Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 8 juin 2021, point 26 de l'ordre du jour

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RC 20_MOT_139 - Vassilis Venizelos

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M. Vassilis Venizelos — Rapporteur-trice

Du fait de son activité professionnelle, le motionnaire constate sur le terrain une modification du profil des résidents en EMS : les Vaudois souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile alors que le canton de Vaud a été largement pionnier en matière de développement des soins à domicile. La majorité des aînés qui entrent en EMS ont dès lors entre 88 et 105 ans. Cette population requiert une médecine qui, dans une grande mesure, doit encore être inventée. Les EMS sont avant tout des institutions de soins, mais cela ne constitue évidemment pas une raison pour ne pas cultiver les aspects d'accompagnement social ou l'animation, raison pour laquelle le motionnaire propose de modifier la législation, précisément la Loi sur la planification et le financement des établissements sanitaires d'intérêt public. Sur un mode potestatif, celle-ci dit actuellement : les EMS peuvent fournir des soins aigus et de transition. On pourrait imaginer une modification du type : les EMS fournissent des soins aigus et de transition.

En commission, le Conseil d'Etat a rappelé que le canton de Vaud poursuit une politique très forte de maintien à domicile et présente un des taux d'hébergement en EMS parmi les plus bas de Suisse. En parallèle, les prises en charge dans les EMS se sont progressivement complexifiées. En comparaison intercantonale, la population hébergée en EMS dans le canton de Vaud nécessite davantage de soins que dans d'autres cantons. Avec la crise sanitaire, les questionnements soulevés par le motionnaire ont fait l'objet de réflexions intenses au niveau du département. Un premier bilan a été tiré de la première phase de la pandémie concernant les EMS, les Etablissements psychosociaux médicalisés (EPSM) et les Etablissements socio-éducatifs. Les thèmes de réflexion et d’action identifiés peuvent être classés en quatre catégories :

  1. La dotation d'accompagnement. A l'heure actuelle, les dotations en EMS se présentent comme suit : 15 % de personnel est de niveau HES, 22,5 % de niveau CFC et 62,5 % de niveau auxiliaire. Les proportions suivantes, selon le département, devraient être atteintes à terme : 20 % de personnel au niveau HES, 30 % au niveau CFC et 50 % de niveau auxiliaire. Concrètement, sur 3800 soignants dans le réseau des EMS, cela représente un glissement de 500 personnes du niveau auxiliaire vers les autres niveaux.
  2. Le rôle du médecin. Celui-ci vient de faire l'objet d'une adaptation via le cahier des charges du médecin référent, mais le Conseil d'Etat et la cheffe du département estiment que ce cahier des charges doit se montrer le plus évolutif possible et faire l'objet d'adaptations régulières pour répondre aux nécessités du terrain.
  3. La formation des professionnels et notamment la formation continue. Dans le cadre de la crise sanitaire, cela concerne évidemment le renforcement des formations dites HPCI, autrement dit hygiène, prévention et contrôle de l'infection. En matière de formation continue – un axe de travail relativement important – et en fonction des missions, la cheffe du département nous rappelle qu’il conviendra d'adapter les formations continues de l'ensemble du personnel – secteurs administratif, hôtelier et de l'intendance inclus – afin d'assurer un niveau de compétence adéquat, en lien avec les épidémies et les troubles du comportement des résidents.
  4. La rémunération du personnel a occupé notre Grand Conseil il y a quelques mois. Pour rappel, une première opération de bascule vers une grille salariale améliorée a été opérée en 2020. Aujourd'hui, l'ensemble des partenaires sociaux – et pas uniquement les syndicats – revendique une convergence salariale totale en direction de la convention collective de travail (CCT) de l'Hôpital Riviera-Chablais (HRC). La réalisation d'une telle convergence prendra assurément du temps et représentera une nouvelle charge dont la répartition devra évidemment être discutée entre les différents acteurs.

