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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 12 octobre 2021, point 25 de l'ordre du jour

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Texte adopté par CE - INT Zwahlen 20_INT_41 - publié

Transcriptions

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M. Pierre Zwahlen (VER) —

Merci au gouvernement pour les réponses apportées à mon interpellation. Le Conseil d'Etat montre de vraies intentions à protéger ce qui peut encore l’être de la diversité magnifique des espèces florales et animales du Mormont, pour son patrimoine celtique, pour son impact paysager de grande qualité. Le Conseil d'Etat entend promouvoir les alternatives au ciment dans la construction, à commencer par le bois de nos forêts. Cela prendra d’ailleurs la forme d’un crédit de 4 millions bientôt présenté à notre Grand Conseil.

Sans schizophrénie apparente, le gouvernement autorise toutefois l’excavation du plateau de la Birette en faveur de grands projets d’infrastructures. Le Tribunal fédéral en jugera. Pour m’être rendu sur place à plusieurs reprises, je déplore la poursuite d’une exploitation qui a pris des dimensions dantesques sur une colline aux valeurs paysagères naturelles historiques exceptionnelles. De surcroît, le Conseil d'Etat avoue « rechercher des sites aptes à pouvoir assurer la pérennité de la cimenterie après l’exploitation du plateau de la Birette, mais ne figurant pas prioritairement à l’intérieur du périmètre IFP (inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels). » Cette formule indique en filigrane qu’une excavation profonde sera possible dans le ou les secteurs inscrits à l’inventaire fédéral protégé, dans une dizaine d’années. Éventrera-t-on encore et encore le Mormont ? En fin de compte, le choix de protéger la colline appartiendra aux Vaudoises et aux Vaudois. L’initiative populaire sera lancée cet hiver, et le peuple décidera s’il sauvegarde ce site unique au cœur du canton.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je remercie notre collègue Pierre Zwahlen pour cette interpellation qui permet de revenir sur le fond du dossier au-delà des détails de l’opération policière, puisque l’essentiel réside dans l’avenir de la colline et la question de la préservation du climat. Je me montrerai pour ma part plus critique que Pierre Zwahlen et déplore l’inconséquence et la légèreté de la réponse à la cinquième question relative à la compatibilité entre la décision d’autorisation d’extraction dans le secteur de la Birette et le Plan climat. En réalité, une profonde incompatibilité prévaut dans le fait de poursuivre l’extraction et celui de devoir réduire rapidement et de manière substantielle les émissions de CO2 pour se conformer aux Accords de Paris – l’intention du Plan climat. Ainsi, affirmer que l’extraction sur le secteur de la Birette n’est pas problématique, car constituant simplement une continuité de l’activité de LafargeHolcim me semble inconséquent et incohérent. En effet, il ne faut pas une continuité d’extraction, mais bien sa diminution rapide, importante – un aspect que je ne peux accepter dans la réponse du Conseil d'Etat. De même, l’argument qui consiste à dire que si le ciment n’est pas extrait dans le canton, alors il sera importé, et la situation empirée, est irrecevable. Il s’agit plutôt d’un argument qui manque de volonté politique, puisqu’une baisse de l’extraction et de la production de ciment pourraient parfaitement être associées à une politique beaucoup plus volontariste visant à promouvoir les alternatives au ciment comme le bois ou le recyclage de ciments, des secteurs créateurs d’emplois qui permettraient de compenser les pertes dans ce domaine liées à la diminution de la production de ciment. Des éléments corrélés à une vraie volonté politique et à l’introduction de normes plus strictes visant à limiter le recours au ciment dans la construction : une possibilité de diminuer la production de ciment sur sol vaudois sans augmenter en parallèle les importations. A mon avis, il s’agit de la direction dans laquelle il s’agit de s’engager.

