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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 18 janvier 2022, point 14 de l'ordre du jour

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Rapport de la commission - 21_PET_2 - Valérie Induni

21_PET_2

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Mme Valérie Induni (SOC) — Rapporteur-trice

Le 27 mai 2021, la commission a reçu une délégation des pétitionnaires. La pétition demande à l’Etat de Vaud de soutenir la mise en service de bus de lignes directes de Moudon à Lausanne-Croisettes et vice-versa, aux heures de pointe. Les habitantes et habitants de Moudon et de sa région ont pu tester de tels bus directs durant les travaux sur la ligne CFF, de mai à octobre 2019, et ont apprécié cette offre de transports publics. La pétition a été lancée en septembre 2019 et a récolté 516 signatures jusqu’en mars 2020 avant d’être stoppée par la crise sanitaire. Les raisons principales de la pétition résident d’abord dans la suppression d’une voie sur la route de Berne, dans le cadre de sa réfection, sans que l’offre de bus n’ait augmenté en conséquence. Les pétitionnaires jugent nécessaire que le trajet en bus reproduise le trajet emprunté par les voitures individuelles. Plusieurs signataires se diraient prêts à privilégier le bus à leur voiture, si une telle ligne directe était mise en place. Les pétitionnaires rappellent l’avantage du bus sur la voiture individuelle dans la transition énergétique.

L’autre raison principale réside dans le fait que la région est en plein développement. En effet, la population de la Haute Broye augmente rapidement et, de plus, 1200 étudiantes et étudiants sont attendus dans le cadre du projet Imago à Grange-Verney. Les pétitionnaires ont examiné les alternatives à une ligne de bus directe et sont arrivés à la conclusion qu’aucune n’est intéressante. L’offre ferroviaire, selon eux, semble maximale, et les trains sont bondés, hors période Covid. De plus, le train rejoint la gare et non pas les hauts de la ville de Lausanne. La ligne de bus actuelle est bondée dès Mézières. La municipalité soutiendrait majoritairement les pétitionnaires et plusieurs membres de l’exécutif communal ont signé la pétition. La communauté régionale de la Broye s’est également prononcée favorablement. En bref, les pétitionnaires sont persuadés que l’introduction d’une ligne directe permettra de diminuer le trafic automobile et que cela s’inscrit naturellement dans le Plan climat du canton. Ils pensent que cette ligne sera tout à fait rentable au vu de l’affluence aux heures de pointe, soit entre 6 heures et 8 heures et entre 17 heures et 19 heures. Au niveau des temps de trajet, ils estiment celui en train entre Moudon et Lausanne à 55 minutes, alors que le bus TL direct Moudon-Croisettes serait de 20 à 25 minutes avec une voie dédiée – le trajet actuel en bus se situe aux environs de 45 minutes. En réalité, le trajet en train est moins long qu’indiqué lors de cette séance. Par ailleurs, les pétitionnaires insistent sur les difficultés de changement de train à Palézieux, notamment pour les personnes à mobilité réduite. Ils estiment qu’il sera impossible d’avoir des trains au quart d’heure, compte tenu de la voie unique jusqu’à Palézieux.

Après l’audition des pétitionnaires, la commission a entendu un représentant de la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR). Celui-ci a expliqué le contexte général du transport public régional routier, à savoir son objectif principal de desserte fine du territoire de et jusqu’à une gare de correspondance, avec en toile de fond la question de l’équité de traitement entre les différentes régions ainsi que les aspects économiques et le financement des lignes. Il faut un minimum de recettes et de fréquentation pour justifier la mise en place d’une ligne régionale, à savoir un taux de couverture de 20 % au moins des coûts par les recettes. Il relève qu’il n’est pas possible d’offrir des liaisons directes point par point entre chaque lieu du canton. Il rappelle les deux corridors de transports publics pour cette région, le ferroviaire et le routier. L’utilisation de l’un ou de l’autre dépend surtout de la destination finale du voyageur, soit la zone de la gare ou la zone Vennes, Sallaz, CHUV. Au niveau ferroviaire, la cadence est passée à la demi-heure en décembre 2017, avec un changement une fois sur deux à Palézieux. Le canton cherche à développer un troisième train rapide avec un temps de parcours réduit. Sans annoncer d’horizon temporel, il existe une réelle volonté de développer cet axe ferroviaire. Ainsi, la pétition soulève plusieurs questions :

  • Quel est le signal envoyé par le canton aux autorités fédérales par rapport au développement ferroviaire avec le risque d’une concurrence entre trains et liaisons directes en bus ?
  • Quel est le signal envoyé aux CFF qui investissent environ 200 millions pour la mise en conformité des quais sur la ligne de la Broye ?
  • Quel risque de voir la fréquentation des trains diminuer ?