Outre les aspects évoqués précédemment, le secteur de l'hébergement nécessite l'ouverture d'autres chantiers de réflexion et d'action, comme le rôle des proches, les directives anticipées, l'évolution des outils de financement, les normes architecturales, les formes juridiques, la représentation des résidents… La commission, à l'unanimité, vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. En effet, les réflexions et les constats développés dans cette motion sont pleinement partagés par la commission et par la cheffe du département : des modifications sont nécessaires.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Je remercie le rapporteur de la commission pour l'excellent rapport qu'il a fourni. Les premières constatations faites par le Conseil d'Etat devraient lui permettre de faire quelque chose d'intéressant de la motion que j'ai déposée. Encore une fois, loin de moi l'idée de penser que l’EMS est un hôpital gériatrique : ce n'est pas le cas. Dans ce canton, à la fin des années 90 et au début des années 2000, nous nous étions demandé s'il fallait faire un hôpital gériatrique en tant que tel. Un certain nombre de travaux avaient même été faits, avec quelques projets. On voyait en particulier cela du côté de la Sarraz, plus précisément à Pompaples. Finalement, nous nous étions rendu compte que ce n'est pas ce que nous voulions, c’est-à-dire le maintien à domicile.

Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, l’EMS doit être un lieu de vie, un lieu de résidence, mais dans le même temps, on ne peut pas nier que les gens arrivant en EMS beaucoup plus tardivement qu'autrefois, ils sont souvent demandeurs de soins importants, voire pointus. On ne peut plus les considérer de la même façon qu'il y a encore 20 ans. Je sais bien que certaines directrices ou certains directeurs d’EMS s’en désolent, mais cela ne sert à rien. De plus en plus souvent, une personne arrive dans un EMS et décède deux mois et demi plus tard ; qu’aura-t-elle vu de l’EMS ? Qu'est-ce qu'on aura dû lui fournir en termes de soins ? Ce sont des questions qui se posent.

Par ailleurs, nous n'avons toujours pas défini ce que nous voulons faire en EMS par rapport aux hôpitaux, qu'il s'agisse du CHUV ou des autres hôpitaux de ce canton. Bien sûr, aucun système existant n’apprécie que l'on gêne son entropie, mais je crois pourtant que le moment est arrivé. Encore une fois, je ne peux que répéter que je souhaite à la fois une très bonne prise en charge à domicile, que l'on règle bien quelles personnes l'on envoie à l'hôpital universitaire et quels soins l'on assume, mais j’aimerais aussi que l'on sache regarder dans les yeux ce qu’est devenu l’EMS d’aujourd'hui, avec ses besoins en personnel qualifié, ses besoins en personnel mieux payé – je m'y étais engagé – tout en sachant garder un accompagnement de qualité. Même lorsqu'on va très mal, si on est bien accompagné jusqu'au bout, c'est tout ça de pris. C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut noter que les EMS de petite taille, aussi sympathiques soient-ils, ont parfois beaucoup de peine à fournir cet accompagnement pour des questions d'effectifs – pris en charge ou non par l'Etat d’ailleurs, c'est un autre problème. A titre personnel, le jour où j'entrerai en EMS, je préférerai aller dans un grand EMS, parce qu'il y a plus de possibilités d'accompagnement et de possibilités de soins. Ainsi, je pourrais mourir tranquille avant d'aller au Bois-de-Vaux.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Même si je le dis un peu moins souvent, j'ai aussi une expérience d'une quarantaine d'années dans le monde des EMS. Si je partage de nombreux points de vue avec M. Vuillemin, il en est un que je ne partage pas. Dans le rapport de la commission, il est dit que l’EMS est avant tout un lieu de soins ; il ne parle pas d'hôpital gériatrique, heureusement, mais à mon avis, l’EMS n'est pas qu'un lieu de soins. J’estime qu’il faut maintenir l'objectif de cultiver un lieu où il est possible de vivre le plus agréablement possible, de manière globale, malgré des handicapset des déficits, en mélangeant relations interpersonnelles, animations, plaisirs sensoriels, culture, vie familiale et, bien sûr, soins. Et ceci, bien que les manquements, les handicaps ou les maladies soient de plus en plus importants. Ce qui a changé, en 40 ans, c'est effectivement le nombre de soins qu'il y a à donner et la nécessité d'avoir plus de monde, des gens mieux formés, pour les prodiguer. C'est d'ailleurs, dans les grandes lignes, ce qui se fait au niveau de la politique de l'Etat en matière d’EMS. Je pense que le principe de continuer à considérer l’EMS comme un lieu de vie où l'on donne des soins doit continuer à diriger la réflexion, pour que l’EMS ne devienne pas un simplement un petit hôpital, mais reste un lieu de vie où l'on est soigné.

Mme Catherine Labouchère (PLR) —

Notre collègue Philippe Vuillemin a mis le doigt sur une réalité – l’évolution qui se fait dans les EMS – et ce qu’a dit notre collègue Vuilleumier est vrai aussi : c'est à la fois un lieu de vie et un lieu de soins. La coordination entre les deux rôles mérite non seulement notre respect, mais toute notre attention. Il est évident qu'il faudra revoir la Loi sur le financement des établissements sanitaires (LPFES) pour tenir compte de tous les paradigmes, sachant aussi, comme cela a été dit, que l'on entre de plus en plus tard en EMS, mais que la notion de lieu de vie ne doit jamais être oubliée. Je ne doute pas que cette motion sera acceptée, mais au moment de sa concrétisation, il sera important de dialoguer avec les faîtières pour que tout se passe au mieux. Il faut savoir que cette motion ouvrira aussi, notamment dans le cadre du volet financier qu'a évoqué notre collègue Venizelos, la discussion qui se profilera dans les étapes ultérieures, c'est-à-dire la convergence vers la grille salariale de l’HRC. Il y aura alors des discussions importantes, parce que cela engendrera des coûts qui devront être discutés dans ce Grand Conseil et peut-être dans le cadre budgétaire. J'appuierai cette motion, mais je réitère ma demande que les faîtières soient associées à la discussion. Je pense qu'il est extrêmement important de le faire, pour que cela soit fait en harmonie et au bénéfice des personnes qui séjournent en EMS.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Le rapporteur a bien évoqué tout ce que j'ai pu dire en commission. Les différents chantiers d'ores et déjà ouverts devront être plus approfondis au sein du département, si vous nous renvoyez cette motion. Je rappelle les quatre points qui ont été abordés : la dotation d'accompagnement, le rôle du médecin, la formation et, évidemment, la question plus sensible de la rémunération du personnel. Ainsi que l’a dit M. Venizelos, nous sommes déjà en train de travailler sur ces éléments. Nous continuerons à le faire si cette motion est renvoyée au Conseil d'Etat.

Pour répondre à Mme Labouchère, si un travail est fait, il sera discuté avec les faîtières, comme nous le faisons usuellement et de manière générale au sein du département ; la collaboration est parfaitement bonne. Par exemple, dans la situation que nous vivons actuellement, et le changement des directives ayant trait aux règles sanitaires au sein des EMS, toutes les directives sont régulièrement revues par le département de manière conjointe et étroite avec les faîtières. Il ne s'agit pas seulement les faîtières des EMS, mais aussi du groupement des médecins en EMS qui devrait évidemment aussi être associé et sans doute des associations professionnelles, par exemple celle des infirmières, pour avoir un cadre aussi large que possible. Dans tous les cas, une modification légale implique des débats devant ce Grand Conseil. Vous pourriez potentiellement entendre à ce moment-là les partenaires qui sembleraient les plus indiqués.

Mme Florence Gross (PLR) —

Je déclare tout d'abord mes intérêts : je suis membre du comité de la Fédération patronale des EMS vaudois (FEDEMS). La motion demande une révision de la LPFES, certes, mais les conséquences de cette révision pourraient amener à une modification assez importante du système, car elle concerne l'ensemble des institutions, institutions hospitalières, ainsi que les institutions d'hébergement. On remet donc en cause le système. Je pense qu'il est toujours bien de remettre un système en question, mais le fait de ne changer que deux alinéas me fait peur. Certes, les conséquences du COVID sont récentes, mais on sait que les populations qui arrivent maintenant en EMS présentent des comorbidités plus lourdes, sont différents des résidents qui arrivaient il y a 10 ans. Les cas sont plus lourds et nous devons donc adapter le système. Alors la méthode proposée, soit la modification de deux alinéas, me fait vraiment douter alors même que je pense qu’une révision est nécessaire. La modification aura en effet des conséquences sur l'ensemble du système - et je suis contente d'entendre Mme la conseillère d'Etat dire que l'ensemble des partenaires sera consulté.

