25_RES_11 - Résolution Céline Baux - Garantir le maintien de l’accès à des soins de proximité dans tout le Canton.
Séance du Grand Conseil du mardi 19 août 2025, point 63 de l'ordre du jour
Texte déposé
De part cette résolution, le Grand Conseil demande au Conseil d’État de garantir le maintien de l’accès à des soins de proximité dans tout le Canton, en accord avec la planification hospitalière de 2024, afin de prévenir l’apparition de déserts médicaux et d’assurer une couverture médicale équitable, digne, humaine et accessible pour toutes et tous.
Dès lors, le Grand Conseil invite le Conseil d’État à intégrer ces principes dans ses décisions budgétaires et stratégiques en matière de santé.
Transcriptions
La résolution étant soutenue par une large majorité du plénum, le président ne demande pas l’appui de 20 membres.
Tout d’abord, je vous remercie d’avoir accepté la modification de notre ordre du jour. En montagne, le jour de la mi-été est un jour de fête. Mais ce ne fut clairement pas le cas cette année pour la Vallée de Joux et le district Riviera-Pays-d’Enhaut. Le 15 juillet, le ciel est littéralement tombé sur la tête des habitants de ces régions périphériques. Tout a commencé par un coup de téléphone – probablement déclenché par des fuites dans la presse – suivi d’un article, puis d’un courrier officiel, accompagné de ses annexes, signé par Mme la présidente du gouvernement et son chancelier.
Le message est clair, le Canton fait face à des difficultés financières et, pour y remédier, on commence par couper dans la santé. Résultat : 20 millions d’économies imposées à la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV). Dans le détail : 3 millions pour le Pôle Santé de la Vallée de Joux (PSVJ), 4,6 millions pour le Pôle Santé du Pays-d’Enhaut, 1,1 million pour Riveneuve. C’est une mise à mort pure et simple du projet des Pôles. Un projet initié par M. Maillard, un projet complexe, ambitieux, coûteux, suivi par le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) qui, jusqu’à mi-juillet, n’avait jamais laissé entrevoir l’ombre d’un tel revirement. Et puis soudain, une lettre expédiée « à la va-vite », juste avant les départs en vacances. J’espère que ces vacances ont été reposantes pour les membres du Conseil d’Etat, parce que pour les comités, les conseils de fondation, les autorités locales et les régions concernées, ce fut tout sauf une période de repos. Je vous lis un extrait du courrier daté du 11 juillet reçu par le Pôle Santé du Pays-d’Enhaut : « En effet, l’ampleur des coupes annoncées remet en cause de manière fondamentale vos missions. Dès lors, il nous apparaît indispensable que le PSVJ – alors que nous sommes le PSPA – prenne des mesures de restructuration, incluant l’arrêt d’activités stationnaires et ambulatoires, permettant d’assurer sa pérennité financière. » Les conséquences concrètes de cette fermeture des activités stationnaires et ambulatoires sont les suivantes : plus de dialyse, plus de chimiothérapie, plus d’urgences et plus de lits d’hôpital. Voilà, c’est dit !
Après nous avoir accompagnés pendant des années, soutenu le projet des pôles, après avoir fait miroiter un décret, le canton choisit de commencer à revoir son budget sur le dos des régions périphériques. Vous savez, chez nous, il n’y a pas de gymnase, pas d’université. C’est bien normal. Alors que font les parents des jeunes qui font des études ? Ils assument ; ils payent des abonnements Mobilis ou des abonnements généraux au plus haut prix, des collocations en ville. Ils financent les repas de leurs enfants… et tout cela, sans pouvoir déduire un centime de plus de leur déclaration d’impôt qu’une famille aux revenus similaires vivant à Chavannes. Ce n’est pas équitable, mais c’est le prix à payer lorsqu’on a le privilège de vivre à la montagne – et nous l’acceptons. Mais par vos coupes, mesdames et messieurs les conseillers et conseillères d’Etat, vous détruisez, dans le Pays-d’Enhaut, le secteur qui offre le plus d’emplois à la population, avec un nombre conséquent de places d’apprentissage. Vous mettez au péril son pôle, celui de la vallée et Riveneuve. Vous condamnez nos aînés à mourir seuls à Rennaz. Comment allons-nous veiller nos proches, leur rendre une courte visite qui leur réchauffe le cœur quand le trajet pour se rendre à l’hôpital en transports publics prend de 1 h 47 – 2 heures depuis Rougemont ? Voulez-vous vraiment que les gens de la montagne s’ajoutent au grand nombre de personnes qui attendent des heures dans les urgences des hôpitaux des villes ?