Cependant, la ligne de bus directe pourrait également représenter une opportunité de capter une nouvelle clientèle et de réduire la surcharge routière aux heures de pointe. Le représentant de la DGMR informe également la commission de l’état de la planification cantonale sur cet axe dans le cadre du Plan climat vaudois. La mesure n° 3 en faveur du réseau de bus régional prévoit la possibilité de liaisons directes entre Moudon et Epalinges-Croisettes comme demandé par la pétition. Cette mesure est planifiée après les travaux sur la route de Berne pour autant qu’elle puisse être retenue en fonction du financement et de l’exploitation. La mise en œuvre pourrait avoir lieu à l’horizon de décembre 2023 avec des bus articulés pour un trajet estimé à 20 ou 22 minutes. En attendant, de nouvelles paires de courses devraient voir le jour, ce qui améliorera la desserte avec le réseau de bus du Jorat, dès décembre 2021, avec une offre au quart d’heure de Savigny à Lausanne.

Finalement, les membres de la commission sont très partagés. Plusieurs souhaitent privilégier le transport ferroviaire par rapport au transport par bus, émetteur de CO2. Selon eux, le transport par bus doit garder sa fonction de desserte fine, et on ne peut imaginer des liaisons directes dans toutes les régions. D’autres relèvent l’intérêt à faire changer les habitudes de transport d’une partie des automobilistes grâce à une ligne directe rapide. Les membres de la commission sont également partagés par rapport à l’annonce de la DGMR de mettre en place ces régions directes dans le cadre du Plan climat. Pour certains, il n’y a pas lieu de soutenir la pétition, puisque cette ligne directe sera de toute façon mise en fonction à relativement court terme. Pour d’autres, il s’agit au contraire de soutenir la pétition afin de donner un signal clair au canton quant à l’importance de cette ligne de bus directe pour la région de Moudon. Finalement, la commission recommande au Grand Conseil de classer cette pétition par 6 voix contre 4 et 1 abstention.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Daniel Ruch (PLR) —

En tant que régional de l’étape, je peux soutenir cette pétition. Comme l’a indiqué la rapporteuse, il s’agit aussi de donner un signal fort à la DGMR qui nous a annoncé que cette ligne serait peut-être mise à disposition dès décembre 2023 – cela signifiant que la DGMR y a déjà pensé.

Quant à la pétition, et en tant que syndic, lorsque nous avons eu besoin dans notre commune d’augmenter le tarif des bus, la municipalité s’est adressée directement à la DGMR, sans forcément passer par une pétition, ce qui peut s’avérer judicieux, car « aide-toi et le ciel t’aidera », comme dirait mon ami Chollet ! Enfin, je soutiendrai cette pétition.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Je déclare mes intérêts comme habitante de la région de Moudon. Momentanément, je ne me rends pas au Grand Conseil en transports publics, utilisant le covoiturage avec des collègues, ce qui fonctionne aussi très bien.

Je soutiendrai cette pétition, car pour les gens de la Broye, comme cela a été indiqué dans le rapport très complet de Mme Induni, la démographie est galopante. Ainsi, il est vrai que de se rendre à Lausanne peut s’avérer compliqué. En effet, aux heures de pointe, les trains sont pleins, et pour une liaison sur deux, il faut changer à Palézieux. En outre, pour les gens qui travaillent dans les hauts de Lausanne, il est beaucoup plus pratique de pouvoir venir en bus. Je soutiendrai par conséquent cette pétition, tout en remerciant la DGMR, les CFF et les transports publics pour tout ce qui est mis en œuvre pour chaque région du canton, que nous devons vraiment soutenir pour pouvoir en faire encore plus. Je vous remercie pour votre soutien à cette pétition.