Selon moi, cette motion qui modifie deux articles pourrait entraîner une modification qui risque de remettre complètement le système en question, un système qui doit être réfléchi pour l'avenir. Par exemple, j'en ai déjà parlé et Mme la conseillère d'Etat également, on parle aujourd'hui de fermeture de lits d’EMS, mais aussi de donner des compétences supplémentaires aux EMS, avec des plateaux techniques et autres. Certes, cela semble être une bonne idée, mais l'ensemble du système doit être repensé. J’estime par conséquent que cela ne peut pas dépendre uniquement d'une modification de deux alinéas de la LPFES. Une réflexion globale, oui, qui ne se fasse pas uniquement via le département. Mes craintes grandissent encore lorsque j'entends le rapporteur de la commission aborder le sujet de la convergence salariale. Cette question n’est selon moi pas forcément à la demande de la motion Philippe Vuillemin, mais ressort déjà dans le rapport de la commission ! Alors même que l'on sait que les EMS aujourd'hui ne peuvent pas se l'offrir avec le soutien existant. L’EMS de demain se doit clairement d'être réfléchi et anticipé, mais est-ce uniquement par l'ouverture de deux alinéas de la LPFES ? Pour ma part, j'en doute fortement.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

L'expérience parlementaire qui est la mienne montre qu'on commence d'abord gentiment par évoquer un problème. On vous fait un grand sourire, c'est un postulat que l'on estime intéressant. On vous dit : « Vous n'avez pas tout tort, monsieur le député. Bien entendu, nous y réfléchirons. » Puis vient le moment où cela commence à durer, alors on ne fait pas forcément un nouveau postulat, mais on saisit l'occasion du débat sur la LPFES – il y a plus de 10 ans – pour dire : « Je sais bien que les directeurs sont sur le terrain, mais le docteur et l’infirmière y sont encore plus. » A cette époque-là, j'avais demandé que l'on veuille bien évoluer, des lieux de vie aux lieux de soins, mais c'était probablement trop tôt. Je peux le comprendre et je n'en veux à personne. Puis les années passent, mais il n'y a toujours pas de réflexion sur le sujet. Je suis complètement d'accord avec Mme Gross : nous devons avoir une réflexion sur l'ensemble de ce sujet, mais si le député n'est pas clair dans ce qu’il demande, l'attentisme continue. Pour moi, l'attentisme, c’est non !

Vous me direz que je prêche pour ma paroisse… dans 20 ans. Mais ce n'est pas ça ! Les choses ont profondément changé. Alors s'il faut utiliser ce moyen qui est totalement démocratique et fait partie des droits du député, je l'utilise. Mais comme nous sommes dans le canton de Vaud, je compte donc aussi sur les partenaires et sur le Conseil d'Etat, pour qu’en partant de cette motion, ils sachent trouver des nouvelles voies. En revanche, si à la fin, on devait venir me dire qu'il ne faut surtout rien faire parce que cela dérangerait beaucoup de monde, nous serions de nouveau dans un truc « à la Suisse », où l’on nous dit que l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, c'est super, mais que l'on passe son temps à ne pas la respecter. Voilà la raison pour laquelle j'ai utilisé ce moyen. Néanmoins, étant donné la réponse du Conseil d'Etat, je lui fais confiance, ainsi qu'aux différents partenaires, pour que nous puissions en faire sortir quelque chose d'intéressant, d’utile, et d’adapté à notre situation actuelle et à celle à venir.

Mme Sonya Butera (SOC) —

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération à une large majorité.

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