Je vais m’arrêter quelques instants de lire ce que j’ai écrit et vous parler d’expériences personnelles. On ne doit pas parler d’expérience personnelle dans un plénum, mais je vais quand même le faire. Il n’y a pas longtemps, un ami proche de 80 ans a passé 10 jours à l’hôpital. Une infection générale, pas trop grave : antibiotiques et intraveineuse ont suffi à le soigner. Sa femme a pu venir le trouver le matin et l’après-midi. Bien qu’elle n’aime pas beaucoup l’hôpital, cette grand-maman a encore pu faire à manger à ses petits-enfants à midi et aller trouver son mari. C’était pendant l’hiver. Maintenant, imaginez cette dame de 80 ans descendre le Col des Mosses avec sa voiture ou prendre le train… L’aller-retour pour aller voir son mari lui prendrait 4 heures.
La femme de mon parrain, 55 ans, après s’être battue pendant 10 ans contre un épouvantable cancer s’est éteinte à l’hôpital de Château-d’Œx, il y a quelques années. Elle avait 4 enfants dont le plus jeune n’avait pas le permis de conduire. Après avoir fait des chimios, tout ce qu’elle pouvait, elle a vécu ses deux dernières semaines dans son lit d’hôpital, veillée par les siens. Son fils pouvait aller la trouver à pied depuis sa place d’apprentissage. Son mari agriculteur pouvait traire ses vaches le matin et le soir sans avoir besoin de prendre sa voiture pour aller trouver son épouse. Il pouvait même y aller la nuit sans souci.
Le fils d’un de mes meilleurs amis s’est battu pendant deux ans contre un cancer. Quand le CHUV n’a plus rien pu faire pour lui – il avait alors 19 ans – il l’a laissé retourner à l’hôpital de Château-d’Œx. Sa maman a pu le veiller jour et nuit. Elle a pu rapidement passer quelques heures à la maison pour se ressourcer, en sachant qu’après un coup de fil, elle pouvait être auprès de lui en un quart d’heure. Son papa a pu continuer à travailler, parce qu’après deux ans de maladie, on n’a plus de congés maladie pour s’occuper de ses enfants. Il pouvait vite aller le voir à midi pour passer un peu de temps avec lui. Cet enfant de 19 ans a pu s’endormir, entouré par les siens, en regardant les montagnes. Puis il y a Christine, mon amie d’enfance, qui est décédée à 40 ans d’un cancer foudroyant. Christine est partie de la nuit du 14 au 15 avril 2007. Elle était seule dans une chambre du sud.
Bien sûr, nous sommes privilégiés, au Pays-d’Enhaut ou à la Vallée, d’avoir des hôpitaux de proximité. Nous en sommes parfaitement conscients. Mais si l’hôpital de Château-d’Œx disparaît, comme j’ai eu l’occasion de le dire, il faudra passer deux heures dans les transports publics pour se rendre jusqu’à l’Hôpital de Rennaz – et encore plus pour aller jusqu’au CHUV ou jusqu’à Fribourg. Oui, les missions des pôles ont un certain coût, mais ces coûts sont nécessaires pour suivre la planification hospitalière entrée en vigueur il y a un an et demi. Durant ces derniers mois, les directions ont travaillé sans relâche pour améliorer leur situation financière : remises en question, restructurations, efforts budgétaires. Nous savons ce que le Canton nous donne, mais nous estimons aussi avoir le droit à des soins de proximité.
Je dépose cette résolution aujourd’hui pour inciter le Canton à faire marche arrière sur les coupes annoncées – il en va de l’équité de traitement envers la population de notre canton – et je vous prie de la soutenir sans réserve.
La discussion est ouverte.
En préambule, je remercie notre collègue Céline Baux pour son texte et pour son témoignage poignant. Ce n’est pas simple de s’exprimer après cela. Il va de soi qu’en tant que président du Pôle Santé Vallée de Joux et député du sous-arrondissement de la Vallée de Joux, je vais soutenir cette résolution. Je ne vais toutefois pas le faire à ce titre uniquement, je vais le faire parce que, en tant que député socialiste et habitant d’une région périphérique, je ne peux qu’être en total désaccord avec la vision que le Conseil d’Etat porte au travers de ces coupes annoncées dans le système de santé. Je suis en total désaccord quant au rôle de l’Etat et de ce que doit être un service public et parapublic. Assurer l’accessibilité aux soins à la population est une tâche de base, une compétence essentielle de l’Etat. Les coupes annoncées remettent en question cette prérogative régalienne fondamentale. Ces coupes remettent aussi en question le système de santé dans son fonctionnement actuel et dans la manière dont il s’est construit et dont il a été pensé durant les 15 dernières années.