M. Sébastien Pedroli (SOC) —

Je m’exprime aussi comme régional de l’étape, quand bien même l’objectif ici consisterait plutôt à en supprimer, puisque le bus Moudon-Croisettes ne compte pas moins de 22 arrêts, tandis que la ligne proposée est beaucoup plus pratique, n’en incluant évidemment aucun. Ensuite, je vous demande de soutenir cette pétition parce que, pour les habitants de la Broye et de la Haute Broye, il est particulièrement important de pouvoir se rendre à Lausanne et dans ses hauts. En outre, les accès aux quais et les changements de train sont parfois aussi compliqués. Pour moi, il est important que nous puissions nous rendre à Lausanne en ligne directe. Pour tous ces motifs, je vous prie de bien vouloir accepter cette pétition.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

C’est à titre de Lausannois que je défendrai à mon tour cette pétition. Comme l’a indiqué la rapporteuse, la commission a été divisée sur le sujet, mais nous sommes sensibles au fait que la région de Moudon qui est en plein développement ; elle va bientôt accueillir 1200 étudiantes et étudiants dans le cadre du projet Imago, ce qui accroît le nombre de pendulaires qui doivent trouver une relation directe, notamment aux heures de pointe, si possible par la voie d’un bus électrique. Cela permettra en début et en fin de journée de favoriser le déplacement de ces personnes, alors que le train est surchargé et que la route fait l’objet d’encombrements considérables. Mettre sur pied rapidement, sans attendre décembre 2023, une ligne de bus directe qui favorisera ainsi une mobilité saine, notamment pour les personnes qui doivent se rendre à la capitale pour des impératifs professionnels, va dans le sens des objectifs du Conseil d’Etat vaudois et de son Plan Climat. Je vous remercie de transmettre cette pétition au Conseil d’Etat.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Ouf ! Enfin, ça bouge ! Votre serviteur attend cela depuis exactement 52 ans ! Ce n’est pas mal ! Quand il habitait Moudon, qu’il se rendait au gymnase de la Cité, il a d’abord pris le train. C’était une histoire de fous… on s’arrêtait à Bossière, puis la gare, puis on carapatait comme des fous pour aller au gymnase, à la Mercerie et à l’Ancienne Académie. Puis, il a pris le bus dans lequel l’ambiance était sympathique, puisque rempli de gymnasiennes et de gymnasiens qui allaient à Lausanne. On pouvait s’échanger les devoirs, draguer la moindre… et on visitait toute la Haute Broye… Vucherens, Carrouge, Mézières ! A l’époque déjà, je me demandais pourquoi il n’existait pas une ligne directe Moudon-Lausanne.

A l’évidence, en l’espace de 52 ans, cela a bien changé. Cependant, ayant mon cabinet au nord de la ville, mon assistante médicale s’y rend depuis Moudon, quotidiennement et depuis des années. Ainsi, je me dis qu’une ligne directe de transports en commun déchargerait cette route, rendrait le trajet plus rapide et correspondrait au développement du Nord lausannois, dont Epalinges, comme l’a très bien dit mon collègue Zwahlen.

Par conséquent, je soutiens cette pétition. Vous savez, avec ça, on peut presque quitter le Grand Conseil l’âme en paix… !

M. Felix Stürner (VER) —

J’ignore si je saurais faire preuve d’autant d’humour que mon préopinant, mais je m’inscris un peu en faux. Mes différents collègues de la Broye, que je ne vois jamais sur la ligne en question, demandent à ce qu’elle soit rallongée. Je suis étonné, puisque mercredi dernier, la députation et d’autres groupes politiques ont assisté à une présentation de la modernisation de la ligne de la Broye pour 250 millions. Bien entendu, elle ne sera pas mise en route demain, mais en tout cas prochainement. Au niveau de la Commission de mobilité, de la Commission régionale, nous sommes aussi en train de travailler sur un développement de ces liaisons. Depuis décembre 2021 – il n’y a donc pas si longtemps – les lignes 365 et 362 de CarPostal, qui ont remplacé les tl sur les lignes 62 et 65, ont augmenté leur cadence, notamment aux heures de pointe et pour les gens qui travaillent au CHUV avec des horaires très matinaux et une liaison directe. Vous me voyez assez étonné, car j’ai emprunté, également lors de la réfection de la ligne CFF, cette fameuse ligne directe. C’est effectivement très agréable d’être assis et de se retrouver 20 à 25 minutes plus tard aux Croisettes. Pourtant, dans le développement général et global du transport public, cette ligne est superflue.

