Le Conseil d'Etat dit NON à l'initiative populaire fédérale pour le renvoi effectif des étrangers criminels
Communiqué de presse
Publié le 02 février 2016
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Cette initiative soulève des problèmes majeurs de droit et d'application. L'automatisme des renvois qui la caractérise priverait la justice du pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte du caractère mineur des infractions ou de la longue durée de séjour en Suisse des personnes condamnées. Elle manquerait sa cible dans bon nombre de cas. La loi votée par le Parlement fédéral ne présente quant à elle pas de tels défauts et renforcerait l'action des autorités.
Le Conseil d'Etat a fait du départ effectif des criminels étrangers une priorité dans l'exécution des renvois, au titre de la lutte contre la délinquance. Ainsi, le nombre de départs de personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale - hormis les infractions à la loi fédérale sur les étrangers - a passé de 126 en 2009 à 367 en 2015. La loi adoptée par les Chambres fédérales en mars 2015 renforcerait l'action des autorités en la matière, en mettant à leur disposition des instruments juridiques efficaces, conformes aux principes de l'Etat de droit - en particulier les principes de proportionnalité ainsi que d'individualisation de la sanction - et dans le respect de la volonté populaire s'agissant de l'expulsion des criminels étrangers.
L'initiative présente au contraire des défauts graves et inacceptables. Elle engendrerait des coûts supplémentaires, sans que l'expulsion concrète des criminels véritablement visés s'en trouve facilitée. Des personnes séjournant en Suisse depuis très longtemps et bien intégrées dans notre pays pourraient en revanche devoir le quitter. Car si l'initiative était acceptée, les personnes sans passeport suisse devraient être expulsées automatiquement même en cas de délit mineur, sans égard aux circonstances personnelles et à leur situation individuelle, même si elles sont nées et/ou ont grandi en Suisse. Le Conseil d'Etat ne peut souscrire à un texte réservant, sans aucune exception, le même traitement à une telle personne et aux étrangers qui, à peine arrivés dans notre pays, y commettent des délits et portent atteinte à la sécurité.
L'acceptation de l'initiative aurait pour conséquence immédiate une augmentation significative des coûts financiers et en personnel. Compte tenu de l'importance de l'enjeu d'une expulsion pour une personne intégrée dans notre pays, il y aurait plus d'interventions d'avocats, notamment commis d'office ; les oppositions et recours seraient plus nombreux. Les procédures, coûteuses et encombrant la justice, se multiplieraient. De plus, l'initiative n'aurait aucun effet sur les pays qui refusent le retour de leurs ressortissants et ne changerait rien aux difficultés rencontrées actuellement déjà au moment de concrétiser l'expulsion. Pour un délinquant ressortissant d'un pays avec lequel il n'y a pas d'accord de réadmission, le renvoi effectif ne pourrait être possible que si le délinquant adhère à son expulsion. Enfin, l'initiative n'aurait en soi pas d'incidence sur le taux d'occupation des prisons, puisqu'elle prévoit - tout comme la loi votée par le Parlement d'ailleurs - que les criminels purgent leur peine avant le renvoi.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Conseil d'Etat rejette l'initiative populaire pour le renvoi effectif des étrangers criminels et appelle à voter NON.
Bureau d'information et de communication de l'Etat de Vaud
Renseignements pour la presse uniquement
- DSAS, Pierre-Yves Maillard, président du Conseil d'Etat, 021 316 50 01; DIS, Béatrice Métraux, conseillère d'Etat, 021 316 40 01; DECS, Philippe Leuba, conseiller d'Etat, 021 316 60 01