Certaines institutions voient leur survie remise en question, d’autres devront restructurer leurs services en profondeur. In fine, les coupes annoncées vont déstabiliser l’ensemble du système de santé qui connaît déjà une période très compliquée. En 2024, il n’y a en effet que deux hôpitaux qui n’ont pas terminé l’année en déficit. Certaines structures importantes – je pense à l’Hôpital Riviera-Chablais (HRC), aux Établissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV) – font déjà face à des déficits et voient leurs subventions amputées de manière conséquente. Il ne faut pas imaginer que ces coupes se feront sans douleur. Ces coupes engendreront assurément des suppressions de prestations pour la population et des licenciements.
Derrière le système de santé, il y a des hommes et des femmes, des patients et des patientes, des travailleurs et des travailleuses qui mettent tout en œuvre pour prendre soin de la population. Le système de santé a été construit pour assurer un accès aux soins partout dans le canton. Fermer des structures hospitalières en régions périphériques, réduire les prestations des hôpitaux régionaux ou des réseaux de santé, cela revient à renforcer les inégalités quant à l’accès aux soins. Cela va retarder la prise en charge des patientes et des patients. Les malades seront diagnostiqués et traités plus tardivement, ce qui engendrera des traitements plus lourds, des morbidités, des décès. In fine, cela coûtera plus cher au système de santé et pèsera sur les primes d’assurance-maladie. Voilà en somme une mesure court-termiste proposée par le Conseil d’Etat, qui, pour améliorer le dernier chiffre de son tableau budgétaire, est prêt à revenir sur sa planification hospitalière entrée en vigueur en 2024, mettant les institutions dos au mur, engendrant sans aucun doute des licenciements massifs et creusant les inégalités d’accès aux soins.
Vous comprenez pourquoi je vous disais, en préambule, que je ne peux partager cette vision du service public et parapublic. La mienne est tout autre et ne se résume pas à une alignée de chiffres dans un tableau Excel. Le service public et parapublic est le garant de la cohésion sociale et de la solidarité territoriale, et il serait bien que le Conseil d’Etat s’en souvienne. A titre personnel, je vous encourage donc à soutenir cette résolution.
Je commence par déclarer mes intérêts à double titre, presque à triple, d’ailleurs : je suis municipale à la Vallée de Joux, députée de la Vallée de Joux et je suis aussi présidente de la FHV. Les annonces de juillet sur les coupes budgétaires 2026 pour les établissements sanitaires ont été un choc, à la fois pour les régions et les établissements concernés, mais aussi pour la faitière que je représente. L’ampleur des prévisions de ces coupes et leurs conséquences à très court terme impliqueraient – si elles étaient appliquées telles quelles – la fermeture pure et simple de deux des Pôles Santé et mettraient en difficulté d’autres établissements de la FHV. On ne peut, par exemple, couper entre 35 et 50 % des subventions dans une région périphérique – notamment dans les urgences et les ambulances – sans créer un danger sanitaire populationnel et une iniquité de traitement entre les citoyens vaudois. On ne peut pas réduire plus de 15 % du budget d’un établissement qui accueille les patients en fin de vie d’un coup de crayon : cet établissement est un havre de paix pour les personnes en souffrance dans leurs derniers instants de vie et leur famille. Il ne s’agit que de quelques exemples parmi d’autres, mais certainement les plus marquants.
Le canton est certes dans une situation économique difficile – nous le comprenons – mais des décisions finales aux conséquences aussi graves nécessitent des discussions et des analyses à très court terme sur les prestations qui ne pourront plus être assurées et pour savoir s’il est envisageable qu’elles ne le soient plus, ainsi qu’un minima des négociations sur le montant des coupes. A moyen terme, et c’est très important, il faut du temps pour adapter les missions et les faire évoluer. Dans tous les cas, je m’engage à œuvrer pleinement pour trouver des chemins qui puissent apporter une issue commune. Je vous encourage donc à soutenir cette résolution
Les Verts et les Vertes, depuis de nombreux mois, ont joué les oiseaux de mauvais augure, rappelant qu’une baisse des moyens de l’Etat allait entraîner des diminutions de prestations. On nous riait alors au nez : « Aucune prestation ne sera coupée. », « L’Etat est gras : » ou « Nous pouvons faire plus avec moins. » Et voilà que les premières décisions tombent et touchent de plein fouet un secteur déjà fortement fragilisé, le domaine sociosanitaire vaudois. Deux constats peuvent être relevés face à la situation annoncée cet été : faire le choix politique de la coupe linéaire en mettant sur un pied d’égalité un service régalien essentiel comme celui de la santé publique et la promotion économique ou le développement routier est une ineptie. Couper dans le financement de la santé entraîne des conséquences graves et directes pour la population et notre système de santé : limitation de l’accès aux soins, augmentation des frais à la charge des patients – et donc l’émergence d’une médecine à deux vitesses – augmentation du renoncement aux soins. La qualité des services médicaux se détériore en raison de la pénurie du personnel, du manque de moyens et de la surcharge des structures. Ce désengagement aggrave les inégalités sociales et territoriales, affecte la santé publique avec une hausse des maladies évitables et provoque un mal-être généralisé chez les soignants et les soignantes. A long terme, cela affaiblit la productivité économique et génère des coûts plus élevés, faisant du sous-financement un choix inefficace et socialement injuste.
Le cynisme du Conseil d’Etat va jusqu’à relever comme argument pour les coupes les financements par habitant qui diffèrent fortement entre nos régions. Ce que notre gouvernement semble omettre de prendre en compte, ce sont les déterminants sociaux, démographiques et géographiques entre nos régions qui expliquent en grande partie ces différences. La faible densité de population amène à une sous-utilisation des infrastructures de santé en comparaison avec des régions plus densifiées, urbaines, tout en ne diminuant pas proportionnellement le coût de fonctionnement. Le vieillissement de la population est aussi un facteur expliquant les besoins différents entre les zones rurales et urbaines. En effet, en zone rurale, la population âgée est souvent plus importante, avec des besoins médicaux spécifiques. Cela nécessite un niveau de service adapté, donc des coûts plus élevés par habitant. Il y a aussi moins de services alternatifs dans ces régions éloignées, moins de médecins de famille, de pharmacie ou de centres médicaux privés. L’hôpital devient alors une structure polyvalente essentielle, concentrant plus de fonctions qu’ailleurs, justifiant un financement important pour maintenir un accès de base aux soins. De notre point de vue d’écologistes, les caractéristiques démographiques et les inégalités liées au territoire sont des déterminants sociaux majeurs qui expliquent pourquoi la Vallée de Joux et le Pays-d’Enhaut nécessitent un financement cantonal par habitant bien supérieur à la moyenne. Ce financement compense les désavantages structurels pour assurer une équité d’accès aux soins à toute la population vaudoise.
Finalement, en tant que Verts et Vertes, nous continuerons aussi à veiller à la préservation des moyens dans le domaine de l’environnement. Ce n’est pas un sujet si éloigné, car la santé publique ne se limite pas aux soins. Elle englobe tout ce qui influence la santé au niveau du collectif, y compris l’environnement, qui, vous le savez, joue un rôle central dans la santé humaine. Une préservation de l’environnement revient à s’assurer de la qualité de l’air que nous respirons, de l’eau que nous buvons, des aliments que nous consommons. Le changement climatique, les substances toxiques et la dégradation des écosystèmes augmentent aussi les risques sanitaires à grande échelle. Couper dans les budgets ou les actions liées à l’environnement et à la santé mettrait donc en danger ces missions premières de l’Etat, et aggraverait les inégalités sociales en entraînant des coûts bien plus élevés à long terme pour notre système de santé. Investir dans la protection de l’environnement, c’est investir dans la prévention des maladies, la qualité de vie, la durabilité de notre système de santé. Nous devons donc aujourd’hui faire preuve de solidarité et de soutien envers nos régions périphériques. N’oublions pas non plus que la crise du domaine sociosanitaire vaudois ne s’éteindra clairement pas avec des coupes. Les Verts soutiendront donc cette résolution à l’unanimité. J’aurais dû commencer par déclarer mes intérêts : je suis présidente de l’association du Réseau Santé Nord Broye.
Je déclare mes intérêts : je suis membre du Comité directeur des EHNV, mais j’interviens à titre personnel et non pas en poisson-pilote. Cet été, les hôpitaux ont aussi reçu le même type de courrier que les Pôles Santé – avec la même interrogation, voire la même inquiétude. Si nous comprenons les problèmes financiers du canton, nous regrettons la manière dont le courrier en question nous est parvenu – un courrier sans commentaire. Je rappelle que les hôpitaux tournent difficilement et baisser les aides va évidemment être problématique pour tous ces hôpitaux, que ce soit dans le Nord-Vaudois ou ailleurs. Je crois que nous devons travailler ensemble, sans recevoir des décisions brutes qui nous parviennent sans discussion. Certes, on peut améliorer la situation, redessiner les prestations, se parler entre différents secteurs et les différents hôpitaux – que ça soit dans ma région, Orbe, Saint-Loup, Sainte-Croix et Yverdon. Encore une fois, les hôpitaux peuvent le faire, mais cela doit se faire avec eux et pas « à la hache ». Faisons ce travail d’optimisation ensemble, mesdames et messieurs du Conseil d’Etat – même s’il n’y a qu’une conseillère d’Etat présente parmi nous.
Pour l’heure, je vous propose de soutenir cette résolution pour que le débat puisse avoir lieu. Gardons surtout à l’esprit les difficultés que peuvent rencontrer les régions – pas uniquement les Pôles Santé, mais aussi les hôpitaux – pour pouvoir fournir une prestation sanitaire de qualité. Je pense que tout le monde le souhaite.
Vous le savez, le groupe Ensemble à Gauche et POP s’est toujours rangé du côté des services publics forts pour l’ensemble des habitantes et habitants de ce canton et de celles et ceux, nombreuses et nombreux, qui les font fonctionner. Dans les faits, vous pouvez reprendre les discussions d’entrée en matière lors des budgets de ces 25 dernières années et vous y trouverez toujours notre conviction fortement ancrée dans nos diverses prises de parole : le service public fera toujours mieux que le privé, parce qu’il doit être universel et jamais basé sur une logique de profit. Il faut donc le renforcer, pas le casser !
Reprenez encore les votes finaux de mon groupe des budgets des 25 dernières années et vous trouverez un non unanime. Et nous étions les seuls ! Cela avait valu à notre ancien collègue Dolivo cette remarque atrabilaire de l’ancien conseiller d’Etat en charge de la santé, M. Pierre-Yves Maillard : « Monsieur Dolivo, vous dites toujours non, c’est dans vos gènes. » Pourtant, les gènes du groupe Ensemble à Gauche et POP, tout comme ceux de M. Dolivo, sont – je me répète peut-être – d’avoir des services publics les meilleurs possibles, les plus forts pour toutes et tous, quelle que soit la position géographique de leur habitation. Nous avons essayé d’amender ces budgets – qui respiraient justement la santé – pour les améliorer, mais sans le moindre succès. La droite et la gauche, main dans la main, s’arrangeaient toujours pour passer quelques accords en amont. Ces accords, nous les avons aussi vus dernièrement lorsque nous discutions de la réponse institutionnelle à l’initiative dite des 12% : « Je te donne 7 % de baisse d’impôt et tu acceptes mes 9 millions pour la CCT-SAN. » Plutôt qu’une énième détérioration, nous avions préféré nous distancer de cette cuisine et voter non.
Justement, l’initiative des 12 %, que le peuple vaudois votera – puisque les initiants n’ont pas retiré leur texte – va entraîner une curée jamais vue dans ce canton. Et pas seulement dans le système de santé. Orchidée, finalement payée par les communes, ne fut qu’une aimable plaisanterie à côté. La période qui va suivre sera une austérité majeure à un moment politique où notre pays et notre canton, se retrouvent bien seuls sur la scène internationale, la faute à un alleingang mortifère porté par un parti nationaliste relativement puissant au niveau national. Alors même que la macroéconomie – si l’on adopte une posture résolument capitaliste, ce qui n’est pas du tout celle de mon groupe, vous en conviendrez – nous enseigne que l’Etat se doit d’être interventionniste en cas de déstabilisation des rapports économiques, il ne doit pas être cassé par une minorité d’ultra-privilégiés qui ont des relais très puissants au sein de ce Parlement. Ce n’est malheureusement pas le chemin que nous prenons. Le mantra de la droite de cet hémicycle – « faire plus avec moins d’argent » – même saupoudré de l’habituelle potion magique – « efficience et efficacité » – n’a jamais fonctionné nulle part. Jamais ! Il a engendré des coûts largement plus grands ensuite. Cela a toujours permis à la classe bourgeoise dominante de s’enrichir sur les plus précaires et la classe moyenne.
