Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 1er juin 2021, point 5 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le 13 janvier dernier, le Conseil fédéral a annoncé de nouvelles mesures sanitaires ainsi que de nouvelles aides pour les secteurs économiques les plus touchés par les restrictions. La définition des cas de rigueur est en effet assouplie pour les entreprises dont l’activité a été interrompue par décisions des autorités fédérales ou cantonales durant 40 jours civils depuis le 1er novembre 2020. C’est une nouvelle positive qui permet notamment au secteur de la restauration ou de l’événementiel de pouvoir obtenir des aides de manière facilitée.

Le Conseil d’État a également annoncé de nouvelles mesures le 14 janvier en complément des soutiens fédéraux.

 

A la lecture de l’Ordonnance fédérale sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19)[1], on s’aperçoit cependant que la situation reste inchangée pour les acteurs dont l’activité n’est pas interrompue par les pouvoirs publics mais qui voient toutefois leur chiffre d’affaire chuter. Pour obtenir un soutien, ils doivent prouver que leur chiffre d’affaire a baissé de 40% au moins par rapport à la moyenne des cinq derniers exercices. Nombre de petits indépendants n’ont par exemple plus suffisamment de client·e·s pour s’assurer un chiffre d’affaire leur permettant de subvenir à leurs besoins et faire face à leurs charges. Rappelons en effet qu’au printemps 2020, la Confédération avait ouvert les APG aux indépendants touchés par la crise et cela jusqu’au 16 septembre, s’ils avaient déclaré un revenu AVS d’au moins 10'000 CHF et d’au maximum 90'000 CHF par année[2]. Depuis lors, ces personnes n’ont plus de soutien alors qu’après une accalmie estivale la situation sanitaire et économique s’est grandement détériorée durant l’automne, empêchant ces actrices/acteurs économiques de pouvoir exercer leur activité dans des conditions normales.

 

Alors que la campagne de vaccination bat son plein et que l’espoir d’une sortie de crise augmente sensiblement, il serait dommageable à l’ensemble de la société de voir ces petits indépendants ne pas réussir à passer la crise et se retrouver à l’aide sociale. Les indépendants n’ont, pour rappel, pas droit aux indemnités de chômage. Un soutien financier apparaît dès lors essentiel.  

 

Au vu de ce qui précède, les sous-signé.e.s ont l’honneur de demander au Conseil d’État de proposer au Grand Conseil une base légale qui :

 

- Permette au Conseil d’État d’accorder une aide à fonds perdu aux indépendants :

  • qui ne peuvent être éligibles aux conditions des cas de rigueur édictées par l’Ordonnance fédérale sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19)[3] ;
  • dont le chiffre d’affaire a chuté de 20% au moins entre les années civiles 2019 et 2020 ;
  • dont le revenu net de l’activité lucrative est inférieur à 90'000 CHF.

- Fixe ce soutien financier à un versement unique équivalent à 10% du chiffre d’affaire 2020 mais au maximum 6’000 CHF ;

 

[1]https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20200841/index.html (Consulté le 14 janvier 2021).

[2]COVID-19 FAQ – Économie – Canton de Vaud, https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/economie_emploi/entreprises/Q_A_Entreprises.pdf (Consulté le 14 janvier 2021)

[3]Ibidem.

Conclusion

Prise en considération immédiate et renvoi au CE

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Cédric EchenardSOC
Carine CarvalhoSOC
Stéphane MontangeroSOC
Denis CorbozSOC
Sébastien PedroliSOC
Eliane DesarzensSOC
Cendrine CachemailleSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Salvatore GuarnaSOC
Vassilis Venizelos
Jean TschoppSOC
Julien EggenbergerSOC
Valérie InduniSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Stéphane BaletSOC
Graziella SchallerV'L
Vincent KellerEP
Yves PaccaudSOC
Delphine ProbstSOC
Claire RichardV'L
Jérôme ChristenLIBRE
Pierre DessemontetSOC
Muriel ThalmannSOC
Olivier GfellerSOC
Vincent JaquesSOC
Monique RyfSOC

Documents

RC - 21_MOT_1_(min)_A. Cherbuin

RC - 21_MOT_1_(maj.)_G. Mojon

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Gérard Mojon (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La Commission des finances a traité cet objet dans sa séance du 18 février 2021. Elle a donc fait diligence, comme elle s’y était engagée, traitant l’objet dans le mois de son dépôt, et vous propose de ne pas prendre cette motion en considération. En effet, la motion du député Cala vise à octroyer une aide d’urgence à fonds perdus d’au maximum 6000 francs aux indépendants non éligibles aux conditions des cas de rigueur, mais qui enregistreraient au moins une perte de 20 % de leur chiffre d’affaires, ce afin de ne laisser personne au bord du chemin. Lors de sa séance, la commission a rappelé que le montant global des Réductions de l’horaire de travail (RHT) payées en Suisse depuis le début de la pandémie approche le milliard de francs, que le rythme de paiement au titre de cas de rigueur cantonaux est à ce jour supérieur à 3 millions de francs. J’imagine que M. le conseiller d’État nous fournira des données plus récentes lors de son intervention.

Les difficultés rencontrées en termes de répartition et de coordination des aides fédérales et cantonales ont également été largement commentées et les questions suivantes posées : les indemnités doivent-elles être payées au siège ou au lieu de situation des succursales, la Confédération doit-elle prendre à sa charge 70 ou 80 % des aides ? Autant de questions en suspens qui freinent les cantons dans leur action, aucun d’entre eux ne voulant avancer des fonds qui ne leur seront pas remboursés. Rappelons qu’à ce jour la Confédération n’a encore procédé à aucun versement aux cantons qui doivent donc – comme on dit – faire la banque ! Le chef du département des finances a informé la commission que l’impact chiffré de la motion, telle que proposée, se situerait entre un plafond de 190 millions de francs, version pessimiste, et un plancher d’au minimum 100 millions, vision optimiste. Le canton ne dispose actuellement pas du financement nécessaire à la couverture de cette motion.

Aux yeux de la majorité de la commission, le dispositif mis en place fonctionne et est actuellement suffisant. Il a surtout besoin d’être stabilisé ; y ajouter une nouvelle strate ne ferait que le complexifier et le ralentir. Il faut se rendre compte – et je pense que c’est extrêmement important – qu’à chaque modification du système, tous les dossiers doivent être revus, les bénéficiaires recontactés et les montants complémentaires éventuellement être payés. Ainsi, les gens qui ont déposé des dossiers rapidement ne doivent pas être pénalisés par rapport à ceux qui auraient eu du retard. A un député s’enquérant des raisons des retards actuels, il est répondu que ceux-ci peuvent être très divers, allant de données erronées aux incompréhensions. Ne perdons pas de vue non plus que toutes les baisses de chiffre d’affaires ne sont pas imputables à la pandémie.

Finalement, plusieurs députés ne sont pas persuadés que les bénéficiaires visés par la motion ne sont pas couverts par d’autres régimes déjà en place. La majorité de la Commission des finances est convaincue du fait que le système actuel fonctionne et qu’il a aujourd'hui besoin de stabilité afin de pouvoir pleinement déployer ses effets. Des corrections ultérieures sont toujours possibles, si elles s’avèrent nécessaires, mais la démarche proposée par le motionnaire semble actuellement prématurée. Au vote, la Commission des finances vous propose de ne pas prendre en considération cette motion par 7 voix contre 6, aucun député présent ne s’étant abstenu.

