Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 31 août 2021, point 20 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le béton est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde. Or la fabrication de ciment, composante essentielle du béton, a un impact majeur sur l’environnement. La production de ciment repose sur des ressources en voie de raréfaction qui demandent des extractions de plus en plus néfastes pour l’environnement.

 

Au niveau des paysages et de la biodiversité, sa production nécessite de grandes quantités de roches calcaires, qui sont extraites au détriment d’espaces naturels parfois de grande valeur. La carrière d’Holcim à Eclépens, qui dévore peu à peu la colline du Mormont, en est un bon exemple.

 

Le ciment fait aussi partie des domaines où les attentes en matière de réduction des émissions de CO2 sont importantes. Cette activité est peut-être moins visible que l’industrie des énergies fossiles par exemple, mais le secteur fait clairement partie des grands émetteurs de CO2. Cemsuisse , l’interprofession du ciment, parle ainsi dans son rapport annuel 2019 de 382'000 tonnes de CO2 émises en 2018 en Suisse par ce seul secteur de production. À l’échelle mondiale, on parle de plus de 5% des émissions globales de CO2 induites par cette fabrication.

 

Le béton présente pourtant de nombreux avantages. C’est grâce au béton que les villes modernes ont pu se développer. Le béton a contribué à améliorer la qualité de vie dans les quartiers (assainissements des logements). C’est un matériau solide dont la composition peut varier pour s’adapter à divers types de constructions. Il est présent partout, il relie (ponts), sépare (murs), protège (bâtiments), assure et est parfois un objet d’art. Le béton a aussi marqué tout un courant architectural incarné par le Corbusier qui a su valoriser de façon prodigieuse le caractère « brut » du béton.

 

Pourtant, ces matériaux arrivent probablement à un tournant. À l’heure de l’urgence climatique et de la chute drastique de la biodiversité , le béton présente de nombreux inconvénients dans la nécessaire transition écologique des villes. On ne va toutefois pas pouvoir s’en défaire de façon radicale. Un monde sans béton, ce n’est pas pour tout de suite…

 

On peut par contre prendre des mesures pour limiter sa consommation, ou réduire l’impact de sa production en menant une réflexion de fond sur le choix des matériaux qui composent le béton. Il existe en effet plusieurs façons de produire du béton. En fonction des matériaux choisis, on peut adapter ses propriétés aux besoins de construction…

 

Holcim promet par exemple un « Béton zéro carbone ». En réalité, le nouveau produit du cimentier est loin d'être bon pour l’environnement. Ce produit permet certes d’économiser  jusqu’à 20% de CO2, par rapport aux méthodes traditionnelles. Le 80% des émissions produites restantes sont néanmoins compensées par des financements de projets écologiques en Suisse et à l’étranger…

Il convient donc d’explorer en parallèle, les alternatives au béton traditionnel et de les employer partout où cela est possible. On pense tout d’abord au bois, matière première abondante dans nos régions, et puits de carbone intéressant. Le bois est d’ailleurs revisité pour des constructions modernes et esthétiques. Même les gratte-ciels s’y mettent comme la Brock Commons Tallwood House (Vancouver), tour de 18 étages érigée sur 53 mètres de haut.

D’autres alternatives existent encore, comme le béton allié à des matériaux recyclés ou des techniques qui permettent de modifier sa composition en remplaçant le ciment par des résidus industriels issus de la combustion des centrales à charbon ou des biocarburants. On trouve aussi du béton végétalisé, qui se compose de végétaux dans des alvéoles qui absorbent le CO2 généré par la pollution (bon isolant). D’autres solutions avec des matériaux insolites et biodégradables s’attèlent à ces enjeux de durabilité. De tels usages permettraient d’ailleurs de réduire le volumes des déchets à mettre en décharges contrôlées – à l’heure où celles-ci se font de plus en plus rares.

 

 

Avec l’EPFL, la Suisse et le canton de Vaud figurent parmi les leaders de la recherche mondiale sur ce matériau, et elle peut jouer un rôle central dans ce virage. Or, ces solutions sont trop peu utilisées dans la construction, et le recours au béton traditionnel semble malheureusement un « oreiller de paresse » pour de trop nombreux acteurs. Cela s’expliquerait par le poids des habitudes et des normes et par un conservatisme un peu trop prononcé des mandataires et des professionnels de la construction, sans doute nourris par la crainte de devoir assumer le risque de travailler avec de nouveaux matériaux. Enfin, le  poids des groupements d’intérêt représentés dans les commissions normatives, et qui freinent le référencement de ces nouveaux matériaux ne doit pas être négligé. La SIA développe heureusement certaines normes (SIA 112/1) qui jettent les bases de la construction durable, avec des recommandations pour la gestion des ressources.

