Point séance

Séance du Grand Conseil mercredi 9 décembre 2020, point 34 de l'ordre du jour

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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Nous traitons des exposés des motifs et projets de décrets en lien avec les textes qui concernent la situation COVID-19, notamment les éléments relatifs à l’économie. Je pense que vous avez tous pu prendre connaissance des cinq exposés des motifs et projets de décrets. Je vais vous les présenter rapidement.

Le premier décret concerne les indemnités pour fermeture d’établissement. Vous le trouvez dans le chapitre 4.1 du rapport de la commission. Je précise que la Commission des finances n’a produit qu’un seul rapport global, mais que nous travaillerons décret par décret, en tout cas lors du premier débat.

Il s’agit d’une mesure visant à compenser les conséquences de la fermeture de certains établissements par le Conseil d’Etat, à indemniser les entreprises impactées par cette décision lors de la deuxième vague, à savoir du 1er septembre au 31 décembre 2020. Le système mis en place se base sur les loyers, même s’il ne s’agit évidemment pas d’une indemnité pour les loyers, mais cela permet de réaliser rapidement les premiers versements au mois de décembre. Cette mesure est fort simple et se base sur les loyers, pour les entreprises et les indépendants qui sont locataires, et sur les charges hypothécaires, pour les propriétaires. Cette première mesure à fixer un seuil maximum à 15’000 francs. C’est une manière de calculer pour pouvoir rapidement offrir de l’aide aux entreprises.

La deuxième mesure est un peu plus importante et concerne les cas de rigueur. Il s’agit d’une traduction des mesures fédérales par la mise en place d’un dispositif cantonal à l’échelle 1/1 de ce qui s’est passé au niveau fédéral, à une seule exception près. En effet, une mesure a été modifiée, celle portant sur le seuil pour pouvoir bénéficier de ces mesures, qui est, dans le canton de Vaud, fixé à 100’000 francs de chiffre d’affaires en moyenne, alors qu’au niveau fédéral il s’agit d’un montant de 50’000 francs. Ce choix a été opéré pour la simple et bonne raison que la mesure précédente d’indemnités pour fermeture d’établissement permet de régler pratiquement la plupart des cas qui concernent les chiffres d’affaires inférieurs à 100’000 francs. Nous pensons que ces deux outils permettent de couvrir l’ensemble des situations des cas de rigueur dans notre canton.

Le troisième décret concerne le fonds à l’industrie. Il a été créé en 2015, dans le cadre de la crise qui a eu lieu durant cette année, l’abandon du taux plancher par la BNS par rapport à l’Euro. Nous considérions que cela devait avoir un impact négatif sur le tissu industriel. Aujourd’hui, ce fonds est doté d’un montant d’environ 12 millions.L’objectif de ce décret est de l’augmenter de 12 à 8 millions. Ce n’est pas une mesure immédiate et elle est mise en place pour l’économie industrielle et numérique.

La quatrième mesure concerne la réduction de l’horaire de travail (RHT) pour les entreprises qui y ont recouru. A partir du moment où le système RHT est mis en place, 80 % du revenu est versé. Ainsi, l’idée de ce dispositif consiste à augmenter ce revenu de 80 à 90 %, une mesure qui coûte environ 15 millions de francs, un montant prélevé sur les 93 millions que nous considérons ce soir et pour lesquels nous devons prendre des dispositions.

La cinquième et dernière mesure est déjà mise en place. Le Conseil d’Etat a communiqué à son sujet la semaine dernière, il s’agit de l’opération WelQome 2. En juin dernier, nous avions traité de l’opération WelQome 1 , un copier/coller à quelques modifications près. Les entreprises qui ont pu bénéficier de l’opération WelQome 1 sont directement admissibles à l’opération WelQome 2. Pour la première opération, il s’agissait de 6000 francs à disposition pour 60’000 francs de chiffre d’affaires. Pour WelQome 2, c’est presque la même chose, sauf pour l’hôtellerie pour laquelle les montants sont plus conséquents, puisque les produits sont aussi plus conséquents. Les entreprises qui ont pu bénéficier de l’opération WelQome 1 pourront aller jusqu’à 6000 francs supplémentaires, celles qui n’ont pas participé au premier programme pourront bénéficier du second programme et pourront doubler ce montant.

Lors de la discussion sur chacune des cinq mesures, nous apporterons d’autres précisions. M. le conseiller d’Etat souhaitera sans doute également s’exprimer au nom du Conseil d’Etat. La Commission des finances a pu prendre connaissance des textes jeudi dernier ; le rapport vous est parvenu ce lundi. L’objectif est de traiter ces mesures le plus rapidement possible, sans doute ce soir en premier débat — c’est en tout cas mon souhait — et en deuxième débat la semaine prochaine.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Je saisis cette occasion pour remercier l’ensemble de la Commission des finances pour sa diligence et pour le travail effectué, ainsi que tous mes collègues députés qui ont certainement lu l’entier de ce rapport. Pour le traitement de ces exposés des motifs et projets de décrets, je vous propose de procéder de la manière suivante : nous avons cinq objets, nous voterons une entrée en matière sur ces cinq objets l’une après l’autre, puis nous voterons les articles de loi les uns après les autres.

Exposé des motifs et projet de décret sur l’aide aux établissements contraints à la fermeture au cours de la deuxième vague de coronavirus (COVID-19)

Premier débat

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

Mme Amélie Cherbuin (SOC) —

Pour le premier confinement, le Conseil d’Etat avait prévu un préfinancement de 403 millions d’aides afin de faire face aux conséquences économiques de la pandémie. A ce jour, ce montant est dépassé, puisque nous avons déjà engagé 508,2 millions pour lutter contre les conséquences du COVID. La deuxième vague a ruiné l’espoir d’une reprise économique rapide, et les entreprises sont à nouveau plongées dans d’inextricables difficultés. Le parti socialiste s’est fortement impliqué pour proposer et soutenir les mesures d’aide aux entreprises, et plusieurs postulats et motions ont été déposés visant à soutenir notamment les petits indépendants. Cette deuxième série de cinq décrets répond aux préoccupations et aux diverses interventions parlementaires du parti socialiste et a donc été accueillie très favorablement par notre groupe. Ces aides permettent :

-          un appui financier aux établissements contraints à la fermeture par une aide pouvant aller jusqu’à 15’000 francs pour l’aide au paiement du loyer.

-          Un soutien aux cas de rigueur pour les sociétés qui ont perdu 40 % et plus de leur chiffre d’affaires.

-          Un soutien de 8 millions pour l’industrie afin de pouvoir proposer des aides à fonds perdu et des cautionnements.

-          Un complément au RHT de 10 % permettant de garantir un revenu à 90 % des employés impactés par la crise.

-          Un soutien à la consommation directe via le décret WelQome 2.

Certains amendements qui vont être déposés visent notamment à préciser, voire à alléger les critères d’éligibilité et ils seront soutenus par le parti socialiste dans sa majorité. Cependant, il ne faut pas oublier ni perdre de vue la raison de toutes ces aides car elles permettent de soutenir au mieux le tissu économique impacté par la situation endémique que les décisions courageuses de notre Conseil d’Etat essaie d’enrayer. Les mesures édictées sont indispensables et doivent absolument être soutenues par tous, tant que le taux de contamination au sein de la population n’aura pas diminué suffisamment pour soulager les services d’urgence actuellement à bout de souffle et ainsi préserver la sécurité, la santé, voire la vie de nos concitoyens. Moyennant ce rappel à la dure réalité, le parti socialiste soutient sans réserve les décrets et vous prie d’en faire de même.

Mme Carole Dubois (PLR) —

Comme ma préopinante, je vais procéder brièvement à une entrée en matière générale sur l’ensemble de ces décrets. Toutes les mesures exposées dans ces projets de décrets seront largement commentées lors de leur étude respective. Nous sommes toutes et tous unis par la volonté de soutenir, au niveau cantonal, les entreprises, les PME et les secteurs profondément affectés dans leur activité, qu’il s’agisse de l’hôtellerie, de la restauration, mais également dans l’événementiel, les voyages, le monde du spectacle, ainsi que tous les acteurs économiques qui pâtissent directement ou indirectement de la pandémie.

Nous pouvons déjà annoncer qu’un amendement à l’article 2, alinéa 1, sera déposé par notre collègue Stéphane Rezso — dans le cadre du projet de décret pour le soutien aux entreprises dans les cas de rigueur — dans le but de pouvoir valoriser la part fédérale dans sa totalité. Plusieurs amendements seront également déposés par notre collègue Gilles Meystre sur ce même projet de décret aux articles 6, alinéa 2, lettres a et b. Des amendements également déposés par M. Meystre concerneront le projet de décret sur l’aide aux établissements contraints à la fermeture au cours de la deuxième vague. D’ores et déjà, nous vous invitons à les soutenir.

Par ailleurs, nous demandons instamment à ce que l’administration cantonale traite ces demandes urgentes avec célérité, pragmatisme, mais surtout avec un maximum de souplesse. En conclusion, le groupe PLR acceptera ces projets de décret avec les amendements susmentionnés.

M. Vassilis Venizelos —

La crise sanitaire a provoqué des ravages dans plusieurs secteurs économiques. Nous tenons à saluer les efforts mis en œuvre par le Conseil d’Etat pour proposer très rapidement différents décrets qui permettront, nous l’espérons, à ces entreprises de se relever et de poursuivre leur activité. Nous tenons aussi à saluer la rapidité avec laquelle la Commission des finances a réussi à fournir un rapport sur ces différents éléments.

Le groupe des Verts entrera en matière sur l’ensemble des décrets proposés et vous invitera également à les soutenir. Néanmoins, il faut peut-être rappeler que le diable se cache dans les détails. Ainsi, notre groupe proposera différents amendements pour assouplir certains critères d’éligibilité ou seuils proposés, ou encore pour fluidifier les processus de décision. Notre groupe interviendra plus spécifiquement sur le décret relatif au cas de rigueur. Je rappelle que deux conditions étaient posées par le droit fédéral pour définir les cas de rigueur. Ces conditions nous paraissent profondément injustes, puisqu’elles excluent un certain nombre d’entreprises des aides potentiellement octroyées. Premièrement, il s’agit de la limite minimale du chiffre d’affaires de 100’000 francs, chiffre repris de l’ordonnance fédérale. Considérant que certaines petites entreprises, notamment lorsqu’il s’agit d’activités annexes, n’ont pas nécessairement un chiffre d’affaires qui leur permet d’atteindre ce seuil minimal, nous considérons qu’il devrait être modifié. La deuxième condition concerne la perte exigée de 40 % au moins du chiffre d’affaires. Selon le droit fédéral, une entreprise qui aurait perdu 40 % ou plus de son chiffre d’affaires est un cas de rigueur. Selon nous, cette limite n’est pas non plus en phase avec la réalité économique. Pour certaines entreprises dont les marges sont relativement faibles, il suffit parfois de perdre 10 ou 20 % du chiffre d’affaires pour que la situation économique devienne intenable. Par conséquent, il faut également revoir ce critère. Exclure les entreprises qui ne rentrent pas dans les critères de l’ordonnance fédérale des mécanismes d’aide relève, selon nous, de l’injustice, car cela revient à pénaliser des entreprises qui auraient fourni certains efforts durant la crise pour essayer de sortir la tête de l’eau et maintenir une activité ; raison pour laquelle, relativement à ce décret également, nous proposerons un amendement.

A l’évidence, nous vous invitons à entrer en matière et à soutenir les amendements que nous proposerons qui permettront de renforcer les outils et les dispositifs mis en place par le Conseil d’Etat.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Effectivement, il est important de soutenir ces différents décrets afin d’apporter, encore une fois et autant que faire se peut, un peu d’oxygène financier pour les entreprises qui sont à nouveau touchées. En effet, certains secteurs de l’économie vaudoise subissent un nouveau coup d’arrêt de leurs activités. J’ignore si ces décrets devraient permettre de sauver ces entreprises ; je suis un peu interloqué en fonction de ce que j’ai lu dans les rapports du Conseil d’Etat. Il semble que certaines entreprises n’aient malheureusement plus la possibilité de pratiquer leur travail, ce qui nous inquiète franchement. Des atteintes économiques qui seront malheureusement probablement durables dans de nombreuses entreprises, comme je le disais auparavant.

Je voudrais aussi souligner que les ressources financières des acteurs économiques actifs sont, à l’heure actuelle, bien mises à mal, voire épuisées dans certains domaines. Il est urgent d’agir vite. Nous aurons la possibilité de réagir au travers d’amendements si nécessaires. Notre groupe entrera en matière sur ces décrets et vous invite à en faire de même.