Mme Amélie Cherbuin (SOC) — Rapporteur-trice de minorité 1

En tant que rapportrice de minorité de la Commission des finances, je vous demande de soutenir la motion Cala refusée de justesse par 7 voix contre 6, sans abstention. Les débats du Grand Conseil du 26 janvier 2021 ont fait apparaître qu’une grande majorité du plénum a relevé le fait qu’il fallait ne laisser personne au bord du chemin. La droite de cet hémicycle a même regretté que la catégorie d’indépendants soit trop restreinte pour être éligible aux cas de rigueur. La motion a donc été envoyée à une commission pour étude.

Depuis novembre 2020, nous avons déjà débloqué plus de 100 millions pour indemniser les cas de rigueur dus à la pandémie, en avance et en complément de la part fédérale que nous devons encore effectivement recevoir. Pour pouvoir être éligible aux aides cas de rigueur, il faut que l’entreprise ait un chiffre d’affaires d’au moins 50’000 francs et soit en possession d’un numéro d’identification des entreprises. Par ailleurs, les indépendants sont éligibles aux allocations pour perte de gain (APG) si leur revenu se situait entre 10’000 et 90’000 francs de mars à septembre. Depuis le 31 mars 2021, les APG interviennent si l’entreprise enregistre une perte de 30 % de son chiffre d’affaires, ce rétroactivement au 30 septembre. Bon nombre d’indépendants, notamment ceux qui ont pu ouvrir de manière partielle, se trouvent en grande difficulté. Cela concerne principalement les indépendants et les personnes assimilables à un employeur qui ne gagnent plus rien depuis des mois. D’autres petits indépendants, tels que les chauffeurs de taxi, les barbiers, les esthéticiennes, etc. touchent des montants APG qui ne couvrent même pas leurs charges fixes. Ces derniers n’ont pas non plus droit aux RHT. Le Conseil d’Etat genevois a d’ailleurs bien compris cela, puisqu’il a ordonné par décret urgent que l’aide sociale intervienne pour tous les indépendants qui n’arrivent plus à obtenir un revenu suffisant de leur activité pour assurer leur minimum vital, ce sans leur demander de mettre leur société en faillite. Ce n’est pas le cas sur Vaud.

Ainsi, la proposition de la motion Cala consiste à offrir un soutien financier aux personnes qui ont un revenu net de leur activité lucrative inférieur à 90’000 francs, et dont le chiffre d’affaires a chuté de 20 % au moins entre les années civiles 2019 et 2020, à raison d’un versement unique équivalant à 10 % du chiffre d’affaires 2020 mais au maximum de 6000 francs. Cette aide aux indépendants les plus en difficulté serait un coup de pouce bienvenu qui leur permettrait au moins de financer en partie leurs charges et ainsi d’éviter certaines faillites. Il est vrai que si cette proposition était acceptée, elle obligerait à reprendre l’ensemble des dossiers refusés afin de les réanalyser sous l’angle des nouveaux critères proposés. Il en va de la survie de ces petites entreprises, et des renforts peuvent être accordés aux services compétents pour effectuer cette étude, le cas échéant. Par conséquent, en solidarité avec les petits indépendants en difficulté, la minorité de la Commission des finances vous demande instamment d’accepter la motion Cala. En leur nom, je vous remercie.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Je remercie le président et le vice-président de la Commission des finances pour leur rapport respectif. Cette motion a été déposée le 19 janvier dernier, alors que le Conseil fédéral venait d’annoncer de nouvelles restrictions. Nous en avons longuement débattu le 26 janvier. À la suite de ces discussions, la droite du plénum a demandé le renvoi en commission afin de retravailler le texte et de « n’oublier personne sur le bord du chemin ». Trois semaines plus tard, la Commission des finances m’a reçu pour discuter de cette motion, ce dont je la remercie. Quatre mois après le dépôt de ce texte, nous voici enfin prêts à en traiter une troisième fois. Je remercie MM. les conseillers d’Etat d’avoir répondu à mes questions et à celle de mes collègues, mais je regrette que le Conseil d’État n’ait pas fait un pas en direction des objectifs posés par cette motion. En effet, en commission, le Conseil d'Etat a jugé ce texte :

  • inutile, car la législation en cours serait suffisante;
  • Occasionnant une charge administrative trop importante pour le SPEI;
  • Trop onéreux, pas supportable par les finances cantonales;

Enfin, le Conseil d’État ne souhaite pas modifier le système en place.

Cependant, ce que nous demandons n’est pas une modification du système en place mais un complément, comme le prévoit la loi fédérale. Je peux néanmoins entendre l’inquiétude du Conseil d’État par rapport au travail occasionné par la mise en place de ce texte. Il demeure toutefois essentiel de s’inquiéter de la situation de personnes qui ne peuvent prétendre aux aides mises en place. Le coût de cette motion est estimé par le Conseil d’État entre 100 et 190 millions. Cela signifie que si chaque demande correspond à 6000 francs, près de 32’000 indépendants et indépendantes seraient concerné-es. On nous dit que personne n’est laissé sur le bord du chemin, que le système fonctionne, que celles et ceux qui ont besoin d’aide la reçoivent, que le texte n’apportera rien. Or, si 32’000 personnes sont éligibles à cette motion, on peut légitimement se dire qu’un problème est identifié, qu’il faut agir. Doit-on ignorer la situation de ces personnes ? Doit-on ignorer les indépendants et indépendantes qui travaillent en lien avec le domaine de la restauration, de l’événementiel, culturel, sportif ou qui dépendent en partie de l’organisation de manifestations locales et régionales ? Aujourd’hui, la limite pour recevoir une aide via les APG a été fixée par les Chambres fédérales à une perte de 30 % du chiffre d’affaires. Dès lors, cela réduit l’impact potentiel de ma motion pour les finances cantonales. De plus, il semble que les comptes soient très bons, que les fonds destinés aux aides Covid alloués au bouclement des comptes 2019 n’aient pas été utilisés. Le Conseil d’État possède donc la marge de manœuvre nécessaire pour répondre à cette motion. Pour ces différentes raisons, vous comprendrez que je souhaite maintenir ce texte et vous encourage à soutenir le rapport de minorité, à renvoyer cette motion au Conseil d’État.

M. Maurice Mischler —

Pour ne laisser personne en marge de la société et surtout pas les petits indépendants, la proposition de motion de M. Cala est importante. De plus, elle a l’avantage de donner une certaine marge de manœuvre au Conseil d’État pour éviter les doublons, les effets pervers d’une action arrosoir ; il s’agit de ne pas transformer une injustice en une autre injustice. Il est d’ailleurs prouvé qu’aider les bas salaires donne une chance plus rapide pour ceux qui sont concernés de retourner dans l’économie. Comme la minorité de la Commission des finances, je vous demande d’accepter cette motion qui donne une aide substantielle aux petits indépendants qui en ont urgemment besoin.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Ayant débuté il y a 30 ans ma carrière professionnelle en raison individuelle, je me rappelle m’être prononcé favorablement lors de la votation fédérale sur le droit aux allocations familiales pour tous. En effet, en ma qualité d’indépendant, je ne recevais pas un centime pour les allocations familiales, alors même que j’avais trois enfants. En votation populaire, cela a été plébiscité par une majorité du peuple et des cantons.

