22_POS_62 - Postulat David Raedler et consorts au nom Les Vert.e.s vaudois.e.s - Quel bilan tirer de la présence du Canton de Vaud sur les réseaux sociaux?.

Séance du Grand Conseil du mardi 28 janvier 2025, point 25 de l'ordre du jour

Texte déposé

L’entreprise Meta Platforms Inc. (« Meta »), portant la raison sociale Facebook Inc. jusqu’en 2021, n’est plus à présenter tant elle s’est imposée et est aujourd’hui immanente à notre vie à toutes et tous par les applications et plateformes qu’elle exploite, dont Facebook, Messenger, Instagram et WhatsApp. Et tant elle cumule depuis plusieurs années les scandales dans plusieurs domaines, à chaque fois avec des effets particulièrement néfastes pour la société dans son ensemble. Parmi beaucoup d’exemples, l’on peut rappeler (i) le scandale Facebook-Cambridge Analytica (en matière d’influence politique)[1], (ii) les scandales à répétition sur l’usage et la violation des règles en matière de protection des données[2], (iii) une incapacité possiblement volontaire de réguler les Fake News tout en instaurant des critères de censure importants[3], ou encore (iv) l’utilisation volontaire d’algorithmes particulièrement néfastes pour les enfants et les jeunes adultes qui amènent à volontairement augmenter les cas de troubles alimentaires, dépressions et suicide[4]. Des éléments qui s’étendent à tout « l’univers Meta », mais s’avèrent particulièrement frappants en lien avec les applications et plateformes Instagram[5], Facebook et WhatsApp.

 

Ces problèmes, très caractéristiques de "l'univers Meta", n'y sont toutefois pas limités. La très récente acquisition de Twitter Inc. par Elon Musk et les mesures prises dans la foulée - en particulier sous l'angle de la certification des comptes et de la gestion du discours de haine - a démontré la fragilité des réseaux sociaux face à des décisions et mesures individuelles.

 

Dans l'ensemble, ces réseaux sociaux créent des risques marqués et concrets pour les individus, le monde politique et la société en général. Une situation qui est répétée et soulignée à de nombreuses reprises, au fil des scandales et révélations, sans effets concrets sur une réduction des personnes utilisant ces applications. Au contraire, les algorithmes intégrés à ces applications en décuplent l’attrait pour rendre chaque utilisateur et utilisatrice concrètement dépendant de cet univers. Une dépendance non seulement psychologique, mais également souvent financière pour des artisans et artistes qui dépendent de ces réseaux sociaux pour vendre et faire connaître leurs produits. Toujours avec des conséquences pernicieuses et nocives pour les personnes qui en sont victimes. Le monde politique est naturellement lui aussi directement impacté par cette situation, dans la mesure où la présence de chacune et chacun d'entre nous sur les réseaux sociaux constitue une vitrine souvent essentielle à notre engagement politique.

 

Malgré un tableau qui est sombre, le Canton de Vaud continue d’utiliser plusieurs plateformes intégrés aux "grands" réseaux sociaux dont Facebook et Instagram[6]. Les comptes dépendant de l’administration cantonale y sont nombreux, y compris s’agissant du compte @myvaud (exploité par Vaud Promotion), @etat_de_vaud (exploité par l’administration cantonale) ou @policevd (exploité par la Police cantonale). Des comptes que l’on peut imaginer parfois utiles pour présenter l’image du Canton de Vaud ou communiquer des informations, mais qui ne font qu’accroître les interactions sur ces plateformes permettant aux entreprises derrière ces réseaux sociaux de réunir toujours plus d’informations et d’engranger toujours plus de moyens.

 

En parallèle, le Canton de Vaud et les différentes entités le composant ne semblent pas être présents sur d'autres réseaux sociaux plus petits, mais constituant une alternative réelle, viable et respectueuse de la sphère privée. L'on peut citer ici en exemple les réseaux Mastodon (alternative à Twitter), Ello (alternative à Facebook), EyeEm ou PixelFed (alternatives à Instagram).