Mme Claire Richard (V'L) —

Le groupe vert’libéral entrera bien entendu en matière pour l’ensemble de ces décrets. L’urgence est là et plus vite ces mesures entreront en vigueur, mieux ce sera. Les Vert’libéraux ont aussi examiné les propositions d’amendements qui leur ont été soumises. Ils en accepteront une majorité. Le but de ces amendements consiste à élargir le plus possible l’accès aux aides prévues par cet exposé des motifs de projet de décret afin qu’un maximum de situations douloureuses dues au COVID puissent entrer dans le cadre des aides. Il s’agit de ne laisser personne au bord de la route, et ce, rapidement. Je ne poursuis pas davantage afin de pouvoir entrer dans le vif du sujet. En conclusion, les Vert’libéraux entreront en matière et vous invitent à en faire de même.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Dans l’ensemble, le groupe Ensemble à gauche et POP soutient les aides aux entreprises et aux salariés proposées par le Conseil d’Etat, ainsi que les mesures de soutien au commerce local. Ces aides sont d’autant plus indispensables que, comme l’ont montré les événements de ces vingt-quatre dernières heures, la crise est malheureusement loin d’être terminée. Pour que les restrictions sanitaires soient acceptables, soutenables, dans la durée, pour la population, un accompagnement économique et social conséquent est indispensable. L’effort du canton est d’autant plus important que, depuis le début de la deuxième vague, la Confédération est très effacée, très en retrait. D’une certaine manière, elle semble paralysée par les pressions d’une certaine droite économique qui fait primer la rigueur budgétaire sur tout autre considération, et qui est prête à laisser tomber certaines petites entreprises tant que la position des grandes n’est pas affectée.

Toutefois, notre soutien s’accompagne de propositions qui visent à mieux cibler les aides aux entreprises qui en ont réellement besoin et à renforcer celles qui sont destinées aux salariés. Depuis le début de cette pandémie, beaucoup de mesures ont été débloquées pour les entreprises, pour les entrepreneurs, mais peu de mesures ont été ciblées sur la défense du pouvoir d’achat des salariés. C’est un point qui nous tient à cœur et nous aurons l’occasion d’y revenir, notamment sur la problématique des RHT, lorsque nous aborderons le détail des décrets.

Mme Circé Barbezat-Fuchs (V'L) —

Le groupe des LIBRES soutient bien sûr l’entrée en matière sur l’ensemble de ces projets de décret, car il en va de la survie non seulement de notre économie, mais également du cadre de vie de nombreux acteurs de notre société. Nous nous montrerons notamment très attentifs au décret relatif aux cas de rigueur, mais aussi à celui relatif aux RHT. Nous soutiendrons également la majorité des amendements permettant l’amélioration des différents projets de décret. Cependant, si la Confédération ne tient pas compte de l’appel des cantons de Suisse occidentale, nous estimons que cette dernière devra, à ce moment-là, augmenter sa participation financière pour les cantons qui ont formulé des restrictions de façon plus précoce que d’autres, ce qui est le cas de notre canton. Malgré cette situation incertaine, nous entrerons en matière sur l’ensemble des projets de décret pour soutenir tous les secteurs lourdement impactés, fatigués de cette situation, craignant l’avenir et ne sachant plus comment conserver leur mode de vie.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Permettez-moi quelques propos introductifs sur l’ensemble du paquet économique qui vous est soumis. Au nom du Conseil d’Etat et en mon nom personnel, j’aimerais d’abord remercier très sincèrement et très chaleureusement la Commission des finances et son président pour la diligence avec laquelle ils ont accepté de traiter l’ensemble de ces décrets dans des délais extrêmement brefs, avec parfois des textes souffrant d’imperfection sur le plan formel. Je remercie l’ensemble des membres de la Commission des finances et le Bureau du Grand Conseil. A l’heure des remerciements, j’aimerais aussi m’adresser à mon administration et plus particulièrement au Service de la promotion économique et de l’innovation et à sa cheffe, Mme Meier, présente aujourd’hui. Ils ont déployé des efforts et un engagement hors du commun pour que nous puissions respecter votre vœu, qui est aussi le nôtre, de mettre extrêmement rapidement à disposition de la communauté vaudoise des outils efficaces de soutien.

En vous présentant l’ensemble de ce paquet, le Conseil d’Etat a suivi l’une des injonctions que vous lui aviez données — qu’il avait anticipée — celle d’amener un volet de mesures qui soit rapidement opérationnel. A l’heure où je vous parle, deux des cinq mesures le sont d’ores et déjà grâce au recours à des arrêtés du Conseil d’Etat. Il s’agit de WelQome et de l’indemnisation pour fermeture. Pour WelQome, 23 % des moyens financiers sont déjà, aujourd’hui, utilisés. Par ailleurs, comme l’a souligné M. Berthoud, pour l’indemnisation des entreprises qui ont été fermées par décision du Conseil d’Etat, la plate-forme électronique est déjà opérationnelle Ainsi, notre préoccupation consiste non seulement à vous soumettre des propositions, mais aussi à ce que ces dernières soient immédiatement opérationnelles.

Enfin, je remercie les porte-parole des groupes qui, à l’unanimité, si je vous ai bien entendus, recommandent l’entrée en matière sur l’ensemble du paquet. Bien entendu, des amendements seront déposés, dont la plupart ne dévoient pas les projets, mais sont à la marge. Le Conseil d’Etat fera preuve d’ouverture, compte tenu de l’urgence, sur une bonne partie des amendements… mais pas sur tous. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Le Conseil d’Etat privilégiera l’avancée des dossiers, l’urgence qu’il y a à prendre des mesures, plutôt que de pinailler sur tel ou tel aspect des choses.

Un dernier point est à relever. En effet, l’engagement que je vais maintenant prendre devant vous est valable pour l’ensemble des décrets. Nous avons la volonté de les appliquer avec un maximum de souplesse, de rapidité et une volonté de soutenir, chaque fois que cela est possible, sans faire de juridisme étroit. En contrepartie, le Grand Conseil doit être parfaitement conscient que, compte tenu de l’urgence de l’ensemble des décrets, il se peut que des décisions malencontreuses d’aides octroyées aient lieu. En effet, nous serons confrontés à de très nombreuses demandes, et celles-ci devront assurément être traitées rapidement si nous voulons qu’elles soient efficaces. Je demande donc que ceux qui appellent à la vitesse ne soient pas les premiers à ensuite nous reprocher si telle ou telle décision devait s’avérer quelquefois malheureuse. On ne peut pas à la fois exiger une attention absolue, un 100 % de garantie, et que l’ensemble des demandes qui nous seront adressées soit traité par l’administration et par les tiers qui y sont associés dans des délais extrêmement brefs. Face à ces deux risques, il faut choisir. Le Conseil d’Etat a choisi d’aller vite, parce que l’urgence l’exige. Je veux être transparent pour que vous saisissiez qu’une urgence implique, qu’on le veuille ou non, une prise de risques.

En conclusion, je ne peux que vous exhorter, comme les représentants des groupes parlementaires, à entrer en matière, et à le faire rapidement. Parce que si nous avons besoin de textes parfaits aux yeux des puristes, nous avons surtout besoin de politiques concrètes et appliquées sur le terrain, et ce, sans tarder.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise à l’unanimité.

Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.

Art. 1. et 2. —

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Les articles 1 et 2 ont été adoptés à l’unanimité des membres présents de la commission. Nous présenterons un amendement à l’article 3.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Les articles 1 et 2 sont acceptés à l’unanimité.

Art. 3.

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Un amendement a été proposé par le Service d’analyse et de gestion financière (SAGEFI) à la lettre c. Il a été accepté à l’unanimité des membres présents de la commission :

« Art. 3. — lettre c : (...) dépôt de leurs déclarations fiscales, du respect de leurs plans de paiements, du paiement de leurs impôts (...) »

M. Gilles Meystre (PLR) —

En préambule, vous me permettrez quelques mots que je n’ai pas tenus préalablement lors du débat sur la résolution Christen. Je parle déjà bien assez… ! Mais je tenais tout de même à remercier le Conseil d’Etat, mais aussi tous les députés pour le soutien apporté aujourd’hui aux entreprises menacées par les intentions du Conseil fédéral. Cette unité fait naturellement écho à la très large incompréhension des acteurs de la restauration. Je tenais à vous manifester notre reconnaissance.

Par ailleurs, je tiens aussi à saluer les décrets présentés par le Conseil d’Etat et aussi à remercier le Département de l’économie pour son écoute attentive. Ce premier train de mesures est naturellement bienvenu, même s’il est probablement insuffisant au vu des perspectives actuelles, et même si des délais de versement paraissent immensément longs lorsqu’on n’a même plus 1 franc en poche, ce qui est le cas d’un certain nombre d’entreprises.

Après une étude attentive des deux projets de décrets, celui qui nous occupe maintenant est relatif aux cas de rigueur, nous arrivons à la conclusion que certains points nécessitent impérativement d’être amendés afin de s’assurer que certaines entreprises fermées d’autorité et/ou impactées par les mesures sanitaires mises en place depuis le mois de mars puissent bénéficier d’indemnités forfaitaires, respectivement des indemnités pour cas de rigueur. Ces amendements viseront donc principalement à assouplir, comme l’a dit la présidente du groupe PLR, certains critères d’éligibilité visiblement trop restrictifs. Je précise que ces amendements n’ont pas pour but de soutenir des bateaux qui coulaient avant la crise, mais bien de soutenir ceux qui, après l’arrivée du COVID, ont été fragilisés. Je précise aussi que je ne doute pas de la bonne foi du Conseil d’Etat lorsqu’il affirme que le traitement des demandes d’indemnisation sera conduit avec souplesse, rapidité et bienveillance. Néanmoins, je tiens à rappeler que ce n’est pas le Conseil d’Etat en personne qui conduira l’analyse de chaque dossier, mais un pool de fiduciaires chargées de s’en tenir à des critères prédéfinis. Vous le savez — ce n’est absolument pas une critique, puisque c’est ce que l’on attend d’eux — chez les fiduciaires, 2 + 2 font 4 et pas 3,5 ou 4,5. Dès lors, il convient d’éviter que certaines entreprises soient écartées, des entreprises correctement gérées, fragilisées par le COVID et non par un manque de sérieux. Je vous remercie donc de soutenir les assouplissements ou précisions qui seront proposés dans les amendements qui vont suivre.

En voici un premier. En effet, à mon sens, il convient impérativement de préciser le moment où l’arriéré de cotisations sociales peut être posé comme condition d’octroi de l’aide, tout en précisant que le paiement des cotisations est évidemment obligatoire. Il faut se rappeler que dès la survenance de la crise de ce printemps, certaines entreprises ont parfois dû choisir entre diverses charges à payer, faute de liquidités. Certaines auront donc payé les charges sociales, d’autres placé la priorité sur le paiement de leur loyer ou des fournisseurs. La formulation proposée permet de prendre comme moment de référence la veille de la fermeture, soit le 15 mars 2020. En clair, si vous aviez des arriérés de paiement de cotisations sociales avant le 15 mars, il est normal que vous ne soyez pas éligibles à l’aide ; mais si vous en avez après, si vous avez fatalement dû reporter certaines factures faute de trésorerie ou dans l’attente des aides à recevoir, vous devez pouvoir être éligible. Nous soulignons aussi que cette nouvelle formulation est précisément celle de l’arrêté sur les cas de rigueur que nous traiterons ultérieurement. Par analogie et pour éviter d’autres interprétations, nous privilégions cette formulation. Je vous remercie de soutenir cet amendement.

« Art. 3. — Al. 1 :

b. avoir régulièrement payé les charges sociales leur incombant et celles qu’elles doivent verser pour le compte de leurs employésne pas avoir au 15 mars 2020 d’arriérés de cotisations sociales. »

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Dans le même esprit que les propos notre collègue Gilles Meystre, j’interviens également sur cette lettre b de l’article 3 concernant les critères d’éligibilité. Je propose que notre canton ne soit pas plus restrictif que ne l’est la Confédération. Certes, toute cotisation sociale doit être payée — un principe auquel nous sommes très attachés — mais la formulation de l’ordonnance fédérale, à son article 4, alinéa 2, lettre c, est certainement plus conforme à la pratique. Il faut savoir que la Confédération accorde, via les caisses AVS, des facilités de paiement jusqu’à six mois. En ce sens, je vous propose en lieu et place de l’amendement qui vient d’être présenté, une formulation plus conforme à l’ordonnance fédérale, qui serait la suivante :

« Art. 3. — Al. 1 :

b. n’avoir pas fait l’objet au 15 mars 2020 d’une procédure de poursuite relative à des cotisations sociales. »

Il est vrai que cet amendement élargit encore la pratique par rapport à celui de M. Meystre, mais je crois que nous avons intérêt à ce que notre canton n’adopte pas une pratique différente de ce que la Confédération autorise elle-même dans son ordonnance.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Je résume la situation : à l’alinéa 1, de l’article 3, nous sommes en présence, à la lettre b, de deux amendements qui s’opposent, ainsi qu’en présence d’une proposition d’amendement de la Commission des finances à la lettre c. Pour l’instant, je recentre donc la discussion sur l’alinéa 1.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Il est plus précis de parler de procédure de poursuite, parce que la notion d’arriérés n’est pas claire. Si vous avez deux jours de retard dans le paiement des cotisations, on peut se dire qu’il s’agit d’un arriéré. Ensuite, est-ce après le premier rappel que l’on commence à avoir des arriérés ou au moment de la sommation ? Quel est le moment à partir duquel on parle réellement d’arriérés ? C’est la raison pour laquelle l’ordonnance fédérale retient un moment précis : celui à partir duquel on passe de celui qui est un peu en retard à celui qui est réellement en train de tricher, de ne pas payer ses cotisations. Celui de la poursuite. C’est un moment plus précis, mais l’esprit est le même. A vrai dire, nous aurions pu combiner les deux amendements, mais la rapidité des débats fait que nous retrouvons dans cette situation. Pour que ce soit clair pour tout le monde, la précision était nécessaire.

« Art. 3. — Al. 1 :

b. avoir régulièrement payé les charges sociales leur incombant et celles qu’elles doivent verser pour le compte de leurs employés ne pas faire l’objet au 15 mars 2020 d’une procédure de poursuite en cours relative à des cotisations sociales. »

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

J’ai une question par rapport à l’amendement de M. Mahaim. S’agit-il d’une procédure de poursuite en cours ? Si on lit votre amendement, on pourrait aussi avoir un établissement qui a fait l’objet d’une procédure de poursuite antérieure et qui a été payée entre-temps. Puisque ces textes vont être appliqués à la lettre, il faut bien comprendre que nous parlons de poursuite en cours.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je trouve la remarque de notre collègue Mattenberger parfaitement sensée. Effectivement, l’esprit de cet amendement est bien de ne pas faire l’objet, au 15 mars 2020, d’une procédure de poursuite. S’il est encore possible de corriger cette erreur de plume, je pense que cela clarifiera les choses. Il ne s’agit pas d’accabler les personnes qui auraient eu antérieurement des poursuites.

M. Gilles Meystre (PLR) —

Pour ma part, la formulation est calquée sur celle de l’autre arrêté. Chez Raphaël Mahaim, la formulation est calquée sur les textes fédéraux. Je me rallie volontiers à la formulation de Raphaël Mahaim, à la condition que ce ne soit pas « n’avoir pas fait », mais « ne pas faire ». Nous allons dans la même direction.

Je dépose également un autre amendement à la lettre d. Dans cet article et à cette lettre en particulier, trois motifs justifient d’être exclus de l’aide : faire l’objet d’une procédure de faillite, faire l’objet d’une procédure concordataire et faire l’objet d’une procédure de liquidation. Or, il semble trop restrictif d’exclure les établissements qui font l’objet d’une procédure concordataire, en particulier ceux qui seraient au bénéfice d’un sursis concordataire accepté par leurs créanciers. Il faut être clair, si les créanciers soutiennent un tel sursis, ce n’est pas par philanthropie, mais bien parce qu’il existe des perspectives d’assainissement pour l’entreprise. Or, leur refuser une aide, les exclure du périmètre des bénéficiaires potentiels, équivaut à leur donner le coup de grâce et à les priver d’une chance de se refaire. Je vous propose donc l’amendement suivant.

« Art. 3. — Al. 1 :

d. ne pas faire l’objet d’une procédure de faillite, d’une procédure concordataire ou de liquidation au moment du dépôt de la demande.

Sont exceptées les procédures de sursis concordataire où l'assemblée des créanciers a accepté le concordat. »

Un dernier point : le législateur fédéral lui-même, à l’article 20 de l’ordonnance COVID-19 sur les cas de rigueur, veut précisément promouvoir des concordats avec un sursis concordataire. Il serait donc regrettable que le canton soit plus restrictif que la Confédération, seconde raison pour laquelle je vous invite à soutenir cet amendement.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Je résume à nouveau la situation : à l’alinéa 1 de l’article 3 nous sommes maintenant en présence de trois amendements : l’amendement Zwahlen/Meystre à la lettre b, l’amendement de la Commission des finances à la lettre c, puis l’amendement que M. Meystre vient de nous proposer pour la lettre d.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Je vous annonce que le groupe socialiste soutiendra à l’unanimité l’amendement sur les sursis concordataires.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Les trois amendements ne posent pas d’insurmontable problème au Conseil d’Etat. A la lettre b notamment, il avait choisi l’adverbe « régulièrement » pour bénéficier d’une forme de souplesse et lui permettre une appréciation dans le sens de favoriser l’octroi des aides. Si vous voulez être plus précis — cela me semble être secondaire par rapport à l’ensemble de l’enjeu — le Conseil d’Etat ne s’y opposera pas, mais il avait estimé qu’il fallait laisser une légère marge de manœuvre.

Puisque j’ai la parole, je compléterai mon propos introductif. Je vous ai annoncé que deux aides étaient d’ores et déjà opérationnelles, pour la deuxième — celle dont nous parlons actuellement, les indemnités pour fermeture — les premiers versements seront effectués cette semaine déjà.

M. Gilles Meystre (PLR) —

Il est clair que la formulation proposée par Raphaël Mahaim me convient également. Le « etc. » m’a aussi posé problème à la rédaction de mon propre amendement, mais je n’ai pas voulu trop traficoter le texte du Conseil d’Etat. Je me rallie à cette proposition et retire mon propre amendement.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Je souhaite amener un sous-amendement en ajoutant « en cours » à procédure de poursuite.

« Art. 3. — Al. 1 :

b) Ne pas faire l’objet au 15 mars 2020 d’une procédure de poursuite en cours relative à des cotisations sociales. »

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Le sous-amendement Nicolas Mattenberger est accepté avec 2 oppositions.

L’amendement Pierre Zwahlen/Gilles Meystre (lettre b, sous-amendée par Nicolas Mattenberger) est accepté à l’unanimité.

L’amendement de la Commission des finances (lettre c) est accepté à l’unanimité.

L’amendement Gilles Meystre (lettre d) est accepté à l’unanimité.

Nous passons à l’alinéa 2 de l’article 3.

M. Gilles Meystre (PLR) —

Dans cet alinéa, il est fait mention des boulangeries devant fermer leur espace de restauration. Or, par espaces de restauration, je présume que l’on parle d’un tea-room. Après avoir conversé avec l’Association des boulangers, pâtissiers et confiseurs qui, chaque année, vient nous sustenter au terme de nos débats, il apparaît que les tea-rooms ont été, comme les restaurants, fermés d’autorité par décision du Conseil d’Etat et non pas par leur simple volonté. Or, l’arrêté crée une distinction entre deux types de tea-room : ceux qui ne sont pas liés à une boulangerie et qui ont droit à l’aide d’urgence et ceux qui sont liés à une boulangerie et qui disposent d’une licence de tea-room qui sont exclus de l’aide d’urgence. C’est en tout cas mon interprétation de cet alinéa. Or, lorsque une boulangerie dispose d’un tea-room, l’activité principale, en termes de chiffre d’affaires, n’est pas la boulangerie, mais bien le tea-room, contrairement à ce que laisse entendre la formulation de la lettre a, ci-dessus. Ceux-là n’ont donc pas pu, à l’instar d’un restaurant, poursuivre leur activité principale. Par ailleurs, certains tea-rooms liés à une boulangerie disposent d’autres types de licences, comme celle de café-restaurant, et ont vraisemblablement droit à l’aide d’urgence. Enfin, il convient aussi de préciser que les tea-rooms pouvant bénéficier de l’aide des 10 % accordée aux employés d’entreprises fermées d’autorité — c’est l’arrêté RHT — sont exclus d’un côté, mais inclus d’un autre côté. Les deux aides sont pourtant destinées aux mêmes entreprises, celles dont le Conseil d’Etat a ordonné la fermeture. Par souci de cohérence entre les deux arrêtés, pour tenir compte de la réalité financière de ces établissements et éviter des distorsions entre acteurs d’une même filière, je propose donc de supprimer cette exclusion :

« Art. 3. — Al. 2 : a. les établissements et installations dont la fermeture ordonnée par le Conseil d’Etat ne concerne qu’une partie annexe de l’activité et qui peuvent poursuivre leur activité principale, telles [sic] les boulangeries devant former leur espace de restauration, les établissements de vente de mets à remporter accueillant moins de dix places assises, les galeries d’art, etc. ;

M. Raphaël Mahaim (VER) —

L’amendement que nous vous proposons va dans le même sens que celui exprimé par Gilles Meystre, mais un peu plus loin. J’ajoute une remarque préalable. Comme l’a très bien expliqué le conseiller d’Etat de façon implicite, et comme cela figure dans les explications de l’exposé des motifs, toute l’aide accordée au titre de ce décret sera déduite de l’aide accordée pour les entreprises « cas de rigueur ». En quelque sorte, ce sont des vases communicants : si vous obtenez de l’argent ici, vous ne pourrez pas l’obtenir une deuxième fois. C’est la raison pour laquelle nous pouvons travailler sur ce décret sans que cela n’élargisse l’enveloppe globale. Pourtant, ici, cette clause d’exclusion semble poser un problème, parce que le principe d’une activité annexe à l’activité principale — comme nous venons de le voir avec l’exemple donné par Gilles Meystre — pose un certain nombre de difficultés. Dans le cas des boulangeries, il est très parlant. En effet, admettons que vous teniez une boulangerie qui compte dix tables pour servir les clients. La situation sanitaire condamne ces dernières, toutefois on vous annonce que vous n’êtes pas éligible aux aides directes, parce qu’il vous reste la boulangerie. Cette manière de procéder ne semble pas conforme à l’esprit consistant à aider tous ceux qui en ont besoin. Nous proposons donc de supprimer cette liste d’exemples. Du point de vue de la compréhension du texte, les exemples sont un peu particuliers, de surcroît la présence du « etc. » à la fin de l’article. Que signifie-t-il ? C’est un peu délicat… Par ailleurs, plutôt que de parler de partie « annexe » de l’activité, on préfère partie « mineure » de l’activité. S’il ne s’agit pas de quelque chose de significatif dans l’activité, on peut comprendre que cela entraîne l’exclusion, mais une activité annexe, avec cette liste d’exemples, paraît aller trop loin. Il s’agit d’une sorte d’amendement Gilles Meystre consolidé :

« Art. 3. — Al. 2 : a. les établissements et installations dont la fermeture ordonnée par le Conseil d’Etat ne concerne qu’une partie mineureannexe de l’activité et qui peuvent poursuivre leur activité principale, telles les boulangeries devant fermer leur espace de restauration, les établissements de vente de mets à l’emporter comportant moins de dix places assises, les galeries d’art, etc. »

Mme Circé Barbezat-Fuchs (V'L) —

Je remercie les députés Mahaim et Meystre pour cette solution. J’avais une question à poser concernant les galeries d’art, et je rencontrais aussi un problème avec le « etc. » et la liste des exemples. Je ne voyais pas pourquoi les galeries d’art plus que d’autres endroits. Comment pouvions-nous dire qu’il s’agissait d’une activité annexe en parlant de la fermeture d’une galerie d’art ? Les acheteurs d’art ne savent pas toujours exactement ce qu’ils veulent acheter et ils visitent les galeries pour se décider. Je rejoins donc volontiers la proposition qui parle d’une activité « mineure » et qui supprime la liste des exemples.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Je remercie M. Meystre pour son amendement. Le groupe socialiste rejoignait son souci relatif à la discrimination dont seraient victimes certains établissements avec la formulation prévue par le Conseil d’Etat. Il soutient donc l’esprit de l’amendement de M. Meystre et la formulation proposée par M. Mahaim.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je vais peut-être rompre un peu cet enthousiasme et l’unanimité. En effet, lorsqu’on veut corriger les textes de loi, le diable se cache parfois dans les détails. Nous avons changé l’énumération en disant que c’était exemplaire, mais personnellement je considérais que cela expliquait assez bien ce que cela voulait dire, sous réserve du fait que je suis évidemment d’accord avec l’amendement de M. Meystre quant aux boulangeries, s’il est avéré que l’activité principale vient plutôt du tea-room que de la boulangerie. On nous propose un remplacement par l’adjectif « mineur ». Mais que signifie cet adjectif ? On me répondra : « c’est le bon sens », « y a qu’à », « on interprétera comme ci ou comme ça ». Je pense que cela génère plus d’incertitudes que la liste exemplative que nous avons voulu supprimer et qui donnait, me semble-t-il, une illustration plus claire de la situation de ce que nous voulions faire, plutôt qu’un adjectif « mineur » dont l’appréciation peut être extrêmement vaste et variée en fonction de la personne qui doit l’interpréter. Bien entendu, on nous a dit qu’on allait faire preuve de souplesse et de bon sens, mais je doute très sincèrement — et peut-être que ces débats permettront d’éclairer les personnes habilitées à appliquer la loi — que l’adjectif « mineur » soit plus éclairant que le texte original, hormis l’amendement Meystre.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