Il est vrai qu’il est difficile de définir la qualité d’un indépendant. Toutefois, il faut se rappeler que pendant la pandémie, certains ont reçu une aide au loyer, d’autres ont reçu des RHT et certains rien du tout. Ainsi, quelle mesure l’Etat va-t-il proposer afin que certains indépendants ne partent pas en faillite faute d’avoir reçu une aide, aussi substantielle soit-elle ? Devra-t-on se résoudre à les inscrire à l’aide sociale ou à un autre type de subventions ? Je vous remercie de votre attention et, pour ma part, je soutiendrai le rapport de minorité.

Mme Claire Richard (V'L) —

Les Vert’libéraux sont toujours très attentifs au sort des petites et très petites entreprises, notamment à celui des indépendants. Dès lors, il est naturel pour nous de soutenir une motion telle que celle de notre collègue Sébastien Cala. En outre, le groupe vert’libéral n’a pas été convaincu par les arguments de MM. les conseillers d’Etat, dont les propos sont relatés dans les deux rapports. D’une part, on ne saurait refuser une aide à une part non négligeable d’acteurs de notre économie en raison d’une surcharge de travail pour les services de l’Etat. Le canton de Vaud possède des compétences et des équipements aptes à soutenir une bonne part de ses concitoyens, qui passent actuellement à travers les mailles des aides Covid. D’autre part, on ne saurait non plus affirmer que l’Etat de Vaud ne dispose pas du budget nécessaire, alors qu’il vient de boucler des comptes 2020 à faire pâlir d’envie les autres cantons suisses.

Une bonne partie des indépendants vivent de leur travail, parfois individuel, sans appartenir à une catégorie très précise d’activité. Leurs revenus parfois modestes ne leur permettent alors pas de constituer de grandes réserves. Ils souffrent d’autant plus, lors de crises subites, telles que celles que nous vivons depuis une année. Mais ils font tous partie de notre tissu économique et en sont de précieux acteurs. En cela, ils doivent être aidés, lorsque c’est nécessaire, au même titre que les autres acteurs économiques vaudois. Pour les Vert’libéraux, il serait tout à fait incompréhensible que toute une part de l’économie vaudoise se retrouve sur le carreau, ne correspondant pas aux standards exigés pour les aides mises en place jusqu’ici. Il s’agit d’être proactif face à bon nombre de nos concitoyens, pour leur permettre de passer ce gué difficile et leur éviter d’aboutir au Revenu d’insertion (RI), ce qui aurait aussi un coût important pour la collectivité.

En conclusion, le groupe vert’libéral soutiendra unanimement la motion Sébastien Cala, le rapport de minorité, et vous engage à en faire de même.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Dans notre canton, nous avons la chance de compter un grand nombre d’entrepreneurs, d’indépendants, de PME qui forment un tissu essentiel de notre économie locale, et nous ne cessons de relever la richesse et la diversité qu’ils apportent à toute notre économie. Ainsi, il est d’autant plus surprenant d’entendre une partie de cet hémicycle, plutôt sur la droite, qui refuse de les soutenir, alors que les raisons que j’ai pu lire dans les rapports de minorité comme de majorité plaident plutôt pour un soutien à leur égard.

Ce sont 17’000 – même 30'000 selon le motionnaire – de petites entreprises ou indépendants qui seraient touchés par cette mesure. Cela rend évident que nombre d’indépendants sont passés entre les mailles du filet et sont aujourd’hui précarisés par les mesures prises pour soutenir l’économie. Dans les deux rapports, il a été dit que la charge serait beaucoup trop lourde pour le canton, qu’il n’en aurait pas les moyens. Or, honnêtement, à la lecture des comptes, ce n’est pas vraiment l’impression que j’ai eue – je ne suis probablement pas la seule. Un article de 24heures, ce matin, nous rappelait même que le canton avait augmenté sa fortune et que sa situation financière semblait bien meilleure que ce qui avait été craint.

J’ai fait partie des députés de droite qui ont soutenu le principe que l’on ne demande pas aux instituts privés dans le domaine de la santé de puiser dans leurs réserves pour s’en sortir, je ne vois pas comment nous pourrions demander aujourd’hui aux indépendants d’être acculés eux aussi à puiser dans leurs réserves pour survivre. Quant au prétexte tendant à dire qu’il faudrait rouvrir tous les dossiers, il me semble logique que cela ne concerne que les dossiers qui ont été refusés. Le travail administratif n’est donc probablement pas aussi grand qu’anticipé. Concernant le montant de 6000 francs maximum évoqué, cela représente évidemment une somme de 190 millions, si toutes les entreprises y faisaient recours. Le montant peut peut-être paraître modeste ou trop élevé, mais si l’on imagine des entreprises acculées, qui ont le couteau sous la gorge, cela représente peut-être 500 francs par mois qui les aideront à garder la tête hors de l’eau et éviter de couler. En tous les cas, à l’instar de ma collègue Claire Richard, je vous invite, comme le groupe vert’libéral, à soutenir la prise en considération de cette motion et le rapport de minorité.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Je suis ici assis à côté de mon collègue et entrepreneur Guy Godard. Il est toujours difficile de prendre une décision face à tout ce qui touche les indépendants, les petites entreprises. Toutefois, il est un sujet dont il faut aussi parler : les personnes qui malheureusement trichent avec le système. Cela existe. On peut le constater tous les jours : des indépendants ne déclarent pas tout. Par conséquent, lorsqu’ils ne déclarent pas certains revenus, ils échappent ensuite au filet, aux aides sociales qui sont vraiment faites pour ces gens-là. Pour ma part, comme indépendant – et aussi avec trois enfants – et sans aide, j’ai été confronté à des situations très difficiles, en travaillant sur les chantiers, de surcroît en temps de crise. Je pourrais donc dire qu’il faut absolument aider ces gens-là. Mais n’oubliez pas qu’une majorité ne fait pas de déclarations correctes, triche avec leur déclaration, et touche des aides. Je m’opposerai donc à cette motion.

M. Daniel Ruch (PLR) —

 Comme mon collègue, je déclare mes intérêts, car je suis aussi entrepreneur. J’ai démarré mon entreprise il y a 37 ans… mais je ne vais pas me lancer dans l’historique, car nous en aurions pour tout l’après-midi. Il n’en reste pas moins que lorsque j’ai commencé comme indépendant, élevé trois enfants, je n’ai pas touché un franc d’allocations familiales. Certains mois étaient difficiles… nous étions dans la forêt, il pleuvait, ou parfois nous étions arrêtés pendant un mois ou deux à cause de la neige ; je me suis toujours débrouillé. J’ai le sentiment qu’avec ce système d’arrosage – c’est ma théorie – on va soutenir des gens qui ont choisi d’être indépendants. Comme dirait mon ami Volet, j’ai monté mon entreprise, cela n’a pas toujours été facile ; je pense que lorsqu’on se dit entrepreneur, indépendant, on se doit d’assumer ce qu’on fait. Je refuserai par conséquent cette motion.

Mme Valérie Induni (SOC) —

Après les deux dernières prises de parole, je ne peux m’empêcher d’intervenir. La semaine dernière, j’ai proposé une demande d’échange automatique de renseignements pour l’épargne. On m’a expliqué en long et en large que c’était inutile, parce que tout le monde était extrêmement consciencieux à déclarer ses avoirs, qu’il n’y avait donc aucun sens à faire ce qui avait été demandé. Or, aujourd’hui, que nous dit-on ? Qu’il y a nombre de gens malhonnêtes qui ne déclarent pas « comme il faut » leur revenu, qu’il ne faut pas recourir à un arrosage d’aide… Je ne pense pas que nous puissions faire fi et feu de tout bois, puis d’une semaine à l’autre, renier ce qui a été dit pour obtenir un autre résultat de vote. Vous me voyez très surprise. Ce n’est pas parce qu’une ou deux personnes se sont bien débrouillées dans la vie, ont réussi à monter leur entreprise et à aller jusqu’au bout, que cela fait du sens par rapport à notre discussion relative au Covid. En effet, les aides Covid ont secouru nombre d’entreprises – je n’ai pas les chiffres exacts – mais je sais que les montants engagés sont énormes. Or, tout à coup, pour les petits indépendants, il ne faut pas faire de l’arrosage : c’est trop compliqué. Ensuite, il s’agirait de 100 millions… . A fortiori, si l’on divise 100’000’000 francs par 6000 francs, alors cela signifie que les besoins sont énormes.

En conclusion, il serait peu cohérent de refuser cette motion, car cela signifierait que nous avons deux manières de voir la vie. Il est temps d’accepter cette aide pour les petits indépendants, éviter que ces personnes se retrouvent à l’aide sociale, perdent leur emploi, ne puissent plus rebondir après la fin approchante du Covid. Il est temps de prendre nos responsabilités et d’accepter le renvoi de cette motion au Conseil d’État.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Ne laisser personne au bord de la route est une phrase que j’utilise régulièrement, même très régulièrement… Je suis dans la vraie vie (rires)… mais riez  donc! Continuez à rire la gauche, vous n’avez pas d’intérêts à déclarer, car vous êtes tous très bien dans votre petit cocon ! À ce titre, j’ai oublié de déclarer mes intérêts, je travaille dans la banque, et je travaille régulièrement avec les entreprises de toute petite taille comme de grande taille, mesdames et messieurs de la gauche !

La question que j’aimerais adresser à M. Leuba est la suivante : avons-nous laissé quelqu’un au bord de la route ? Aujourd’hui, nous sommes en train de rouvrir les restaurants, le ciel bleu arrive. Les directives ont été votées au mois de décembre. Des gens sont-ils délaissés au bord de la route ? Le texte de M. Cala me paraît être populiste, clientéliste ! Il vous fait plaisir à vous, les bien-pensants de la gauche ! Je pense que nous n’avons oublié personne au bord de la route. M. Cala pourrait-il nous donner un exemple ? J’aimerais l’entendre.

Mme Isabelle Freymond (SOC) —

Des exemples ? En tant qu’assistante sociale, j’en ai quelques-uns. Des aides fédérales ? Oui, avec des délais, des dates-butoirs pour en faire la demande. Or, certains petits indépendants n’ont pas eu accès aux fiduciaires assez rapidement pour pouvoir les demander, et ça leur est passé sous le nez ! Au vu des revenus, ils ont demandé l’aide sociale… « manque de bol », ils gagnent quelques francs de trop ! Pourtant, les factures pour leur entreprise continuent à arriver. Essayant d’obtenir d’autres aides au niveau fédéral, ils courent à gauche, à droite… les comptes ne sont pas bouclés… vous n’avez droit à rien !

Au bout d’un moment, ces personnes se découragent. En 2020, les poursuites commencent. Et comme elles se basent sur l’ancien revenu de 2019 – alors que la personne ne gagne même plus 1000 francs par mois – on lui ponctionne 750 francs de poursuites. Vivre avec 250 francs par mois… comment font-ils ? Monsieur Berthoud, bien sûr qu’il y a des personnes sur le bord de la route ! Je relève le défi, si vous voulez des dossiers, j’en dépose demain sur votre table, des dossiers de gens qui sont « dans la merde », excusez-moi du terme, mais il est vraiment approprié, lorsqu’on a des enfants qui n’ont même plus de quoi manger sur la table. Il y a un besoin, des gens qui, comme vous dites, sont restés sur le bord de la route. Que leur répond le PLR ? En gros : « démerdez-vous ! » Voilà votre discours. Ils n’ont pas tous des fiduciaires à disposition, des employés de commerce qui assurent la comptabilité, qui font les bilans, des ressources qui permettent de déposer les demandes nécessaires à leur survie. Je pense que vous connaissez certainement tous de petits indépendants qui se retrouvent dans la misère aujourd’hui. Je ne comprends pas que la droite ne soutienne pas justement ces gens qui ne peuvent même plus nourrir leur famille.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

J’appelle l’assemblée à quelque retenue dans ses propos et dans ses réactions, j’ai l’impression que nous sommes en train de virer à l’ouest ! Qu’il y aura bientôt des verres d’eau qui volent, cela me dérange un petit peu ! Je vous remercie par conséquent de prendre quelque hauteur, d’adopter un vocabulaire plus académique pour citer M. Glayre !

Mme Florence Gross (PLR) —

Nous parlons ici de soutiens financiers liés à la crise Covid. Madame Freymond, le PLR soutient et soutiendra toujours les indépendants. Mais il s’agit de soutiens à des PME, à des indépendants, à des raisons individuelles qui ont souffert du Covid. Malheureusement, certains ne s’en sortaient déjà pas avant. Nous ne pouvons prendre en considération ces personnes dans le cas des soutiens Covid. Mais ne remettez pas en cause le soutien du PLR à toutes ces personnes dont le travail est une valeur et, souvent, pour eux, une passion. Le canton de Vaud soutient ces personnes, notamment par l’intermédiaire du Conseil d’État et du conseiller d’État Philippe Leuba. Le canton de Vaud les soutient, quel que soit leur statut juridique ; ce n’est pas le cas dans d’autres cantons.

Peut-être, et on l’entend, certaines personnes n’ont-elles pas encore reçu les montants, peut-être que certains dossiers sont encore en traitement, parce que d’un statut juridique individuel différent ou compliqué. Aujourd’hui, nous ne pouvons accuser le canton de ne pas avoir mené certains efforts. Une coordination est essentielle, un élément que nous pouvons lire dans le rapport. Car les conditions octroyées par le canton et par la Confédération sont mouvantes. Ainsi, la droite ne laisse pas les gens au bord du chemin, mais souhaite aussi faire confiance et laisser le temps à une coordination entre canton et Confédération pour trouver le meilleur moyen possible. En effet, il s’agit de traitement individuel, parce que prévaut une complexité de travailleurs, d’entrepreneur, de personnes qui prennent des risques.

Non, nous ne voulons pas élargir ces mesures à outrance. Je me réjouis d’entendre M. le conseiller d’État Leuba, car je suis persuadée que depuis la rédaction du rapport, les conditions d’octroi ont certainement changé. Mais je ne puis entendre que la droite de l’hémicycle ne soutient pas les personnes qui prennent des risques, notamment pour eux-mêmes, leur famille ou la création d’emplois.

Madame Schaller, les finances du canton sont certes bonnes et soyons-en heureux, car grâce à elles nous avons pu octroyer de nombreuses aides aux entrepreneurs et aux travailleurs de ce canton. Enfin, si vous ne vous fiez qu’à l’interprétation de l’article de 24heures concernant les finances du canton, vos standards me paraissent certainement insuffisants.

