25_POS_36 - Postulat Michael Wyssa et consorts au nom du groupe PLR - Pour une stratégie cantonale de gestion souveraine du cloud et des données.

Séance du Grand Conseil du mardi 20 mai 2025, point 2.5 de l'ordre du jour

Texte déposé

Pour une stratégie cantonale de gestion souveraine du cloud et des données

Ces dernières années, et plus encore ces derniers mois, l’actualité internationale a démontré à quel point l’infrastructure numérique d’un pays — ou d’un canton — peut être fragilisée par sa dépendance à des acteurs étrangers. Les récentes tensions géopolitiques, les changements de cap technologique imposés unilatéralement par des entreprises privées et des états, ou encore la capacité d’un simple tweet à faire chuter des bourses ou rompre des contrats de plusieurs millions, nous rappellent que le numérique n’est pas neutre. Il est un enjeu stratégique, politique, économique et sécuritaire.

Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur la fiabilité de l’infrastructure informatique du canton de Vaud.

Aujourd’hui, notre informatique dépend massivement des GAFAM — Google, Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft —, des géants technologiques dont les sièges sont tous basés aux États-Unis. Cette dépendance a des conséquences majeures sur notre souveraineté numérique. En effet, depuis l’entrée en vigueur du Patriot Act en 2001 et du Cloud Act en 2018, les entreprises américaines sont tenues de collaborer avec les autorités de leur pays, y compris dans le cas de données hébergées en dehors des États-Unis. Les garanties en matière de confidentialité des données suisses sont depuis largement affaiblies, voire purement symboliques.

Dans le canton de Vaud, une grande partie des données de l’État sont hébergées dans des solutions de cloud Microsoft. Si certaines données peuvent sembler de moindre importance — par exemple dans le cadre de la vie scolaire —, il n’en reste pas moins qu’elles participent à l’édifice informationnel de l’État. Ces données, une fois croisées, analysées et exploitées, représentent une valeur stratégique considérable, que ce soit pour la sécurité des institutions, pour la protection des citoyennes et citoyens ou, plus largement, pour des enjeux économiques et commerciaux.

À l’heure où l’on parle de réindustrialisation de l’Europe, cette souveraineté numérique est un pilier indispensable. Il ne s’agit pas seulement de relocaliser la production matérielle, mais aussi les compétences et les infrastructures numériques. Aujourd’hui, la quasi-totalité des outils proposés par les GAFAM provient des États-Unis, et plus précisément de la côte ouest américaine. Cela signifie que nos outils informatiques, nos plateformes de travail, nos systèmes de communication sont conceptualisés, développés, maintenus et mis à jour à des milliers de kilomètres, sans considération directe pour notre cadre légal, culturel ou politique.

Il semble essentiel, dans ce contexte, de rapatrier ces compétences ou, à tout le moins, de les renforcer sur notre territoire. Le canton de Vaud ne manque pas de ressources dans ce domaine. Nos hautes écoles, telles que l’EPFL et la HEIG-VD, forment chaque année des ingénieurs et des spécialistes de très haut niveau. Plusieurs entreprises informatiques suisses, présentes dans le canton ou dans la région lémanique, possèdent déjà les compétences nécessaires pour développer et maintenir des infrastructures informatiques, notamment de cloud local, sous législation suisse.

En soutenant ce type d’approche, le canton pourrait non seulement valoriser les entreprises locales, mais également renforcer sa résilience numérique et garantir une meilleure maîtrise de ses systèmes d’information. Une telle transition demande évidemment du temps, car les systèmes informatiques publics ne peuvent pas être déplacés ou repensés du jour au lendemain.

C’est pourquoi je propose de commencer par le chantier des données. Cela permettrait de poser des bases concrètes en vue d’une évolution plus large des systèmes numériques du canton.

Je demande donc au Conseil d’État d’étudier les éléments suivants :

1. L’établissement d’une cartographie précise des outils numériques de stockage actuellement utilisés (cloud, serveurs, plateformes), en identifiant les fournisseurs, les lieux de stockage des données et les types de données concernées.

    

2. L’évaluation des fournisseurs suisses — ou, à défaut, européens — qui pourraient remplacer les solutions actuellement dépendantes du droit américain ou d’une autre grande puissance, en mettant en avant leur conformité avec le droit suisse en matière de protection des données.

    

3. L’analyse des risques liés aux tensions internationales actuelles, en particulier les conséquences potentielles d’un changement soudain ou unilatéral de contrat de la part des prestataires étrangers.

    

4. L’estimation du temps et des coûts nécessaires pour une transition vers des solutions de stockage souveraines pour les données du canton de Vaud.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures