Point séance

Séance du Grand Conseil du mercredi 15 décembre 2021, point 34 de l'ordre du jour

Texte déposé

Depuis maintenant quelques années, nous assistons à d'incessantes attaques de la langue française provenant de milieux politisés qui essaient par tous les moyens de déconstruire le langage à des fins idéologiques.

 

La langue française a toujours permis d'utiliser des termes inclusifs. Les bricolages orthographiques tels que le point médian, le tiret ou la barre oblique n'ont rien d'inclusif et sont exclusifs par rapport aux personnes ayant une acuité visuelle réduite ou des difficultés d'apprentissage.

 

L'Académie française, seule et unique institution et autorité morale, intellectuelle et référentielle garante de la langue française a fait, en date du 26 octobre 2017, à l'unanimité de ses membres, la déclaration suivante :

 

« Prenant acte de la diffusion d'une « écriture inclusive » qui prétend s'imposer comme norme, l'Académie française élève à l'unanimité une solennelle mise en garde. La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu'elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l'illisibilité. On voit mal quel est l'objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d'écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation.  Cela alourdirait la tâche des pédagogues.  Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.  Plus que toute autre institution, l'Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu'elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c'est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme :  devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd'hui comptable devant les générations futures. Il est déjà difficile d'acquérir une langue, qu'en sera-t-il si l'usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s'empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d'autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète. »

 

Alors que l'apprentissage des langues est déjà compliqué pour beaucoup, rajouter de la complexité avec l'écriture inclusive dans nos écoles ne peut que péjorer l’apprentissage du français par les élèves vaudois. Il est impératif d’instruire correctement les élèves afin qu’ils soient capables d’écrire selon les règles du français académique. Par ailleurs, l’écriture inclusive peut représenter des difficultés pour les personnes dyslexiques ou pour les programmes d’aide à la lecture (screen reader) outil informatique pour les personnes mal voyantes et non voyantes.

 

Le canton de Vaud, fort de son appartenance à la francophonie à laquelle il tient, n'a pas à maltraiter le français en ne considérant pas comme, de référence, les prérogatives de l'institution qu'est l'Académie française. Défendre la langue française académique, c'est défendre l’héritage de notre langue qu’il est de notre devoir de préserver.

Les modifications arbitraires de la langue engendrent des victimes collatérales, par exemple celles et ceux qui ont de la peine lors de l'apprentissage du français, ou les personnes avec un handicap visuel. Ces personnes, généralement parmi les plus faibles, souffrent en silence et ne sont pas écoutés.

 

A l'heure actuelle, il n'est pas prouvé qu'une majorité de la population soutien ces changements de pratiques. Dès lors, il est temps de mettre un terme à ces bricolages et de faciliter l'accès à la langue à toutes et tous. Il est ainsi demandé au Conseil d'Etat :

 

Que tous les services de l'Etat appliquent les règles et directives de la bonne utilisation de la langue française

 

Que toutes les écoles et gymnases vaudoises instruisent aux élèves le français académique, qu’ils en soient les garants et les promeuvent en toutes circonstances, dans toutes leurs productions, et qu'ils n'en dérogent pas à des fins idéologiques ou pour tout autre dessein

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Jean-François ThuillardUDC
Pierre-Alain FavrodUDC
Cédric WeissertUDC
Philippe DucommunUDC
Philippe LinigerUDC
Serge MellyLIBRE
Sylvain FreymondUDC
Dylan KarlenUDC
Nicolas GlauserUDC
José DurusselUDC
Jean-Bernard ChevalleyUDC
Philippe JobinUDC
François CardinauxPLR
Yvan PahudUDC
Jean-Marc SordetUDC
Claude MatterPLR
Nicolas BolayUDC

Documents

Rapport de la commission - RC 21_MOT_9 - Christine Chevalley

21_MOT_9-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Christine Chevalley (PLR) — Rapporteur-trice

 La commission s’est réunie le 27 août 2021. Les notes de séance ont été prises par M. Frédéric Ischy que je remercie pour son travail. Je remercie aussi Mme la cheffe de département et tous ses collaborateurs pour leur participation à la séance et la précision de leurs réponses.

Le motionnaire expose tout d’abord que l’usage de notre langue a été modifié dans tous les sens sans débat démocratique. L’absence d’un tel débat n’est pas une bonne méthode pour introduire une réforme. Passer par la force n’est pas forcément la meilleure façon de procéder. Le motionnaire estime que l’égalité des chances est en danger. Il s’avère, en effet, difficile de faire en sorte que les élèves quittent l’école avec de bonnes notions de français. Ajoutez à cela des différences arbitraires qui compliquent les choses. Il pourrait aussi exister des différences entre les membres du corps enseignant, par exemple lorsque les élèves passent d’une année scolaire à l’autre. Des inégalités pourraient intervenir. Pour le motionnaire toujours, il s’avère donc souhaitable que l’Etat aille dans une direction plus académique, tout en ouvrant le débat sur une écriture inclusive.

Mme la conseillère d’Etat expose la position du Conseil d’Etat. Les seules règles grammaticales et orthographiques enseignées à l’école vaudoise sont les règles officielles arrêtées par l’Académie française, fixées en coordination avec les pays francophones, ainsi que, pour les cantons de Suisse romande, au sein de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande (CIIP). Le Conseil d’Etat et le Département de la formation promeuvent déjà – et depuis toujours – le français académique. Le Conseil d’Etat prête une attention particulière au respect du français et à la défense de ce dernier, comme en témoigne par exemple la récente modification de la directive concernant les règles de rédaction. Nous sommes toutes et tous d’accord pour constater que le français évolue et que de nouveaux mots font leur entrée, chaque année, dans le lexique. A cet égard, l’école se montre très conservatrice, afin de protéger avant tout la stabilité des apprentissages des élèves. Ainsi, la CIIP attend 2023 pour recommander, dans les nouveaux moyens d’enseignement, l’introduction de quelques règles orthographiques décidées par l’Académie française dans les années 1990 déjà.

Le département n’a jamais recommandé à son corps enseignant d’utiliser de nouvelles pratiques comme « ielle » ou le point médian, qui peuvent clairement compliquer l’apprentissage de la lecture. Dans aucun moyen d’enseignement en français, on ne trouve ce type d’écriture considéré comme inadéquat du point de vue pédagogique. Le département fait un effort pour utiliser le langage épicène dans les productions à destination des élèves en dehors du registre pédagogique : formulation neutre comme « le corps enseignant » plutôt les « enseignantes et enseignants ». Le département veille également à ce que les moyens d’enseignement n’entretiennent pas les stéréotypes de genre, avec l’utilisation d’images non genrées, par exemple. Dans la mesure du possible, tous les moyens d’enseignement ont été revus dans cette perspective. Le représentant du Bureau d’information cantonal (BIC) complète les propos de la cheffe de département et explique les recommandations fournies il y a une dizaine d’années par le Bureau de l’égalité dans la brochure intitulée « L’égalité s’écrit ». Le document donne une série de pistes et d’astuces permettant de produire des textes respectueux de l’égalité et évitant les chausse-trappes et autres handicaps à la lecture.

Dans la discussion générale, plusieurs membres de la commission s’opposent à la motion. Ils évoquent le rôle régressif, voire négatif, de l’Académie française et le fait que les difficultés de lecture ne doivent pas « casser » une volonté d’inclusion. Ils constatent que les difficultés orthographiques sont réelles, mais que l’Etat publie déjà des documents sous la forme facile à lire et à comprendre (FALC). En résumé, tout est déjà mis en œuvre. D’autres membres de la commission soulignent les points suivants : le langage épicène et l’écriture inclusive ne vont pas toujours dans le sens de la facilitation de la rédaction, de la lecture et de la compréhension. Il convient de lutter contre les stéréotypes de genre. Ainsi, dans le cadre d’offres d’emploi, le langage épicène ne fait pas plus postuler les femmes. La motion vise l’inclusion de tout le monde : personnes malvoyantes, allophones, dyslexiques, pas uniquement l’inclusion des différents genres.

Après un long débat où les points médians, la lecture à l’écran et les difficultés des plus faibles ont été abordés, le débat s’est tourné vers la question suivante : le texte est-il réellement une motion ? Au cours du débat, le motionnaire a proposé la modification suivante : que tous les services de l’Etat appliquent les règles et directives de la bonne utilisation de la langue française en préservant la qualité de l’accès à l’information et la communication.

Certains membres de la commission se déclarent favorables à la motion si elle est transformée en postulat. A l’appui de cette position, ces membres évoquent les éléments suivants : plus que sur une adaptation légale, les demandes de la motion portent sur l’élaboration d’un état des lieux des actions concrètes menées dans les domaines considérés. Le postulat permet de valoriser les préoccupations de l’auteur de l’intervention, de rendre publiques les bonnes pratiques, de rassurer et d’apaiser la situation.

La transformation de la motion en postulat scellerait le compromis issu de la discussion, à savoir une écriture inclusive compatible avec le langage FALC. L’acceptation par la commission de la modification du texte proposée par le motionnaire dépend de la transformation de la motion en postulat. D’autres membres de la commission estiment que les échanges ont permis de répondre de manière circonstanciée aux inquiétudes du motionnaire et qu’il convient donc de classer la motion. Compte tenu de la discussion, le motionnaire transforme sa motion en postulat. La commission adopte la modification de la première demande du postulat par 5 voix contre 3 et 1 abstention.

Finalement, la commission recommande de prendre partiellement en considération la motion transformée en postulat par 5 voix contre 4, et de renvoyer ce dernier au Conseil d’Etat.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Yann Glayre (UDC) —

 Je suis satisfait du travail effectué en séance de commission. Il a permis de dégrossir le dossier et d’adapter la demande formulée dans la motion. La discussion a montré qu’il est impératif de mieux se comprendre les uns les autres, car les attentes de chacun en orthographe ne sont finalement pas si éloignées. J’ai bien compris les positions visant à défendre une langue française qui inclut. Dans l’autre sens, j’ai attiré l’attention des services de l’Etat sur l’accessibilité des textes pour les personnes non voyantes, malvoyantes, dyslexiques, etc. Par une transformation du texte en postulat, un consensus a été trouvé en vue de réaliser un état des lieux en tenant compte de la diversité des domaines impactés par l’évolution des pratiques orthographiques. Il m’apparaît très important de justifier ces évolutions avec des éléments concrets afin d’obtenir une certaine acceptation par la population. Il s’agit aussi de prendre connaissance des évolutions qui auraient pu détériorer la qualité de l’accès à l’information. Renvoyer ce texte au Conseil d’Etat permettra d’apporter une base démocratique aux décisions prises et des réponses aux citoyennes et citoyens qui pourraient douter de la nécessité de faire évoluer notre langue.

M. David Raedler (VER) —

 Nous y voilà donc encore : un dépôt digne du meilleur agnoti, d’un badadia qui vient défendre la langue française académique, ici, en Pays de Vaud. On est totalement à boclon. Tout cet acouet pour faire les à-fonds de la langue vernaculaire, pour venir avec un aguillage peu stable, une motion puis un postulat. Tout cela pour batoiller d’un thème qui est bizingue avec l’histoire de notre beau canton qui borate sur notre usage de la langue ou plutôt sur l’usage de la langue par les bouèbes. On bouéle sur le sujet estimant que nous sommes le bourillon du monde, alors que nous ne sommes qu’un cagnard du monde, bien loin du coffia de Paris et de l’Académie française. Venir dégreuber la langue en lieu et place de la coter pour toujours est pourtant essentiel. Il est nécessaire de faire goger la langue dans l’usage et non de râcler la plus profonde des gouilles pour y rechercher un français académique. Tout cela pour en faire une méclette joyeuse et évolutive, non un usage mollachu digne des vieilles barbes de Paris. Notre langue ne péclote pas, elle vit, et y intégrer toutes les bedoumes et tous les badadias en donnant à chacune et chacun la place qui lui revient ne revient pas à trosser pas la langue, mais à la dégreuber. Cessons donc de nous étertir avec cette flopée de dépôts sur le sujet, cessons de ouatasser dans ce fourbi, de ringuer cette langue française que l’on pense immuable. Langue française qui, rappelons-le, a malheureusement remplacé notre bon patois. Cessons de la défendre à ce point et sachons évoluer pour laisser ces discussions aux meilleures des verrées et non à cet hémicycle. (Applaudissements.)

Mme Florence Gross (PLR) —

La motion de notre collègue Yann Glayre rappelle notamment les problématiques de l’utilisation des points médians, des tirets ou d’autres usages qui rendent difficiles la lecture et donc la compréhension de certains textes, notamment provenant de l’Etat de Vaud. D’un côté, nous prônons la simplification de l’orthographe et, de l’autre, ces libertés rédactionnelles, sous prétexte d’inclusions, mettent en difficulté de lecture une partie de la population. Nous pouvons être rassurés sur le fait que ni le langage épicène ni l’écriture inclusive ne font partie de la formation. Une directive du département est explicite et favorise la neutralisation dans les communications officielles du canton plutôt que l’usage du point médian ou de toute autre modalité malgré divers exemples flagrants portés en commission. Le groupe PLR soutiendra la prise en considération partielle de la motion transformée en postulat. Malgré la directive, certains services ne semblent pas la maîtriser. D’autres interventions pour le respect du français académique seront bientôt traitées en commission, n’en déplaise à notre collègue Raedler.

La rédaction inclusive ne doit pas se limiter aux genres féminins et masculins. D’autres solutions doivent être trouvées afin, non seulement d’éviter tout stéréotype, mais également et surtout d’éviter les problèmes pour les personnes malvoyantes ou dyslexiques par exemple, que mon préopinant semble ignorer.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Le groupe socialiste vous invite à classer ce postulat. En effet, durant la séance – le rapport le montre – Mme la conseillère d’Etat a répondu point par point et positivement à toutes les demandes du postulant. S’y ajoute que l’adoption de ce postulat ne permettra pas de résoudre les imperfections actuelles.

Cette motion transformée en postulat n’empêchera pas que certaines personnes ne maîtrisant pas encore le langage inclusif se facilitent la vie en utilisant le point médian. En effet, les directives du Canton sont claires à ce sujet : il convient d’éviter l’usage du point médian lors de la rédaction de texte. Malheureusement, trop de députées et de députés confondent langage inclusif et point médian.

Cette motion transformée en postulat ne permettra pas de simplifier le français, qui comprendra toujours de nombreuses exceptions et complications orthographiques. Ces complications et difficultés orthographiques ont été introduites sciemment par l’Académie française, afin de distinguer l’élite du peuple, donc les bouèbes.

Cette motion transformée en postulat ne permettra pas de résoudre les problèmes des différents « dys», car il y a plusieurs types de dyslexies, dont celle qui peine à lire les ruptures, les apostrophes, etc. Les mots oiseaux, oignons, monsieur, par exemple, vont perdurer. On pourrait mieux servir les dyslexiques en rendant la communication accessible et en tenant compte non seulement de l’inclusivité, mais aussi des autres problèmes, comme la police utilisée – Arial en particulier – ou les contrastes. Cette motion transformée en postulat ne permettra pas de résoudre les problèmes et n’aura aucun effet sur la problématique liée à la lecture d’autres signes comme « CHF ». Vous l’aurez compris, tous ces arguments vous invitent à classer cette motion.

Mme Carine Carvalho (SOC) —

Je salue la transformation de la motion en postulat acceptée par le motionnaire et acceptée par la commission, vu le problème de déposer une motion sur une directive du Conseil d’Etat et non sur un texte de loi. Toutefois, je m’opposerai au postulat, même si la prise en considération partielle est proposée. En effet, le texte fait toujours preuve d’une compréhension limitée et erronée du langage inclusif. Cela a été rappelé dans les prises de parole de M. Glayre et de Mme Gross, notamment en se concentrant de manière exagérée sur les formes contractées et sur le point médian. Se limiter à cela relève de la mauvaise foi. Cela a été rappelé à de multiples reprises : ce n’est pas le principe de base du langage inclusif. Le langage inclusif est accessible à tout le monde, comme le disait Mme Thalmann. La démonstration a d’ailleurs été faite lors de la rencontre de l’intergroupe F dédiée au sujet. Le langage inclusif est plus représentatif, plus clair et plus précis : on parle d’avocates et d’avocats, puisqu’il existe des avocates et des avocats.

