25_POS_40 - Postulat Romain Pilloud et consorts au nom de la commission chargée de traiter le postulat "25_POS_14 - Barber shops (...)" - Barber shops : Lutter contre les abus, maintenant et pour longtemps ! (Développement et demande de prise en considération immédiate).
Séance du Grand Conseil du mardi 26 août 2025, point 13 de l'ordre du jour
Texte déposé
Depuis plusieurs années, de nombreux articles de presse, reportages et témoignages font état d’une difficulté croissante pour les salons de coiffure « traditionnels » à faire face à une concurrence importante des « barber shops », devenus très populaires. Cette tendance ne cesse de se renforcer, avec des craintes majeures de concurrence déloyale, de non-respect de la CCT (de force obligatoire), de non-respect de la loi sur le travail voire de blanchiment d’argent. Certaines de ces craintes, malheureusement, se confirment.
La commission paritaire, composée des partenaires sociaux, renforce par ailleurs ses contrôles et notamment ses contrôles inopinés, dans le cadre de la vérification du respect de la CCT, depuis plusieurs années, même si ces contrôles restent insuffisants en raison d’un manque de moyens. La commission paritaire a réalisé les contrôles suivants en 2024 dans le Canton de Vaud : 28 entreprises ont été contrôlées (101 personnes) en 2024. Sur les 28 contrôles, 100% des entreprises ont eu au moins une infraction à la CCT. 78% d’entre elles ont commis des infractions liées aux dispositions salariales, touchant 60% des personnes salariées. Quant aux infractions aux dispositions relatives à la durée du travail et aux autres dispositions de la CCT, 96% des entreprises sont concernées, pour 99% des personnes salariées.
En parallèle, les suspicions de blanchiment d’argent voire de traite d’êtres humains sont nombreuses. Fedpol indique aussi, dans sa présentation de la situation en matière de traite d’êtres humains en 2024[1] (page 8), l’élément suivant :
« Au cours des dernières décennies, une forte augmentation du nombre (…) d'établissements de coupe, rasage et entretien de la barbe (barber shops) a été observée dans les villes suisses et de l'autre côté de la frontière dans nos pays voisins. (…) Les contrôles effectués témoignent régulièrement de conditions de travail et de séjour douteuses ainsi que de lacunes administratives concernant l'activité, ce qui requiert un travail de clarification considérable. Ces contrôles ont également révélé la possession illégitime de documents d'identité de ressortissants Schengen, falsifiés ou authentiques. On présume que ces établissements exploitent le travail de leur personnel »
La situation est donc grave. Le manque de contrôles, le manque de moyens de la branche, les suspicions relatives au blanchiment d’argent ou à la traite d’êtres humains portent atteinte aux employeurs honnêtes, aux travailleuses et travailleurs ; à toutes les personnes travaillant dans ce secteur et potentiellement exploitées ; à l’image de la branche ; aux droits fondamentaux.
La commission chargée de traiter le postulat « 25_POS_14-R. Pilloud-Barber shops : Des contrôles à passer au peigne fin » a reconnu les différentes problématiques soulevées par le postulant et propose, compte tenu des discussions durant la commission, de déposer un nouveau projet de postulat au nom de celle-ci, proposant de mettre l’accent sur des mesures fortes afin de lutter contre les potentielles activités et actions illégales. Le rapport de commission relatif au traitement du postulat susmentionné peut être lu ici.
A ce titre, le présent postulat demande au Conseil d’État d’étudier l’opportunité de mener les actions suivantes
- Analyser les possibilités de renforcer les actions et collaborations avec les partenaires sociaux via la Commission paritaire et les partenaires sociaux en matière de contrôle du non-respect de la CCT ;
- Mener une action forte et coordonnée en matière de lutte contre le blanchiment d’argent avec le concours et la coordination des acteurs concernés (notamment le Ministère public, la police cantonale, l’administration fiscale, etc.) ;
- Renforcer les contrôles de la DGEM en tant qu’organe de contrôle sur le travail au noir et des normes de santé et de sécurité au travail ;
- Renforcer les contrôles fiscaux afin d’identifier d’éventuelles incohérences entre revenus déclarés et l’activité réelle ;
- Prendre toute autre mesure permettant de lutter efficacement et durablement contre toutes les actions potentiellement illégales dans ce domaine, que ce soit en matière de non-respect du droit du travail, de blanchiment d’argent, de traite d’êtres humains.