 

Compte tenu des scandales interminables affectant ces réseaux sociaux, la question de l’opportunité de conserver à ce titre des comptes sur les "grandes" plateformes sociales - dont celles de l'univers Meta - se pose de façon toujours plus marquée. En particulier sous l’angle de la balance des intérêts à faire entre (i) une présence parfois utile sur ces réseaux et (ii) le rôle malheureusement actif qui est alors pris en faveur de cette entreprise et ses activités. Le Canton de Vaud se devant, comme toute autorité publique, de montrer l’exemplarité et agir dans l’intérêt public, il devient aujourd’hui critique de s’interroger sur cette présence et déterminer si une suppression ou limitation de ces comptes s’impose. En parallèle, il est nécessaire d'évaluer l'opportunité pour le Canton de Vaud d'assurer une présence plus marquée sur les réseaux sociaux alternatifs.

 

A la lumière de ce qui précède, les signataires demandent au Conseil d’Etat d’établir un rapport lié à la présence du Canton de Vaud sur les applications, réseaux et plateformes numériques, en particulier celles exploitées par Meta Platforms Inc. et Twitter Inc., intégrant une appréciation de l’intérêt d’y demeurer mis en balance avec les scandales et problèmes affectant plusieurs de ces applications et plateformes, ainsi qu'une analyse des alternatives existant.

 

[1]https://fr.wikipedia.org/wiki/Scandale_Facebook-Cambridge_Analytica.

[2] Des scandales qui ont notamment mené au prononcé d’une amende de USD 5 milliards aux USA en 2019 (https://www.ftc.gov/news-events/news/press-releases/2019/07/ftc-imposes-5-billion-penalty-sweeping-new-privacy-restrictions-facebook) ainsi qu’à plusieurs amendes dans l’UE, dont l’une de EUR 225 millions en lien avec WhatsApp en 2021 et une autre de EUR 60 millions en 2022 concernant Facebook (https://www.tessian.com/blog/biggest-gdpr-fines-2020/).

[3]https://en.wikipedia.org/wiki/Censorship_by_Facebook.

[4] L’une des révélations issues des Facebook Files de 2021 (https://en.wikipedia.org/wiki/2021_Facebook_leak).

[5] De nombreux problèmes très bien résumés dans le reportage « Instagram – La foire aux vanités » sur Arte.tv (https://www.arte.tv/fr/videos/095729-000-A/instagram-la-foire-aux-vanites/).

[6] S’agissant de WhatsApp, la réponse à l’interpellation David Raedler et consorts au nom Les Vert.e.s vaudois.e.s - Quelle stratégie est mise en place pour éviter les applications de « messagerie boiteuses » ? (21_INT_11) exprime déjà des mesures visant à en limiter l’utilisation au sein de l’administration cantonale (CE 21_REP_33).

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Théophile SchenkerVER
Elodie LopezEP
Carine CarvalhoSOC
Alberto MocchiVER
Alice GenoudVER
Kilian DugganVER
Pierre WahlenVER
Felix StürnerVER
Oriane SarrasinSOC
Pierre FonjallazVER
Vincent BonvinVER
Yolanda Müller ChablozVER
Hadrien BuclinEP
Nathalie JaccardVER
Claude Nicole GrinVER
Géraldine DubuisVER
Sonya ButeraSOC
Isabelle FreymondIND
Yannick MauryVER
Nathalie VezVER
Muriel ThalmannSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Olivier Gfeller (SOC) — Rapporteur-trice

Permettez-moi une brève synthèse de nos travaux. En séance, la commission a reconnu la pertinence de la demande du postulant – obtenir un rapport portant sur la présence de l’Etat sur les applications, les réseaux sociaux et les plateformes numériques − relevant que le Conseil d’Etat n’est pas opposé à l’idée et se déclare prêt à rédiger un tel rapport.

Un débat a eu lieu sur un fragment du texte du postulat, qui demandait d’intégrer à la réponse du Conseil d’Etat une appréciation de l’intérêt de demeurer sur lesdits réseaux. Ce complément à la requête principale a provoqué une petite controverse et suscité des réticences de membres de la commission et de Mme la présidente du Conseil d’Etat.

La discussion qui a suivi a cependant permis à chacun de mieux comprendre les positions en présence et dans la foulée, M. Raedler a accepté de revoir son texte et d’enlever l’extrait qui indisposait. La nouvelle conclusion est ainsi formulée comme suit « Les signataires demandent au Conseil d’Etat d’établir un rapport lié à la présence du canton de Vaud sur les applications, réseaux et plateformes numériques, en particulier celles exploitées par Meta Platforms et Twitter, intégrant une analyse des alternatives existantes. » C’est donc avec un nouveau texte, fruit d’un compromis, que la commission unanime vous recommande d’accepter ce postulat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. David Raedler (VER) —

Je remercie M. le rapporteur pour son rapport succinct et la rédaction du rapport très détaillé et intéressant. Je vous présente mes excuses si une partie du postulat initial a indisposé des personnes présentes à la commission. Je ne le voulais pas.

Cela dit, le sujet est d’importance. Comme vous le savez toutes et tous, la question des réseaux sociaux est centrale à la fois pour une communication personnelle, donc de vous et moi notamment dans le monde politique, et pour la communication des autorités notamment publiques qui ont accès facilement à une frange de la population qui se trouve sur les réseaux sociaux. C’est présent partout aujourd’hui dans la société, mais des questions se posent sur cette présence et sur les entreprises qui exploitent ces réseaux sociaux. J’imagine ne pas avoir besoin de détailler les problématiques, très souvent reprises de certaines entreprises qui exploitent les réseaux sociaux, à la fois pour les questions de protection des données − la question est extrêmement sensible et problématique sur les réseaux sociaux − et également, depuis maintenant deux ans, pour une partie des propos et respectivement du contenu qui se trouve sur ces réseaux sociaux, qui peut également poser problème. Citons les grandes entreprises que sont Meta et X repris par Elon Musk. Ce sont deux exemples pour lesquels nous voyons une évolution négative, malheureusement.

L’idée du postulat est de demander au Conseil d’Etat une analyse de la présence du canton sur les réseaux sociaux avec une pesée des avantages et des inconvénients de celle-ci. C’est très important et la raison pour laquelle le texte a été modifié en séance de commission. Le but du postulat n’est pas de dire − parce que nous ne le pourrions pas − ni de demander au Conseil d’Etat de sortir des réseaux sociaux, y compris, cas échéant, des réseaux sociaux qui appartiendraient à Meta ou à X. Le but est d’évaluer l’utilité de cette présence, de faire la balance des intérêts de celle-ci et d’évaluer quelles alternatives se présentent et de déterminer comment mieux les développer et, peut-être, de favoriser des alternatives plus respectueuses de la protection des données et, plus généralement, des questions de société. C’est dans ce contexte que s’inscrit le postulat.

A l’époque, ce postulat était d’actualité, parce que je l’ai déposé au moment où X a été repris par M. Elon Musk. Il se trouve d’autant plus en lien avec l’actualité aujourd’hui avec les problématiques autour de Meta et des changements de politique qui s’appliquent. Dans ce contexte, l’analyse est importante. Je remercie Mme la présidente du Conseil d’Etat qui s’est exprimée en faveur du postulat en séance de commission et je vous remercie aussi de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Les membres du groupe PLR ont pris connaissance du postulat Raedler, s’inscrivant dans le fait que ce postulat a été pris partiellement en considération, et vous recommandent de l’accepter, comme la commission unanime.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Vous allez dire que j’ai des idées fixes. Peut-être. Il n’est pas exclu que le rapport fasse apparaître que la présence de l’Etat de Vaud sur les réseaux sociaux soit très profitable. Dans ce cas, je souhaiterais que la question posée par M. le député Raedler soit élargie : quels seraient les autres moyens de communication actuellement pratiqués par le Conseil d’Etat auxquels nous pourrions renoncer en raison d’une présence active et efficace sur les réseaux sociaux ?

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement avec1 abstention.     

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