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

Je considère aussi qu’un filet considérable a été mis en place, notamment par le Conseil d’État et le département de M. Leuba. Il est vrai qu’il y a certainement beaucoup de demandes et, par conséquent, beaucoup d’attentes plus ou moins justifiées. Je pense que le secteur des fonds d’urgence est utilisé pour l’instant à bon escient. Le côté arrosage m’interroge dans cette motion. Je ne pense pas que la droite, contrairement à ce qui a été dit, nourrisse l’intention ou l’envie de laisser qui que ce soit au bord de la route. Nous l’avons vécu à Yverdon, puisque par deux fois, 500’000 francs ont été dégagés pour aider les restaurateurs et les indépendants. Les gens devaient donc se positionner et fournir des dossiers. Force est de constater que la demande n’était pas si grande, hétéroclite. À mon avis, il doit y avoir des réponses pour ceux qui sont en difficulté, mais ciblées plutôt que généralisées. Je pense que le département fait ce travail. Moi aussi, j’attends avec intérêt la réponse de M. Leuba.

Je ne crois pas que la proposition faite soit bien orientée, car je n’estime pas qu’il viendrait à l’esprit de qui que ce soit, de gauche ou de droite, de vouloir laisser des gens en difficulté au bord de la route, qu’il se soit agi de l’esprit dans lequel les communes, le Conseil d’État ou la Confédération aient œuvré. La version, telle que proposée, ne répond pas aux besoins pratiques. Nous parlions de vraie ou de fausse vie – je n’en sais rien. Toujours est-il que cela n’est pas comme ça que cela se passe réellement pour l’avoir vécu depuis quelques mois, et les demandes ne vont pas dans le sens de ce qui est proposé.

M. Jean-François Chapuisat (V'L) —

Je suis également indépendant, et je déclare tout ce que je gagne jusqu’au dernier franc. Mon activité a été complètement arrêtée lors de la fermeture en mars. J’ai fait une demande et ai pu toucher des APG calculées sur ce que je déclarais au niveau de mes charges sociales. Je préfère jouer la sécurité et déclarer un revenu un peu plus haut, quitte à ce qu’on me doive de l’argent, plutôt que l’inverse. J’ai énormément de collègues qui mènent une autre activité dans le domaine culturel, notamment. Dans cette activité, on a plutôt tendance à faire l’inverse, c’est-à-dire à sous-estimer son revenu. Il se trouve que les APG étant toujours calculées par rapport à ce qui était déclaré auparavant, je connais beaucoup de gens qui ont reçu des sommes vraiment très petites : 13 francs ou 20 francs par jour. On peut difficilement vivre avec ça. Il s’agit d’indépendants dans le domaine culturel, qui ont souffert, qui souffrent toujours, puisque c’est un domaine qui rouvre à peine, qui n’a jamais été rouvert depuis une année. J’en connais vraiment un certain nombre. Je peux vous garantir que ce sont des gens qui ont vraiment besoin qu’on les aide.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Dans le fond, il existe aussi, dans l’institution, dans le fédéralisme, un échelon extrêmement important : les communes. Ainsi, j’ai rédigé avec une autre personne un courrier à l’ensemble des autorités communales de ce canton pour indiquer qu’elles étaient sans doute l’institution la plus importante pour analyser la situation et ne laisser personne au bord de la route.

À vous, bien-pensants de la gauche, je puis dire qu’une seule commune de gauche m’a écrit, avec qui j’ai passé deux heures : Renens. Du côté de la gauche, personne d’autre n’a pris contact avec moi. Et, pourtant, ce courrier a été aussi rédigé par une personne du parti socialiste. Nous avons beaucoup discuté, reçu nombre d’informations. Je pensais que c’était l’occasion d’identifier qui ou non reste au bord de la route. C’est un peu moins populiste qu’un texte au Parlement, ça coûte beaucoup moins cher ; pour être sincère, j’ai d’ailleurs payé moi-même les frais de timbres (réactions). Je me réjouis de vous voir, vous, les bien-pensants de la gauche, lorsqu’il aura été voté deux fois oui aux élections du mois de juin, pour soutenir l’agriculture, pour reconsidérer toutes les familles agricoles qui n’auront plus de travail ! En attendant, je pense que l’institution des communes est importante. Enfin, je me réjouis aussi d’entendre le Conseil d’État s’exprimer ainsi que M. Cala pour qu’il nous donne un exemple concret.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Je suis un peu surpris par la tournure de ce débat. Monsieur Berthoud, j’allais vous féliciter pour votre action, car je pense qu’elle est très bonne ; je la respecte et vous félicite. Néanmoins, je pense que vous devriez témoigner du même respect pour l’action des autres députés ici présents. En se montrant démagogique, en déplaçant le sujet, on voit l’argumentation s’effriter…

Dans la presse, la semaine dernière, une hausse des faillites a été relevée. Lorsque j’ai déposé ce texte, en janvier, au moment de le développer, j’ai précisé que le but visé consistait en une aide pour que nous fassions passer à ces gens la crise, qu’ils puissent arriver jusqu’à la réouverture. C’est l’objectif. Dans la presse, la semaine dernière, une étude d’un bureau suisse alémanique expliquait qu’il y avait 12 % de faillites supplémentaires, en avril, en Suisse romande. Voilà la réalité. Je ne dis pas que tous ces gens auraient passé la rampe avec cette aide, mais peut-être que lors du débat initial, en janvier, si nous avions renvoyé cette motion directement, peut-être qu’une partie de ceux-là n’aurait pas fait faillite – ou peut-être pas. Beaucoup ont encore besoin d’aide, car des secteurs sont encore touchés et vont rouvrir plus tardivement que d’autres. Je vous encourage vivement à voter et à soutenir le rapport de minorité.

M. Nicolas Glauser (UDC) —

Entre le moment du dépôt, celui du passage en commission et aujourd’hui, le temps a passé, certaines règles ont évolué, et nous avons vu l’apparition de nouvelles mesures, notamment dans le domaine de la culture pour lequel la Commission des finances a été mandatée pour voter des crédits supplémentaires, aider des acteurs culturels indépendants, plusieurs centaines de personnes.

Le motionnaire nous dit que les comptes sont bons ; je ne crois pas que lorsqu’ils le sont, il faille forcément dépenser cet argent. Comme Mme Gross l’a dit, parfois il est opportun d’avoir une petite réserve pour faire face aux coups durs. Quant à la hausse des faillites, j’ai lu cet article. Toutefois, ce que M. Cala tait c’est que ce dernier montre également une hausse de création d’entreprises. Parfois ceci explique cela. Comme indépendant, une aide de 6000 francs – certes bienvenue – ne va pas forcément éviter à quelqu’un de faire faillite et de devoir recourir au social. C’est pour cela que je fais partie des gens de la Commission des finances qui ont refusé cette motion ; et, je vous prie d’en faire de même.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Lorsque nous nous livrerons au bilan de cette sombre période sous l’angle économique, nous serons obligés de constater une erreur historique majeure qui, je le crains, sera longuement discutée dans les livres d’histoire : la manie des critères d’éligibilité beaucoup trop restrictifs. Le fameux 40 % du chiffre d’affaires était une aberration d’origine fédérale. En effet, nul besoin d’avoir fait de hautes études commerciales pour comprendre que le tassement du chiffre d’affaires n’est pas un critère ni un indicateur fiable de la santé d’une entreprise, puisque cette dernière peut connaître un tassement du chiffre d’affaires très important, mais continuer à fonctionner ou avoir un tassement du chiffre d’affaires de 5 %, mais d’énormes difficultés de trésorerie. Toute une série de règles beaucoup trop restrictives seront probablement retenues comme des erreurs historiques. En outre, dans beaucoup de situations, des prêts et non des aides à fonds perdus ont été octroyés, si bien que beaucoup d’entreprises restent avec des ardoises qu’elles doivent régler au fil des mois, voire des années à venir. Ce type d’ardoises à régler est tout simplement inadmissible.