Le texte de notre collègue comporte aussi une série de termes imprécis, comme la mention de l’Académie française, du français académique, des règles et directives de la « bonne » utilisation de la langue française. J’aimerais bien que l’on m’indique de quoi il s’agit, car il existe autant de cas que d’auteurs. Comme déjà discuté lors de l’examen de l’objet en commission, il s’agit pour moi de démasculiniser les mots et de combattre les stéréotypes. Permettez-moi de corriger une inexactitude du rapport de commission : l’utilisation du langage épicène et de la communication inclusive de la part des futurs employeurs ou des institutions de formation ont un impact sur le nombre de femmes et des filles qui postulent à des postes ou s’inscrivent à des formations. Il y a pléthore de recherches qui le démontrent : la communication inclusive est importante pour l’égalité de genres. Je considère que le Conseil d’Etat a déjà pleinement répondu aux questionnements de la motion transformée en postulat et l’énergie et les ressources de notre administration devraient être mises dans le combat des inégalités, clichés et stéréotypes dans la langue, la formation, ainsi que l’accès aux prestations et au marché du travail. J’invite mes collègues à refuser la motion transformée en postulat et à se battre pour plus d’égalité de genres dans notre société.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Le groupe Ensemble à gauche et POP est un peu mal à l’aise face à cet objet dont il n’a malheureusement pas pu débattre en commission. En effet, il est difficile de comprendre ce qui est visé à travers cette « batoille », si ce n’est la peur de voir les choses évoluer, alors que c’est inévitable. On a l’impression d’être devant un gros chaudron dans lequel on aurait tout mélangé : écriture inclusive, langage épicène, démasculinisation de la langue, enseignement, communication des services de l’Etat, accès à l’information, suprématie de l’autorité de la sacro-sainte Académie française sur les réalisations linguistiques des gens qui la parlent.

La première phrase du rapport nous amuse : « L’usage de notre langue a été modifié dans tous les sens, sans qu’il y ait eu de débat démocratique. L’absence d’un tel débat ne constitue pas une bonne méthode pour introduire des réformes. » Quand le latin s’est petit à petit transformé en raison des usages des personnes qui le parlaient dans les langues romanes que nous connaissons aujourd’hui – italien, français, espagnol par exemple – cela n’a pas fait l’objet de débats démocratiques. Cela s’est fait tout seul, parce que c’est ainsi que les gens parlaient. Une langue est vivante. C’est un outil qui permet de communiquer, un outil qui évolue à travers le temps et diffère d’un endroit géographique à un autre. Ces évolutions se retrouvent dans les documents officiels notamment étudiés par les historiens des langues. C’est normal. C’est aussi ce qui fait qu’un pays comme le nôtre a des caractéristiques culturelles assez marquées. C’est notre diversité linguistique. Nous utilisons ici et là un nombre important de dialectes et patois.

Que vise cet objet ? C’est difficile à comprendre. Opérer une étude dialectologique relève d’une discipline académique à part entière. Allons-nous traquer toute forme d’oralité dans les communications de l’Etat en vertu de la sacro-sainte langue française, qui s’éloigne du français, mais qui est présente partout ? Allons-nous traquer nos régionalismes et nos vaudoiseries dont notre collègue Raedler a fait la magnifique démonstration, tout à l’heure ? Allons-nous les traquer dans les textes produits par l’Etat ? Pourtant, notre système institutionnel et politique nous oblige à recourir à des termes et à des mots qui nous sont propres, car ils décrivent notre réalité, différente de celle des autres cantons.

Une inquiétude nous paraît intéressante : le souci de la qualité de l’accès à l’information et de la communication, et le souci de l’égalité des chances, liée à l’utilisation des points médians et de « ielle ». Nous nous réjouissons du souci envers les personnes en difficulté et questions d’égalité et de votre futur soutien aux propositions allant dans ce sens qui seront faites. Si ce souci est réel, nous vous invitons à revenir avec des propositions concrètes, par exemple, qui visent à former les services de l’Etat au FALC ou à organiser des formations dans le langage démasculinisé qui évite de recourir au point médian. Mais, c’est sûr, la motion ne demande pas cela et ne permet pas de concrétiser quoi que ce soit. Les grandes inquiétudes liées à l’enseignement ont été éclaircies en commission. Pour ces raisons, nous nous opposerons à ce postulat et vous invitons à faire de même.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

 Nous vivons un grand moment, un moment historique ! Rendez-vous-en compte : les bouseux de l’UDC s’attaquent à la langue française ! C’est un crime de lèse-majesté ! Je comprends votre courroux, vous, intellectuels de gauche. Nous osons nous attaquer à la langue française et on nous ressort le quart d’heure vaudois avec toute la richesse et la saveur qui le caractérisaient. Cependant, de quoi avons-nous parlé ? Tout est parti d’un texte tout ce qu’il y a d’officiel émanant du CHUV ­­– mais il aurait pu émaner d’ailleurs – que Yann Glayre et d’autres ont trouvé un peu lourdaud avec ce langage inclusif. En commission, Mme la conseillère d’Etat a estimé – sans que nous ne la torturions – que le logo du MCBA avec ses lettres dans tous les sens n’était pas forcément ce qu’il y avait de mieux pour les personnes qui n’étaient pas suffisamment instruites, voire tordues, pour le lire du premier coup d’œil. Et voilà que se déchaînent des torrents et des logorrhées verbales de la part de la gauche, scandalisée que l’on ose parler de la langue française. Cette dernière évolue certes, mais demandons à Mme la conseillère d’Etat responsable des l’école de faire que nous n’allions pas plus vite que la musique. Mme la conseillère d’Etat nous a répété que l’école était conservatrice. Ce n’est pas l’école vaudoise qui donnera des cours d’évolution de la langue française à l’Académie française. Les réponses nous ont été données et nous nous sommes retrouvés sur pas mal d’aspects. Alors, gardez vos saintes colères – plus feintes que saintes, la plupart du temps – et admettez aussi que la seule chose qui nous unit de la gauche à la droite, à savoir le langage, peut également être appropriée par des bouseux agrariens. (Applaudissements.)

Mme Elodie Lopez (EP) —

J’espère que la prochaine fois que nous aborderons un sujet qui touchera l’agriculture ou l’écologie, on ne nous dira pas que les sujets doivent être abordés uniquement par des personnes qui travaillent dans ces domaines et que l’on ne s’offusquera pas que les « intellectuels de gauche » viennent apporter leur avis dans ces débats.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Monsieur Chollet, pourquoi sanctifiez-vous le français académique qui a sciemment procédé à la masculinisation de la langue en en sortant les professions qui avaient été féminisées et qui a sciemment décidé de la compliquer en y introduisant des complexités orthographiques et autres ? Monsieur Chollet, nous ne sommes justement pas en faveur de l’Académie française qui a voulu placer des obstacles et compliquer la vie. Nous sommes pour une langue vivante qui évolue et inclut les femmes et les minorités. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à classer ce postulat.

Mme Céline Misiego (EP) —

J’aimerais répondre moi aussi à notre collègue Chollet. Ce qui nous énerve n’est pas que la droite s’attaque à la langue française. Ce qui nous énerve est que vous cachiez le sexisme de la motion derrière des arguments égalitaires.

M. Daniel Ruch (PLR) —

En tant que forestier-bûcheron, j’aimerais que l’on cesse cette langue de bois et que l’on vote. Je dépose donc une motion d’ordre.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Puisque vous étiez le dernier à demander la parole avant Mme la conseillère d’Etat, je considère qu’il n’y a pas de motion d’ordre.

Mme Cesla Amarelle — Conseiller-ère d’Etat

Cela a été indiqué pendant le débat en commission et a fait l’objet du point 2 de la motion, l’école vaudoise ne pratique pas le français inclusif dans l’enseignement aux élèves. La raison en est qu’il faut, pour des raisons pédagogiques, éviter la pratique double genrée comme « les enseignantes et les enseignants » et l’usage des tirets et des points médians. Il est certain que tous les départements et l’administration veillent également à ce que nous puissions utiliser des formulations neutres, comme « le corps enseignant », plutôt qu’exclusivement masculines. Le Conseil d’Etat peut vivre avec tout. Nous avons donné des informations et des réponses à l’ensemble des questions évoquées, très bien résumées par la présidente de la commission. On peut aussi faire l’état des lieux des pratiques de l’administration en matière de communication institutionnelle et de réflexion sur l’accès à cette communication, en particulier pour les personnes qui ont des besoins particuliers, comme les personnes dyslexiques ou d’autres évoquées en commission.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement par 59 voix contre 45 et 1 abstention.

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