On a bien compris qu’on essayait d’être le plus précis possible. Il n’y a pas d’enjeu politique sur ces termes. Pour répondre à M. Buffat, actuellement, dans la variante du Conseil d’Etat, le terme « annexe » est tout aussi difficile à définir que le terme « mineure ». Qu’est-ce qu’une activité annexe ? S’agit-il de 50 %, 30 %, ou 20 % ? Cela se calcule-t-il au niveau du chiffre d’affaires, de la taille de l’établissement ? Avec l’amendement proposé, on donne une intention claire qui va dans le sens de ce qu’exprimait le Conseil d’Etat, à savoir que l’on ne peut pas exclure des situations dans lesquelles prévaut une vraie perte de chiffre d’affaires liée à la fermeture décrétée par les autorités. Pour être très concret, si vous avez une boulangerie et que, à l’étage de cette dernière, vous avez un petit coin de table où vous accueillez de temps en temps une personne pour boire un café, on peut dire que cela n’entre pas dans le cadre de l’activité ; cela revêt un caractère mineur. En revanche, si vous avez une boulangerie avec une dizaine de tables, à côté de vos croissants et de vos sandwiches, pour accueillir les clients, il s’agit d’une activité annexe, alors que selon la formulation du Conseil d’Etat, ce serait exclu. Au titre de ces aides, cela ne me paraît pas admissible, étant encore une fois précisé que, de toute façon, l’argent que vous touchez dans ce cadre, vous ne le touchez pas dans le cadre des cas de rigueur. C’est une première bouée de secours aux établissements qui n’en peuvent plus et qui sont en train de tirer la langue au point de devoir, pour certains d’entre eux, mettre la clé sous la porte.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

La volonté du Conseil d’Etat est claire, et je crois qu’elle est d’ailleurs partagée par les auteurs des différents amendements. On ne peut être indemnisé par cette aide lorsque l’activité interdite par le Conseil d’Etat est extrêmement marginale. C’était notre volonté. Nous ne pouvons pas, dans un texte comme celui-ci, énumérer tous les cas de figure qui se présentent dans la société. C’est une illusion à laquelle je vous appelle à renoncer d’emblée. Dans le cas contraire, nous serons encore à l’œuvre au mois de juillet et il ne restera plus qu’une entreprise !

Ce texte a naturellement été soumis au Service juridique et législatif (SJL) qui l’a validé quant à la portée des termes et des notions juridiques. Nous avons listé un certain nombre d’exemples pour permettre à celui qui est sur le terrain, mais qui n’est pas forcément juriste, professeur ou avocat, de voir dans quel cadre se situent les aides qui doivent être immédiatement libérées. Il s’agit d’une liste exemplative que vous trouvez dans toute une série de textes légaux ou de décrets. Par exemple, dans l’arrêté du Conseil d’Etat qui fixe si vous pouvez ou non jouer au tennis, vous avez une exemplarité des sports ou non praticables. A cet égard, M. Buffat a raison. Les exemples qui sont donnés le sont à titre éducatif, si j’ose dire. Les gens comprendront de quoi il s’agit. Néanmoins, si vous estimez qu’avec les termes « annexe » ou « mineure », la différence saute aux yeux, je peux m’y rallier, puisqu’encore une fois, il n’y a aucune divergence de vue sur le fond. Lorsqu’une même volonté est partagée entre les auteurs d’amendements et le Conseil d’Etat, que nous avons un texte juridique qui la traduit, je crois que nous nous livrons à un peu de sémantique…mais si vous préférez inscrire « mineure » en disant que vous avez fait œuvre de salut public, je louerai ce sens !

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Monsieur le conseiller d’État, nous venons de nous concerter avec Gilles Meystre et nous proposons de nous rallier à votre formule, puisque vous avez proposé le terme « marginale ». Si cela vous semble plus conforme à l’esprit de vos travaux, nous pouvons en rester là. Je propose donc de sous-amender, au nom du Conseil d’Etat, si j’ose le faire de cette façon, mon amendement. En revanche, il me semble important de ne pas garder cette liste exemplative qui crispe les personnes qui ne comprennent pas si elles entrent dans cette liste ou non. Nous en restons aux principes et accordons notre confiance au Conseil d’Etat et à ses services pour la mise en œuvre de ces principes. Cette liste exemplative pose plus de soucis qu’elle n’en résout. Je dépose donc l’amendement suivant :

« Art. 3. — Al. 2 : a. les établissements et installations dont la fermeture ordonnée par le Conseil d’Etat ne concerne qu’une partie marginaleannexe de l’activité et qui peuvent poursuivre leur activité principale, telles les boulangeries devant fermer leur espace de restauration, les établissements de vente de mets à l’emporter comportant moins de dix places assises, les galeries d’art, etc. »

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Monsieur le député, il s’agit de votre amendement. Je vous crois sur parole lorsque vous indiquez que Gilles Meystre s’y est rallié. Nous n’avons donc pas besoin de le voter comme sous-amendement.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Si vous voulez parler au nom du Conseil d’Etat, ce n’est plus le salut public qui vous anime, mais l’ambition personnelle. (Rires.) Ce qui, en soi, n’est pas un péché considérable… Je peux me rallier à cette idée. Je suis convaincu que les exemples sont pertinents, qu’ils expliquent les choses, mais cela ne changera strictement rien si on les supprime. Je vous propose d’avancer.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’amendement Raphaël Mahaim/Gilles Meystre est accepté avec 3 abstentions.

L’article 3, amendé, est accepté avec 2 abstentions.

Art. 4.

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Du côté de la Commission des finances, nous n’avons pas d’avocat, nous nous sommes donc concentrés sur l’efficacité (Rires.) des termes utilisés par le SJL. Les articles 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 ont été adoptés à l’unanimité des membres de la commission, ainsi que le vote final du projet de décret.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Je dépose un amendement qui n’est pas l’œuvre d’un avocat qui recherche des sensations juridiques, mais qui est l’œuvre d’un député qui se pose la question de la portée du vote que nous nous apprêtons à faire. Cet amendement est un peu plus substantiel que les précédents.

Vous avez compris que cette indemnité est calculée — c’est le principe retenu — de façon forfaitaire sur la base des loyers et qu’elle est plafonnée à 15’000 francs. Encore une fois, tout montant alloué dans ce cadre ne serait pas alloué une deuxième fois ; il viendrait donc en déduction d’une aide pour cas de rigueur. Nous sommes donc en train de travailler sur des vases communicants, et l’amendement que je propose n’augmentera pas les dépenses prises globalement, mais vise à élargir les critères d’octroi en disant qu’il ne faut pas seulement prendre le loyer comme une vague base de calcul, mais qu’il faut prendre le loyer comme ce que l’on souhaite couvrir avec l’indemnité. Je propose donc de déplafonner ce montant de 15’000 francs. Soyons concret : le loyer d’un restaurateur dans un emplacement couru de Lausanne pour trois mois, si le Conseil fédéral suit la demande des Vaudois et permet l’ouverture en décembre, cela représente 5000 francs de loyer par mois. Assurément, certains restaurateurs, notamment dans les villes, ont des loyers bien supérieurs à 5000 francs par mois. En déplafonnant ce montant, en supprimant la limite à 15'000 francs et en précisant qu’on octroie l’aide en couvrant le loyer, il me semble qu’on atteint la cible que le Conseil d’Etat vise. Encore une fois, ce montant ne pourra pas être touché une deuxième fois en postulant pour les aides pour les entreprises dites cas de rigueur. Je propose donc de déplafonner ce montant qui tombe un peu du ciel. Pour certains, cela représente beaucoup, une trésorerie avec 15’000 francs de plus, ce n’est pas une mauvaise chose, mais pour une entreprise dans la restauration qui a vu son établissement fermé pendant trois mois et qui a des énormes difficultés de trésorerie, 15’000 francs, ce n’est pas une bouée de secours suffisante. C’est la raison pour laquelle je vous propose de déplafonner ce montant.

« Art. 4.

Al. 1 : Dans les limites de l’enveloppe financière disponible, les aides prévues par le présent arrêté sont versées sous la forme d’une indemnité couvrantcalculé sur la base dule loyer hors charges ou des intérêts de la dette hypothécaire des locaux concernés, au prorata de la durée de fermeture décidée par le Conseil d’Etat vaudois, entre le 1er septembre 2020 et le 31 décembre 2020.

Al. 2 : Elles sont limitées à 15’000 francs par établissement ou exploitation, pour toute la durée couverte par le présent arrêté. »

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Le loyer est effectivement la base de calcul pour l’indemnité mais non l’indemnité elle-même. Dans cette situation de politique publique, face au coronavirus, cette manière de travailler est la plus efficace, la plus rapide. Comme l’a dit M. le conseiller d’Etat, à partir de la semaine prochaine, les personnes concernées recevront les montants. Ce montant de 15’000 francs est la première mesure qui arrive, cela permet de régler de nombreuses opérations. Ensuite, les autres aides seront les cas de rigueur. Nous allons essayer de donner le maximum et le plus rapidement possible, ensuite ce sera étudié de manière plus approfondie. Pour une grande partie, cela pourra passer par les autres opérations. Ce sont aussi des discussions que nous avons eues au sein de la Commission des finances. Nous avons bien compris le mécanisme, ce montant de 15’000 francs constitue le premier niveau d’aide. Je pense que M. le conseiller d’Etat pourra le confirmer, l’objectif est de répondre au maximum de personnes, ces dernières pourront ensuite accéder au deuxième niveau d’aide. Je rappelle que la commission a accepté ces articles à l’unanimité. A titre personnel, je vous encourage à vous en tenir au vote de la commission.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Il s’agit effectivement du premier niveau d'aide. Il faut aussi avoir conscience que ce sera aussi le seul pour beaucoup d’indépendants, étant donné le critère de 40 % du chiffre d’affaires fixé pour les cas de rigueur. Cela place la barre très haut en termes d’exigence. Je crois savoir qu’un amendement est prévu dans un prochain décret pour l’assouplir. Même si cela est assoupli, nous n’avons aucune garantie que, par effet de seuil, un indépendant ou une entreprise qui aurait perdu 25, 30 ou 35 % de son chiffre d’affaires puisse bénéficier de cette aide à fonds perdu. Ce premier niveau d’aide a son importance. Dans les villes centres, je pense que les loyers de certains baux commerciaux sont particulièrement élevés. De notre point de vue, il faut déplafonner ces montants pour éviter un maximum de faillites ou un maximum de pertes d’emplois, parmi les indépendants qui sont très touchés par cette crise.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Ce qu’il y a de bien, avec les plaisanteries sur les avocats, c’est que ça fait toujours rigoler la galerie. Nous y sommes habitués et cela glisse sur nous comme l’eau sur les plumes d’un canard, dans la mesure où lorsqu’on a besoin de nous, c’est fou ce que nous sommes indispensables… On se console comme on peut… !

J’aimerais poser une question à M. le conseiller d’Etat et à M. Berthoud quant à la structure de l’article 4. En effet, si j’en ai bien compris la systématique avec l’ensemble de la réglementation, dans le cas où nous déplafonnons et que nous sommes amenés à octroyer des aides supérieures à ces 15’000 francs qui figurent à l’alinéa 2, cela n’entraîne-t-il pas un risque d’accorder plus d’importance à la question du loyer, par hypothèse très élevé dans les zones urbaines, par rapport à d’autres critères pour lesquels les entreprises auraient aussi besoin d’aide, notamment par rapport au critère du chiffre d’affaires ? J’aimerais que vous nous expliquiez la systématique de cette disposition.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Je m’interroge sur les conséquences de cet amendement. J’éprouve quelque difficulté à me montrer favorable à un déplafonnement total de ces montants pour ces trois mois de loyer. Cela signifie-t-il que, si certains établissements ont des loyers de 30 ou 40’000 francs par mois, l’Etat versera 120’000 francs ? Par ailleurs, les négociations avec des bailleurs montrent aussi que ces derniers doivent faire un effort de leur côté, notamment les bailleurs institutionnels. Nous avons par exemple pu constater que la ville de Lausanne avait fait un effort et renoncé à des loyers. Quel est le message ? Cela signifie que l’Etat va payer l’intégralité de ces loyers et que cela annule les négociations avec les bailleurs institutionnels, qui ont certainement les moyens de pouvoir renoncer à une part des loyers ? Je rejoins d’une certaine manière les propos de M. Buffat dans le sens où peut-être que d’autres secteurs ont aussi besoin d’un peu d’argent, par exemple pour les salaires ou d’autres éléments. Nous allons enlever toute possibilité de négociations futures avec des bailleurs qui peuvent, dans un grand nombre de situations, renoncer à une partie de leurs loyers. Sans connaître exactement les chiffres, je trouve cela un peu risqué. On peut peut-être parler d’un montant plus élevé que ces 15’000 francs, je suis ouvert à une discussion de ce type, mais sachant le loyer payé par certains établissements, certaines boîtes de nuit, un déplafonnement total est un gros risque au niveau économique. Par ailleurs, relativement à cette aide, cet argent serait peut-être mieux investi dans d’autres domaines.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Je ne peux que vous exhorter à en rester au texte du Conseil d’Etat pour les motifs évoqués par MM. Mattenberger et Buffat. Nous parlons de 15’000 francs pour la période de fermeture décidée par le Conseil d’Etat. Je me permets de rappeler que les restaurants ont été fermés, sauf erreur, le 4 novembre par décision du Conseil d’Etat. Par la même décision de ce dernier, pour autant que le Conseil fédéral nous entende, ils devraient rouvrir le 10 décembre. Selon le calendrier en vigueur dans ce canton, cela ne représente pas trois mois. Ce sont donc 15’000 francs pour une période de cinq semaines. Cela représente déjà des loyers considérables. M. Mahaim fait le lien avec les cas de rigueur fédéraux, mais nous ne pourrons pas verser des montants pareils. Vous allez déséquilibrer complètement ce projet. Nous avons consulté les milieux concernés, et ce chiffre de 15’000 francs nous semble pertinent. Je vous exhorte à en rester à ce texte pour une question d’égalité de traitement et d’efficacité de la mesure, dans le cadre du dispositif général. Si d’aventure, les choses vont de nouveau mal en janvier ou en février, nous reviendrons. Maintenant, nous devons aller de l’avant. Je le répète, il s’agit de 15’000 francs pour cinq semaines de fermeture, ce ne sont pas 15’000 francs pour trois mois, un montant déjà très important. J’ai fait preuve d’un large esprit de Noël tout à l’heure, sur cet amendement extrêmement substantiel, je vous exhorte à en rester au texte du Conseil d’Etat. Encore une fois, les montants dont nous parlons ont été discutés avec les milieux concernés.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Je retire mon amendement suite aux propos du conseiller d’Etat, et après avoir réalisé, comme vous l’avez dit, que mon calcul n’était pas correct, à savoir que l’on parle plutôt d’un mois et demi, au pire des cas de deux mois, si le Conseil fédéral ne nous entend pas. Par conséquent, la limite à 15’000 francs paraît admissible. Je retire donc mon amendement.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Monsieur le conseiller d’Etat, lorsqu’on parle de cette indemnité forfaitaire, sommes-nous bien d’accord qu’elle est calculée sur la perte de loyer durant cette période ? Si j’ai un loyer de 6000 francs par mois, que j’ai dû fermer mon établissement pendant un mois et demi, sont-ce 9000 francs qui me seront alloués ? Ou alors, est-ce que ce sera calculé au prorata ? Parle-t-on vraiment de la perte effective ?

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Il n’y aura pas d’indemnité par entreprise supérieure à 15’000 francs. Comme l’a dit M. Berthoud, le loyer sert de critère. Pour aller vite, il suffit de fournir le contrat de bail et vous recevez le montant. Il n’y a pas 36 formulaires à remplir, c’est extrêmement rapide. Je remercie M. Mattenberger d’être devenu un fervent partisan de l’esprit de Noël. Encore une fois, je vous encourage à en rester à ce texte. Nous avons notamment discuté avec un autre avocat, qui défend ce milieu et qui considère que le montant de 15’000 francs est raisonnable. Nous ne l’avons pas tiré d’un chapeau.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Les articles 4 et 5 sont acceptés à l’unanimité.

Art. 6.

M. David Raedler (VER) —

Le groupe des Verts dépose un amendement à l’article 6, alinéa 5, portant spécifiquement sur la notification des décisions. Comme vous le savez, en droit — nous continuons à être des avocats qui parlent de droit — la notification d’une décision est l’élément-clé, le moment T, par lequel le délai de recours commence à courir. Dans le contexte de ce décret, le but du Conseil d’Etat est d’aller très rapidement, ce qui est impérativement nécessaire pour éviter des faillites et des situations difficiles. Pour cela, de notre point de vue, toute acceptation du montant de l’aide peut effectivement être notifiée à la personne concernée par voie électronique – une pratique déjà en cours. En revanche, les refus d’allocation des montants devraient être notifiés par la voie ordinaire, c’est-à-dire par courrier recommandé. Pourquoi est-ce que cela est important ? Parce que, lorsque vous vous voyez refuser une aide qui peut être impérative pour votre entreprise, il est central que vous compreniez qu’il s’agit d’un refus, d’une décision, mais surtout que vous soyez en mesure de faire valoir vos droits que reconnaît le décret à l’article 7. D’après mon expérience personnelle, j’ai eu plusieurs clients qui ont reçu des décisions négatives, dans d’autres contextes, par voie électronique uniquement, et qui n’ont pas compris qu’il s’agissait d’une décision. Dès lors, ils n’ont pas pu faire valoir leurs droits, ce qui est naturellement dommageable.

« Art. 6. — Al. 5 : Les demandes d’aide peuvent être déposées uniquement jusqu’au15 janvier 2021. Les décisions de refus total ou partiel du Service sont notifiées par courrier recommandé ; les autres décisions sont notifiées par voie électronique. »

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

En réalité, c’est ainsi que cela va se passer pour les refus, les non-entrées en matière. Mais avec cet amendement, si un élément — même portant sur 3.5 francs — est contesté par le service, vous devez notifier par voie de recommandé. Je voudrais que vous soyez conscients que cela va représenter des milliers de demandes, compte tenu des 2500 restaurants, sans compter les discothèques, les fitness et une partie des activités culturelles qui ont également dû cesser leur activité par décision du Conseil d’Etat. Imposer une notification par voie recommandée pour une contestation très marginale de décision nous semble excessif, et cela également en regard des montants totaux. Nous parlons d’un montant maximum de 15’000 francs. Je considère que dans ce type d’aide d’extrême urgence prévaut un véritable intérêt à aller vite et à décharger l’administration, tant que faire se peut.

M. David Raedler (VER) —

L’esprit de Noël continuant de s’appliquer, je pense que l’aspect total du refus peut suffire. Je modifie donc mon amendement de la manière suivante :

« Art. 6. — Al. 5 : Les demandes d’aide peuvent être déposées uniquement jusqu’au15 janvier 2021. Les décisions de refus total ou partiel du Service sont notifiées par courrier recommandé ; les autres décisions sont notifiées par voie électronique. »

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’amendement David Raedler est accepté avec plusieurs oppositions et abstentions.

L’article 6, amendé, est accepté avec 2 abstentions.

Art. 7.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Monsieur le conseiller d’Etat, s’agissant des voies de droit, vous venez de parler — à juste titre à mon avis — de la rapidité de la procédure, de la rapidité de prendre des décisions et de régler les éventuels cas contentieux, n’eût-il pas été judicieux d’avoir un délai de réclamation de dix jours ?

M. David Raedler (VER) —

On voit l’unité incroyable de ce Grand Conseil sur cette thématique, parce que c’est également un élément qui nous a inquiétés. De nouveau, ce décret a pour but d’aller vite, mais, dans d’autres domaines, notamment en matière de RHT, nous avons vu des décisions sur opposition qui ne sont toujours pas rendues, alors que l’opposition a été formée il y a plusieurs mois. C’est une situation qui est malheureusement compréhensible, parce qu’on sait qu’il y a énormément de demandes et de travail au sein du service, mais c’est une situation qui peut malheureusement mettre à mal beaucoup d’entreprises et de personnes qui dépendent de ces aides. Ces personnes voudraient savoir si elles pourront toucher ces aides ou si elles devront prendre d’autres mesures. Dans ce contexte, notre groupe dépose également un amendement qui prévoit un délai d’ordre — et je souligne qu’il s’agit d’un délai d’ordre et non pas d’un délai impératif, parce que nous savons que le respect de ce délai dépendra du nombre de refus ou d’oppositions qui seront formulés. Nous proposons un délai d’ordre de trente jours, et non pas de dix comme l’a proposé M. Buffat. Cela donne un temps suffisant à l’autorité pour analyser l’opposition, mais cela donne surtout un maximum de temps à la personne qui a demandé cette aide pour savoir si elle peut ou non l’obtenir.

« Art. 7. — Al. 2 : La réclamation doit être écrite, brièvement motivée et adressée au Service, qui rend une nouvelle décision dans les 30 jours. »

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Nous ne parlons pas de la même chose. Je parlais de l’alinéa 1 qui vise la voie de droit, c’est-à-dire le délai dans lequel on doit agir pour contester une éventuelle décision. Je pense que tout postule pour que ce soit réglé rapidement : c’est oui ou c’est non. Et s’il s’agit d’un refus, il faut se manifester, surtout si on se trouve dans une situation difficile, dans des délais qui doivent être brefs. C’est le cas dans toutes les décisions judiciaires qui nécessitent une certaine urgence. Je dépose formellement un amendement à l’alinéa 1 :

« Art. 7. — Al. 1 : Les décisions rendues sur la base du présent arrêté peuvent faire l’objet d’une réclamation dans les 10 jours dès leur notification. »

Concernant l’alinéa 2, il s’agit évidemment d’un délai d’ordre, mais il me semble que les délais d’ordre doivent tout de même être un peu raisonnables. J’entends aussi le souhait de ceux qui ont déposé cet amendement pour que les choses aillent rapidement, mais je pense que rendre une décision dans un délai aussi rapide — même s’il s’agit d’un délai d’ordre qui est prévu — me paraît très difficile. Cela ne me paraît pas très raisonnable, même s’il y a une volonté d’aller vite. S’il y avait un délai de soixante jours, je pourrais m’y rallier.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Je résume la situation : nous avons un amendement à l’alinéa 1 qui demande que la réclamation se fasse dans les dix jours et un amendement à l’alinéa 2 qui demande que la nouvelle décision soit rendue dans les trente jours.

M. David Raedler (VER) —

Sur l’amendement lié au droit de recours de dix jours, il faut bien se rendre compte que c’est un délai extrêmement court, dans la mesure où la réclamation n’est pas simplement une opposition par courrier recommandé aux services compétents, mais qu’il faut la justifier juridiquement. Un délai de dix jours est extrêmement court pour recevoir la décision, aller consulter un avocat ou tout autre personne qui aurait certaines compétences en la matière, puis former la réclamation. Par ailleurs, on ne peut pas exiger de la personne, qui en a besoin et qui est dans une situation très difficile, qu’elle recoure dans les dix jours, mais qu’on ne pose pas un délai d’ordre raisonnable au service compétent pour traiter cette demande formulée dans les dix jours. Je comprends le caractère raisonnable du délai d’ordre, qu’il s’agisse de trente ou soixante jours. Si cela permet d’aller rapidement, je propose un délai d’ordre de soixante jours, en espérant que le service compétent sera en mesure de traiter les éléments plus rapidement. Je modifie donc mon amendement de la manière suivante :

« Art. 7. — Al. 2 : La réclamation doit être écrite, brièvement motivée et adressée au Service, qui rend une nouvelle décision dans les 30 60 jours. »

En revanche, pour la question du droit de recours de dix jours, à titre personnel, je suis moi-même un peu partagé dans la mesure où il faut bien se rendre compte que ce sera difficile de respecter ce délai pour la personne qui recevrait cette décision.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Je lance une petite boutade à notre collègue Marc-Olivier Buffat. En effet, on notera quand même, pour la postérité, que vous considérez que ce qu’un privé peut faire en dix jours, l’Etat a besoin de soixante jours pour le faire… C’est ce que vous nous dites en gros ! Venant de vous, cette asymétrie est tout de même un peu piquante. Nous y repenserons dans d’autres domaines.

Cela étant dit, un délai de soixante jours me paraît admissible. En revanche, un délai de dix jours est trop court, cela signifie concrètement que tous les établissements concernés vont devoir être extraordinairement réactifs si leur viabilité en dépend. Dix jours, cela file à la vitesse grand V…soyons en conscients !

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Pour répondre à la dernière boutade de M. Mahaim, je pense que M. Buffat a toujours considéré que le secteur privé était plus efficace que l’administration cantonale. C’est pour cela que cette dernière fait en soixante jours ce que le privé peut accomplir en dix jours. Je présume que c’est sa philosophie de base, mais je peux me tromper. En outre, je pense que sa philosophie est en partie infondée, parce que l’administration — on le voit avec ces décrets — est capable d’aller extrêmement vite.

En ce qui concerne le délai de dix jours, l’amendement de M. Buffat vise à réduire le temps pendant lequel un administré insatisfait peut ressaisir le service qui a rendu une décision négative. Vous êtes en train de restreindre les droits de l’administré insatisfait. Dans une période où il a probablement de nombreuses choses à faire, puisqu’il voit son entreprise fermée par décision d’Etat, et peut-être en péril d’existence, avec des préoccupations de différentes natures qui occupent son esprit, aura-t-il la volonté d’agir dans les dix jours pour demander une nouvelle décision ? Je vous laisse le soin de régler cette question. Le Conseil d’Etat n’avait pas jugé pertinent de restreindre, dans cette mesure, les droits de l’administré, compte tenu du fait que cette période particulière peut déboucher sur un manque de sérénité — disons les choses ainsi — chez les administrés touchés par cette crise.

