24_PET_4 - Pétition Des actions politiques et humanitaires urgentes pour faire cesser la guerre et la catastrophe humanitaire en cours à Gaza.

Séance du Grand Conseil du mardi 28 janvier 2025, point 13 de l'ordre du jour

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Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice

La Commission des pétitions a examiné la pétition mentionnée en titre. Les signataires de cette pétition demandent au Grand Conseil et au Conseil d'État vaudois de prendre trois mesures spécifiques :

  1. D'intervenir auprès de la Confédération pour que la Suisse utilise tous les moyens à sa disposition – politiques, diplomatiques, économiques et humanitaires – afin d’obtenir un cessez-le-feu immédiat et prendre toute autre mesure nécessaire pour prévenir le crime de génocide à Gaza.
  2. De prendre toutes les mesures nécessaires, en collaboration avec la Confédération si possible, pour faciliter l'acheminement urgent et massif de l’aide humanitaire et médicale à Gaza.
  3. De contribuer et faciliter toutes les démarches administratives, logistiques, financières et médicales nécessaires à l’accueil et au traitement, dans des hôpitaux vaudois et suisses, des victimes palestiniennes de la guerre à Gaza ainsi que de leurs accompagnants.

La commission a entendu le pétitionnaire, M. Finkelstein, membre du Collectif Urgences Palestine-Vaud, qui a clarifié les demandes exposées précédemment et a proposé plusieurs leviers d’action possibles pour le canton. Ces propositions sont détaillées dans le rapport, mais je vais en mentionner quelques exemples : il a suggéré de mener des actions visant à inciter les pays signataires des conventions de Genève à se réunir pour formuler des demandes communes et envisager des moyens d'obtenir un cessez-le-feu, ainsi que d’organiser l’acheminement de l’aide humanitaire sur place.

Le pétitionnaire a également salué les divers dons octroyés par le canton en 2024 au Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Cependant, il a exprimé son regret que la Suisse fasse partie des trois pays, sur les 193 membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU), qui ne respectent pas leur engagement de financement auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Il a suggéré que le canton propose que, sans preuve de dysfonctionnement grave, la Suisse verse sa contribution à l'UNRWA. La commission a également entendu l’administration, qui a présenté des éléments factuels concernant le partage des compétences entre le canton et la Confédération, ainsi que les actions déjà entreprises par la Confédération et le canton de Vaud.

Lors des délibérations de la commission, plusieurs commissaires se sont exprimés contre le renvoi de la pétition, pour diverses raisons. Parmi les arguments évoqués, certains ont souligné que les compétences en matière d'affaires extérieures relèvent de la Confédération. De plus, il a été rappelé que la Confédération avait déjà validé des montants pour l'UNRWA, et que le canton avait déjà octroyé des fonds à la Fédération vaudoise de coopération (FEDEVACO) ainsi qu’au CICR.

La majorité de la commission a décidé de soutenir le renvoi de cette pétition pour plusieurs raisons. Parmi celles-ci, il a été souligné que la pétition se concentrait sur un aspect humanitaire, en particulier sur les personnes blessées, et qu'elle s'inscrivait dans la continuité de la tradition humanitaire du pays et du canton. La commission a également noté que les demandes formulées dans la pétition offraient au canton une marge de manœuvre suffisamment large pour agir sur les points les plus pertinents et sur les leviers à sa disposition. Ainsi, la Commission des pétitions recommande, chers collègues, de renvoyer la présente pétition au Conseil d'État, par 6 voix contre 4 et 1 abstention.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Chacun le sait, un cessez-le-feu a été conclu dans le cadre de la guerre à Gaza, et nous nous en réjouissons évidemment tous. Cependant, cela ne change rien à la situation extrêmement tragique dans laquelle se trouve la population civile de Gaza. Des dizaines de milliers de morts et de disparus, des milliers de blessés, des infrastructures et des logements lourdement bombardés à grande échelle. On peut en effet affirmer qu'à Gaza, presque plus rien ne fonctionne. Cette pétition doit être traitée non pas sous un angle politique, mais avec une approche humanitaire, tant les besoins sont immenses. Il y a des milliers de logements à reconstruire, des infrastructures à réhabiliter et à remettre en service, des hôpitaux à rétablir, des réseaux d'eau, de transport et d'administration à réorganiser, ainsi que l'acheminement urgent de nourriture, de matériel et de médicaments. Il y a aussi la lutte contre les épidémies et des soins à prodiguer aux très nombreux blessés. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d'autres.