Revenons donc à cette résolution qui ne dit rien d’autre que ce que nous disons depuis toujours. Cette résolution, nous l’avons toutes et tous signée au sein du groupe Ensemble à Gauche et POP. Il faut des services publics forts, parce que ce n’est jamais sur le privé que l’on peut compter pour placer l’humain au centre de la réflexion, a fortiori, lorsqu’on parle de régions dites périphériques – la Vallée, le Pays-d’Enhaut ou Riveneuve, par exemple. Toutefois, il est piquant de remarquer que cette résolution est portée par une membre du comité de l’initiative dite des 12 %. Certes, heureuse habitante de Château-d’Œx, dont l’hôpital est directement touché, mais peut-être que lorsqu’on est touché par les conséquences de ses propres actions, la pilule est plus difficile à avaler. La première signataire est elle-même membre d’un groupe politique dont l’un des députés – M. Moscheni, pour ne pas le citer – s’est illustré en déposant une quantité astronomique et hebdomadaire d’objets parlementaires visant tous à attaquer le vaisseau amiral de la santé vaudoise, le CHUV, ainsi que toutes celles et tous ceux qui le font fonctionner. Une constance obsessionnelle qui force le respect, mais qui participe certainement aussi à l’engorgement du pipeline des interventions à traiter par le Secrétariat général et à la défiance de la population envers l’Etat.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra évidemment la résolution de Mme la membre du comité 12 % qui souhaite dépecer les services publics en asséchant les finances cantonales et de son groupe qui souhaite privatiser le CHUV – à tout le moins, ses services les plus rentables. Au sein du groupe Ensemble à Gauche et POP, nous avons toujours d’abord pensé au bien-être des Vaudoises et des Vaudois. Nous sommes convaincus que, quelle que soit la région où ils habitent, ils méritent le meilleur service public possible. Cela a un coût – un coût important – mais nous sommes prêts à l’assumer.
Je ne sais pas si nous parlons toujours de la résolution de Mme Baux ? A entendre les paroles de M. Keller, j’imagine que oui. Donc comme indiqué par ma collègue Céline Baux, mon groupe est conscient qu’il est nécessaire de trouver des pistes de réduction des coûts, mais ces réductions ne doivent en aucun cas péjorer l’activité de nos hôpitaux périphériques. Sur le fond, nous ne pouvons pas soutenir une telle démarche qui risque de mettre en péril la couverture des soins dans ces régions, ce qui viendrait accentuer les pénuries des services étatiques avec déjà la disparition, entre autres, d’offices postaux ou le regroupement de services de l’Etat dans les centres urbains. Il y a bien d’autres endroits où trouver des pistes d’efficience avant de couper arbitrairement dans de petits hôpitaux sans s’attaquer aux vrais problèmes. Les exemples donnés par notre collègue Baux sont sans appel pour démontrer en quoi ces hôpitaux de proximité peuvent changer la vie de personnes hospitalisées ainsi que pour leurs familles trop souvent oubliées dans des cas de longue hospitalisation et dont le temps est précieux pour passer le maximum de ces moments auprès des leurs.
Enfin, sur la forme, nous ne pouvons pas comprendre une annonce aussi importante en plein milieu de l’été, sans en discuter avec les partis de notre plénum pour expliquer le raisonnement sous-tendant ces annonces et en mettant devant le fait accompli les directions de ces hôpitaux et leurs employés qui ont appris cette nouvelle au plein cœur de leurs vacances.
Trois raisons me poussent à soutenir cette résolution : manque de courage, manque d’exemplarité, manque de finesse.
- Manque de courage : la décision estivale du Conseil d’Etat coule de fait les Pôles de santé en leur disant :« débrouillez-vous, faites avec 20, 25 ou 30 % de moins », tout en leur disant que le Conseil d’Etat ne veut pas du tout les couler et qu’il est très important qu’ils continuent. Si le Conseil d’Etat veut couler les Pôles de santé, il faut que Mme Ruiz se rende dans ces régions – Vallée-de-Joux, Château-d’Œx – et qu’elle leur explique qu’il faut fermer, parce que cela ne sert à rien. Ainsi, elle assumera au moins un peu la position du Conseil d’Etat. Par ailleurs, quitte à proposer 30 % de baisse, pourquoi pas un chiffre plus à la mode de 39 % ? On ne sait d’ailleurs pas d’où ce chiffre est sorti, mais c’est égal !
- Manque d’exemplarité : depuis 2022, le Conseil d’Etat est incapable de s’imposer à lui-même la moindre baisse de charge et le moindre contrôle des coûts. En revanche, il peut les imposer aux autres. Il impose aux autres ce qu’il n’est lui-même pas capable de faire.