En ce qui concerne le délai de soixante jours, cela ne posera de problème à personne, parce que les décisions seront, en principe, rendues plus rapidement. En revanche, votre raisonnement s’appuie sur l’amalgame avec les RHT, je me permets de vous dire qu’il est faux. En effet, si la décision de principe sur les RHT a parfois de la peine à être rendue, cela résulte du fait que nous sommes dans le cadre de l’application du droit fédéral premièrement, que les directives émanent du Secrétariat à l'économie (SECO) et que, lorsque vous avez des cas limites, vous devez saisir ce dernier pour des questions de principe, pour qu’il se détermine sur la manière de régler la question. La question s’est notamment posée pour les transports publics, pour certains secteurs de la culture ou pour les hôpitaux publics, pour savoir s’ils étaient éligibles ou pas aux RHT ; des questions de principe qui portent sur des montants colossaux. Il existe un intérêt légitime à connaître la position du SECO qui donne ses instructions aux autorités cantonales. Ce n’est pas l’autorité cantonale qui peut seule, dans son coin, prendre une décision de cette nature. Certains cantons l’ont fait, et je puis vous dire qu’ils vont avoir des lendemains difficiles. Il ne retourne pas uniquement d’un problème de surcharge de travail, mais du fait que vous appliquez une législation fédérale, sous le contrôle strict d’une autorité fédérale. Ainsi, il s’agit d’une politique 100 % cantonale, décidée par le canton, appliquée par l’administration cantonale. Nous ne sommes par conséquent pas du tout dans ce cas de figure. Nous ne demanderons rien à personne pour prendre nos décisions — si j’ose m’exprimer ainsi.

M. Gilles Meystre (PLR) —

Je remercie le député Buffat de chercher à accélérer le délai de réclamation. Pour ma part, j’ai peur d’un délai à dix jours seulement. D’une part, parce que la branche n’est pas forcément la plus administrative qui soit, et d’autre part, comme l’a dit le conseiller d’Etat, elle a d’autres inquiétudes et d’autres attentes que de pareils courriers. Je pense que le délai initial est suffisant, qu’il tient aussi compte de la réalité de la branche. Je ne voudrais simplement pas qu’on manque la possibilité d’une réclamation en raison d’un délai trop court.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’amendement Marc-Olivier Buffat est refusé par 106 voix contre 12.

L’amendement David Raedler est refusé par 62 voix contre 57 et 2 abstentions.

L’article 7 est accepté à l’unanimité.

Les articles 8, 9, 10 et 11, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.

Le projet de décret est adopté en premier débat.

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

Exposé des motifs et projet de décret sur les mesures économiques destinées à lutter contre les effets du coronavirus (COVID-19) par un soutien aux entreprises, dans des cas de rigueur

Premier débat

Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.

Art. 1.

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Nous vous avons présenté ces décrets en préambule. Dans un premier temps, les débats ont tenté d’identifier si ces entreprises avaient réellement besoin de ces montants par rapport au critère déterminé des 40 % de baisse du chiffre d’affaires. Nous savons que des structures de coûts seront mises en place. La commission a émis le vœu que des prêts cautionnés soient privilégiés plutôt que des aides à fonds perdu dans le cas où les entreprises ne prouvent pas un réel besoin de financement.

A l’article 1, alinéa 1, on parle de la présente « ordonnance » dans le texte du Conseil d’Etat. Or, il ne s’agit pas d’une ordonnance, mais d’un décret.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Je considère qu’il ne s’agit pas d’un amendement, mais d’une correction de plume.

L’article 1 (corrigé) est accepté à l’unanimité.

Art. 2.

M. Stéphane Rezso (PLR) —

Tout d’abord, je déclare mes intérêts comme chef d’entreprise, président de la Société industrielle et commerciale de l’Ouest lausannois (SICOL). A toutes fins utiles, je précise que, dans mon entreprise, nous n’avons pas demandé de RHT ni de crédit COVID et nous ne serons jamais sujets à ce décret. Je n’ai donc aucun intérêt par rapport à ce dernier.

Je voudrais simplement essayer d’amener globalement plus de moyens. Je rappelle que la contribution fédérale équivaut à 50 % sur la première tranche, et 80 % sur la deuxième. L’objectif du Parlement consiste à pouvoir aider nos entreprises par les montants maximaux prévus par la Confédération et le canton. Sans vouloir vous assommer avec des calculs, pour toucher le maximum de la Confédération, nous devons augmenter les moyens financiers à 28 millions, car avec 20 millions nous obtenons 47 millions de soutien total ; si nous parvenons à 28 millions, nous générons plus de 87 millions pour les entreprises vaudoises. Ainsi, le canton, en refusant de prévoir pour les cas de rigueur le maximum de l’investissement possible — 28 millions — prive les entreprises touchées par les cas de rigueur de plus de 32 millions. C’est le delta entre la mise du canton et les aides prévues par Berne. Même si le canton a prévu, à l’alinéa 2, cette possibilité, cela provient d’un fonds, et donc subordonné à la non-utilisation d’autres moyens. Il ne faudrait pas opposer les deux, mais utiliser les moyens complets. Par cet amendement, je vous propose donc d’augmenter le montant maximum à 28 millions. Cela permettra d’utiliser l’entier des montants fédéraux prévus.

« Art. 2.

Al. 1 : Un montant maximum de 2028 millions de francs est alloué aux mesures d’aide prévues par le présent décret.

Al. 2. Biffer.

Al. 3. Sans changement. »

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

La volonté du Conseil d’Etat consiste à utiliser l’ensemble de l’enveloppe fédérale attribuée au canton de Vaud dans le cadre de l’ordonnance sur les cas de rigueur. Il a simplement prévu les alinéas 1 et 2 pour lesquels je vais essayer de vous expliquer la « tringlerie » financière. L’objectif du Conseil d’Etat, je le répète, consiste à mettre les moyens nécessaires pour l’obtention de la totalité de l’enveloppe fédérale. Cela a été dit tout à l’heure, notamment par MM. Berthoud et Mahaim, il faut comprendre le premier décret traité relatif  aux indemnités de fermeture comme le premier étage de la fusée, le décret que nous traitons maintenant en représente le deuxième étage. Compte tenu de l’urgence, nous ne pouvons pas attendre de concrétiser ce deuxième avant de verser les premières aides liées au premier décret. Nous allons donc attribuer, comme vous l’avez décidé, les 30 millions pour l’indemnité de fermeture dans un premier temps, les dossiers qui seront éligibles aux cas de rigueur fédéraux seront à ce moment-là basculés dans les cas de rigueur éponymes pour qu’ils émargent aux subventions fédérales. Il est certain que, sur les 30 millions que vous avez votés dans le cadre du premier décret, au moins 8 millions seront éligibles aux cas de rigueur fédéraux. Vous aurez donc les moyens qui découlent de l’alinéa 2.

Je suis conscient qu’il est presque 21 heures, que cela est compliqué, vous avez eu très peu de temps pour comprendre la « tringlerie » financière, mais je peux vous assurer de la volonté du Conseil d’Etat. Vous ne pouvez pas lire les alinéas 1 et 2 séparés l’un de l’autre. Le système tend à aller vite avec les indemnités de fermeture et, lorsque les entreprises fermées par décision du Conseil d’Etat — qu’il s’agisse des restaurants ou des boîtes de nuit — seront éligibles au système fédéral, nous basculerons l’aide versée dans le régime fédéral, ce qui nous permettra de restituer au fonds destiné à l’indemnité de fermeture des moyens supplémentaires. Je conçois la complexité du système, mais nous avons voulu maximiser l’aide fédérale au bénéfice des entreprises vaudoises, d’une part, mais, d’autre part, nous avons voulu aller plus vite que ne le permettait le système fédéral avec l’aide pour indemnités de fermeture. Le système est cohérent pour l’enveloppe des 28 millions, car M. Rezso a raison, il faut 28 millions pour obtenir le maximum de l’aide fédérale, c’est ce que nous avons prévu dans le cadre des alinéas 1 et 2, avec ce système de « ripage » entre l’aide de 30 millions votée et le deuxième décret. C’est la volonté réaffirmée du Conseil d’Etat, expliquée à la Commission des finances qui l'a très bien comprise et a soutenu la position du Conseil d’Etat sur cette question.

Entre les deux débats, je suis prêt à recevoir M. Rezso et ceux qui auraient des doutes sur le discours et l’engagement que je tiens. Il s’agit d’une question de « tringlerie » financière, mais qui traduit vraiment la volonté du Conseil d’Etat. L’article 2, tel qu’il est rédigé, permet ceci et vise précisément à être à la fois rapide pour la première aide et à maximiser l’aide fédérale pouvant être obtenue dans le canton de Vaud. Entre l’objectif de M. Rezso et celui du Conseil d’Etat, la seule différence réside dans le fait que nous avons choisi une « tringlerie » financière différente, qui nous paraît plus à même de respecter les contraintes fédérales, et de faire en sorte que le maximum d’argent fédéral vienne bénéficier aux entreprises aidées.

M. Stéphane Rezso (PLR) —

Je vais maintenir mon amendement tant que je n’ai pas compris toute la finesse de la « tringlerie » cantonale. J’ai compris la finesse de la « tringlerie » fédérale, parce que je parle assez bien l’allemand, mais je ne suis pas sûr pour la « tringlerie » cantonale. Je vais donc attendre le deuxième débat au cas où…

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’amendement Stéphane Rezso est refusé par 67 contre 37 et 20 abstentions.

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Je propose que, pour le deuxième débat, M. Leuba soit un peu plus explicite sur la « tringlerie » financière pour que nous puissions bien comprendre. (Rires.) Il est vrai qu’il est ardu de comprendre où nous en sommes — et nous avons tous une bonne journée dans les jambes. Je pense qu’il vaut la peine de comprendre le processus. La volonté du Conseil d’Etat consiste réellement à obtenir ces 28 millions à la fin et d’obtenir plus d’aides fédérales. Je pense qu’il faudra reprendre tout cela calmement lors du deuxième débat.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

J’affirme à nouveau la volonté du Conseil d’Etat d’obtenir le maximum possible de Berne. Je vais essayer de vous fournir un ou deux exemples ou un ou deux schémas lors du deuxième débat pour vous montrer comment le système a été conçu. Je ne pense pas que vous soyez plus sensibles aux schémas qu’aux explications de textes de lois, mais je comprends que c’est malaisé à comprendre. Toutefois, la Commission des finances, qui a siégé à une heure moins tardive que celle-ci, a tout de suite compris le système. Si certains ne comprennent toujours pas, je vous propose que nous puissions en discuter mardi prochain.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’article 2 est accepté à l’unanimité.

Art. 3.

Sur cet article, nous avons une correction de plume de la Commission des finances, à la page 5 du rapport.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Art. 4 et 5.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Je voudrais poser une question à M. le conseiller d’Etat. Je ne suis pas membre de la Commission des finances, mais j’ai lu les deux rapports et n’y ai pas trouvé d’explication. Il y existe une limite fixée au soutien pour les communes de plus de 12’000 habitants. Pouvez-vous nous expliquer la justification de cette limite ?

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

C’est une condition fixée par l’ordonnance fédérale qui régit les cas de rigueur. Vous ne pouvez pas vous écarter de ce cadre sans perdre le soutien fédéral.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Je ne dépose pas d’amendement à cet article, mais j’aimerais aborder une thématique qui sera reprise par la suite, parce que c’est le cœur des limites de ce système, un problème qui découle du droit fédéral. Comme vous le savez, une fameuse discussion a eu lieu sur la définition d’une entreprise « cas de rigueur », et nous avons retenu ce fameux chiffre de 40 % de perte sur le chiffre d’affaires comme étant le minimum pour entrer dans le dispositif d’aide, puisque si la perte est inférieure, on n’a droit à aucune aide au titre des cas de rigueur. C’est un problème qui découle du droit fédéral, et nous ne pourrions donc pas amender cet article, parce qu’il calque les critères cantonaux sur les critères fédéraux, au risque de mettre en panne tout le système qui, comme on l’a vu lors de la discussion sur l’amendement Rezso, fonctionne par la logique cantonale et fédérale. Cela étant dit, il est tout à fait possible que le canton aille plus loin, en disant qu’il va identifier d’autres cas de rigueur, qui ne sont pas ceux prévus par la mécanique fédérale avec les fonds cantonaux et fédéraux, que nous n’appellerions pas « cas de rigueur ». Il s’agirait d’une autre mesure de soutien pour élargir les critères d’éligibilité, pour que les entreprises qui ne tombent pas dans cet entonnoir fédéral puissent néanmoins bénéficier de certaines aides. On ne peut évidemment pas modifier cet article, mais je prends la parole sur ce point, parce qu’il s’agit précisément de l’un des écueils principaux du système. Nous avons eu l’occasion de discuter cet après-midi d’un mécanisme palliatif, qui sera peut-être présenté plus tard, au titre d’une nouvelle disposition à la fin de toutes ces conditions et modalités du système cantonal-fédéral.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Les articles 3, 4 et 5 sont acceptés avec 1 abstention.