En 2014, le Conseil d'Etat a autorisé une extension de l’exploitation de la carrière sur le secteur de la Birette, mais entretemps, des choses importantes se sont passées. En effet, en 2019, le Grand Conseil a voté une résolution proclamant l’urgence climatique. Selon moi, cette résolution devrait amener le Conseil d'Etat à revenir sur sa décision de 2014. Annuler une décision administrative est un acte parfaitement possible sur le plan légal et qui se justifierait sur le plan politique compte tenu de l’urgence climatique. Ainsi, je continue à penser que la meilleure voie de sortie de cette situation équivaut à revenir sur la décision de 2014 et à sauver une bonne fois pour toutes ce secteur de la Birette extrêmement riche du point de vue de la biodiversité et du patrimoine archéologique et qui permettrait une défense du climat beaucoup plus conséquente que celle proposée aujourd’hui par le Conseil d'Etat dans ce dossier.

M. José Durussel (UDC) —

J’observe une certaine incohérence dans les propos de mes préopinants face à la problématique du Mormont. Il est toujours question d’urgence climatique. La semaine passée, je me suis rendu à Vallorbe – de Orbe à Vallorbe par l’autoroute – et j’ai pu constater que j’étais entouré de camions français vides. En milieu d’après-midi, je suis revenu de Vallorbe et qu’ai-je alors observé ? Encore des camions français remplis de gravier provenant du Jura français. Mesdames et messieurs les défenseurs du climat, je vous suggère d’aller vous poster une fois à la douane de Vallorbe, puis de nous rapporter ce que vous y avez vu.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Les propos de M. Buclin ne peuvent pas rester sans réaction. L’urgence climatique a bon dos pour faire le procès de cimentiers coupables de toutes sortes de turpitudes. A marche forcée, nous sommes sortis du nucléaire. C’est maintenant le tour du béton. A écouter Mme Rebecca Joly, alors il faut sortir du mazout, sortir de tout, sans trop savoir dans quoi on va entrer... C’est grosso modo le programme qu’on souhaite nous proposer.

M. Buclin a deux ou trois guerres de retard, parce que s’il connaissait un peu le domaine de la construction – je lui concède volontiers que ce n’est pas son cas – il saurait qu’il existe maintenant des possibilités de recycler les matériaux de construction ; nous venons d’inaugurer une usine pilote et novatrice à Vufflens-la-Ville. Il s’agit d’à peu près 60 % de béton qui peuvent être recyclés, afin de donner une deuxième ou troisième vie à ces matériaux. Les idées existent déjà et n’ont pas besoin de réglementation supplémentaire. Ensuite, quant à la question des alternatives, les milieux de la construction ne sont pas restés les bras ballants et ont également amené des innovations pour améliorer l’efficience thermique des bâtiments. Cependant, la pénurie d’électricité ou de gaz ne sont pas les seules menaçantes, ni d’ailleurs celle de papier – comme entendu ce matin – puisque dans le domaine du bâtiment c’est identique. Alors, on dit : il faut construire en bois. Toutefois, pendant les six premiers mois de cette année, le bois faisait défaut. Il faudrait privilégier les circuits courts, réintégrer la production indigène… La belle affaire ! Mais, le bois, monsieur Buclin, ne vient pas de Suisse. Je vous le dis tout net ! Il viendra peut-être de Pologne, de Russie ou du Canada, mais certainement pas de Suisse où les possibilités d’exploitation – parce que les forêts sont protégées – sont extrêmement limitées et ne serviront pas – il ne faut pas se mentir – à combler l’absence de ciment. Tout cela sans oublier les matériaux d’isolation qui font maintenant aussi cruellement défaut, puisqu’une large partie d’entre eux viennent aussi de l’étranger.

Disons les choses clairement : on fait la guerre aux multinationales, on n’aime pas Holcim – c’est un choix que je peux entendre – mais il ne faut pas faire croire aux gens « qu’y a qu’à, faut qu’on » et que de nouveaux systèmes de construction sont inventés, car, monsieur Buclin, vous omettez de parler du coût. On peut en effet construire avec des ciments légers, mais cela revient à deux ou trois fois plus cher le mètre cube. Alors, laissez-moi vous poser la question : qui paie ? Le locataire ? Vous souhaitez construire des maisons ou des habitations, des logements, mais à quel prix ? Telle est la question. Car nous pouvons nous y prendre différemment, mais les coûts seront eux aussi différents.

