Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 15 février 2022, point 32 de l'ordre du jour

Documents

Texte adopté par CE - publié RAP_677233

RC et annexes_RAP_677233_Vincent Keller

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Vincent Keller (EP) — Rapporteur-trice

Notre collègue, M. le député Montangero, on le sait, est un grand défenseur du bien manger et du bien boire, et c’est tout ça à son honneur. Cela passe par des produits locaux. Membre de ce Grand Conseil – qui a voté l’urgence climatique, la fameuse motion Miéville en 2019, avec une écrasante majorité – notre collègue s’aventure donc ici sur les deux tableaux. Dans le postulat qu’il a déposé il y a presque 3 ans, il demande un rapport intermédiaire sur les résultats de la stratégie du Conseil d’Etat sur les quatre axes proposés en 2014 pour prendre en compte l’urgence climatique dans la restauration collective, à savoir :

  1. premièrement, le diagnostic des achats des cuisiniers avec l’outil Beelong ;
  2. deuxièmement, la formation des cuisiniers et acheteurs des denrées alimentaires ;
  3. troisièmement, l’appel d’offres modèle, intégrant des critères de la durabilité ;
  4. et quatrièmement, une plateforme logistique locale.

Il y a eu un grand travail préparatoire pour répondre au postulat de M. Montangero, selon le conseiller d’Etat, puisqu’il a fallu compiler et analyser les données récupérées par Beelong, la société éponyme de l’outil qui permet de faire un diagnostic des achats sous l’angle de la durabilité ainsi qu’un diagnostic complet et exhaustif avec le Bureau de la durabilité. Ce travail préparatoire a permis à un prestataire du service externe de donner cinq axes de recommandation :

  1. premièrement, de mettre en place un comité de pilotage et stratégique ;
  2. deuxièmement, de stimuler l’offre ;
  3. troisièmement, d’accompagner des sites pilotes ;
  4. quatrièmement, d’améliorer la traçabilité sur l’origine des produits ;
  5. cinquièmement, d’optimiser la logistique d’approvisionnement.

Le Conseil d’Etat note que les questions de gouvernance – il y a trois ans, dans une position difficile – seront dorénavant facilitées avec la création de la marque Vaud plus (Vaud+) et l’implication du Bureau de la durabilité.

De son côté, le postulant, M. le député Montangero, regrette le temps long de la réponse et surtout le manque du suivi, soit l’actualisation des données de l’opération. Il est à noter que l’appel d’offres modèle intégrant les critères de durabilité a été ajouté au rapport de la commission, tout comme l’analyse ainsi que les recommandations de la société Ecozept.

Au vote, la commission recommande la prise en compte du rapport du Conseil d’Etat sur le postulat de M. le député Stéphane Montangero et consorts par 7 voix et 2 abstentions.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

Merci à notre collègue Keller pour son rapport fort complet et explicite. Je vais reprendre quelques éléments. Tout d’abord, le regret du temps passé : je ne suis pas nostalgique, mais je regrette simplement que nous ne traitions qu’aujourd’hui d’un texte déposé le 18 juin 2019, qui avait été renvoyé par ce plénum directement au Conseil d’Etat, le 2 juillet 2019, avec une demande expresse de fournir un bilan pour novembre 2019. Ce texte n’a été fourni qu’en 2021 et n’a été traité par la commission qu’en juin de l’année passée. Quand on dit qu’il y a urgence, il y a urgence, mais visiblement, la notion du temps n’est pas forcément toujours la même. Quand le pain est perdu, c’est bien ­– on peut en faire une recette « anti-gaspi » – mais le temps perdu, lui, ne se rattrape plus et nous savons qu’en matière d’urgence climatique, nous courons après.