Art. 6.

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

La commission propose un amendement à cet article 6, alinéa 2, lettre e, à l’instar de ce que nous avons fait pour le premier décret :

« Art. 6. — Al. 2 :

e. (...) déclarations fiscales, du respect de ses plans de paiements, du paiement de ses impôts (...) »

Cet amendement a été proposé par le SAGEFI et a été accepté par l’unanimité des membres présents de la commission, comme les articles 6 à 20 et le vote final.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je vous propose un amendement relatif aux cotisations sociales et qui correspond parfaitement à ce que nous avons voté lors du premier décret. Il s’agirait de calquer le texte sur l’ordonnance fédérale de la manière suivante :

« Art. 6. — Al. 2 :

e. elle n’avait pas, le 15 mars 2020, d’arriérés de cotisations sociales ;n’a pas fait l’objet au 15 mars 2020 d’une procédure de poursuite en cours relative à des cotisations sociales. »

Comme cet amendement a déjà été approuvé lors du premier décret, je crois qu’il n’y a pas lieu d’argumenter davantage.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Dans le texte que vous nous avez remis, il y a aussi un amendement à l’alinéa 2, lettre b. Est-ce le cas ?

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je retire mon amendement ; je crois que, pour cette lettre, il faut revenir à l’amendement proposé par Gilles Meystre. Cette procédure concordataire n’est pas exigée au plan fédéral, il n’y a donc pas lieu d’être plus restrictif que ne l’est l’ordonnance fédérale.

M. Gilles Meystre (PLR) —

D’abord, permettez-moi une précision sur la lettre b. J’ignore si cela est volontaire, mais dans le débat sur le précédent décret, la formulation n’était pas véritablement celle reprise ici. Pourtant, vous l’avez voté. L’amendement que vous avez accepté était le maintien de toute la formule qui se trouve après la lettre b, mais avec l’ajout « sont exceptées les procédures de sursis concordataire ou l’assemblée des créanciers à accepter le concordat ». Sauf erreur, c’est ce que vous avez accepté dans le premier décret. Par cohérence et par analogie, je vous invite à reprendre cette formulation et non la formulation figurant dans l’amendement de M. Zwahlen.

Pour ma part, j’en dépose deux autres ; un premier à la lettre a :

 « Art. 6. — Al. 2 : a. elle n’était pas surendettée entre le 1er janvier 2019 et le 31décembre 2019, après prise en compte d/éventuelles postpositions de dettes au 31.12.2019. »

Le dépôt de cet amendement s’explique finalement par le même état d’esprit qui a présidé au dépôt de celui relatif au sursis concordataire dont nous venons de parler. Il vise aussi à éviter que certaines entreprises soient écartées de l’aide, alors même que leurs créanciers sont solidaires et croient à leurs chances de retrouver des eaux plus calmes. Cela peut par exemple être le cas d’entreprises qui auraient été lancées en 2018 ou 2019, soit juste avant la crise, et qui sont potentiellement rentables, mais qui nécessitent encore un peu de temps pour atteindre la rentabilité. Ce sont ces entreprises que nous souhaiterions ne pas exclure. C’est la raison de la précision apportée à la lettre a.

Le deuxième amendement concerne la lettre b. Il s’agit de la même formulation que dans le cadre du décret précédent :

 « Art. 6. — Al. 2 :b. elle ne fait pas l’objet d’une procédure de faillite, d’une procédure concordataire ou d’une liquidation au moment de la demande. Sont exceptées les procédures de sursis concordataire où l’assemblée des créanciers a accepté le concordat.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je retire mon amendement à la lettre b au profit de celui de notre collègue Gilles Meystre.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

A mon avis, il existe une incohérence — c’est le juriste qui parle — entre la lettre a et la lettre b, parce qu’une société qui est en procédure concordataire est surendettée. Elle est donc exclue dès le départ. Elle n’est donc pas surendettée entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019. S’il y a concordat, c’est parce qu’elle est surendettée.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Je ne suis pas sûr d’avoir compris les propos de M. Mattenberger. Il ne s’agit pas de la même période, puisqu’on parle, d’une part, d’une entreprise surendettée « entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 », et, d’autre part, d’une entreprise qui « ne fait pas l’objet d’une procédure de faillite au moment de la demande ». Ce n’est pas le même timing. M. Mattenberger aurait raison sur le fond, si on avait le même timing, mais ce n’est pas le cas. Par exemple, la situation peut évoluer entre les lettres a et b. Par ailleurs, vous pouvez ne pas être surendetté entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019, mais faire l’objet d’une procédure de faillite au moment du dépôt de la demande.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Monsieur le conseiller d’Etat, cela limite énormément… En gros, les sociétés qui font l’objet d’une procédure concordataire en 2020 étaient surendettées dans les comptes 2019, pas dans les comptes 2020, qui ne sont pas encore établis. C’est une incohérence que je perçois dans la manière dont ces dispositions seront appliquées. Nous sommes plus dans le domaine du droit, mais j’espère qu’on fera preuve d’une certaine souplesse…

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

On se retrouve dans la situation évoquée par M. Mahaim il y a quelques articles. On ne peut pas changer le système, on ne peut pas supprimer des conditions, sans perdre le volet fédéral. Néanmoins, je prends l’engagement que nous ferons preuve d’ouverture et d’un esprit le plus conciliant possible.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Je résume la situation ; nous avons quatre amendements à l’alinéa 2 :

L’amendement Gilles Meystre (lettre a) est accepté avec 1 opposition et quelques abstentions.

L’amendement Gilles Meystre (lettre b) est accepté à l’unanimité.

L’amendement Pierre Zwahlen (lettre c) est accepté à l’unanimité.

L’amendement de la Commission des finances (lettre e) est accepté à l’unanimité.

L’article 6, amendé, est accepté à l’unanimité.

Les articles 7, 8, 9, 10 et 11 sont acceptés à l’unanimité.

Art. 12.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Je dépose un amendement pour un nouvel article qui viendrait à la suite de l’article 12. Il s’agit de l’amendement annoncé par mon chef du groupe en introduction à ces débats. Je vous livre quelques explications, parce que le début — l’alinéa 1 — n’est peut-être pas très clair. Je rappelle que les deux limites les plus contraignantes et qui posent le plus de problèmes dans la pratique, c’est la fameuse limite de 40 % de perte de chiffre d’affaires, d’une part, et la limite des 100’000 francs de chiffre d’affaires, d’autre part. Un chiffre d’affaires inférieur à 100’000 francs exclut l’éligibilité. Soit dit en passant, j’ai revérifié, M. Berthoud a dit en introduction que le droit fédéral prévoyait 50’000 francs, et que nous avions élevé cette somme à 100’000 francs. En réalité, la dernière version du droit fédéral prévoyait aussi 100’000 francs. Avec cette limite, nous nous sommes donc calqués sur le droit fédéral. Ces deux limites sont particulièrement injustes, parce que l’entreprise qui se trouve juste en dessous ou même largement en dessous peut néanmoins avoir été frappée très violemment par les fermetures décrétées par les autorités ou par différentes baisses dans le carnet de commandes durant ces derniers mois. Prenons l’exemple à mon sens le plus flagrant, cette fameuse baisse de 40 % du chiffre d’affaires. En effet, le chiffre d’affaires de votre entreprise a très bien pu ne pas s’être tassé autant que 40 % — peut-être de 10, 15 ou 20 % —, mais, comme vos marges sont très faibles, le seul tassement de 10, 15 ou 20 % vous place déjà dans une situation financière extraordinairement difficile. On comprend bien que ces deux limites — les 40 % et les 100’000 francs — viennent du droit fédéral. Dans toute la « tringlerie » — puisque c’est le mot du jour — prévue par le décret cantonal, ces critères ne peuvent pas être modifiés. Si, pourtant on s’y emploie, cela a un impact sur toute la formulation de l’aide cantonale, avec ensuite le montant fédéral qui est ajouté. En revanche, on peut dire que le canton décide d’en faire plus, et sans compter sur l’argent fédéral, on élargit les critères d’éligibilité pour les entreprises qui ne collent pas à ces deux limites. C’est ce qui est proposé dans l’alinéa 1 ci-dessous. Pour assurer la clarté et pour que le SECO ne vienne pas nous dire que l’on escompte obtenir de l’argent fédéral à ce niveau avec cet article, nous pourrons répondre que cela est impossible puisqu’il est précisé qu’il s’agit d’un soutien uniquement cantonal, précisément ce que stipule l’alinéa 2. Enfin, l’alinéa 3 précise que toutes les autres conditions du décret restent valables. Pour reprendre la jolie expression de Gilles Meystre, nous ne voulons pas sauver des bateaux qui coulent. Nous retombons donc sur les mêmes conditions de surendettement, etc.

Il faut préciser que c’est aussi un moyen de lancer un signal à Berne, signal qui, si j’ai bien lu la presse du jour, a déjà été en partie lancé aux Chambres fédérales, pour que le Conseil fédéral élargisse ces fameux critères des cas de rigueur et fasse tomber cette limite à 40 % du chiffre d’affaires qui, du point de vue économique, ne fait aucun sens. En attendant ce moment — et nous savons que la Berne fédérale a connu quelques ratés ces derniers jours et semaines — il faut que nous ayons notre propre mécanisme purement cantonal. C’est le sens de cet amendement qui concerne tous les établissements et toutes les entreprises qui ne tombent pas dans ces mécanismes d’aide uniquement parce qu’ils ne remplissent pas les conditions d’éligibilité. Pour imager la chose, nous sommes en train d’élargir un tout petit peu le début de l’entonnoir, mais on ne change pas les conditions au milieu de l’entonnoir. Il s’agit uniquement de pouvoir entrer dans le mécanisme, après on est mangé à la même sauce que les autres entreprises. Mais pour pouvoir être mangé à cette même sauce, encore faut-il pouvoir y parvenir. C’est l’idée de cet amendement que je soumets à votre soutien et qui me paraît vital pour de nombreuses entreprises vaudoises qui ne remplissent pas les conditions posées par la Berne fédérale.

« Art. 12 bis.(Nouveau) Soutiens exclusivement cantonaux

Al. 1 : Les entreprises ne remplissant pas les conditions des art. 4 al. 2 ou art. 5 al. l let. b du présent décret, mais dont la marche des affaires a été atteinte par des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre la pandémie COVID-19 peuvent prétendre à un soutien financier cantonal au sens du présent décret.

Al. 2 : Un tel soutien financier cantonal ne sera pas augmenté des montants fondés sur l’ordonnance fédérale sur les cas de rigueur COVID-19 ainsi que le prévoit l’art. 2 al. 4 du présent décret.

Al. 3 : Pour le surplus, les autres conditions et modalités prévues par le présent décret sont applicables. »

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

J’aimerais que vous compreniez bien de quoi il s’agit. En effet, M. Mahaim parle d’ouvrir un peu l’entonnoir en supprimant la limite des 40 % — qui, je le concède volontiers a un caractère arbitraire — celui qui aurait perdu 1 % de son chiffre d’affaires en raison de la pandémie deviendrait éligible. Pratiquement, cela concernerait tout le monde. En supprimant l’exigence de 40 %, sans la remplacer par autre chose — 20 % ou 35 % — celui qui remplira toutes les autres conditions, mais qui aura perdu 1 % de son chiffre d’affaires deviendrait éligible, tout en ayant conservé la même enveloppe financière. C’est ce que représente l’amendement de M. Mahaim. A ma connaissance, aucun autre canton suisse n’a prévu cette possibilité. Il ne s’agit pas de changer la pomme de l’arrosoir pour arroser un peu plus… On passe d’un arrosoir à un jet sans limites.

Néanmoins, M. Mahaim a raison sur un point, et je le reconnais volontiers. En effet, il y a, dans le dispositif fédéral des cas de rigueur, des conditions qui ont des effets de seuil incontestables. Mais c’est le système fédéral et nous n’avons pas la possibilité de le changer. M. Mahaim sera bientôt parlementaire fédéral — une autre ambition enfin assumée — il pourra alors revenir sur ce dispositif.

Vous ne pouvez pas — et c’est bien ce qu’a prévu le Conseil d’Etat — ne traiter ce dispositif des cas de rigueur que pour lui-même ; il s’inscrit dans la panoplie des outils que nous vous avons présentés. La critique de M. Mahaim serait d’autant plus forte s’il n’y avait pas ce premier volet, cette première aide pour fermeture qui constitue le premier dispositif d’aide et qui amortit le caractère arbitraire des 40 %. Encore une fois, supprimer purement et simplement le critère de la perte du chiffre d’affaires rendra éligibles des centaines de milliers d’entreprises, pour des éléments tout à fait marginaux, dans une même enveloppe. Ceux qui auront le plus perdu, ceux qui seront vraiment des cas de rigueur, n’auront qu’une infime partie d’aide. Evidemment, si le gâteau ne croît pas, mais que le nombre de convives augmente, ce sont les tranches qui sont plus petites. Je pense que tous ceux qui sont responsables de nourrir une famille sont conscients de cette réalité. On ne peut pas dire que l’amendement Mahaim change simplement la pomme de l’arrosoir ; il modifie substantiellement l’ensemble du décret.