Il est rappelé par les postulants l’importance de coordonner les réflexions, stratégies et actions entre acteurs institutionnels, directions et services de l’Etat à des fins de cohérence et d’efficacité.
[1]https://www.fedpol.admin.ch/dam/fedpol/fr/data/kriminalitaet/menschenhandel/berichte/lagebild-mh-schweiz-2024.pdf.download.pdf/lagebild-mh-schweiz-2024-f.pdf
Conclusion
Prise en considération immédiate
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Muriel Thalmann | SOC |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Jacques-André Haury | V'L |
Aurélien Demaurex | V'L |
Laurence Bassin | PLR |
Sébastien Kessler | SOC |
David Vogel | V'L |
Julien Eggenberger | SOC |
Kilian Duggan | VER |
Vincent Bonvin | VER |
Monique Hofstetter | PLR |
Jean-François Cachin | PLR |
Sandra Pasquier | SOC |
Carole Schelker | PLR |
Nicolas Suter | PLR |
Martine Gerber | VER |
Nathalie Jaccard | VER |
Yann Glayre | UDC |
Carine Carvalho | SOC |
Laurent Balsiger | SOC |
Eliane Desarzens | SOC |
Vincent Jaques | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Sylvie Podio | VER |
Cédric Echenard | SOC |
Monique Ryf | SOC |
Joëlle Minacci | EP |
Valérie Zonca | VER |
Isabelle Freymond | IND |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Yves Paccaud | SOC |
Géraldine Dubuis | VER |
Felix Stürner | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Pierre-André Romanens | PLR |
Nathalie Vez | VER |
Yannick Maury | VER |
John Desmeules | PLR |
Laure Jaton | SOC |
Céline Misiego | EP |
Circé Fuchs | V'L |
Théophile Schenker | VER |
Aude Billard | SOC |
Anne-Lise Rime | PLR |
Graziella Schaller | V'L |
Marion Wahlen | PLR |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Mathieu Balsiger | PLR |
Michael Wyssa | PLR |
Regula Zellweger | PLR |
Bernard Nicod | PLR |
Olivier Petermann | PLR |
Sergei Aschwanden | PLR |
Marc Morandi | PLR |
Chantal Weidmann Yenny | PLR |
Philippe Germain | PLR |
Hadrien Buclin | EP |
Jean-Marc Udriot | PLR |
Jerome De Benedictis | V'L |
Maurice Gay | PLR |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLors de la commission chargée de traiter mon postulat sur les barbershops, toutes et tous les commissaires ont reconnu que la situation actuelle n’était pas tenable. Concurrence déloyale, contrôles insuffisants, problèmes supposés de blanchiment d’argent, sous-enchère salariale, travail au noir : les critiques n’ont pas été tendres pour décrire ce qui est, selon la commission, une situation inquiétante.
Le domaine de la coiffure est malmené, chahuté dans notre pays et dans notre canton. Les travailleurs et travailleuses en souffrent, les entrepreneurs et les entrepreneuses en souffrent également. Les personnes exploitées ou victimes d’abus sont en première ligne, et les contrôles actuels ne sont pas suffisants, que ce soit en matière de lutte contre le travail au noir ou, plus globalement, concernant le respect de la Convention collective de travail (CCT) dans un domaine où les moyens des partenaires sociaux sont limités. En matière de concurrence déloyale – un sujet fortement émotionnel pour les coiffeuses et coiffeurs traditionnels, ou pour les barbiers qui ont aussi un savoir-faire et dont l’image est cabossée – le travail de toute une vie est parfois remis en question à cause de la situation, qui a probablement déjà entraîné trop de fermetures de salons traditionnels.