- Manque de finesse dans la mise en place des grosses ficelles politiques : mes préopinants l’ont dit. La ficelle contre l’initiative des 12 % est tellement grosse qu’elle se voit à des kilomètres, l’idée est de dire « Regardez l’enfer dans lequel vous allez vivre si vous acceptez l’initiative des 12 % ». L’idée, c’est de faire peur à ces régions périphériques, parce que ces dernières votent majoritairement à droite. La ficelle est énorme, mais elle a été choisie par le Conseil d’Etat.
En conclusion, parce que le Conseil d’Etat impose aux autres ce qu’il est incapable de faire lui-même, parce que le Conseil d’Etat n’a pas le courage d’assumer sa politique, parce que le Conseil d’Etat utilise des ficelles énormes et maladroites, je vous propose de soutenir la résolution de notre collègue Baux. A titre personnel, je ne pourrais soutenir aucun budget si cette démarche qui consiste à faire porter les efforts sur tout le monde, sauf sur soi-même et à ses propres services, est maintenue par le Conseil d’Etat.
M. Cala s’est exprimé précédemment, mais en son nom personnel. Néanmoins, le groupe socialiste soutiendra évidemment sans réserve cette résolution, ce qu’elle représente, ce qu’elle défend. Mon collègue Sébastien Cala l’a dit, c’est une tâche régalienne de l’Etat qui est menacée. Le groupe socialiste a toujours mis au cœur de ses combats un accès universel au système de santé, peu importe où l’on vit, peu importe ses revenus. De manière générale, notre groupe défend l’ensemble des prestations de santé, donc les hôpitaux régionaux et les Pôles Santé qui proposent des soins coordonnés, ambulatoires, de proximité. Nul besoin de revenir sur les exemples extrêmement pertinents donnés : Riveneuve offre un accompagnement fondamentalement important pour les personnes en fin de vie, mais pas seulement. Notre groupe défend aussi l’ensemble de nos autres hôpitaux du canton : les hôpitaux de la FHV, mais aussi l’un des meilleurs hôpitaux universitaires au monde : le CHUV.
Madame Baux, vous avez raison, dans vos régions, de vous mobiliser pour défendre votre hôpital, vos soins coordonnés. Je vis dans le même district que vous ; j’ai entendu les mêmes inquiétudes que vous. Je ne peux que donc que les partager. Mais en début de mandat, les rênes de ce Canton ont changé de majorité. Le Conseil d’Etat disait d’ailleurs l’année passée dans un entretien qu’il ne souhaitait pas non plus revoir à la baisse les prestations et les services publics, malgré la baisse d’impôts. C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui. Nous sommes rentrés en période d’austérité. Ce n’est pas une vue de l’esprit ; cela a maintenant pour conséquences concrètes des baisses de prestations.
Au-delà de ce débat sur cette résolution – qui, j’en suis certain, sera largement soutenue – d’autres coupes sont prévues – ou prévisibles – ailleurs dans le domaine de la santé. Le CHUV va probablement connaître aussi des mesures d’austérité. Le CHUV soigne également nos proches, prend en charge nos malades, nos accidentés et accueille les proches de ces personnes. Ainsi, le groupe socialiste vous invite évidemment à soutenir cette résolution ; il rappelle l’importance de l’ensemble du système de santé et de son accès universel. Protégeons nos Pôles Santé, protégeons nos hôpitaux régionaux, mais protégeons aussi l’ensemble des prestations, également le personnel de santé. C’est ça le service public, c’est ça le service au public !
Le groupe PLR soutient à une large majorité la résolution qui nous est proposée. Les conclusions de cette dernière découlent du bon sens dans un Etat développé et démocratique tel que le nôtre. Effectivement, notre canton ne peut pas se permettre l’apparition de déserts médicaux et doit assurer une couverture médicale équitable, digne, humaine et accessible à toutes et tous. Nous regrettons la manière dont l’information a été délivrée au mois de juillet. Il n’en reste pas moins que le système de santé de notre canton ne peut pas être aujourd’hui un sanctuaire complètement tabou. Le groupe PLR veillera à ce que les valeurs développées par cette résolution soient défendues, mais que toutes les options pour maintenir un système de santé de pointe, universel, abordable pour toutes et tous, soient étudiées sans tabou.