Si le document remis semble de prime abord rempli le rôle qui lui a été imparti, force est de constater que ledit rapport parait quelque peu fait de bric et de broc, et hélas pas de « choc » ou de chocolat, ce qui ne nous aurait pas laissés sur notre faim. Il contient des données agglomérées, fait une espèce de patchwork des actions entreprises depuis l’adoption de la stratégie. Il convient peut-être de rappeler à ce Parlement que les premières réflexions portées par mon collège, Yves Ferrari, des Verts et par moi-même datent de 2011. Cela fait donc un moment que nous demandons que ce sujet soit traité avec rapidité. Par ailleurs, il est vrai que, suite de l’adoption de la résolution de notre Parlement, nous avions espéré pouvoir aller un peu plus vite. Nous avons souvent l’impression que les données transmises datent de plusieurs époques différentes, que des impulsions ont été données, mais qu’il n’y a pas de pilote à bord, pas de suivi, pas de relance, pas d’objectif. Les dates sont pour le moins hétéroclites : de temps en temps, on parle de fin 2018 ou de fin décembre 2019, alors que le rapport a paru en mars 2021. Nous aurions bien aimé avoir, pour toutes les données, la même date de référence.

Et que dire des diagnostics Beelong, dont il a été question avant et qui datent en grande partie de 2016 et de 2017 ? On se demande ce qu’il s’est passé entre 2017 et 20020, à part le texte qui avait été envoyé directement au Conseil d’Etat.

Plusieurs éléments du rapport du Conseil d’Etat paraissent intéressants, mais ne sont pas développés plus avant. En revanche, nous sommes complètement satisfaits que le modèle type d’appel d’offres et le rapport de l’Ecozept aient été annexés au rapport de la commission. Ils auraient pu être directement intégrés au rapport du Conseil d’Etat, ce qui aurait peut-être facilité un petit peu nos travaux.

Enfin, l’analyse du chapitre 6 « Situation du bilan intermédiaire » mérite un moment d’attention : si nous pouvons saluer une certaine franchise de la part du Conseil d’Etat, une impression d’un arrêt au milieu du gué se dégage. Encore une fois, vu le contexte rappelé en préambule, cela nous parait quelque peu compliqué.

Enfin, je me réjouis des deux éléments qui apparaissent en conclusion :

  1. La nouvelle structure de gouvernance donnera enfin l’impression d’avoir un pilote dans l’avion,
  2. L’axe zéro, c’est-à-dire le cadre de référence qui permettra d’obtenir une sorte de colonne vertébrale qui sera utile à l’ensemble de la démarche.

Tout cela doit permettre de donner une nouvelle impulsion, une impulsion que nous appelions déjà tous nos vœux avant l’été 2019. Certes, le Covid est passé par là, me diriez-vous, mais le Covid ne justifie pas tout. On peut lire dans la conclusion du Conseil d’Etat que la motivation de divers acteurs est un facteur clé pour le succès ou non de ces démarches, et nous comptons sur son entregent et son dynamisme pour pouvoir persuader ces acteurs de la pertinence de celles-ci. En ce sens, je suis convaincu que l’urgence de l’ensemble des débats relatifs à la crise climatique et la pression toujours grandissante de la population, à commencer par les adolescents – une clientèle un peu compliquée à satisfaire – devront permettre des avancées significatives.

En conclusion, à mon sens, ce n’est pas un rapport intermédiaire que nous a livré le Conseil d’Etat, mais un rapport de transition. C’est presque le rapport intermédiaire du rapport intermédiaire – si vous me permettez l’expression. Toutefois, je reste optimiste quant aux choix proposés pour la suite, notamment deux points mentionnés précédemment. Néanmoins, compte tenu de regrets que j’ai émis, je m’abstiendrai lors du vote et je vous invite à faire de même.

M. Eric Sonnay (PLR) —

Etant membre de la commission, j’ai aussi accepté ce rapport. Aujourd’hui, tout le monde dit aux agriculteurs : « Faites attention au climat ! Faites attention à la manière dont vous produisiez ! » Quand vous lisez les journaux aujourd’hui, vous pouvez vous demander ce que nous allons faire. Où va-t-on acheter les pommes de terre, les légumes ou le beurre qui manquent fortement dans notre pays ? A un moment donné, le climat oui ; la protection de la nature oui, mais nous devons nourrir un peuple ! Est-ce que les politiciens doivent cautionner le fait d’acheter des pommes de terre dans des pays qui ont faim ? Laissez les agriculteurs produire, laissez-les faire leur job, et peut-être que tout ira mieux… même pour le climat.

