Les premiers bénéfices des éducatrices en milieu scolaire dans la région "Alpes vaudoises"

Contrairement à d’autres pays, la Suisse n’a pas une longue tradition de travail social et éducatif en milieu scolaire. Or, ces dernières années, il a été constaté que les jeunes en mal d’intégration scolaire, qui bousculent l’institution tout en mettant en danger leur propre scolarité, deviennent plus nombreux. La nécessité de mieux répondre aux besoins socio-éducatifs de ces élèves s’inscrit tout naturellement dans le concept 360° dans sa visée d’une école plus inclusive. Dans ce contexte, la création d’un nouveau partenariat entre l’école et les spécialistes de l’action socio-éducative s’est imposée comme une mesure prioritaire.

Face à des élèves qui ont des difficultés de comportement et présentent un haut risque de décrochage scolaire, les directions d’établissement et le corps enseignant doivent pouvoir faire appel à une éducatrice ou un éducateur en milieu scolaire (ESS). À l’échelle du canton, c’est désormais le cas grâce à une mutualisation des ressources. Chaque région scolaire a créé son pôle éducatif en milieu scolaire, le PEMS. Chaque pôle réunit une équipe de quatre à sept ESS appelés à intervenir dans les écoles de la région, à leur demande. La taille de l’équipe varie selon l’effectif des enfants scolarisés dans chacune des huit régions scolaires.

Premier bilan de l’expérience pilote

Le dispositif, opérationnel depuis février 2021, peut désormais s’appuyer sur l’expérience pilote initiée par la région « Alpes vaudoises » dès janvier 2020. Un premier bilan en a été tiré par la Haute école de travail social de Lausanne (HETSL). Les constats, globalement positifs, sont assortis de recommandations pour que les PEMS apportent le maximum de bénéfices.

Le PEMS « Alpes vaudoises » a été confié à La Maison des Jeunes (MDJ), qui dispose d'une longue expérience du travail social auprès des jeunes. Il est composé de trois éducatrices en milieu scolaire et d’une responsable, elle-même éducatrice. L’équipe a commencé par définir son rôle, son fonctionnement et la palette de ses futures prestations aux six établissements de la région. Y sont scolarisés 5600 élèves, répartis entre 33 sites sur un vaste périmètre qui s’étend de la plaine (Aigle, Villeneuve, Bex) à la montagne (Pays-d’Enhaut et Ormonts). Après une année, le PEMS suit en permanence quelque 120 situations dont 10 à 15 % impliquent une fratrie.

Des interventions diverses

L’expérience « Alpes vaudoises » montre que les interventions des éducatrices prennent des formes diverses. Parfois, elles agissent directement auprès des enfants en difficulté et/ou de leurs parents. Parfois, elles viennent en classe pour favoriser une dynamique de groupe positive ou intégrative. Elles appuient régulièrement le personnel enseignant et les directions pour évaluer des situations aigües ou complexes et discuter les mesures souhaitables. Leur rôle transversal les conduit à s’impliquer dans la vie quotidienne de l’école : elles participent aux conseils de direction et collaborent avec le corps enseignant et toutes les actrices et acteurs de l’école, médiatrices et médiateurs, infirmières et infirmiers, psychologues, spécialistes PPLS, conseillères école-famille. Enfin, elles sont associées aux efforts de prévention et de détection précoce des situations difficiles.

Créer un climat de confiance participe de la réussite du projet, constate la HETSL. Cela suppose un dialogue continu et des expériences partagées, mais aussi des règles précises sur la circulation des informations. En concertation avec les directions d’école, la responsable du PEMS définit les types de situation justifiant de faire appel aux éducatrices. Cette régulation est nécessaire à la bonne marche du projet et à l’efficacité de l’aide apportée par les éducatrices, souligne la HETSL.

Une autre relation aux parents

Des bénéfices sont déjà relevés dans l’expérience « Alpes vaudoises ». Les éducatrices ont démontré leur capacité à apporter des réponses rapides aux demandes de l’école ; leur accueil s’en est trouvé facilité. Cela suppose de leur part beaucoup de flexibilité et de réactivité. Seul un travail d’équipe bien coordonné permet de répondre aux demandes en augmentation. La neutralité des éducatrices est saluée. On reconnaît leur capacité à toujours voir l’enfant derrière l’élève. L’autre atout des éducatrices est qu’elles peuvent se rendre dans les familles pour soutenir les parents dans l’éducation et le quotidien en lien avec la scolarisation de leur enfant. Elles sont formées à ces interventions, qui sont vues comme de réelles plus-values par le monde de l’enseignement.

La fonction d’éducatrice ou éducateur en milieu scolaire ajoute un acteur dans le réseau des professionnel·le·s au chevet des élèves en difficulté. La complémentarité des métiers doit être bien établie et reconnue par toutes et tous, remarque la HETSL. L’expérience pilote montre que les directions des écoles ont un rôle crucial à jouer. Leur adhésion au projet et leur capacité à y rallier le corps enseignant aident à la bonne intégration des éducatrices du PEMS dans le quotidien de l’école.

Les PEMS des autres régions scolaires ont tous été créés avant la pause estivale. L’étape suivante pour eux consistera à trouver des modes de fonctionnement adaptés aux besoins des établissements, lesquels varient selon les régions et leurs caractéristiques sociales, économiques ou démographiques. L’autonomie laissée à chaque PEMS confie une grande responsabilité aux équipes sur le terrain. Le dispositif est un pari sur l’avenir. « Il vise des effets à long terme sur les élèves-enfants et le système scolaire », souligne la HETSL dans son bilan. Les impacts escomptés sont principalement : la diminution des parcours scolaires chaotiques et des scolarités achevées sans diplômes ; l’amélioration du dialogue avec les parents d’élèves en difficulté ; la promotion du développement affectif et social des jeunes ; et un meilleur repérage des parcours scolaires exposés aux échecs et à la rupture.

« Notre arrivée dans les écoles s’est faite en mode discrétion. Personne ne savait ce que nous pourrions proposer concrètement. Il y avait des craintes, mais aussi de l’enthousiasme. Nous avons perçu de réelles attentes, parfois démesurées. Nous avons cherché le dialogue avec les directions et le corps enseignant. D’abord faire connaissance. Puis passer du temps dans les couloirs, dans les salles des maîtres. On s’est apprivoisé. Et quand les échanges débouchent sur des résultats tangibles que l’on peut partager, c’est une réussite. »

Géraldine Gigon
Éducatrice du PEMS des Alpes vaudoises


« Un message que nous avons martelé à l’école, aux élèves et aux familles, c’est qu’on allait co-construire tous ensemble des chemins nouveaux. Cela nous a amenées à constamment nous remettre en question et à interroger notre travail afin d’évaluer s’il répondait toujours aux attentes. Nous devons être flexibles pour nous adapter aux besoins des établissements. »

Rachel Boichat
Éducatrice du PEMS des Alpes vaudoises


« Ce projet a du sens si nous faisons partie de l’école, si l’institution scolaire accepte notre rôle qui est de poser un autre regard sur le monde scolaire. Nous apportons une perspective différente sur des situations vues comme inextricables. Nous amenons une réflexion qui englobe tout le monde, l’élève et sa famille, la direction de l’école et le corps enseignant. On se donne ainsi une chance supplémentaire d’aider ces jeunes en difficulté. »

Sabina Hauser
Éducatrice du PEMS des Alpes vaudoises

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