Je crois qu’à ce stade, tout a été dit ; chacun y est allé de sa rhétorique. J’ai beaucoup aimé celle de M. Keller qui rebondit toujours sur les prises de position de certaines personnes par rapport à leurs économies, à leur façon de voir la vie. Je déclare mes intérêts, comme vous le savez toutes et tous, je suis d’une région périphérique qui a effectivement reçu un gros coup de hache avec le courrier du Conseil d’Etat arrivé début juillet – avec aucune réponse à la clé. Effectivement, ce courrier fait très peur, parce qu’en proportionnalité, cela représente 60 à 70 places de travail qui disparaissent. Même en tant qu’indépendant, et représentant d’un parti de droite, je pense que, pour des régions comme les nôtres, il n’est pas possible d’assumer une telle décision dans une temporalité aussi courte. Dès lors, cet après-midi, je suis très heureux d’entendre toutes vos prises de position qui vont finalement dans le sens de la résolution de Mme Baux. Je vous encourage toutes et tous à soutenir cette résolution, tout en sachant que les Pôles Santé vont devoir négocier : nous sommes toutes et tous conscients que des économies devrons être consenties, même au niveau de la santé. Je vous encourage à soutenir cette résolution, parce que je crois que, dans toutes les régions, la santé pour toutes et tous est nécessaire.
Périphéries, petits hôpitaux, soins de proximité, régions excentrées : cette résolution vise deux Pôles Santé, alors que d’autres établissements sont concernés par ces coupes. Certes, ils ont été cités oralement, mais ils ne sont pas intégrés dans cette résolution. Je pense que c’est bien dommage, parce que s’il doit y avoir une réelle concertation, une réelle défense de ces hôpitaux – quelles que soient leurs missions – ils auraient dû figurer dans leur intégralité dans cette résolution, afin qu’il y ait une défense globale, parce qu’ensemble, on est plus fort. Certes, on l’entend, chaque Vaudoise et chaque Vaudois mérite d’avoir accès rapidement à des soins de proximité. Toutefois, d’autres établissements sont mis en danger par cette décision.
Je précise que je ne remets aucunement en question les discussions qui ont eu lieu sur la forme de cette décision, et notamment sur la manière inacceptable dont elle a été communiquée. Toutefois, je pense qu’ensemble, on est plus fort et que même si un établissement tel que Riveneuve a été cité oralement aujourd’hui, il ne figure malheureusement pas dans cette résolution. Riveneuve offre un tout autre type de mission que des soins de proximité, mais un type de mission tout aussi important : certes, il existe la solidarité, mais j’espère également que la dignité des Vaudoises et des Vaudois sera aussi prise en compte dans les réflexions, notamment dans le cas des problématiques de fin de vie qui nécessitent une présence indispensable de divers professionnels.
Une réflexion globale a certainement lieu d’être. Je regrette que l’on se soit limité aux soins de proximité, des annonces de déserts médicaux qui se joignent à des problématiques régionales, alors que, selon moi, nous devons inviter le Conseil d’Etat à intégrer une réflexion globale pour l’ensemble des missions. Aujourd’hui, il n’y a pas que de l’ambulatoire et du stationnaire ; il existe également d’autres missions assumées par les hôpitaux de la FHV qui méritent d’être prises en considération dans cette réflexion globale.
Tout d’abord, j’ai oublié de déclarer mes intérêts : je suis membre du Conseil de fondation du Pôle Santé du Pays-d’Enhaut. Je suis attristée par la prise de parole de Mme Gross, ce qu’elle décrit n’était absolument pas dans mon intention. Si vous lisez bien ma résolution, au début de mon texte, je parle vraiment de 20 millions et je parle de la Fédération vaudoise des hôpitaux, la Fédération hospitalière vaudoise des hôpitaux. Quand j’ai développé cette résolution, je n’ai parlé que de Riveneuve, du Pays-d’Enhaut et de la Vallée de Joux, mais si vous lisez le texte de ma résolution, vous verrez que je demande, dans tout le canton, le maintien à l’accès des soins de proximité. Evidemment, il n’y a pas que dans le Pays-d’Enhaut que l’on a besoin de soins de proximité : on en a aussi besoin à Lausanne, tout comme à Vevey.
Dès lors, le Grand Conseil invite le Conseil d’Etat à intégrer ces principes dans ses décisions budgétaires et stratégiques en matière de santé. Nous n’avons spécifiquement pas mentionné les Pôles Santé et Riveneuve pour que cela comprenne tout ce qui englobe les coupes de 20 millions annoncées par le Conseil d’Etat. Je le dis haut et fort, ce n’est en aucun cas simplement dirigé vers le Pays-d’Enhaut, la Vallée de Joux ou Riveneuve.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
La résolution est adoptée par 117 voix et 16 abstentions.