M. Bernard Nicod (PLR) —

Le postulant demandait au Conseil d’Etat un rapport intermédiaire s’agissant de l’impact des quatre axes proposés en 2014 pour prendre en compte l’urgence climatique dans la restauration collective et dans les établissements gérés par l’Etat. Après un travail préparatoire, un mandat a été donné à la société Ecozept pour une analyse stratégique de ces axes de recommandation. Même si la mission n’est pas totalement remplie, la majorité des membres de la commission est convaincue qu’elle se poursuivra dorénavant avec une gouvernance plus facile, avec l’appui notamment de la marque Vaud+. Fort de ce constat, au nom du groupe PLR, je vous recommande d’accepter le rapport du Conseil d’Etat tel qu’il vous est proposé.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Merci, cher collègue Sonnay, de votre cri du cœur auquel en tant que paysan je me rallie totalement. Permettez-moi de faire un bref retour en arrière pour rappeler qu’il fut un temps, finalement pas si lointain, où le souci numéro 1 pour la maitresse de la maison était d’avoir de quoi remplir l’assiette. Lorsque ce remplissage ne posait plus de problème, ni financier ni en matière d’achats, on se préoccupait de savoir ce qu’il y avait dans cette assiette – et ceci n’était pas mauvais en soi. Enfin, des labels ont été développés, dont le label « Fourchette verte », il y a une quinzaine d’années, qui visait à l’équilibre entre les divers composants dans les repas, notamment en milieu scolaire. Ceci nous a conduits à des choses un peu tragi-comiques, parce qu’on allait chercher du quorn japonais ou du tofu coréen qui étaient censés, au niveau de l’apport en protéines, remplacer avantageusement la viande du pays. Comprenne qui pourra… Ensuite est arrivée la manière d’analyser qu’on appelle Beelong : c’est une invention, sauf erreur, de l’Ecole hôtelière qui vise à pondérer des paramètres, qui apparemment ne vont pas du tout ensemble, mais qui néanmoins contribuent à donner une valeur, une notation à des produits, en prenant en compte par exemple la distance, le moyen de transport, l’acheminement, le conditionnement et les produits phytosanitaires nécessaires à leur production. C’est une avancée à laquelle je peux personnellement adhérer.

En ce qui concerne la notion de bonheur animal – vaste notion dont nous n’avons pas fini de parler – je vais reprendre une phrase de M. Montangero. Vous avez parlé, cher collègue, d’une clientèle compliquée à satisfaire. Effectivement, elle est de plus en plus compliquée à satisfaire et j’en veux pour preuve le fait que le peuple suisse est appelé à se prononcer – presque tous les deux ans – sur un sujet agricole, mais qu’il semble ignorer superbement que si nous sommes très portés par la Berne fédérale à conserver jalousement nos fameuses surfaces d’assolement (SDA), il n’y a pas de grandes annonces pour conserver également les paysans qui les cultivent. Je crois qu’il y a un équilibre à trouver : cramponnons-nous moins aux SDA, lorsqu’il est par exemple question de pistes cyclables et faisons en sorte que nos paysans, et notamment les producteurs de lait, puissent avoir des raisons de poursuivre leur métier et de ravitailler le pays par des circuits courts.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

Je voudrais répéter à certains de mes collègues qu’il ne s’agit nullement d’opposer les uns aux autres, d’opposer l’agriculture à la réponse indispensable à l’urgence climatique. La restauration collective est un acteur important sur lequel nous pouvons avoir une réelle influence. C’est ce que nous demandons depuis longtemps. Nous demandons aussi de privilégier les circuits courts, la production locale et de payer le juste prix aux productrices et producteurs, notamment le lait. Vous connaissez ce combat que je mène, avec la plupart d’entre vous, depuis un certain nombre d’années.

Monsieur Chollet, l’alimentation de nos ados n’est pas si compliquée, puisqu’ils se contentent d’un paquet de chips et d’une bouteille de thé froid d’une grande marque devenue culte. Mais il en va aussi de notre responsabilité de leur proposer des menus équilibrés et qui leur permettent de se constituer une bibliothèque des goûts et une bibliothèque des références alimentaires pour l’ensemble de leur vie. Je vous rejoins tout à fait sur le fait que c’est nettement mieux si cette bibliothèque contient – par exemple dans ses composantes protéiques – une bonne entrecôte, une bonne côtelette de porc, ou un morceau de gruyère ou de L’Etivaz.

M. Eric Sonnay (PLR) —

Je ne veux pas attaquer M. Montangero, mais il a dit que l’objectif visé était de favoriser la provenance locale et le bien-être animal. Monsieur Montangero, si on ne couvre plus que le 50 % de la nourriture de la population, expliquez-moi comment nous allons atteindre votre objectif de la provenance locale et du bien-être animal ! Tous les deux ans, des initiatives attaquent les agriculteurs en leur disant que s’ils ont trop de poules ou que leurs animaux sont sur des couches trop courtes, ils ne toucheront plus les paiements directs. Or, certains agriculteurs ne peuvent plus vivre. Expliquez-moi, monsieur Montangero, comment on peut prendre des produits de notre pays ? Je le regrette, mais je ne suis pas d’accord avec vous.

M. José Durussel (UDC) —

Je rejoins les propos parfaitement justes de mon collègue Sonnay. Le postulat parlait d’introduire le bien-être animal. Monsieur Montangero, je suis éleveur et producteur de lait dans le Nord vaudois. Nous sommes archicontrôlés – au centimètre près – en ce qui concerne la détention de nos animaux. Je dirai qu’en Suisse, au niveau de production végétale, nous sommes des jardiniers ! Je ne veux pas casser du petit grain sur le dos des agriculteurs chinois… En Chine, il est possible d’élever des porcs sur dix étages. Ce ne sera jamais le cas chez nous et c’est tant mieux ! Dans le domaine de la production porcine – je ne suis pas dans cette branche, mais je la connais tout de même un peu – les éleveurs sont très surveillés. Ils ont maintenant des constructions récentes, des halles « cinq étoiles » – on a plusieurs exemples dans le Nord vaudois. Ainsi, cela me dérange lorsqu’il est fait mention d’introduire le bien-être animal. Encore une fois, en Suisse, les éleveurs sont surveillés et contrôlés et l’élevage se fait dans les règles de l’art.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

Je souhaite répondre à mes collègues. Je vous rappelle que l’ensemble de ce plénum a renvoyé directement ce texte au Conseil d’Etat en 2019. Je reconnais que c’était avant l’été 2019, avant des élections fédérales. Peut-être que certains avaient un peu moins « tiqué » sur la notion de la protection animale à ce moment-là. Mais je ne veux pas polémiquer comme certains veulent le faire. Ce qui est certain à mon sens, c’est que notre canton connait ce que l’on appelle les « justes équilibres ». Si vous regardez les fiches de provenance dans la restauration collective, certains produits carnés ont effectivement tendance à venir de moins loin qu’auparavant. C’est ce à quoi nous nous employons. Encore une fois, je pense que nous partageons tous la volonté d’avoir un canton qui vive, qui respire, et qui puisse aussi nourrir ses concitoyennes et ses concitoyens. Je pense que nous ne voulons pas arriver à des extrémités comme c’est le cas dans certains pays qui nous entourent. Pour celles et ceux qui ne se souviendraient pas comment une dérive peut rapidement avoir lieu, je les invite à voir ou à revoir le film « Au nom de la terre ».

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé avec quelques avis contraires et abstentions.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :