25_MOT_63 - Motion Alexandre Démétriadès et consorts - Pour une actualisation du barème de l’impôt sur les gains immobiliers qui renforce la lutte contre la spéculation et renforce la justice fiscale (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).
Séance du Grand Conseil du mardi 11 novembre 2025, point 14 de l'ordre du jour
Texte déposé
Le projet de budget 2026 de l'État de Vaud, présenté le 24 septembre 2025, prévoit un déficit de 331 millions de francs. Pour y faire face, le Conseil d'État propose des mesures d’austérité totalisant 305 millions de francs.
Parmi ces mesures, la réduction de la part des communes dans les recettes de l’impôt sur les gains immobiliers préoccupe les associations faîtières. Actuellement, la répartition est de 42% pour les communes et de 58% pour le Canton. Les annonces faites par le Conseil d’État évoquent une nouvelle répartition, pour une durée de 2 ans, de 23% pour les communes et de 77% pour le Canton, entraînant une perte estimée de 39 millions de francs pour les communes, représentant près de 13% de l’effort budgétaire total.
L’ensemble des mesures du Conseil d’Etat se concentre sur la réduction des dépenses ou, pour cette mesure, sur une réduction des recettes des communes. Le gouvernement ne prévoit aucune mesure visant à générer de nouvelles recettes fiscales. Parmi de telles mesures, une autre approche – ou une approche complémentaire – aurait pu être prise à l’égard de l’impôt sur les gains immobiliers ; c’est ce que propose cette motion.
L’impôt sur les gains immobiliers constitue un instrument important de justice fiscale mais il représente de surcroît un dispositif de lutte contre la spéculation foncière. Il permet de prélever un impôt sur les plus-values réalisées lors de la vente de biens immobiliers qui, grâce au principe de dégressivité prévu à l’article 72 de la Loi sur les impôts directs cantonaux, est d’autant plus grand lorsque ces ventes interviennent après une courte période de détention (30% jusqu’à un an – 7% dès 24 ans). En outre, dans le système vaudois, les années d’occupation prouvées par le contribuable pour un usage personnel comptent double et, en cas d’alinéation d’une habitation à usage personnel, l’imposition est différée dans la mesure où le produit de la vente sert à l’acquisition ou à la construction en Suisse d’une habitation qui sert au même usage.
Bien que d’autres modèles de taxation des gains immobiliers existent dans les autres Cantons, notamment en prévoyant une progressivité des montants en fonction des montants concernés, d’autres cantons ont adopté le même modèle (que le vaudois) tandis que tous les cantons ont l’obligation de prévoir une taxation plus importante pour les gains réalisés à court terme (art. 12 al. 5 LHID). Plusieurs cantons appliquent des taux d’entrée de barème plus importants que sur Vaud : Argovie de 40%, Bâles-Ville à 60%, Genève à 50%, Fribourg à 35,2%, Nidwald à 36%, Thurgovie à 40%, Tessin à 31%. À noter que d’autres cantons qui utilisent l’autre système connaissent un taux d’entrée de barème, pour les gains les plus hauts réalisé durant les premières années, supérieur à 30% (Appenzell RI, Uri, Zug, Zurich)[1].
Dans le contexte particulièrement tendu des finances publiques vaudoises et au vu des pratiques de plusieurs autres cantons, il paraît nécessaire d’interroger le barème vaudois de taxation des gains immobiliers. Notons en outre qu’au moment de proposer la loi sur les impôts directs cantonaux en 2000 et de proposer le modèle et le barème que le Canton applique à l’heure actuelle, le Conseil d’Etat de l’époque proposait un contre-projet à l’initiative Michel Haldy et consorts qui demandait notamment une entrée de barème de 50% et un taux minimal de 20% après plusieurs années[2].
La motion propose de maintenir le principe de l’impôt dégressif et la durée actuelle, n’ouvre pas la question d’une progressivité des taux en fonction des montants, et ne remet ni en question la prise en compte en double des années d’occupation d’un bien par le contribuable concerné ni la possibilité de différer l’imposition lors que le produit d’une vente d’une habitation pour usage personnel sert à l’acquisition ou à la construction d’un nouveau bien d’habitation qui sert le même but. Le texte se contente de fixer un taux maximal de 40 % pour les ventes à court terme et un taux minimal de 8 % pour les détentions très longues.
Les signataires de la présente motion ont donc l’honneur de demander au Conseil d’Etat de proposer une révision de l'article 72 de la Loi sur les impôts directs cantonaux afin d’instaurer un barème révisé de l’impôt sur les gains immobiliers, en maintenant la durée de dégressivité actuelle, avec un nouveau taux maximal de 40 % (avant 1 an) et un nouveau taux minimal de 8 % (dès 24 ans).
Les recettes totales de l’impôt sur les gains immobiliers représentant un montant de 210 mios aux budget 2025 et 2026 et en se fondant sur une augmentation moyenne des recettes de 25% (voir exemple ci-dessous) grâce à la présente motion, les nouvelles recettes escomptées se montraient à +52,5 mios.
À titre d’exemple, le barème pourrait être structuré comme suit :
| Durée de possession | Taux d’imposition proposé |
|---|
| Jusqu'à 1 an | 40% |
| 1 an - 2 ans | 36% |
| 2 ans - 3 ans | 33% |
| 3 ans - 4 ans | 30% |
| 4 ans- 5 ans | 27% |
| 5 ans - 6 ans | 25% |
| 6 ans - 7 ans | 23% |
| 7 ans - 8 ans | 22% |
| 8 ans - 9 ans | 20% |
| 9 ans - 10 ans | 19% |
| 10 ans - 11 ans | 18% |
| 11 ans - 12 ans | 18% |
| 12 ans - 13 ans | 16% |
| 13 ans - 14 ans | 16% |
| 14 ans - 15 ans | 15% |
| 15 ans - 16 ans | 14% |
| 16 ans - 17 ans | 13% |
| 17 ans - 18 ans | 13% |
| 18 ans - 19 ans | 12% |
| 19 ans - 20 ans | 12% |
| 20 ans - 21 ans | 10% |
| 21 ans - 22 ans | 10% |
| 22 ans - 23 ans | 9% |
| 23 ans - 24 ans | 9% |
| dès 24 ans | 8% |
[1] Pour une revue relativement récente des taux d’imposition des gains immobiliers par les cantons en Suisse : https://www.ubs.com/ch/en/services/guide/mortgages-and-financing/articles/property-gains-tax.html
[2] Voir page 797 du bulletin du Grand Conseil du 30 mai 2000 : https://www.scriptorium.ch/zoom/288101/view?page=797&p=separate&tool=info&view=0,0,1717,2471
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
| Signataire | Parti |
|---|---|
| Denis Corboz | SOC |
| Kilian Duggan | VER |
| Hadrien Buclin | EP |
| Géraldine Dubuis | VER |
| Cédric Echenard | SOC |
| Yves Paccaud | SOC |
| Laure Jaton | SOC |
| Stéphane Balet | SOC |
| Alberto Mocchi | VER |
| Yannick Maury | VER |
| Pierre Zwahlen | VER |
| Valérie Zonca | VER |
| Yolanda Müller Chabloz | VER |
| Sylvie Podio | VER |
| Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
| Eliane Desarzens | SOC |
| Claire Attinger Doepper | SOC |
| Felix Stürner | VER |
| Nathalie Vez | VER |
| Sandra Pasquier | SOC |
| Cendrine Cachemaille | SOC |
| Vincent Jaques | SOC |
| Sébastien Cala | SOC |
| Virginie Pilault | SOC |
| Laurent Balsiger | SOC |
| Sébastien Kessler | SOC |
| Didier Lohri | VER |
| Romain Pilloud | SOC |
| Carine Carvalho | SOC |
| Olivier Gfeller | SOC |
| Thanh-My Tran-Nhu | SOC |
| Alexandre Rydlo | SOC |
| Théophile Schenker | VER |
| Marc Vuilleumier | EP |
| Patricia Spack Isenrich | SOC |
| Jean Valentin de Saussure | VER |
| Joëlle Minacci | EP |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLe budget 2026 de l’Etat de Vaud annonce un déficit de 331 millions de francs et un programme d’austérité de 305 millions. Ces chiffres traduisent une situation problématique, mais aussi une orientation politique très claire : tailler dans les prestations, dans les salaires et dans les communes plutôt que de réfléchir à de nouvelles recettes. Parmi les mesures proposées, la réduction de la part des communes de l’impôt sur les gains immobiliers a déjà fait beaucoup parler. Selon le projet du gouvernement, la part communale passerait de 42 % à 23 % pendant 2 ans, soit une perte estimée à 39 millions de francs par an pour les communes. Ce choix est très problématique pour les communes, mais surtout, à la lecture de la presse, il ne convainc manifestement personne.
La présente motion, qui traite aussi de l’impôt sur les gains immobiliers, propose une alternative assez simple et, surtout, plus juste : agir sur les recettes au lieu de puiser dans le porte-monnaie des communes. Cet impôt, rappelons-le, ne touche de loin pas toute la population, puisqu’il se concentre sur les plus-values réalisées lors de ventes immobilières. Grâce à sa dégressivité, en fonction du nombre d’années de possession, il taxe davantage les ventes rapides, spéculatives et beaucoup moins les détentions longues. En outre, deux dispositifs protègent les personnes qui vendent le bien dans lequel elles habitent : la prise en compte à double des années d’occupation personnelle et le report d’imposition en cas de réinvestissement dans une nouvelle habitation principale. Cet impôt est donc un outil qui protège les propriétaires de leur logement et qui joue un rôle essentiel de lutte contre la spéculation immobilière, cette spéculation qui fait flamber les prix, qui raréfie les logements et qui rend notre canton de plus en plus inaccessible pour les classes moyennes.
Or, aujourd’hui, le barème vaudois est relativement bas en comparaison d’autres cantons. Chez nous, le taux maximal est de 30 % pour les ventes à court terme, alors qu’il atteint 35 % à Fribourg, 36 % à Nidwald, 40 % en Argovie ou en Thurgovie, 50 % à Genève et 60 % à Bâle-Ville. Par conséquent, la motion propose une révision mesurée, un taux maximal porté à 40 % – + 10 % – pour les ventes réalisées dans l’année, un taux minimal de 8 % pour les détentions supérieures à 24 ans – + 1 % seulement.
La motion ne remet pas en question les protections actuelles des propriétaires qui vendent le bien dans lequel ils habitent. Le barème revisité par cette motion se concentre sur les ventes spéculatives et aligne le Canton sur la pratique de plusieurs autres cantons, tout en assurant un rendement supplémentaire estimé au bas mot – je tiens à le souligner – à plus de 50 millions de francs par an, soit près d’un sixième du déficit prévu.
En résumé, cette motion vise à rééquilibrer l’effort budgétaire, préserve les communes, renforce la justice fiscale et la lutte contre la spéculation, propose des recettes durables qui représentent une alternative importante aux coupes dans les prestations publiques. Enfin, elle envoie un message : ceux qui réalisent des plus-values importantes sur le marché immobilier peuvent et doivent contribuer davantage à l’effort collectif.
Retour à l'ordre du jourLa motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.