 

Par ailleurs, notre parlement a adopté deux motions visant à mieux valoriser le bois local. La motion Yves Ferrari (16_MOT_103)[1] demande notamment de compléter le règlement d'application de la loi forestière, pour promouvoir le bois dans toutes les activités de l’Etat (construction, énergie, promotion économique).  La motion Yvan Pahud (19_MOT_073) [2] demande quant à elle de modifier la législation vaudoise pour que le bois soit privilégié dans les marchés publics.

 

La présente motion vient compléter ces mesures en étendant l’approche à d’autres types de matériaux durables et locaux pour favoriser l’émergence de solutions alternatives au béton traditionnel. Il s’agit aussi d’étendre l’application de ce principe à toutes les constructions, qu’elles soient portées par un acteur public ou privé. Nous proposons ainsi de modifier la loi sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC) pour que les projets de construction favorisent l’utilisation de matériaux de construction alternatifs et présentant un faible impact climatique et environnemental. Le Canton de Vaud et certaines communes ont déjà montré par le passé leur volonté de faire preuve d’exemplarité en privilégiant l’utilisation du bois. Il nous paraît important de généraliser cette approche à l’ensemble des projets de construction et en l’ouvrant à plusieurs types de matériaux.

 

Art. 90 Normes de construction

1 Le règlement cantonal fixe les normes applicables aux différents genres de constructions et de matériaux utilisés, en vue d'assurer la stabilité́, la solidité́ et la salubrité́ des constructions et de garantir la sécurité́ des habitants et celle des ouvriers pendant l'exécution des travaux. Il incite à l’utilisation de matériaux de construction à faible impact climatique et environnemental.Le droit fédéral est réservé.

 

 

[1]Motion Yves Ferrari et consorts - Sortons du bois pour valoriser nos ressources forestières (16_MOT_103) adoptée le 27 octobre 2017 par le Grand Conseil

[2] Pour une véritable promotion du bois comme unique matériau renouvelable (19_MOT_073), adoptée le 4 février 2020

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Hadrien BuclinEP
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Marc VuilleumierEP
Claude-Alain GebhardV'L
Alice GenoudVER
Circé Barbezat-FuchsV'L
Sylvie PodioVER
Jean-Marc Nicolet
Olivier Epars
Anne Baehler Bech
Blaise VionnetV'L
Julien EggenbergerSOC
Didier LohriVER
Yves FerrariVER
Rebecca JolyVER
Céline MisiegoEP
Léonard Studer
Pierre ZwahlenVER
Andreas WüthrichV'L
Sabine Glauser KrugVER
Felix StürnerVER
David RaedlerVER
Taraneh AminianEP
Cendrine CachemailleSOC
Muriel ThalmannSOC
Nathalie JaccardVER
Vincent KellerEP

Document

RC - 21_MOT_3

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice

Malgré son titre caricatural et provocateur, la motion proposée n’a pas pour objectif de viser l’interdiction du béton dans les projets de construction. Le motionnaire est conscient de sa nécessité pour certains bâtiments de construction et ouvrages d’art. La discussion en commission a porté sur les différents moyens qui pourraient inciter les promoteurs à intégrer des moyens de construction alternatifs. Avec le soutien de la conseillère d’Etat, la commission vous recommande d’accepter cette motion à l’unanimité.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Vassilis Venizelos —

A l’évidence, je vous invite à soutenir cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat. Peut-être est-il nécessaire de rappeler que le béton est l’un des matériaux de construction les plus utilisés au monde, et cela vaut aussi pour le canton de Vaud, puisqu’on y coule environ 1,6 million m3 de béton chaque année, ce qui représente 2m3 de béton par habitant et par an. La production d’un m3 de béton génère l’équivalent de 250 kilos de CO2, ce qui revient à brûler 100 litres de diesel pour chaque mètre de béton produit, autrement dit 160 millions de litres de diesel chaque année. L’impact environnemental et sur le réchauffement climatique s’avère relativement important, ce dont les différents acteurs ont parfaitement conscience. Des mesures sont déjà en cours pour régler une partie du problème, mais en tant que Parlement et autorité, la responsabilité nous incombe de prendre des mesures afin de favoriser la transition et l’émergence de solutions alternatives ; la motion a été déposée dans ce sens.  