J’aimerais encore lourdement insister sur un point : toutes ces difficultés – et je m’adresse aux plus libéraux d’entre vous – sont le fait de décisions des autorités. On a interdit à des secteurs entiers de l’économie de travailler. Lorsqu’on prend ce type de décisions, le plus libéral des économistes vous dira que puisque le modèle de liberté d’entreprendre n’existait plus, celui qui est à son origine, doit la compenser, dédommager le tort causé.

A-t-on laissé des personnes au bord du chemin ? Je le regrette, cher collègue Berthoud, président de la Commission des finances, je ne possède pas la vision complète. C’est une question que nous pouvons adresser au conseiller d’Etat ; qu’il dresse à un moment ou à un autre un bilan extrêmement complet du tissu économique vaudois, des aides octroyées avec éventuellement les personnes qui sont passées entre les mailles du filet. Votre constat que nous ne laissons personne au bord du chemin est tout simplement erroné.

Je fais partie des entrepreneurs qui ont eu la chance de ne pas avoir à recourir aux aides aux cas de rigueur, parce que j’ai eu du travail. Mais, j’en ai eu, notamment parce que parmi ma clientèle figuraient des entreprises en train d’organiser leur faillite, de se battre pour obtenir des aides. Une vision globale du tissu économique vaudois sera nécessaire, mais l’indicateur cité par notre collègue Cala, celui de l’augmentation des faillites, est parfaitement correct, même si d’autres indicateurs peuvent être utilisés. Il y a, et il y aura, malheureusement, des personnes laissées au bord du chemin. Très humblement, je ne sais dans quelle mesure cette proportion d’entrepreneurs sera élevée ou très élevée, mais un seul suffit pour que ce soit déjà de trop : parce que ces conséquences sont le fait de décisions des autorités.

Sur certains aspects, et je citais notamment la question des prêts Covid, nous devrions réfléchir. C’est peut-être un texte que nous préparerons et déposerons prochainement. En effet, nous pourrions réfléchir à des mesures d’amnistie ciblées avec des critères ciselés pour dire que, dans certains cas, un prêt Covid devrait être annulé, pour éviter aux entrepreneurs une sorte de boulet à tirer pendant des années. Notre collègue Cala a eu le mérite de soulever une problématique très spécifique : celle des petits indépendants dont certains ont passé entre les mailles du filet. Ne nous dites pas, en essayant de nous mettre à l’épreuve, que nous ne pourrons citer aucun cas concret, car j’en ai parmi ma clientèle. Les faillites, malheureusement, augmentent.

Au stade de la motion déposée, la demande qui est faite au Conseil d'Etat équivaut d’abord à ne pas laisser ce genre d’entreprises sur le bord de la route, puis, si vous constatez leur présence, car elles échappent au genre de critères posés par le droit fédéral, soyez plus généreux que ne l’a été la Confédération – la fameuse demande qui avait fait l’objet de l’amendement dans les décrets votés avant les fêtes de Noël – élargissez les critères, évitez l’effet de seuil pour que tout le monde ait une chance de pouvoir atténuer les conséquences de la pandémie. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur du texte de notre collègue.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je déclare d’abord mes intérêts comme municipal à la ville de St-Croix. Comme la ville d’Yverdon et plusieurs villes de ce canton, suite à la publication des comptes, nous avons mis en place, début mai, un montant à six chiffres à disposition des entreprises et indépendants qui seraient passés à travers les mailles du filet, qui n’auraient pas pu bénéficier des aides fédérales et cantonales. Si une ville comme Ste-Croix, à majorité de droite, a réussi à débloquer un montant, je pense que le canton peut faire de même. Il est vrai que peu de demandes nous ont été adressées ; cela sera aussi sans doute le cas pour le canton, et nous serons dans la fourchette basse des chiffres donnés. Néanmoins, je pense, à titre personnel, que nous pouvons faire cet effort. Si nous l’avons fait pour ma commune, je pense que le canton peut aussi le faire de son côté. Je soutiendrai par conséquent le rapport de minorité.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

D’abord, quant au nombre d’augmentations de faillites, je suis comme vous un lecteur assidu et bi hebdomadaire de la Feuille des avis officiels (FAO) et je n’ai pas constaté d’augmentation significative du nombre de faillites, si ce n’est du nombre de successions refusées qui témoignent qu’un certain nombre de nos citoyens et compatriotes sont décédés en n’ayant plus rien et que par conséquent les successions ont été refusées.

En revanche, et heureusement, je constate depuis un mois, voire un mois et demi une augmentation significative du nombre de dossiers de mises à l’enquête avec une explosion des piscines enterrées – tant mieux pour ceux qui peuvent le faire. Cher collègue Mahaim, s’agissant de mettre la responsabilité de ce malheur qui nous arrive, financièrement, sur une décision des autorités, est un effet de manche que je ne peux accepter. Les autorités fédérales et cantonales ont dû prendre des décisions d’urgence sans recul et impopulaires, parce que survenait un événement pour lequel nous n’avions aucun recul, si ce n’est 1918, mais peu de gens l’ont vécu et peuvent s’en targuer aujourd’hui. Par conséquent, je rends hommage aux décisions des autorités, à leur sens des responsabilités, à leur sang-froid, à la qualité de leurs décisions, et je n’accepterai pas qu’on inverse la charge et le fardeau de la preuve.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

J'ai naturellement écouté avec beaucoup d'intérêt les prises de position des uns et des autres. Vous me permettrez très respectueusement de dire que personne, dans ce Parlement ni en dehors, ne peut s'arroger le monopole de la solidarité. Le Conseil d'Etat, le Grand Conseil, comme les autorités fédérales et parfois cantonales – de gauche comme de droite – ont, depuis le début de cette crise, fait preuve d'une énorme solidarité, d’un engagement considérable, y compris et surtout les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat. Vouer aux gémonies celui-ci ou celui-là, parce qu'il n'aurait pas fait ceci ou cela, est une preuve d'ingratitude que je souhaitais évoquer directement devant vous, tout en respectant naturellement la liberté d'opinion et la séparation des pouvoirs.

Cela étant, j'aimerais vous donner quelques éléments factuels et répondre à certaines critiques qui ont été émises. Je peux enfin m'exprimer et vous présenter ce que d'aucuns réclamaient à corps et à cris — mais ce n'est pas la mouche du coche qui fait avancer le coche — à savoir un état de la situation des cas de rigueur et des différentes mesures énoncées et mises en place par le Conseil d'Etat — tout le Conseil d'Etat. Je demande au secrétariat général de présenter la première diapositive que je lui ai fait parvenir :

*insérer une image

Il s'agit de la situation au 28 mai 2021. Nous avions reçu, au titre des cas de rigueur, 5 739 demandes. Quelque 5500 décisions individuelles, spécifiques et uniques ont été rendues. Chaque cas étant différent, il nécessite un traitement différent et sérieux. Ces montants colossaux sont en partie financés par la Confédération. Or, vous l'avez entendu cette semaine encore, la Confédération nous demandera des comptes, ce qui est légitime. Quelque 5500 décisions ont été rendues, ce qui signifie que 88 % des demandes déposées ont été traitées. Parmi les 5739 demandes déposées figurent celles qui ont été déposées le 27 ou le 28 mai au matin. Il ne s'agit donc pas d'un retard de 12 %, mais du délai nécessaire au traitement de ces demandes déposées.