Après le dépôt du postulat de votre serviteur, la commission a souhaité marquer la situation en demandant d’agir plus largement, plus fortement, plus vite, dans une approche coordonnée. Car sous l’angle de tout ce qui vient d’être évoqué, ce sont plusieurs départements et institutions qui devront être mobilisés pour que les choses changent : fiscalité, économie, partenaires sociaux, police, ministère public… Les commissaires évoquent une action coordonnée, mais aussi des actions coup de poing, afin que les choses changent. Il y a encore quelques semaines, on apprenait dans la presse genevoise qu’un réseau de prostitution de mineurs venait d’être démantelé dans un barbershop. C’est choquant de lire ce genre de choses et d’imaginer que ce lieu puisse être utilisé à des fins criminelles, à des fins de destruction de la dignité humaine.
Je remercie très chaleureusement mes collègues de la commission, co-porteurs de ce postulat, pour l’esprit collaboratif de nos échanges, ainsi que le secrétaire de commission parlementaire, M. Lambelet, qui nous a aidés dans notre démarche. Mieux qu’un compromis, c’est un nouveau postulat, se réclamant d’une unanimité, qui vous est proposé ici. Pour avancer vite et fort, les dépositaires de ce postulat, représentants de tous les groupes de ce plénum, vous demandent donc de le soutenir celui-ci et de voter en faveur d’une prise en considération immédiate.
La discussion est ouverte.
Je confirme que ce que vient de dire M. Pilloud est tout à fait correct. La commission soutient entièrement le nouveau postulat qui a été, en gros, un petit peu augmenté – on va dire cela ainsi. Juste une précision : M. Pilloud a dit « toutes et tous », ce n’est pas vrai ! C’étaient tous les commissaires, parce qu’il n’y avait que des hommes dans cette commission sur les barbershops ; les femmes n’étaient apparemment pas concernées… Concernant la position du Conseil d’Etat, l’une des questions soulevées s’intéressait au nombre de contrôles. En l’occurrence, ce n’est pas si facile, étant donné qu’une bonne partie des personnes qui travaillent dans ces barbershops ne sont pas employées, mais louent des sièges. C’est un moyen de contourner la loi, un problème complexe à traiter.
Comme l’a dit M. Pilloud, je confirme qu’il y a une concurrence déloyale – cela a d’ailleurs été admis par tout le monde. Le fait qu’il y ait du travail au noir a également été admis par les services de l’Etat, de même que la traite d’êtres humains. Nous avons aussi noté une hausse extrêmement massive des barbershops, qui semblait dépasser le nombre de clients potentiels. De fait, il y a également un risque de blanchiment d’argent, mais cela ne relève plus de la compétence de la Direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM).
Dès lors, vu qu’il fallait consulter plus de monde – dont les services de M. Venizelos, le ministère public et l’administration cantonale des impôts – nous avons, en accord avec M. Pilloud, demandé deux ou trois ajouts au postulat. Je vous encourage donc à le soutenir et à le renvoyer directement au Conseil d’Etat. Cela nous fera gagner plusieurs mois, et nous évitera de devoir reconvoquer tout le monde pour refaire une séance, afin de savoir si on est d’accord qu’il nous fournisse un rapport. Dès lors, je vous encourage, ainsi que l'ensemble des commissaires de la commission, à soutenir le postulat augmenté de M. Pilloud et à le renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Le Conseil d'Etat salue la nouvelle rédaction de ce postulat. En effet, il n’est pas nécessaire de passer par une commission ; nous pourrons y répondre directement. Je vous remercie d'avoir élargi le postulat, puisque la DGEM ne peut vérifier que l'application des lois qui concernent le droit du travail. Il était donc nécessaire de reformuler une partie du postulat. Tout en respectant la séparation des pouvoirs, il m’est possible de vous indiquer que le Ministère public, la DGEM et la police sont en contact et collaborent dans l'optique d'une action coordonnée. Dès lors, nous pourrons répondre à ce postulat en vous donnant davantage de renseignements.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le postulat, pris en considération, est renvoyé au Conseil d’Etat par 118 voix.