Mme Nuria Gorrite (C-DCIRH) — Président-e du Conseil d’Etat

Ce débat prend place dans le contexte d’amélioration constante, depuis 2013, de la desserte du Jorat et de la Broye en transports publics, notamment par le biais des améliorations continuelles que nous avons apportées avec les CFF sur le réseau ferroviaire. Cela a été rappelé, sur l’ensemble de la Broye, la desserte à la demi-heure est évidemment de très grande qualité, y compris à Moudon, avec une articulation des bus en coordination et en synergie avec les horaires ferroviaires. Aujourd’hui, nous avons une desserte extraordinairement renforcée rendue possible par des moyens financiers qui ont chaque fois été adaptés en direction du Jorat – c’est sans doute l’une des régions, avec Nyon, qui a connu la plus forte augmentation en termes de desserte par bus –, bien que la marge de progression ait été, il est vrai, considérable. Nous rencontrons un beau succès sur ces lignes, raison pour laquelle nous sommes, comme l’a rappelé le député Stürner, engagés dans le développement de celles-ci depuis un certain nombre d’années.

Le développement des lignes 363 et 362 est constant, et leur succès ne se dément pas, ceci démontrant que nous devons aller chercher de nouveaux clients des transports publics dans toutes les régions du canton. En effet, le recours aux transports publics ne concerne pas uniquement les régions urbaines, mais aussi celles qui sont périphériques ou de montagne. Raison pour laquelle nous avons besoin de financements importants, non seulement pour maintenir les offres existantes, mais aussi pour en développer de nouvelles, continuer d’investir, chose que le Grand Conseil vaudois soutient par le biais de la mesure exceptionnelle des 50 millions additionnels, notamment, que vous nous avez octroyée et qui permet d’augmenter précisément ce type de lignes entre autres dans le Jorat.

En commission, nous avons indiqué notre intention d’ajouter des paires de courses directes entre Moudon et Lausanne. C’est un point qui reste ouvert pour en déterminer le nombre. Mais, en tous les cas, six paires de courses nous paraissent un bon point de départ. Vous savez que l’évaluation de la pertinence de ces offres doit reposer sur un succès de fréquentation, puisqu’il ne suffit pas de demander une offre pour l’obtenir, car nous devons évaluer le résultat des prestations que nous avons déjà développées dans la Broye, pour obtenir l’aval de la Confédération – qui est co-commanditaire de l’offre – pour en développer davantage. Raison pour laquelle nous avons indiqué que nous voulions à la fois développer et introduire une nouvelle ligne directe ferroviaire en direction de Lausanne depuis Moudon, un débat que nous sommes en train de mener avec les CFF ; nous devons démontrer la pertinence de l’offre. Toutefois, nous nourrissons de grandes convictions en ce qui concerne le potentiel de la ligne ferroviaire.

Par ailleurs, nous avons la ferme intention d’introduire ces six paires de courses directes de Moudon à Lausanne, à l’horizon 2023. Monsieur Zwahlen, je réponds à votre injonction à cet égard. En effet, il ne suffit pas d’affirmer une volonté à la « yes, we can » en disant « y a qu’à faire plus, et plus vite ! ». La commande d’offre dépend d’un certain nombre de critères, notamment de décisions fédérales, et nous avons aujourd’hui un calendrier qui doit être respecté et qui nous place au mieux en décembre 2023 pour l’introduction de cette offre supplémentaire. En outre, nous devons assurer la coordination de cette offre avec la fin des travaux sur la RC 601 ; ceux qui utilisent ce tronçon savent que les travaux sont engagés et qu’il y a lieu de coordonner la fin de ce chantier avec la procédure fédérale de commande d’offres, l’adaptation du matériel roulant et de formation des chauffeurs pour assurer la prestation, ce qui nous place à fin 2023, c’est-à-dire dans une année, pour que nous puissions augmenter l’offre directe.

Enfin, je rends ce Parlement attentif à la nécessité d’éviter les pièges consistant à demander à chaque fois des liaisons directes. Il est important de le faire lorsque c’est pertinent, mais vous savez que la desserte en transports publics repose sur une desserte fine des territoires, que nous ne pouvons pas développer des offres directes à la fois entre Payerne et Lausanne, entre Lucens et Lausanne et entre Moudon et Lausanne. Il faut une offre cadencée sur un réseau de dessertes, mais cette philosophie ne peut pas se démultiplier pour l’ensemble des localités vaudoises, un peu à la parisienne, avec un réseau de transports publics qui rayonnerait en étoile uniquement vers le centre urbain et sans desservir les territoires intermédiaires. Ce n’est pas la philosophie que nous poursuivons en termes de desserte et de besoins des habitantes et des habitants de ce canton, position corroborée par la Direction générale de la mobilité et des routes (DGRM) sur cette pétition.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la pétition en considération par 70 voix contre 27 et 22 abstentions.

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