Au 28 mai, nous avions versé — et j'insiste sur ce verbe — plus de 218,5 millions de francs au titre des cas de rigueur. Le président de la commission vous l’a rappelé : pour l'heure, la Confédération n'a pas alloué de montant aux cantons. Le montant exact versé au 28 mai 2021 figure dans la parenthèse : 218 577 961 francs. Ce matin, j'ai demandé quelle était la situation exacte : nous étions à plus de 225 millions de francs versés. La différence par rapport aux 218 millions résulte du travail effectué entre lundi et mardi. Nous versons ces sommes à un rythme de l'ordre de 10 à 15 millions de francs chaque semaine. Les 218,5 millions alloués au travers de décisions individuelles et spécifiques ont été versés sans tenir compte naturellement des aides allouées par le Service de l'emploi et les caisses de chômage au titre du chômage partiel. Un montant figure en bas de page de cette diapositive : 1,127 milliard de francs ont été alloués dans le canton de Vaud au titre du chômage partiel, autrement dit des fameuses RHT. Dans toute une série de secteurs, vous constaterez que la charge la plus importante est souvent celle constituée par la masse salariale. Je pense notamment à la restauration ou à l'hôtellerie. Les restaurateurs et les hôteliers ont touché – ce qui est parfaitement normal – les RHT et les aides délivrées au travers des cas de rigueur.

M. Mahaim m'a demandé une répartition secteur par secteur des aides allouées. Vous trouverez cela sous la puce « Proportion des aides par secteur d'activité » :

-         pour la restauration, il s'agit de 44 % ;

-         pour le commerce de détail, 13 % ;

-         pour l'hébergement, 6 % – il s'agit notamment de l'hôtellerie ;

-         pour ceux qui sont actifs professionnellement dans le sport, 7%, il ne s'agit pas des aides sportives allouées par la Confédération ou par le Service des sports, mais des cas de rigueur dévolus au secteur du sport.

-         pour les « autres » 30%, il est très difficile d'attribuer forcément à un secteur préétabli la situation d'une entreprise ou d'un acteur économique, celle-ci étant extrêmement variable.

Je vais illustrer mon propos par un exemple. Je reviendrai tout à l'heure sur les exceptions et le geste que nous avons faits pour éviter les effets de seuil et le système fédéral trop restrictif, comme je l'avais annoncé au nom du Conseil d'Etat en décembre dernier — c'est le fameux amendement que nous avions construit avec M. Mahaim pour éviter les effets de seuil. Nous l'avons exploité, l'avons traduit dans les faits et avons versé des aides en fonction de cet élargissement. J'aurai l'occasion d'y revenir avec une autre diapositive. Dans l'hôtellerie, il y a des situations avec un hôtel, un restaurant et, par exemple, un établissement de bien-être de type SPA, avec des entités différentes ou des plafonds différents. Il en va de même dans d'autres secteurs. J'ai rencontré récemment un boucher de la Broye à la fois boucher et restaurateur. Il a fallu trouver des solutions pour que cette activité de restauration, en partie fermée, alors que la boucherie est restée ouverte, puisse bénéficier des montants alloués. D'après ce que j'ai appris ce matin de la part d'un représentant broyard, le boucher-restaurateur est aujourd'hui parfaitement satisfait des montants versés et de la solution trouvée. C'est dire si l'administration et le Conseil d'Etat sont ouverts aux solutions concrètes et  ne sont pas simplement dans une perspective de rigidité administrative.

J’ai dit tout à l'heure que le monopole de la solidarité — ou du cœur, aurait dit un ancien président de la République française — n'appartenait à personne, parce que la position que je défends à cette tribune est la politique qui a été mise en place, celle du Conseil d'Etat. Je suis sûr que la gauche de cet hémicycle ne prétendra pas que la majorité du Conseil d'Etat est dépourvue de tout sens de solidarité.

J'en viens maintenant à la deuxième diapositive :

*insérer une image

Il s'agit des statistiques de vendredi dernier. J'ai mis en place un système de controling quotidien, mais je dois vous avouer que j'ai considéré que ces chiffres de vendredi dernier étaient suffisamment actuels pour le Grand Conseil et que je n'avais pas besoin de demander à mes services qui traitent ces dossiers de passer plus de temps à l'élaboration de diapositives renouvelées toutes les 24 heures. Néanmoins, je suis saisi des renseignements au jour le jour. Quelque 2409 entreprises ont été indemnisées. Pourquoi y a-t-il une différence par rapport aux 5000 ? Parce que certaines entreprises recouvrent plusieurs entités ou plusieurs activités. Par exemple, une entreprise se retrouve avec deux ou trois indemnités ; le système le prévoit.

Concernant le paiement moyen, j'ai entendu hier matin à la radio romande, des personnes affirmer que les aides étaient dérisoires, que les montants ne couvraient pas les charges, etc. Le montant moyen par entreprise se monte à 90’564 francs, hors indemnités de RHT. L'indemnité la plus élevée versée dans le canton de Vaud à l'heure où je vous parle est de 4'076’421 francs. Certains considéreront que c'est tout à fait dérisoire et insuffisant, d'autres — notamment les contribuables — constateront que les montants sont élevés. L'indemnité la plus basse est de 222 francs. Je l'ai indiquée pour être parfaitement transparent, mais aussi pour expliquer que s'il s'agit d'allouer un montant forfaitaire ou maximum de 6’000 francs pour les indépendants, vous devrez naturellement reprendre tous les dossiers qui, comme l'a dit M. Cala, ont subi un refus ou qui se situent entre 222 et 6’000 francs, pour avoir un système équitable. Vous ne pouvez pas, parce que le système des cas de rigueur était en vigueur avant le système « Cala » — si vous me passez l’expression — répondre à une entreprise qu'elle a été servie au titre des cas de rigueur et qu'elle peut toujours repasser pour le système « Cala ». Non, vous devez avoir un système équitable. Cela signifie donc que tous les dossiers qui ont donné lieu à un versement entre 222 francs et 6’000 francs devront être repris par l'administration.

J'ai bien entendu d'aucuns d'entre vous affirmer que ce n'est pas parce que l'administration est chargée qu'il ne faut pas faire les choses. Je peux comprendre cette affirmation de principe, mais j'aimerais vous rendre attentifs à l'engagement considérable — d’ailleurs relevé par la Commission de gestion — des collaboratrices et collaborateurs souvent au bord de la rupture, dans plusieurs départements, qu'il s'agisse de la santé, de l'école ou de l'économie dans le cadre du traitement des différentes aides. Pour l'instant, je ne vous ai parlé que des cas de rigueur, mais il y a naturellement tout le travail qui a été fait pour les loyers, les start-ups, le monde sportif, j'en passe et des meilleurs.

*insérer une image

La troisième diapositive illustre, d'une part, le pas réclamé par M. Cala en faveur des indépendants et, d'autre part, l'exploitation faite de l'amendement évoqué précédemment validé par votre plénum en décembre dernier, si ma mémoire est bonne. Nous sommes allés au-delà du dispositif fédéral, en limitant les effets de seuil. Parmi les trois exemples de cette diapositive, le plus simple est le troisième : la question des boulangeries-confiseries. Sans entrer dans les détails, il faut que vous compreniez le système. Dans ce canton, beaucoup de boulangers ou de confiseurs ont une partie tea-room adjacente à la vente du pain et des croissants. La partie tea-room était fermée par décision de l'autorité fédérale, alors que la vente du pain et des croissants était autorisée. Il s'agit souvent de petits indépendants n’ayant qu'une comptabilité. Il s'agissait de savoir si le confiseur ou le boulanger en question émargeait aux cas de rigueur « perte de 40 % du chiffre d'affaires » ou « fermé plus de 40 jours », ce qui donnait lieu à un versement indépendamment de la perte du chiffre d'affaires réelle. Nous avons généralisé le principe pour éviter les effets de seuil, comme l’appelait de ses vœux M. Mahaim. Nous avons généralisé l'application du dispositif des indemnités de 40 jours et pas des indemnités liées à la perte du chiffre d'affaires pour l'ensemble des boulangers et confiseurs. Nous l'avons également fait dans d'autres secteurs.

