Bouclier fiscal
Le Conseil d'État présente son rapport et propose le rejet de la motion demandant une Commission d'enquête parlementaire
Le 26 août 2025, le Conseil d'État a transmis au Grand Conseil son rapport concernant l'institution d'une Commission d'enquête parlementaire (CEP) sur l’application du bouclier fiscal depuis son introduction dans le canton en 2009. L’expert indépendant mandaté par le Gouvernement, M. François Paychère, ayant répondu aux questions mentionnées dans son mandat et établi un historique le plus complet possible du bouclier fiscal, le Conseil d’État estime que la mise en place d’une CEP n’apporterait pas d’éléments supplémentaires. Le Conseil d’État met en place plusieurs mesures d’amélioration de gouvernance et d’organisation à la Direction générale de la fiscalité (DGF). Comme il s’y était engagé, le Conseil d’État rend publique l’intégralité des faits liés à l’application du bouclier fiscal depuis 2009 en mettant en ligne sur www.vd.ch/bouclier-fiscal les différents rapports et pièces annexes.
Bouclier fiscal vaudois - Historique
2005 – 2008 - Réflexion et élaboration du projet de réforme fiscale incluant le bouclier fiscal. Le Conseil d’État, confronté à des cas concrets de fiscalité pouvant être jugée excessive, s’inspire d’expériences d’autres cantons (Berne, Valais, Lucerne, etc.) pour concevoir un dispositif plafonnant la charge fiscale globale du revenu et de la fortune pour l’impôt cantonal et communal à 60 % du revenu imposable net. Objectifs : prévenir l’effet confiscatoire de l’impôt (art. 26 de la Constitution fédérale), assurer la prévisibilité juridique et préserver l’attractivité du canton. De surcroît, le bouclier fiscal visait avant tout les contribuables propriétaires d’entreprises qui se portaient bien, mais dont la fortune était difficile à évaluer et, par conséquent, à imposer. L’introduction du bouclier fiscal avait donc également pour but de résoudre ces problèmes d’imposition sur la fortune, de rendre le Canton plus concurrentiel en la matière et d’empêcher ainsi, tant que faire se pouvait, l’exode de contribuables fortunés apportant une manne importante pour les finances publiques cantonales.
Mai – septembre 2008 - Dépôt de l’Exposé des motifs et projet de loi (EMPL) au Grand Conseil modifiant la LICom afin d’y introduire le principe du bouclier fiscal (l’article 8, alinéa 3 LICom). L’EMPL explicite les tenants et aboutissants du dispositif et fournit des exemples chiffrés basés sur la méthode alternative, introduisant notamment la notion de revenu minimal de 1% de la fortune (revenu fictif), dans une logique anti-abus. L’ensemble est présenté et discuté en Commission des finances et adopté par le Grand Conseil le 2 septembre 2008.
Février 2009 - À la suite d’un référendum lancé contre la réforme fiscale, la loi introduisant le bouclier est acceptée par le peuple. La légitimité populaire du mécanisme du bouclier fiscal est confirmée par cette votation du 8 février 2009.
Le mécanisme du bouclier fiscal a été présenté aux fiduciaires et professionnels de la fiscalité lors d’un séminaire qui s’est tenu à l’EPFL le 12 février 2009. Là encore, les exemples présentés, les mêmes que ceux figurant dans l’EMPL, faisaient état de la comparaison entre le revenu effectif du contribuable visé et celui, fictif, correspondant à 1% de sa fortune imposable. Ce qui entrait dans le revenu effectif n’était toutefois pas détaillé.
1er janvier 2009 - Mise en œuvre du bouclier fiscal par l’Administration cantonale des impôts selon un système dit "alternatif". Le revenu imposable est calculé en additionnant tous les revenus, quelle que soit leur nature, et en tenant compte des déductions admises. L’impôt était ensuite calculé sur le revenu imposable ainsi obtenu. Si l’impôt dû était supérieur à 60% du revenu imposable, il était ramené à ce montant. En outre, le revenu imposable est comparé au 1% de la fortune imposable. Lemontant le plus élevé est retenu pour le calcul de l’impôt. Cette pratique, dite alternative, est communiquée et appliquée par les fiduciaires. Au fil des ans, quelques contribuables soumis au bouclier fiscal contestent leur décision de taxation. Leurs réclamations sont alors traitées à la main par l’ACI qui statue en leur faveur afin d’éviter des recours. Le calcul du bouclier se fait de manière automatisée dans l’outil de taxation.
2010 - L’application du bouclier fiscal a fait l’objet de discussions au sein de l’ACI en lien avec le traitement des contribuables dont l’assujettissement dans le canton n’était pas illimité, mais dont certains revenus étaient imposés dans d’autres cantons ou à l’étranger. Certains revenus de ces contribuables n’étant pas taxés dans le canton, il était impossible de connaître leur revenu global et, par conséquent, de savoir si le bouclier pouvait s’appliquer à leur cas. Dès 2010, le bouclier n’a plus été appliqué à cette catégorie de contribuables.
2011 - Certains collaborateurs de l’ACI ont questionné la routine informatique, qu’ils jugeaient non conforme au texte de loi. Le Chef de l’ACI d’alors a toutefois considéré qu’elle ne devait pas être modifiée, dès lors qu’elle permettait d’atteindre les buts assignés au bouclier.
2015 - La question de la conformité de la routine de calcul au texte de loi a, à nouveau, été abordée au sein de la DGF, tout comme la nécessité de fixer à tout le moins un minimum d’imposition sur la fortune, à l’image de ce qui se pratique dans le Canton de Berne. Des simulations de calcul ont été effectuées en prenant comme hypothèse une limitation de l’imposition à un certain pourcentage des revenus bruts de fortune. L’accent était mis sur le fait que dans certains cas, les contribuables pourraient présenter des revenus négatifs. Afin de résoudre ce problème, une modification légale a été proposée au Chef du Département des finances, modification portant uniquement sur l’introduction d’un minimum d’imposition. Ces discussions menées en 2015 seront finalement concrétisées en 2017.
Décembre 2017 - Le Canton de Vaud introduit une limite inférieure pour l’imposition de la fortune à 3‰ part cantonale et communale comprise (trois pour mille) en cas d’application du bouclier fiscal. Cette clause anti-abus est introduite dans un EMPL parallèle au projet de budget 2018 qui est adopté par le Grand Conseil le 13 décembre 2017. Elle entre en vigueur au 1er janvier 2018.
Août 2018 - Le Tribunal fédéral rend l’arrêt 2C_869/2017 (Canton de Genève), indiquant que le système alternatif est contraire au texte légal.. Bien que le cadre légal genevois diffère sur certains points du dispositif vaudois, l’arrêt marque un tournant jurisprudentiel. Le texte de la loi vaudoise est, en effet, sur la question traitée par le Tribunal fédéral, semblable au texte genevois.
De ce fait, cette jurisprudence devait également être analysée à l’aune de la pratique vaudoise.
Celle-ci n’a toutefois pas été immédiatement adaptée et la voie d’une intégration dans un paquet de mesures fiscales en préparation a été privilégiée.
2020 - Un nouveau paquet de mesures fiscales est évoqué dans le cadre des discussions autour du programme de législature. Ce paquet fiscal sera finalement adopté en 2021.
Fin 2021 - Le Conseil d’État soumet au Grand Conseil, dans le projet de budget 2022, une modification législative de la LICom précisant le calcul du revenu net de fortune. Cette modification légale est adoptée par le Grand Conseil le 14 décembre 2021. Cette modification inclut également une prise en considération des dividendes qualifiés à 100% pour le calcul de bouclier fiscal. Cette modification du bouclier fiscal change aussi le mode de calcul alternatif en un mode de calcul cumulatif pour donner suite à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cette jurisprudence est d’ailleurs citée dans l’exposé des motifs et projet de loi 2021. En parallèle, la valeur imposable de l’outil de travail (RETIF) est réduite de l’ordre de 50% en lieu et place de 100%.
Janvier 2022 - Entrée en vigueur de la nouvelle législation le 1er janvier 2022. Le système cumulatif s’applique conformément à la nouvelle LICom.
Novembre 2023 - Le Conseil d’État est informé de plaintes de contribuables relayées par les milieux économiques, dénonçant un effet excessif de la nouvelle application du bouclier sur leur décision de taxation 2022. Les milieux économiques demandent ainsi un retour à la pratique fiscale antérieure à 2022 sans modification légale. Dans certains cas, le bouclier fiscal perd effectivement partiellement sa capacité protectrice en particulier lorsque le revenu de la fortune est bas, en présence d’autres revenus et d’une fortune importante. Le Conseil d’État accorde dès lors une attention prioritaire à cette problématique.
Avril – juillet 2024 - Le Conseil d’État demande un avis de droit à son service juridique afin de savoir si la pratique du bouclier peut être modifiée sans révision légale est nécessaire. Dans sa note datée du 26 avril 2024 (Note de Me Schwaar) le service juridique de l’État (Direction générale des affaires institutionnelles et des communes - DGAIC) conclut qu’une modification de loi est nécessaire pour revenir à la pratique antérieure à 2022. Les milieux économiques ont maintenu leur pression visant à faire modifier la pratique de bouclier.
Deux avis de droit externes sont également demandés par le Département des finances dans la même optique de savoir s’il faut une modification légale ou s’il est possible de simplement changer la pratique pour revenir en arrière sur les modifications de 2022. Les avis de droits sont datés du 1er mai (Avis de droit du professeur Yves Noël) et du 26 juin (Avis de droit du professeur Robert Danon) avec une mise à jour le 26 juillet. Un des avis (Avis de droit du professeur Yves Noël) estime qu’une modification de la pratique ne nécessite pas de changement législatif. Cette position n’est toutefois pas partagée par la Direction générale de la fiscalité ni par le service juridique de l’État (DGAIC). Une délégation aux questions fiscales du Conseil d’État recommande que la base légale soit adaptée pour changer la pratique en lien avec le bouclier. Le Conseil d’État valide cette proposition et décide le 19 juin du principe d’une modification légale de la LICom.
Décembre 2024 - Sur proposition du Conseil d’État, le Grand Conseil adopte deux modifications de la LICom relatives au bouclier en revenant à un système appliqué entre 2009 et 2021. Le Grand Conseil ajoute à cette loi une clause de rétroactivité pour les années fiscales 2022 à 2024 concernant les taxations non entrées en force. L’ensemble de ces modifications est toutefois soumis à une clause guillotine décidée par le Grand Conseil : le changement de loi n’entrera en vigueur que si l’initiative populaire demandant une baisse de 12 % de l’impôt cantonal sur le revenu et la fortune est rejetée. Lancée par les milieux économiques, cette initiative demande une baisse de 12% de l’impôt sur le revenu et la fortune pour toutes les classes de contribuables. Elle a abouti au printemps 2023.
Janvier 2025 - Une requête est déposée par les initiants de l’initiative 12% devant la Cour constitutionnelle vaudoise. Ce recours conteste la validité de la clause guillotine introduite par le Grand Conseil sur la modification légale portant sur le bouclier fiscal acceptée par le Parlement le 17 décembre, au motif d’une éventuelle violation du principe de l’unité de la matière.
Juillet 2025 - La Cour constitutionnelle rejette la requête contre la « clause guillotine», prévue dans la loi sur les impôts communaux, en lien avec le bouclier fiscal. Par décision du 30 juillet 2025, la Cour constitutionnelle a rejeté la requête déposée le 9 janvier 2025 visant à défaire le lien entre la modification de la loi sur les impôts communaux et l’initiative populaire « Baisse d’impôts pour tous : redonner du pouvoir d’achat à la classe moyenne ».
Un recours au Tribunal fédéral contre la décision de la Cour constitutionnelle peut encore être déposé dans un délai de 30 jours à partir de la notification de la décision complète, y compris les considérants qui ne sont pas encore disponibles. Le Conseil d’État se prononcera ensuite sur la date de la votation sur l’« initiative 12%».
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Rapports et pièces annexes au rapport de M. F. Paychère
Avis de droit
- Avis de droit sur le calcul du bouclier fiscal - Me Noël
- Annexe avis de droit de Me Noël sur le bouclier fiscal (pdf, 64 Ko)
- Avis de droit sur le bouclier fiscal - Prof. Dr Robert J. Danon
- Avis de droit (mise à jour du 25 juillet 2024) - Prof. Dr Robert J. Danon
- Bouclier fiscal - Note du DG des affaires institutionnelles et des communes à la Présidente du Conseil d'Etat
- Avis juridique sur les pratiques administratives - Schellenberg & Wittmer (pdf, 1.55 Mo)