du Grand Conseil sur un dossier qui est entre les mains de ladite commission.

M. Olivier Petermann (PLR) —

(remplaçant le rapporteur M. Cardinaux, absent) J’aimerais simplement rappeler ce qu’est la Commission thématique des pétitions. Elle n’est pas un tribunal ni une Chambre de conciliation ; elle peut juger si elle préavise favorablement ou défavorablement une pétition adressée au Conseil d'Etat.

M. Stéphane Balet (SOC) —

Je déclare mes intérêts, car je travaille à l’ETML et suis responsable de la filière des électroniciens. Bien entendu, j’ai un devoir de réserve et ne me prononcerai pas sur l’ensemble de l’affaire, mais je souhaite tout d’abord rassurer le Grand Conseil sur les procédures disciplinaires qui sont mises en place au niveau de l’école. Ces dernières sont bien rodées, nous avons l’habitude de traiter des cas. Il est vrai qu’il s’agit d’une école qui est très à l’écoute du bien-être de ses élèves. Le harcèlement est un sujet qui nous touche beaucoup, en particulier quand il touche les jeunes femmes.

Il faut savoir que dans le cas qui nous occupe, le métier — qui n’est pas le mien et je n’ai pas été directement impliqué dans cette affaire – est surtout constitué de jeunes hommes, un milieu où les filles sont relativement peu nombreuses. Les filles qui choisissent de faire ce métier sont souvent tout de même soumises à des pressions de la part de leurs camarades masculins – un métier assez viril. On peut imaginer comment les choses peuvent se passer. Que se serait-il passé si la direction de l’ETML n’avait pas réagi face à une situation de harcèlement ? On peut peut-être lui reprocher d’avoir surréagi, de ne peut-être pas avoir fait certaines choses comme il aurait fallu – on se réjouit d’ailleurs que la Commission de gestion vienne chez nous pour améliorer nos processus, nous sommes toujours à l’écoute de possibilités d’amélioration – mais je vous laisse imaginer un seul instant si, face à une situation de détresse d’une jeune femme, de la pire des extrémités, nous n’avions pas traité l’affaire ; je me demande de quoi nous parlerions aujourd'hui. Ensuite, effectivement, tout le reste a dégénéré. Il faut prendre en compte le message que nous avons reçu pas plus tard qu’hier. Je n’ai jamais vu une situation telle que celle-ci, où un enregistrement qui s’est produit pendant un entretien à l’insu de la personne enregistrée – illégal – est transmis. Considérez-vous que cela soit un procédé normal ? Je vous laisse réfléchir à ces quelques éléments.

Au niveau de l’école, nous traitons les choses au plus juste de ce que nous pensons l’être. Si nous pouvons améliorer nos processus, ce sera volontiers.

Mme Taraneh Aminian (EP) —

Je ne peux pas accepter les propos de Mme Ryf. Je suis vraiment choquée de cette volonté d’empêcher les gens de s’exprimer. Je me prononce sur un rapport de commission. La Commission de gestion n’intervient pas dans les débats que nous menons aujourd'hui. Cette volonté d’empêcher les gens de parler est vraiment désagréable.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je voulais m’exprimer dans le même sens que ma préopinante. Je n’appartiens pas à la Commission de gestion, je me suis seulement intéressée à cette histoire, lu les rapports et, selon ce que j’ai lu dans les journaux, je n’ai pas le sentiment que Mme Aminian a révélé des choses différentes que ce que tout le monde connaît. J’estime que c’est vraiment lui faire un procès d’intention regrettable. J’ai aussi pris la peine de prendre contact avec la personne dont l’identité est connue de tous ; je ne crois pas qu’elle cherche à se cacher. Au contraire, elle a envie que son cas soit connu. Par conséquent, reprocher à une députée d’utiliser les informations auxquelles elle a accès à la Commission de gestion n’est pas du tout justifié, car tout le monde qui aurait voulu obtenir ces informations a pu y accéder. Je regrette ce qui a été reproché à ma collègue précédemment.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Très brièvement, j’aimerais amener deux éléments. D’une part, vous comprenez pourquoi j’ai quitté la Commission de gestion, me sentant clairement bâillonné (réactions). A l’époque, mes rapports étaient même charcutés. Par conséquent, à un certain moment, j’ai souhaité retrouver une liberté rendue difficile à la Commission de gestion, puisqu’on est chaque fois soupçonné d’utiliser des informations confidentielles. En l’occurrence ce n’est pas le cas, mais on voit qu’on jette la suspicion : c’est plutôt désagréable. D’autre part, j’aimerais remercier mon collègue Vuillemin. En effet, il est important de dire – comme il l’a fait – que mon discours ne se veut pas opposé à la conseillère d’Etat. Cette dernière fait face à des difficultés liées au caractère obsolète de la manière dont fonctionnent un certain nombre d’écoles de ce canton. Vous pouvez par exemple lire le règlement de fonctionnement du Centre d’enseignement professionnel à Vevey. Il est en train d’être revu – j’ignore si nous allons réussir finalement à avoir un document qui tienne la route – mais il est totalement obsolète, digne d’un règlement de l’école de grand-papa ! On remercie par ailleurs l’intervention de notre collègue Balet. En effet, si l’ETML était restée impassible, on le lui aurait aussi reproché. Pourtant, à un moment donné, lorsqu’on fait des erreurs il faut pouvoir les reconnaître, parce que des victimes existent, et que la moindre des choses est qu’on puisse les réhabiliter et dire qu’on fera mieux. Ce ne sont ni la conseillère d’Etat ni le Conseil d'Etat qui sont attaqués, mais des fonctionnements obsolètes. Il faut absolument que nous évoluions.

Mme Cesla Amarelle — Conseiller-ère d'État

Je vais me montrer brève, parce que, comme vous le savez, tout propos utilisé peut être mal compris. Je respecte pleinement la liberté d’expression, les libertés publiques, et je m’engage devant vous à évidemment respecter tous ces éléments extrêmement importants pour l’équilibre démocratique de notre pays et de notre canton. En réponse à M. Christen et à la critique d’autoritarisme, je vous le dis solennellement : elle est totalement disproportionnée. Je vous rappelle qu’il existe dans le canton et dans le pays une séparation des pouvoirs, des voies de droit, et que l’ex-enseignant en question y a fait recours. Si la décision du département devait être abusive, alors le Tribunal de Prud’hommes et de l’Administration cantonale (TRIPAC) le dira. Et, si la personne en question devait avoir été violée au niveau de ses libertés publiques, un tribunal peut le dire également.

Enfin, pour l’équilibre institutionnel de ce canton, il est important que soient respectées non seulement les voies de droit, la séparation des pouvoirs, mais aussi votre propre fonctionnement interne au sein de ce Grand Conseil. Comme cela a été dit par la Commission thématique des pétitions, elle a relevé notamment que, sur le fond de l’affaire, la Commission de gestion s’est saisie de la question et s’assure de l’adéquation des procédures qui ont été suivies par le département. Le reste n’est que bruit.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Nous allons procéder au vote de façon distincte en commençant par la première pétition citoyenne.

Le Grand Conseil décide de classer la pétition par 78 voix contre 27 et 16 abstentions.

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