A ce stade, je pense que ce n’est pas raisonnable de prévoir un dispositif aussi large que cela. M. Mahaim le dit clairement dans son alinéa 2, ce dispositif n’est pas prévu par le droit fédéral. A notre connaissance, aucun canton suisse n’a prévu de se lancer dans une procédure de cette nature. J’attire l’attention de ce Grand Conseil : c’est un changement substantiel ! A mon avis, cet amendement n’est pas suffisamment ciselé. M. Mahaim a fait état d’une discussion que nous aurions eue cet après-midi au sujet d’un abaissement, j’avais imaginé que nous pourrions reprendre le dispositif qui permet aux Conseil d’Etat de revenir sur telle ou telle condition, en fonction des possibilités. Je pourrais entrer en matière sur un tel dispositif. Il s’agit de l’article du décret sur les fermetures qui donne une délégation de compétences au Conseil d’Etat pour, le cas échéant, assouplir le dispositif en fonction de la situation. Je pourrais encore entendre un tel amendement, mais celui déposé par M. Mahaim va beaucoup trop loin. A mon avis, il est déraisonnable et il desservira ceux qui sont le plus durement frappés par cette crise.

Mme Claire Richard (V'L) —

Vous l’aurez peut-être remarqué, l’exposé des motifs et projets de décret qui nous occupe, avec ces crédits COVID, contient aussi une réponse à la motion renvoyée cet été au Conseil d’Etat visant une aide pour les cinq parcs animaliers vaudois. Pour rappel, ceux-ci ont été fermés pendant presque trois mois durant le semi-confinement de la première vague. Certains, comme le tropiquarium, ont complètement été fermés en novembre. Ces périodes ont causé d’importantes pertes pour ces parcs, puisqu’ils ne pouvaient encaisser aucune entrée, alors que le soin aux animaux demandait le maintien en activité d’une partie du personnel — sans bénéficier des RHT. Avec ces frais, notamment salariaux, qui ont continué à courir, les pertes sèches se sont accumulées, les réserves ont fondu et la traversée de l’hiver risque de s’avérer très périlleuse pour certains parcs.

Notre motion, bien que comprise dans cet exposé des motifs et projets de décret, n’a pas encore été traitée par la Commission des finances. Il n’est donc pas question pour moi de me déterminer formellement aujourd’hui, mais je constate déjà que la réponse du Conseil d’Etat est inadéquate. Elle consiste à donner la possibilité aux parcs de bénéficier des mesures pour cas de rigueur, selon les conditions très strictes du projet de décret basées sur le droit fédéral. Or, renseignements pris auprès des représentants des parcs qui se sont fédérés, aucun d’entre eux n’a atteint une perte de chiffre d’affaires de 40 %. Même si leur perte n’est que de 20 ou 30 % par exemple, elle est sèche et non récupérable, et constitue un risque pour le fonctionnement essentiel des parcs, voire leur survie, si la situation perdure. Il nous semble que le nouvel article proposé par M. Mahaim, avec le renoncement au plancher de 40 %, peut répondre à ce type de problématique. Ce point sera encore à clarifier, mais il nous paraît être une ouverture pour ce type de situations.

Par ailleurs, pour le groupe vert’libéral, cet amendement comporte un autre intérêt. En effet, il permet de donner accès à l’aide à des indépendants travaillant seuls ou dans de toutes petites entreprises dont le chiffre d’affaires est très limité. La suppression de la limite de 100’000 francs doit justement permettre de donner un coup de main à ce type de personnes actives. Celles-ci n’ont généralement pas de grandes réserves et, sans aide, elles émergeraient très rapidement aux services sociaux. Une aide ponctuelle leur permettra de garder la tête hors de l’eau et évitera aussi de surcharger les services sociaux.

J’ai bien entendu les commentaires de M. le conseiller d’Etat sur le manque de limites de cet amendement, mais en attendant de trouver une meilleure solution, par exemple un deuxième débat, ou d’accorder une limite abaissée à 20 ou 25 %, notre groupe acceptera l’amendement Mahaim dans son ensemble.

M. Pierre Volet (PLR) —

Beaucoup d’explications ont été données par notre conseiller d’Etat, mais, si j’ai bien compris, le total du montant de l’aide va être diminué pour ceux qui sont éligibles au critère de 40 % ? Par ailleurs, combien cela va-t-il nous coûter ? C’est bien joli de donner des aides, mais, à un moment ou à un autre, il y a toujours quelqu’un qui paye derrière. Je ne sais pas si ce critère de 40 % est juste, peut-être faudrait-il diminuer ce seuil. Néanmoins, avant de voter, j’ai besoin de savoir ce que cela va nous coûter.

M. Stéphane Masson (PLR) —

Intellectuellement, je peux suivre la démarche de M. Mahaim. Il est vrai que le cadre fédéral est assez strict, mais il ne nous est pas interdit, au niveau cantonal, d’être un peu plus généreux. Cela étant, je pense que si nous devions le faire, il faudrait s’y employer par le biais d’un texte de loi plus précis que celui qui nous est présenté ce soir. Comme l’a relevé M. le conseiller d’Etat Leuba, il me semble que la phrase qui traite d’une marche des affaires qui auraient été atteintes par des mesures ordonnées par les autorités est une notion juridique qui n’est pas assez précise pour qu’elle puisse être appliquée convenablement. Elle ouvre la porte à toutes sortes de demandes qui seraient légitimes en se basant sur cet article, mais qui seraient probablement un gouffre financier difficilement maîtrisable. Pour toutes ces raisons, notamment le manque de critères, je pense que cet amendement ne peut pas être soutenu de la manière dont il est rédigé.

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

Comme l’a dit M. Meystre, on ne peut pas sauver un bateau qui coule, mais on ne peut pas non plus laisser une entreprise au bord de la route avec comme seul argument l’effet de seuil des 40 % de baisse du chiffre d’affaires. Ce sont des critères objectifs, mais il est extrêmement difficile de pouvoir les caractériser sur des éléments aussi objectifs. Monsieur le conseiller d’Etat, pouvez-vous nous donner votre marge d’appréciation ?

J’ai signé le texte de Mme Claire Richard au sujet des parcs animaliers. Sur les cinq parcs animaliers de ce canton, aucun ne répond à ces critères, mais ils ont néanmoins besoin de notre aide. Je pense que le critère du chiffre d’affaires est trop coercitif. Selon moi, il est important d’avoir des critères plus larges, plus extensibles.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

J’estime qu’il est un peu hasardeux de rédiger un tel texte ce soir. Je comprends la volonté exprimée par MM. Mahaim et Berthoud d’éviter un effet de seuil majeur, de rendre éligibles ou pas du tout éligibles à une aide, avec le seul critère de baisse de 40 % du chiffre d’affaires. Néanmoins, je répète ce que j’ai dit tout à l’heure. L’amendement imaginé par M. Mahaim ouvre beaucoup trop la porte. A cet égard, il est déraisonnable. Entre les deux débats, je propose à MM. Mahaim et Berthoud, après avoir sondé le Conseil d’Etat, de nous réunir pour proposer une disposition qui pourrait s’inspirer de l’article 11 du décret sur les indemnités de fermeture dont j’ai parlé tout à l’heure. Cet article accorde une compétence au Conseil d’Etat, dans les cas limites et pour éviter les effets de seuil, pour pouvoir trouver des solutions par le biais d’une aide, qui serait évidemment dans le cadre des moyens financiers alloués — il faut aussi entendre les propos de M. Volet, il a raison — qui éviterait les effets de seuil arbitraires. Je vous propose de mettre à profit le temps qui nous sépare du deuxième débat. Dans l’immédiat, je vous propose d’accepter le texte tel qu’il est proposé aujourd’hui, et nous reviendrons avec le résultat d’un consensus au travers d’une disposition qui pourrait s’inspirer de l’article 11 du décret sur les indemnités de fermeture. Je pense que nous parviendrons à éviter les effets de seuil et à trouver une solution raisonnable aux yeux de M. Mahaim, de la Commission des finances, du Conseil d’Etat et, nous l’espérons, de votre plénum.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Je vous remercie pour vos remarques et pour l’accueil que vous faites à cette idée de casser ces effets de seuil. Je crois que nous partageons tous le même objectif. Loin de moi l’idée d’arroser une entreprise dont la perte équivaut à 1 % du chiffre d’affaires, pour reprendre l’exemple quelque peu caricatural de notre conseiller d’Etat. Au vu de la discussion, la piste proposée par ce dernier est intéressante.

A ce stade, je vais donc retirer mon amendement. J’ai par ailleurs déjà commencé à rédiger un amendement qui interviendrait à l’article 11 du même décret et qui stipulerait : « Le Conseil d’Etat est autorisé à déroger aux limites posées par le droit fédéral pour éviter les effets de seuil. » Ceci dit, le temps imparti est trop serré pour déposer cet amendement aujourd’hui, nous allons donc procéder, comme le conseiller d’Etat Leuba l’a proposé. Nous allons discuter sereinement de cet amendement entre le premier et le deuxième débat. Je retire donc mon amendement, mais j’annonce déjà le dépôt d’un amendement, qui sera peut-être soutenu par le Conseil d’Etat, à l’occasion du deuxième débat.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Vous avez voté à l’unanimité l’idée d’un fonds de soutien à l’économie. Dans sa conception, je pensais que ce fonds de soutien pouvait permettre de combler ces différentes lacunes ou ces effets de seuil. Comme l’a évoqué M. le conseiller d’Etat, si nous voulons élargir l’aide cantonale par rapport à la fédérale — puisque le texte qui nous est soumis est calqué sur l’aide fédérale — cela risque vite de devenir très compliqué. Par ailleurs, cela peut avoir un impact financier considérable, comme l’a évoqué M. Volet à l’instant. J’ai aussi signé le texte de Mme Claire Richard pour les parcs animaliers. Je pense que c’était typiquement l’une des fonctions du fonds de soutien à l’économie de définir des critères pour toutes les entreprises qui sont juste à la limite ou en dessous des possibilités d’aides fédérales et qui sont concernées par le présent décret. Dans le cadre de ce fonds de soutien à l’économie, nous n’avons jamais nié qu’il faudrait définir des critères, des paramètres d’intervention, etc. Je propose une piste, mais je pense que cela va être extrêmement compliqué de parvenir dans un article 11 — dans l’urgence actuelle et dans le système fédéral qui nous est imposé — à définir des critères élargis pour une éventuelle aide cantonale. Je me demande si nous ne devrions pas reporter la discussion dans le cadre du fonds de soutien cantonal à l’économie, puisque c’est précisément son but.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Je rejoins les propos du député Buffat. Nous devons prendre d’autres critères en ligne de compte, des critères de pertes réelles au niveau de l’exercice. Il faudrait aussi identifier quelles sont les réserves d’une entreprise. S’il s’agit de pertes de 10 ou 20 % du chiffre d’affaires, cela peut avoir des conséquences pour certaines entreprises, comme cela peut ne pas en avoir pour d’autres. Ce ne sera pas si simple que cela à mettre en œuvre. Il faut effectivement réfléchir, en vue du prochain débat, et trouver un certain nombre de critères qui permettent de prendre en considération ces effets de seuil qui, je le conçois, risquent d’être ennuyeux pour certaines entreprises en difficulté. D’un autre côté, nous ne devons pas ouvrir le tout à des entreprises qui peuvent très bien surmonter ce choc, simplement parce qu’elles ont un chiffre d’affaires un peu plus bas qu’à l’accoutumée.

Enfin, et je considère que c’est important, nous pourrions appliquer les règles proposées ici pour les chiffres d’affaires de moins de 100’000 francs, ce serait plus simple. S’il y a une perte de plus de 40 % du chiffre d’affaires de moins de 100 000 francs, on pourrait appliquer les règles proposées dans ce texte. Je pense qu’il serait intéressant de revenir avec des propositions concrètes lors du prochain débat.

M. Daniel Ruch (PLR) —

Je ne parle pas aussi bien qu’un avocat, mais, de par ma profession, je peux aussi pratiquer la langue de bois. En ce qui concerne les parcs animaliers, nous pourrions trouver une solution pour les soutenir en fonction du nombre d’ETP. Cela pourrait être un critère pour les aider en fonction de leur grandeur. Réfléchissez-y !

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’article 12 est accepté à l’unanimité.

Les articles 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.

Le projet de décret est adopté en premier débat.

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

(Le débat est interrompu.)

La séance est levée à 21 heures.

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