Il est vrai que le béton représente de nombreux avantages qui l’amènent souvent à être privilégié. Il peut être perçu comme un oreiller de paresse, de fait de ses caractéristiques physiques qui en font un matériau fiable, typiquement pour la construction d’ouvrages d’art. Grâce au béton, nous avons pu développer nos infrastructures et moderniser la plupart de nos villes de façon conséquente, tout en marquant la culture architecturale par le mouvement brutaliste incarné par Le Corbusier. Toutefois, il est possible de prendre des mesures pour limiter sa consommation et réduire l’impact de sa production, en privilégiant certains matériaux alternatifs. Au sein de ce Parlement, il a souvent été question de bois. D’ailleurs, différents objets parlementaires sur le sujet sont en train d’être traités par le Conseil d'Etat. Ce dernier privilégie d’ailleurs l’utilisation du bois dans la construction de bâtiments d’intérêt public, cantonaux. D’autres matériaux recyclés, ou encore des techniques qui permettent de modifier la composition du béton en remplaçant le ciment par d’autres formes de liants moins nuisibles pour le climat représentent des pistes intéressantes. En outre, sur le territoire vaudois, nous avons la chance d’avoir l’EPFL qui développe des recherches poussées sur le sujet. Ainsi, il semble que nous possédions toutes les cartes pour réduire notre dépendance au béton.

Ma motion vise à inciter, par le biais d’une modification de la Loi sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC), à développer l’utilisation de matériaux ayant un faible impact climatique. On peut imaginer une généralisation de certaines normes existantes comme Minergie ou Minergie-P-Eco, SméO ou Constructions durables Suisse (NNBS) qui sont déjà utilisées dans la plupart des bâtiments étatiques et qui pourraient être généralisées à d’autres types de bâtiments communaux, à des infrastructures et des réalisations privées. Cette motion tend à l’accélération de ce type de labels.

Il serait aussi imaginable que les communes soient amenées à introduire des dispositions allant dans ce sens dans les règlements de leurs plans généraux d’affectation. Les alternatives existent ; le potentiel de recyclage des déchets des matériaux est déjà important, même s’il peut encore être amélioré. A l’avenir, d’autres pistes devront être explorées, notamment le réemploi dans la construction pour réduire le volume des matériaux à traiter. Ce n’est pas l’objet de cette motion, mais ce principe pourrait donner naissance à autre débat parlementaire, car nous estimons que le réemploi des matériaux de construction déjà façonnés représente aussi une alternative intéressante à l’utilisation du béton, plutôt que de systématiquement faire table rase des constructions pour refaire du neuf. Pour l’heure, je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, ce qui permettra de renforcer la législation et la LATC.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Lorsque cette motion a été déposée, lors de l’affaire de l’occupation du Mormont, il est vrai que son titre pouvait faire penser à une attaque frontale contre le béton. Toutefois, pendant les travaux de la commission et à la lecture plus poussée du texte du motionnaire, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas – et tant mieux ! Il ne s’agit pas d’opposer le bois au béton. Dans le canton, nous disposons de matériaux de construction renouvelables et locaux, qui sont complémentaires. Comme le rapport de commission l’indique, 12 bâtiments de l’Etat seront construits en bois, mais leur base sera forcément en béton. Nous aurons toujours besoin de ce matériau. Rappelons que nous souhaitons développer la mobilité douce et les transports publics : cela nécessite du béton, que ce soit pour les quais de gare ou pour les métros. Il s’agit quand même d’un matériau local, tel par exemple le gravier extrait du lac ou celui qui vient du Mormont. La modification de l’article 39 LATC incitant à l’utilisation de constructions à faible impact climatique et environnemental s’inscrit clairement dans la ligne de notre parti. En effet, songeons au postulat sur l’utilisation du gravier indigène et à la motion pour la promotion du bois. Dès lors, je vous invite à soutenir la motion de notre collègue Venizelos.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je déclare mes intérêts en tant que membre du Conseil d’administration de sociétés actives dans le domaine de la construction et de l’immobilier, dont une qui commercialise des machines de construction. En effet, comme l’a laissé entendre notre collègue Pahud, il existe une forme de discrépance, entre les conclusions de la motion indiquant qu’il s’agit d’encourager les matériaux à faible impact climatique, et son préambule qui laisse planer l’idée d’une lutte – peut-être pas frontale, mais déguisée ou masquée – contre l’utilisation du béton. Comme cela a été dit par M. Venizelos, des solutions existent déjà, et il me paraît important de le rappeler lorsqu’on profère des « stop béton » et « il faut sortir du béton ». En effet, des efforts existent dans le domaine de la construction. La semaine prochaine seront inaugurées à Vufflens-la-Ville des infrastructures qui permettent une production de béton avec 40 à 60 % de matériaux recyclés – ce n’est pas rien ! Les matériaux arrivent en train via une mobilité à faible impact environnemental. Par conséquent, beaucoup de démarches sont en cours, notamment dans la recherche sur l’utilisation du béton lui-même, sur des bétons légers ou auxquels on associe d’autres types de matériaux, comme du carbone ou des fibres de soie, par exemple.

