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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 16 mars 2021, point 22 de l'ordre du jour

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RC - 20_MOT_141

Objet et développement

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M. Gérard Mojon (PLR) — Rapporteur-trice

La Commission des finances a traité de cet objet dans sa séance du 26 novembre 2020. Elle vous propose de ne pas prendre cette motion en considération.

La motion du député Buclin demande un soutien exceptionnel de l’Etat, ciblé sur les plus faibles revenus qui, malgré les réductions d’horaires de travail (RHT) ou les indemnités de chômage, subissent des pertes de revenu significatives suite à la crise du coronavirus. Le motionnaire souhaite que cette aide prenne la forme d’une allocation cantonale portant sur la période de perte des revenus qui, contrairement au revenu d’insertion (RI), ne serait pas subordonnée à l’absorption préalable de l’épargne du bénéficiaire.

Lors de la présentation de cette motion, la commission a auditionné les représentants de la Caisse cantonale vaudoise de compensation. Ceux-ci ont démontré la force de notre filet social et ont présenté la réactivité dont ils ont fait preuve en débloquant des indemnités dans des délais très courts, avec un dispositif inédit mis en place très rapidement. Participant également à cette séance, le directeur général de la cohésion sociale a affirmé que, grâce aux RHT et aux allocations pour perte de gain (APG), les régimes sociaux ont été peu sollicités pendant la période de crise, une stabilisation du nombre de personnes ayant été constaté, tant aux prestations complémentaires (PC-Familles) qu’à l’aide sociale. Selon ses propres termes, le dispositif social a fonctionné et un afflux massif de demandes au RI n’a pas été constaté. Ces arguments ont convaincu la Commission des finances. Cette dernière vous propose de ne pas prendre en considération cette motion, par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.     

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Cette motion avait été déposée en mai dernier, lors de la reprise des travaux du Grand Conseil après le premier semi-confinement, soit il y a une dizaine de mois. Le but était d’éviter que certains salariés ou indépendants modestes ne basculent dans la pauvreté en raison de perte de revenus liée au chômage partiel ou aux APG, puisque souvent, pour les bas revenus, perdre 20 % du revenu en passant au chômage partiel, au chômage ou aux APG peut être synonyme d’un basculement dans la pauvreté. L’idée était aussi, d’un point de vue davantage macroéconomique, d’éviter un trop fort ralentissement de la consommation des ménages modestes, de la consommation populaire qui, par contrecoup, aggraverait la récession. C’est souvent le problème dans les crises : il y a un chômage qui entraîne une chute de la consommation, qui aggrave le ralentissement économique ; c’est un cercle vicieux qu’il faut éviter au niveau macroéconomique, en soutenant les revenus des personnes modestes, qui ont l’avantage de dépenser l’entier de leur revenu et donc de soutenir la consommation. En les ciblant, on soutient la consommation.

Même si dix mois se sont écoulés depuis le dépôt de cette motion, je pense qu’elle n’a pas perdu de son actualité. Dans le canton, des milliers de salariés sont encore touchés par le chômage partiel et le taux de chômage reste élevé. Il est de 4,9 % en février 2021 contre 3,7 % en février 2020. On voit donc que la situation, sur le plan du chômage, est loin de s’être résorbée depuis le premier semi-confinement.

M. Mojon et le Conseil d’Etat vantent la stabilité du taux de recours à l’aide sociale et font valoir cette stabilité pour affirmer que la situation serait sous contrôle et qu’une aide extraordinaire de l’Etat ne serait pas nécessaire. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a un effet-retard par rapport aux recours au revenu d’insertion, puisque les personnes y arrivent une fois qu’elles ont épuisé leurs indemnités de chômage, de chômage partiel, ou une fois qu’elles ont absorbé l’entier de leur épargne. Dans ces conditions, on peut craindre que le recours à l’aide sociale n’augmente ces prochains mois, une fois que ces personnes arriveront en fin de droit ou qu’elles auront absorbé l’entier de leurs réserves. Un dispositif social temporaire supplémentaire de crise me semblerait toujours pertinent dans ces conditions. D’ailleurs, le fait que l’aide sociale est stable — alors qu’elle avait diminué ces dernières années — est un premier signe que la situation se tend aussi sur le front du RI. J’ai donc été déçu du peu d’intérêt qu’a suscité la proposition en commission, y compris parmi les représentants de la gauche gouvernementale, ce que j’ai d’ailleurs trouvé étonnant puisque l’Union syndicale suisse et plusieurs autres organisations traditionnellement proches du parti socialiste ont appelé à ce type de dispositifs centrés sur les bas revenus, pour compenser les pertes liées au chômage partiel ou au chômage. J’espère au moins que ce texte aura permis de rappeler à certains dans ce Grand Conseil que le soutien à l’économie en temps de pandémie ne doit pas seulement être un soutien aux petits entrepreneurs, mais que les salariés et les indépendants sont eux aussi durement frappés par la crise, même si on les entend parfois moins dans le débat public.  

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

J’aimerais souligner ce que M. Buclin a dit à propos d’un effet-retard. On est conscient que notre filet social résiste aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il dans six mois ? Nous n’avons pas, aujourd’hui, une augmentation sensible des licenciements collectifs. En revanche, on observe dans plusieurs domaines, dont celui industriel, des licenciements perlés de personnes déjà précaires sur le marché du travail, des seniors. Comment cette situation va-t-elle se développer durant les prochains mois ? Nous ne le savons pas. Nous devons adopter un principe de précaution face à cette situation inédite. La proposition de M. Buclin me paraît répondre à ce principe de précaution. Dans le dispositif qu’il prévoit, il y a non seulement un soutien aux salariés — ce soutien est bienvenu, notamment pour ceux qui ont un contrat précaire, car l’on ne sait pas combien de temps cette crise durera, jusqu’où les RHT absorberont l’essentiel de cette situation et si l’assurance chômage sera sursollicitée, entraînant de fait une perte de revenu à des salariés déjà en situation précaire — mais aussi aux indépendants, dont la couverture sociale est lacunaire dans notre pays. C’est pour cela que le surcroît de confiance dont le rapporteur de la Commission des finances a fait preuve me semble pour le moins inquiétant. Nous avons eu des débats, il y a trois semaines, qui faisaient l’objet d’un alarmisme important sur les conséquences économiques des mesures sanitaires que nous prenons. Et aujourd’hui, on nous dit : « Pas de souci, notre filet social est robuste ! » Je pense que la réalité est entre les deux, mais il n’est pas crédible aujourd’hui d’avoir un tel surcroît de confiance dans ce contexte. Je soutiendrai donc la proposition de M. Buclin.

M. Gérard Mojon (PLR) — Rapporteur-trice

Je vais répondre aux quelques remarques qui viennent d’être faites. Tout d’abord, en effet, j’ai repris les termes qui ont été avancés pendant la séance de la commission. La personne qui s’est exprimée, le Directeur général de la cohésion sociale, est connue pour être extrêmement rigoureuse dans ce canton. Je vous rappelle qu’il a adressé je ne sais combien de milliers de lettres à des bénéficiaires potentiels de l’aide sociale pour ne pas qu’ils passent entre les gouttes. Dès lors, quand il affirme que le filet social actuel résiste, j’ai tendance à le croire. C’est mon avis, mais c’est aussi le sien.

Ensuite, vous parlez d’un effet-retard. En effet, il peut y avoir un effet-retard, mais s’il avait dû y en avoir un après la première vague, je crois qu’il aurait déjà eu lieu. Il n’a pas eu lieu ; pour le moment, cela tient. De quoi l’avenir sera fait ? Je suis désolé, mais ma boule de cristal est actuellement un peu en panne. Je rappelle également que, depuis les débats au sein de la Commission des finances, au mois de décembre passé, nous avons voté cinq décrets COVID occtroyant aussi des aides supplémentaires. De ce point de vue, je crois que tout a été fait et qu’une couche supplémentaire n’est actuellement pas nécessaire.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 70 voix contre 46 et 15 abstentions.

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