S'il est important d'insister pour que la Confédération prenne en charge une part de son aide, il est tout aussi essentiel que le canton apporte également une aide concrète à la population civile de Gaza, comme l'a récemment fait le canton de Genève, qui a voté une subvention de 4 millions de francs pour les associations venant en aide aux habitants de Gaza. Certes, cette pétition peut sembler une goutte d'eau face à l'immensité des besoins, mais c'est tout de même une goutte d'eau. C'est aussi un signe de solidarité envers une population qui manque de tout. Notre groupe, Ensemble à Gauche et POP, soutiendra les conclusions de la majorité de la commission et votera en faveur du renvoi de cette pétition au Conseil d'État.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Après dix jours, le cessez-le-feu demeure extrêmement fragile. Les parties retardent, voire entravent, l'application des accords. Emmurée, la population civile de Gaza est désormais entièrement dépendante de l'aide humanitaire qui commence à arriver, mais cette aide ne pourra répondre pleinement aux besoins alimentaires et médicaux avant plusieurs mois, dans une enclave dévastée à plus de 70 %. Peut-être avez-vous vu hier dans les médias cette immense marée humaine de déplacés, qui se déplacent du sud vers le nord de Gaza pour retrouver leur ancienne maison. En réalité, ils ne retrouvent rien d'intact.

Déposée en avril dernier, cette pétition garde toute sa pertinence, car, premièrement, le conflit peut reprendre dans quelques jours ou semaines. C'est d'ailleurs l'intention des responsables des deux parties. Deuxièmement, l'aide médicale et humanitaire restera insuffisante pendant encore longtemps. Enfin, des hôpitaux ici peuvent contribuer à soigner une partie des 100’000 blessés de l'enclave. Notre Constitution, dans son article 71, met en avant une politique vaudoise de paix, de respect des droits humains et de secours humanitaire. Forts de cette vision, transmettons cette pétition au Conseil d'État !

M. Pierre-André Pernoud (UDC) —

Un constat : les problématiques des conflits internationaux semblent perdurer à travers les siècles, affectant toujours les mêmes personnes et populations, à savoir des familles précarisées. En revanche, les compétences en matière d'affaires extérieures relèvent de la Confédération, qui a validé un montant de 10 millions de francs pour l'UNRWA, et du canton, qui a alloué 100’000 francs au CICR. Sans minimiser l'ampleur de ces drames de guerre, le groupe UDC s'abstiendra dans sa majorité.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

En préambule, permettez-moi de souscrire à la compassion et de reconnaître la détresse des populations concernées par ces guerres sur le terrain. Mais permettez-moi également de m'inscrire en faux contre les propos de mon estimé collègue Vuilleumier. Il s'agit ici, pour nous, parlementaires, de traiter la vision politique de ce point à l'ordre du jour et non pas uniquement sa dimension humanitaire. Il convient de noter que cette pétition ne concerne pas directement le canton de Vaud. C'est pourquoi nous enjoignons plutôt le Conseil d'Etat à continuer sa politique dans le cadre des budgets qui lui sont alloués et des lois dont il dispose pour l'aide humanitaire au sens large. En l'état, nous nous abstiendrons unanimement sur cette pétition.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Le parti socialiste vous encourage à soutenir cette pétition, car il y a un aspect humanitaire d'une importance capitale dans ce drame qui se déroule au Proche-Orient, particulièrement dans la bande de Gaza. La pétition présente des demandes précises, comme cela a été mentionné, et offre au canton la possibilité d'agir sur des points pertinents, avec plusieurs leviers d'intervention possibles. Par exemple, l'attribution de visas pour des traitements médicaux pourrait être d'une grande aide pour de nombreux enfants, parents, familles et adultes touchés dans leur santé. La demande de la pétition s'inscrit dans la continuité des actions déjà entreprises par le canton, comme les 100’000 francs alloués au CICR. Cependant, le canton peut faire encore davantage. Nous sommes un pays d'accueil, un pays où l'humanité a une vraie signification, et nous avons un devoir d'intervention face à de telles situations. Le Parti socialiste vous encourage donc vivement à soutenir cette pétition.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Une brève réaction à l'intervention de M. De Benedictis, qui a suggéré que le canton n'est pas directement concerné par cette question, car elle relève de la Confédération. Comme je l'ai déjà rappelé dans un précédent débat, le canton est bel et bien concerné par l'aide humanitaire, et ce, en vertu de notre Constitution vaudoise, notamment son article 71. Celui-ci stipule clairement que : « L'État et les communes collaborent à l'aide humanitaire, à la coopération au développement et à une politique de paix ». Ainsi, soutenir cette pétition s'inscrit pleinement dans le cadre des principes et engagements légaux du canton.

Je pense qu'en soutenant cette pétition, il s'agit également de renforcer l'initiative déjà lancée par le Conseil d'État, à savoir l'octroi de 100’000 francs en 2024 en faveur du CICR, et de poursuivre cet effort sur le long terme, en apportant de nouvelles aides, non seulement au CICR, mais aussi à d'autres ONG suisses ayant des projets sur le terrain. Je pense notamment à Médecins du Monde Suisse, qui met en œuvre un projet concret à Gaza. Ainsi, ce texte s'inscrit pleinement dans le cadre des lois vaudoises et dans la continuité de l'action déjà engagée par le Conseil d'État. Je note avec satisfaction que des groupes de droite ne s'opposent pas à cette démarche. Je relève, par exemple, que l'UDC a annoncé qu'elle ne voterait pas contre ce texte, ce que je salue.

M. Guy Gaudard (PLR) —

J’étais membre de cette commission et je tiens à souligner, en préambule, que le PLR est profondément affecté par ce drame humanitaire. Toutefois, il considère que le canton a déjà déployé tous les moyens à sa disposition, dans le cadre de ses compétences, pour participer activement aux démarches incitant la Confédération à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'obtenir un cessez-le-feu à Gaza, un cessez-le-feu qui a d’ailleurs été obtenu il y a une dizaine de jours. Il y a plusieurs points importants à rappeler. Tout d'abord, la contribution demandée par cette pétition relève de la responsabilité de la Confédération, et non d’un seul canton. Ensuite, il me semble essentiel de souligner que le Hamas est classé par la Confédération comme une organisation terroriste. C'est un aspect qu'on ne doit pas négliger, d'autant plus qu'il existe un manque d'attention envers les otages dans cette situation, sujet qui a été largement ignoré. De plus, lors de nos discussions sur cette pétition, nous n'avons entendu qu'une seule des deux parties, celle d’un représentant d’Union Palestine, qui semblait davantage un militant qu’un expert. Il me paraît donc qu’il y a eu un manque de discernement et d’équilibre idéologique dans ce débat, ce qui est regrettable. En l'état, le PLR refusera de soutenir cette pétition et vous invite à la classer.

M. Thierry Schneiter (PLR) —

Sur la même ligne que mon préopinant, M. Gaudard, qui a d'ores et déjà exprimé ses préoccupations, je pense qu'il m'a effectivement ôté les mots de la bouche. Je vous invite donc à ne pas accepter cette pétition.

Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice

À la suite des dernières interventions, je souhaitais rappeler deux éléments importants en ma qualité de présidente de la Commission des pétitions. Lors de notre audition et du traitement de cette pétition, la commission a pris soin de se concentrer sur la dimension d’aide humanitaire et de solidarité, en lien avec le génocide à Gaza et les conséquences de cette guerre. C'est pourquoi aucune prise de position politique, que ce soit en faveur d’un camp ou de l'autre, n'a été abordée dans nos discussions, car ce n’était pas du tout l’objet de nos travaux. Je tenais à rappeler cet aspect. De plus, la présentation qui nous a été faite par l’administration a permis de clarifier la répartition des responsabilités entre la Confédération et le canton. Elle a également souligné que le canton dispose de certaines marges de manœuvre, dans lesquelles il peut faire valoir sa voix, prendre des positions d’incitation et, bien sûr, contribuer à l’aide humanitaire par des soutiens financiers. Je voulais simplement rappeler ces éléments dans le cadre de nos échanges.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Je souhaitais rebondir sur le propos de M. Gaudard pour rappeler que les avis émis par le Comité spécial des Nations unies chargé d'enquêter sur les pratiques israéliennes, ainsi que les juges de la Cour pénale internationale (CPI), la Cour internationale de justice et d'autres organismes garantissant le droit international, ne sont pas des militants, mais des experts. Ces derniers affirment clairement qu'il est désormais incontestable que la politique menée par l'État d'Israël viole les droits fondamentaux des populations palestiniennes, à travers la ségrégation raciale et l'apartheid, l'occupation des territoires, et dans le contexte de la guerre, par des crimes contre l'humanité et un génocide. La CPI a d'ailleurs déjà émis des mandats d'arrêt en novembre contre le Premier ministre israélien Netanyahou, l'ancien ministre israélien de la Défense, ainsi que contre le chef de la branche armée du Hamas. Ces institutions ne sont donc pas des militants, mais par leurs décisions et observations, elles soulignent la nécessité de continuer à soutenir cette situation en apportant notre soutien à cette pétition.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil décide de classer la pétition par 64 voix contre 53 et 19 abstentions. 

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande un vote nominal.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent les conclusions du rapport de la commission votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles. 

Au vote nominal,le Grand Conseil décide de classer la pétition par 64 voix contre 58 et 19 abstentions. 

*introduire vote nominal 

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