Sur le fond, la proposition de M. Venizelos rejoint les préoccupations de tout le monde, parce que personne ne peut nier la problématique de l’impact CO2 d’un bloc de béton brut classique. A l’évidence, pour une entreprise de construction, il est plus intéressant de se lancer dans ces nouveaux matériaux composites recyclés, parce qu’ils apportent aussi une certaine plus-value et un savoir-faire. Néanmoins, cela s’avère assez compliqué et surtout plus cher. Les techniques relatives à l’évolution des matériaux – pour l’instant, car on peut imaginer que les coûts diminueront avec le temps – coûtent 30, 40 à 50% plus cher. Aujourd'hui, lorsqu’on souhaite favoriser des matériaux plus sophistiqués que le béton et moins gourmands, engendrant moins de CO2, le coût se voit inévitablement répercuté sur la construction et, de fait, sur les loyers. En toute franchise, affirmer qu’il suffit de construire en paille pour sortir du béton est largement irréaliste, car cela ne se passera pas ainsi.

Le bois ? J’ai toujours défendu le bois suisse et son utilisation, un matériau noble qui se prête à beaucoup de choses dans le domaine de la construction, mais je constate aujourd'hui que son prix a été multiplié par trois, voire quatre - et encore, quand en trouve ! En effet, je reçois souvent des messages qui me demandent si je connais quelqu’un qui vend du bois. C’est une réalité indéniable. Par conséquent, avant de crier « sortons du béton » ou « laisse béton », comme le chantait Renaud, il faut en observer les conséquences. Finalement, il faut encourager les bétons à faible impact CO; en revanche, s’opposer complètement au béton me paraît totalement fantaisiste, irréaliste et irréalisable dans l’immédiat, en termes économiques. Toutefois, comme l’a toujours dit le PLR, il faut favoriser une politique proactive, dynamique, visant à encourager la recherche, l’innovation, de nouvelles méthodes et matériaux. Quant au vote, mon cœur balance. Les motifs me donnaient une furieuse envie de voter « non » et les conclusions l’inverse. Par conséquent, je vais m’abstenir.

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

Le député Venizelos nous offre un débat intéressant. Il est vrai qu’il existe une distorsion entre le titre de la motion, son développement et sa conclusion. Je ne considère pas qu’il faille diaboliser le béton, mais, bien entendu, il faut se montrer parfaitement conscient de l’aspect gourmand en CO2 lié à sa production. Beaucoup de littérature existe sur le béton. C’est aussi une forme d’expression artistique. Ces dernières années, le béton est un peu le « chouchou » des architectes, et les dernières constructions que nous avons vues, notamment à Lausanne, le démontrent. Les Hautes écoles comme les producteurs sont parfaitement conscients du paramètre gourmand en CO2, et c’est la raison pour laquelle la recherche à ce sujet est en cours, notamment à l’EPFL de Zurich, pour voir comment ces éléments pourraient être modifiés en trouvant ce qui porte le nom de « béton vert », voire en modifiant les agrégats.

Ainsi, j’estime qu’il s’agit de favoriser la recherche et le développement, c’est-à-dire voir comment procéder, tout en gardant des possibilités d’intervention avec du béton, pour que son aspect gourmand en CO2 soit corrigé. En outre, vous n’ignorez sans doute pas que le béton permet des structures que le bois n’autorise pas, sans parler des éléments anti-feu ou acoustiques. Le mélange du bois et du béton est certainement intéressant, tout comme la maçonnerie – une partie qu’on a quelque peu quittée, parce que les architectes s’expriment avec du béton ; il n’en demeure pas moins que la maçonnerie garde sa valeur, même si elle a été quelque peu mise de côté. Bien sûr, il existe aussi des constructions en chanvre ou en paille. Ma question ressemble un peu à celle du député Buffat : comment réagir à cette proposition ? Avant de modifier la loi, j’aurais tendance à penser qu’il s’agit plutôt de favoriser la recherche et le développement, parce que l’avenir consiste à prévoir comment on pourra intégrer des modifications du béton en structure, que ce soit en agrégats ou en fibres.

Enfin, le texte de la motion parle d’« Incitation à l’utilisation de matériaux de construction à faible impact climatique et environnemental », à juste titre. En revanche, je considère qu’il manque la mention de la nécessité de favoriser la recherche et le développement, alors qu’il faut mettre un accent tout particulier sur cet aspect, parce qu’il s’agit sans doute de l’avenir de la construction. Le caractère incomplet de la conclusion de cette motion m’embarrasse, car elle n’incite pas à investir dans la recherche et le développement, domaine crucial pour l’avenir.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Le béton est relativement récent ; les constructions les plus célèbres par le monde – les viaducs ferroviaires, les cathédrales, les pyramides – n’ont pas bénéficié du béton et, pourtant, ces œuvres et ouvrages sont toujours là. Le béton a révolutionné la construction par sa capacité de mise en place et, selon les adjuvants associés, par sa rapidité de résistance aux contraintes mécaniques. Aujourd'hui, le béton fait partie des modes de construction et s’impose souvent pour répondre aux délais de réalisation toujours plus courts imposés par les maîtres d’œuvre.

Lorsque j’ai pris connaissance du titre du texte de mon collègue Venizelos, j’ai immédiatement pensé que, dans le contexte de la construction, aujourd'hui, abandonner le béton était tout simplement inenvisageable. Mais, en se plongeant plus attentivement dans l’écrit, on réalise que la demande ne porte pas sur l’exclusion du béton, mais plutôt sur la complétion d’une réglementation par une incitation à la recherche de matériaux de construction en adéquation avec les réflexions climatologiques actuelles, ce qui ne peut être qu’un élément positif pour l’avenir. Encore faudra-t-il, bien sûr, que la notion du « tout, tout de suite » laisse place au retour de la patience ; il faut que cette dernière entre dans l’équation. Dans un esprit d’ouverture et de réalisme, je suivrai les conclusions de la commission et soutiendrai ce texte.  

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Je ne reviens pas sur le titre de cette motion sur lequel tout le monde a pu donner son avis. Toutefois, je rejoins volontiers le propos du député Pahud. Mettre en conflit le bois et le béton est parfaitement inutile, car ils doivent plutôt s’associer ; preuve en est que le texte du député Venizelos souligne cet aspect. La Tour de Vancouver admet autant de m3 de béton que de bois, alors qu’on pense communément qu’il s’agit d’une tour en bois. Ses structures de fondation et de base sont en béton ainsi que les colonnes centrales de distribution, verticales et techniques – des éléments qui rigidifient la construction en bois. Il est par conséquent nécessaire d’allier les deux. Ensuite, on pose aussi du béton sur des planchers de bois pour pouvoir bénéficier de la masse du béton et de l’effet anti feu et phonique. L’ensemble des constructions mixtes fonctionne très bien.

Je déclare mes intérêts comme dirigeant d’une entreprise dans le domaine de la construction et du bâtiment. Dans notre petite structure, nous avons développé un certificat pour des constructions à faible impact environnemental. Lorsque je développe de tels projets, nous sommes toujours confrontés à l’aspect économique. Une construction en béton avec du polystyrène sur les façades est de 30 à 40 % meilleur marché que la brique suisse qui contient de la laine de mouton – suisse. Notons au passage que le label Minergie favorise le béton et le polystyrène : c’est assez contradictoire.

Enfin, le texte de M. Venizelos est intéressant et je vous propose de le suivre, car il fournit un message clair qui consiste à avancer, à trouver des solutions. Toutefois, il faudra aussi que nous donnions un coup de pouce à nos propres matériaux – le bois, et peut-être la terre cuite qui nécessite une cuisson, ce qui peut être problématique, mais qui reste néanmoins un produit local, la laine de mouton ou encore d’autres produits similaires.

M. Vassilis Venizelos —

En guise de complément, j’aimerais dire qu’il ne s’agit évidemment pas de monter les différents matériaux les uns contre les autres. Néanmoins, il faut reconnaître que le béton a un impact environnemental important sur les émissions de CO2, même s’il est plus avantageux que toute une série de matériaux cités. Cela est notamment dû au fait que l’énergie grise nécessaire pour sa production, son transport et le stockage des déchets qu’il produit n’est pas prise en compte, mais si elle l’était, alors d’autres matériaux apparaîtraient beaucoup plus concurrentiels. L’objectif de la motion consiste précisément à trouver des incitations et des moyens qui permettent de rétablir cet équilibre.

Ensuite, gardons en tête que si nous avons et aurons toujours besoin de béton pour certains ouvrages, ce même béton nécessite du sable et du calcaire, soit des ressources qui vont bientôt manquer dans le canton de Vaud. Et, si nous voulons continuer à produire autant de béton que le canton en consomme, nous n’aurons d’autre solution que d’importer ou de trouver des gisements, ce qui générera d’autres problèmes, comme nous avons pu le constater avec le Mormont. L’objectif de cette motion tend aussi à anticiper une situation de pénurie de sable et de calcaire pour favoriser d’autres matériaux. A nouveau, même si ce n’est pas l’objet de ce texte, je souhaite qu’à l’avenir nous réfléchissions à des stratégies de réemploi des matériaux de construction, car nous devrons un jour trouver des dispositifs qui le permettront, afin de privilégier la rénovation plutôt que la démolition et la reconstruction systématique.  

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Conseiller-ère d’Etat

J’aimerais brièvement vous communiquer que le Conseil d'Etat est favorable à la motion, dès le moment où la formulation utilisée est incitative. On peut regretter la distinction entre le titre – assez clivant – et le contenu ; nous nous focaliserons par conséquent sur ce dernier. Aujourd'hui, si personne ne s’oppose à la transition énergétique, il s’agit de se mettre autour de la table et de trouver des solutions qui ne soient pas stigmatisantes, comme nous avons pu l’observer à l’aune de la Loi sur le CO2 – refusée par la population. C’était pourtant une loi à laquelle, personnellement, je souscrivais, mais elle a montré très clairement qu’en matière de transition écologique, comme souvent dans ce pays, il ne s’agit pas simplement de décider, mais il faut encore convaincre. Ainsi, dans ce cadre, il faut trouver un discours qui permette de rassembler la très large majorité des forces politiques ; c’est une nécessité au vu des enjeux qui s’imposent à nous en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Quant au contenu du texte, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’opposer le bois au béton ; bien que ce dernier ait un fort impact écologique, il encore nécessaire aujourd’hui, notamment pour certaines structures. Ce texte vise à inciter l’utilisation de matériaux de construction à faible impact climatique et environnemental ; une incitation que nous soutenons. Nous vous recommandons de voter en faveur de ce texte qui implique la transposition d’un article de la LATC dans le texte réglementaire. Mais ne nous faisons pas de fausses joies ! Bien entendu, nous essayerons d’exploiter les marges de manœuvre potentielles laissées au plan gouvernemental, mais il demeure clair qu’il s’agit d’un texte réglementaire, qui ne créera donc pas de nouvelles obligations ou droits, et qui doit s’inscrire dans le cadre légal existant pour proposer des incitations relatives aux types de matériaux de construction à faible impact climatique. Même si cette portée est limitée par rapport aux dispositions légales et réglementaires, toute une série d’éléments sera étudiée par le Conseil d'Etat et l’ensemble des services concernés, dont notamment la question de l’octroi de bonus énergétiques – même si cela pose aussi quelques questions en lien avec l’aménagement du territoire – ou des subventions au constructeur en respectant certains critères, ou encore des incitations aux communes qui prévoiraient dans leur règlement des constructions plus durables pour leurs propres bâtiments. Il faudra identifier si cela est possible uniquement via l’aspect réglementaire. Voilà les éléments que le Conseil d'Etat a identifiés jusqu’à ce jour. Peut-être rencontrerons-nous d’autres inputs dans le cadre des discussions internes, si cette motion nous est renvoyée, ce qui semble être le cas compte tenu du vote en commission ? Enfin, nos défis en la matière sont immenses. Cette motion constitue un petit pas qu’il ne s’agit ni de sur- ni de sous-estimer, mais que nous vous invitons à soutenir pour essayer de voir quelles sont les mesures qui pourraient être implémentées.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération par 108 voix contre 4 et 14 abstentions.

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