Enfin, nous faisons grand cas des manifestants de la ZAD. Pour ma part, je suis toujours surpris par l’aspect finalement très sélectif de ces manifestations. Je lisais un article concernant des habitants du canton de Fribourg qui s’opposaient avec véhémence aux éoliennes. Mais je n’y ai pas vu un seul activiste du climat pour dire à ces gens : « écoutez, vous êtes la tête à l’envers, c’est urgent ! Dépêchez-vous d’accepter ces éoliennes, parce qu’il y a urgence climatique ! » Mesdames, messieurs de la gauche bien-pensante, vous êtes curieusement silencieux lors de ce type de manifestations. Ce matin, j’entendais à la radio que l’Inde dépendait du charbon pour deux tiers de sa production d’électricité. Je n’ai vu nulle manifestation devant l’ambassade d’Inde à Berne ou à Genève pour leur dire qu’ils devraient peut-être réfléchir à la transition énergétique ! En revanche, aller badigeonner des bâtiments publics ou occuper des banques… Il faut tomber les masques pas seulement à cause de la pandémie ou grâce à la vaccination, mais politiquement ! Vous êtes opposés au capitalisme, aux multinationales, c’est un choix délibéré, mais n’utilisez pas la cause climatique à des fins purement politiciennes !

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

La bipolarisation de plus en plus irréversible de notre vie politique m’inquiète. En effet, d’un côté se trouvent les « bons » écoresponsables, soucieux de l’avenir de la planète et, de l’autre, des affairistes, cupides et rétrogrades, indifférents à tout sauf à leur profit.

Or, la réalité qui permet de vivre ensemble sur un petit territoire réside dans une prise en compte équitable des intérêts des uns et des autres plutôt que dans un dogmatisme sourd et finalement stérile. Nous ne voulons pas d’un recul imposé de notre niveau de vie, mais sommes ouverts à une réorientation de notre économie librement décidée. Certes, le Mormont est méchamment balafré – nous n’en disconvenons pas – mais il m’apparaîtrait injustifiable éthiquement d’exporter nos atteintes à l’environnement pour protéger la pureté de notre beau paysage. Nous aussi devons prendre notre part des aspects moins élégants de notre confort.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d’Etat

Pour clore ce débat, j’aimerais amener quelques éléments. La principale difficulté du bois réside dans l’évolution des prix à la hausse, liée au marché international. Mais la Suisse possède les capacités nécessaires en matière de bois pour pouvoir l’utiliser pour la construction.

Quant aux propos liminaires du député Buclin, le contexte général a été rappelé et explique pourquoi il existe un certain nombre de besoins en matière de ciment et de béton liés entre autres au métro, à des infrastructures nécessaires au développement de ce canton.

En effet, vous avez raison, il faut renforcer d’autres filières pour mettre en place une société au potentiel de décarbonation qui implique d’utiliser d’autres matériaux, biosourcés ou géosourcés. Nous l’avons vu avec la maison de l’environnement, il est possible de construire autrement. Je pense également au mobilier urbain qui peut être élaboré différemment qu’en ciment. Des filières et des possibilités existent, raison pour laquelle nous vous avons présenté le projet de décret concernant la filière bois et sa transformation. Trente millions ont d’ailleurs été placés pour cette filière bois. En 2015, votre Grand Conseil a adopté la révision qui amène à l’exploitation de la Birette.

Il a également été rappelé que des discussions sont en cours avec l’entreprise Holcim pour voir ce qui peut être préservé sur le site du Mormont. Nous avons aussi discuté de l’important projet de comblement-renaturation, tout comme d’éventuels autres sites. Le Conseil d'Etat prend au sérieux toutes les questions liées au ciment et à l’utilisation du béton. Comme vous l’avez toutes et tous dit, il s’agit d’une question sociétale, et le Conseil d'Etat prend acte de vos observations, de vos demandes, de votre volonté de changer ce mode de production, de construction. Toutefois, cela est impossible du jour au lendemain, mais nous y travaillons, que cela soit grâce au bois ou à d’autres matériaux, par des moyens financiers, institutionnels, des discussions avec l’entreprise Holcim ou d’autres. Enfin, M. Buffat a rappelé l’usine de retraitement des matériaux. La volonté du Conseil d'Etat existe avec certitude. Toutefois, on ne peut changer les choses en un rien de temps, tout comme nous devons suivre les décisions prises par votre autorité.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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