De plus, pour les indépendants — le cœur de la motion Cala qui vous est soumise aujourd'hui, encore faut-il savoir ce qu'est un indépendant, mais c'est une autre affaire — nous avons constaté que certains d'entre eux, par exemple les coiffeurs cités précédemment, étaient à la fois des indépendants dans leur propre société et qu'ils percevaient parfois leur salaire non pas sous forme de salaire émargeant à la comptabilité de l'entreprise, mais par un prélèvement au travers de l’allocation du bénéfice, autrement dit du dividende de l'entreprise. Si on avait retenu le système « pas de cas de rigueur pour les entreprises qui font du bénéfice », cela aurait signifié que, pendant la période de pandémie, le coiffeur en question était dépourvu de tout revenu, parce que son salaire, en réalité, était une forme de dividende plutôt que de masse salariale. Je suis conscient que tout cela est compliqué, mais j'essaie de vous expliquer les modalités que nous avons mises en place pour éviter les effets de seuil et pour prendre en compte une partie de la préoccupation de M. Cala, à savoir d’éviter que les indépendants soient laissés au bord de la route.

Le chiffre 2, « Autoriser le versement d'une indemnité à des entreprises bénéficiaires malgré la perte du chiffre d'affaires », fait référence à des situations dans lesquelles il y a eu une perte du chiffre d'affaires, mais où l'entreprise est tout de même restée bénéficiaire. Le Conseil d'Etat a décidé d'autoriser la prise en compte de ces situations pour l'allocation d'indemnités pour cas de rigueur. C'est donc la démonstration :

1.       que le Conseil d'Etat, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, n'est pas dépourvu de la solidarité appelée de leurs vœux par plusieurs d'entre vous ;

2.       que le travail a été fait ;

3.       que les montants alloués pour le soutien de l'économie sont considérables. Nous sommes probablement l'un des cantons qui ont fait le plus en la matière, à l'heure où je vous parle. Plus plus de 218 millions ont été versés depuis le début de la pandémie au travers de décisions individuelles.

J'en viens à la situation économique pour savoir si quelqu'un est resté au bord de la route. Aujourd'hui, je suis incapable de répondre à cette question de manière catégorique. Non pas parce que je ne connais pas l'économie vaudoise, mais parce que c'est comme pour les clandestins : quand on nous demande combien il y a de clandestins dans ce canton, personne ne peut y répondre. S'il y a eu, selon des observateurs extérieurs au canton, une augmentation du nombre de faillites, personne n'est capable d’affirmer que les faillites en question résultent du COVID ou de multiples critères COVID et extra-COVID. Dire que des personnes sont restées au bord de la route à cause du COVID est aussi faux et prétentieux que d’affirmer le contraire. En revanche, je constate que nous devons aussi faire attention aux signes extrêmement positifs que nous percevons aujourd'hui. En premier lieu, le taux de chômage baisse dans notre canton. C'est tout de même le signe que la reprise est à nos portes. Le deuxième élément — peut-être le plus important des critères économiques pour percevoir ce qu'il va arriver dans les prochains mois, mais je me garderai de faire des projections au-delà des prochains mois, car personne, pas même les plus grands spécialistes des hautes écoles économiques, n’est capable de le faire, même pas la BNS  : je ne sais pas ce qu'il va résulter de l'engagement massif de l'argent public par l'ensemble des collectivités publiques dans le monde, sans création de valeur en contrepartie. Il faut tenir compte de cet élément : vous injectez des capitaux dans l'économie, sans que cela corresponde à une création de richesse. Sur le plan purement économique, sur le plan du fonctionnement du système de nos sociétés, c'est un signe assez inquiétant. Par ailleurs, nous ne savons pas quel sera l'impact de tout cela sur les taux d'inflation. Qui dit taux d'inflation dit taux d'intérêt, donc situation financière des collectivités publiques et des particuliers. Vous savez que l'évolution du taux de change est déterminante pour la Suisse : est-ce que le franc suisse va redevenir une monnaie refuge, plus qu'il ne l'est aujourd'hui, avec les difficultés que cela générera pour notre économie d'exportation ? L'élément le plus significatif pour les prochains mois est que nous avons retrouvé dans les Offices régionaux de placement le nombre d'offres d'emploi que nous avions au printemps 2019, c'est-à-dire avant la pandémie. Pour tenir un discours compréhensible par tous, cela signifie que vous avez autant de chefs d'entreprise qui veulent engager aujourd'hui que de chefs d'entreprise qui voulaient engager avant la pandémie. C'est le signe d'une confiance dans le monde économique et que les chefs d'entreprise, qui assument le risque économique de l'entreprise, perçoivent que le redressement est présent, qu’il y a des opportunités en matière de création de places de travail et de développement des affaires. C'est peut-être le signe le plus tangible qui vous donne des perspectives pour les mois à venir.

Le Conseil d'Etat — pas seulement le modeste conseiller d'Etat qui s'exprime seul à cette tribune —vous appelle à ne pas donner suite à la motion Cala non seulement pour les raisons que j'ai invoquées, mais également pour deux motifs complémentaires. Le système prévoit, qu'on le veuille ou non, un arrosage pour l'ensemble des indépendants, sans juger de la pertinence de l'aide octroyée. Si les montants alloués sont très importants aujourd'hui, des secteurs vont encore nécessiter des efforts des collectivités publiques. Je pense notamment aux secteurs liés à l'événementiel : nous sommes en train de mettre en place au niveau du canton le dispositif fédéral dit « du parapluie » qui permet de couvrir une partie substantielle du risque entrepreneurial dans l'événementiel. De plus, les secteurs liés au tourisme d'affaires et au transport aérien ne sont pas près de repartir dès demain, contrairement à d'autres secteurs économiques. Il faudra donc, à ce moment-là, calibrer également dans la durée les aides nécessaires sectoriellement. Nous sommes déjà intervenus, notamment sur le plan suisse, pour que le dispositif passe du prêt-à-porter — si vous me passez l'expression, en ce jour qui célèbre le décès d'un célèbre couturier français — à du sur mesure.

Il est évidemment tentant de dire qu'un montant sera versé à tous les indépendants. Il est tentant de faire preuve de générosité, de solidarité et d'ouvrir son cœur. Notre responsabilité est de mettre en place un dispositif efficace qui répond aux vrais défis de notre économie. Cette dernière a largement souffert. Aujourd'hui, elle a bénéficié d'un engagement sans précédent de la part des collectivités publiques, notamment du Conseil d'Etat et de son administration. Je terminerai en rendant un hommage appuyé aux collaboratrices et collaborateurs de l'administration cantonale qui ont été, pendant toute cette crise, aux côtés des Vaudois, qu'il s'agisse du plan sanitaire, du plan scolaire ou du plan économique.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération par 75 voix contre 65 et 2 abstentions.             

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :