24_REP_101 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Carine Carvalho et consorts - Projet d’interpellation Pour le pouvoir d’achat des apprenti·e·s. (24_INT_50).
Séance du Grand Conseil du mardi 9 septembre 2025, point 19 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe remercie le Conseil d’Etat pour ses réponses à mon interpellation. Je vous annonce d’ores et déjà le dépôt d’une détermination en lien avec cette réponse, dans le but de garantir l’attractivité de l’apprentissage dans notre canton. La question des frais professionnels liés à la formation revient régulièrement, notamment dans mon groupe politique, car elle touche directement l’attractivité de l’apprentissage. Avec la hausse du coût de la vie, il devient urgent de revoir ces frais qui influencent le choix des jeunes et le portemonnaie des familles.
J’ai déposé une initiative visant à augmenter la prime annuelle de 960 à 1080 francs, comme la loi le prévoit depuis 2009, mais qui n’a jamais été appliquée. Dans le cadre des travaux de la commission, le Département de l’enseignement et de la formation professionnelle (DEF) a annoncé un plan d’action pour l’apprentissage. Dans un esprit constructif, j’ai alors retiré mon initiative pour permettre au département d’avancer, tout en déposant une interpellation, afin que le Parlement soit informé des mesures concrètes et du calendrier prévu.
Bien qu’elle rende publiques les intentions du DEF, la réponse à cette interpellation que nous traitons en ce moment reste vague sur le calendrier et, à mon avis, n’apporte aucune solution concrète aux enjeux de précarité et de pouvoir d’achat soulevés. Rappelons que la prime mensuelle de 80 francs – inchangée depuis 2010 – ne reflète plus la réalité économique et pèse lourdement sur les familles. Les mesures évoquées ne renforcent ni le pouvoir d’achat ni la capacité des familles à soutenir les jeunes en apprentissage. Le Conseil d’Etat se limite à rappeler que les salaires relèvent des branches professionnelles. S’il promet une révision législative au premier semestre 2025 – soit ce printemps – il admet que celle-ci n’a pas été pensée pour améliorer l’attractivité de la formation professionnelle. Une éventuelle adaptation du montant est mentionnée, mais sans garantir une augmentation. Lors des travaux en commission, le chef du DEF avait pourtant évoqué des mesures concrètes sur les salaires, sur les vacances et sur les remboursements de frais, mais rien de cela ne figure dans la réponse. Aujourd’hui, le Conseil d’Etat mise uniquement sur les campagnes de promotion pour augmenter le nombre d’apprentis. Or, sans mesures fortes sur les conditions de travail et sur le soutien financier, cette stratégie risque de rester inefficace. Ainsi, je pose la question : quelles sont les mesures concrètes prévues concernant les salaires, les vacances et le remboursement de frais ?
Pour envoyer un signal fort en faveur de l’apprentissage, je dépose la détermination suivante :
« Le Grand Conseil demande au Conseil d’Etat de soumettre, par le biais d’un projet de loi, une proposition visant à augmenter la prime de participation aux frais professionnels stipulée dans la Loi sur la formation professionnelle (LVLFPr), d’ici le printemps 2026. »
La discussion sur la détermination est ouverte.
Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire régional du syndicat UNIA. Ce syndicat actif dans de nombreuses branches forme des apprentis et, en tant que syndicat du secteur privé, représente également des apprentis, pour l’essentiel dans des formations duales.
Nous sommes quelque peu étonnés de certaines assertions figurant dans la réponse à l’interpellation de notre collègue Carine Carvalho. Premièrement, l’introduction donne l’impression que le Conseil d’Etat fait une relecture de l’Histoire, par rapport à la prime introduite dans la loi. Dans son préambule, il semble justifier que le montant n’ait pas été revu, bien que le deuxième alinéa de l’article 14 de la LVLFPr le permette. J’invite donc le Conseil d’Etat à respecter la volonté du législateur, qui a prévu, à l’alinéa 2, que le montant sera révisé. Or, il n’est pas stipulé que le montant « peut » être révisé, mais bien qu’il « sera révisé régulièrement ». C’est donc une incitation au pouvoir exécutif ou législatif – puisque nous sommes dans le cadre de la loi – de revoir les paramètres de manière constante. Selon nous, un renchérissement constant aurait impérativement dû être intégré depuis l’adoption de la loi en 2010. Aujourd’hui, dans le cadre de négociations, du besoin de revaloriser la formation professionnelle, en plus dans un contexte de pénurie d’apprentis, les milieux patronaux eux-mêmes voient que la question économique ne peut pas être complètement écartée et qu’il faut aussi agir sur ce levier pour assurer l’attractivité de la formation professionnelle. Il me paraît important que les bases légales suivent cette tendance. Ainsi, le préambule de votre réponse, monsieur le conseiller d’Etat, me semble aller à l’encontre de la volonté du législateur de l’époque et, selon nous, de notre Conseil d’Etat d’aujourd’hui.
Ensuite, vous avez mentionné le cadre des travaux de révision de la LVLFPr, et le fait que les travaux préparatoires impliquent les associations professionnelles. De notre côté, nous trouvons important qu’au moment de réunir les associations professionnelles, on réunisse tous les milieux concernés. Mme Carvalho vous interpellait aussi sur l’implication des associations de défense des apprentis. Or, nous n’avons pas connaissance du fait que les syndicats aient été saisis de la situation d’une manière ou d’une autre, alors que nous sommes concernés au même titre que les associations patronales et professionnelles. Je ne parle pas encore ici des faîtières, mais des relais de ces besoins. Nous menons des études, nous négocions des conditions de travail qui essaient de tenir compte des besoins des personnes concernées, et bien entendu, nous sommes aussi confrontés aux contingences que les branches peuvent se permettre.
Nous plaidons pour que la détermination de notre collègue Carine Carvalho soit largement soutenue, cela aussi parce que nous observons une translation quasiment continuelle du calendrier de révision de cette loi. A nouveau, tout dépend des ambitions du département par rapport aux points qu’il souhaite voir évoluer. Si la révision intervient dans cinq ou dix ans, il s’agirait tout de même de déterminer que la volonté exprimée par le législateur à l’article 14, alinéa 2 est claire : il s’agit de procéder à une révision régulière de ce montant et nous ne pouvons pas attendre les calendes grecques pour nous exécuter. Dans cet état d’esprit, avec la détermination que propose Mme Carvalho, le Parlement ne ferait que confirmer son premier souhait inscrit dans la loi.
J’interviens à mon tour, car je m’étonne de voir que la révision de la loi n’est toujours pas terminée et ne nous a toujours pas été soumise, alors que nous en avions déjà parlé il y a plusieurs années, dans le cadre de la prise en charge des tests pour les apprentis, par exemple. J’aimerais savoir si M. le conseiller d’Etat pourrait enfin nous donner un calendrier solide par rapport à la révision de cette loi.
D’abord, j’aimerais relever que la question des tests et de leur coût a été traitée ici ; il ne faut donc pas tout mélanger, puisqu’il y a eu des interventions, etc. Ensuite, certains éléments sont de la compétence du Conseil d’Etat alors que d’autres ne le sont pas. Dans la réponse, nous avons précisé les trois sujets sur lesquels nous intervenons régulièrement auprès des associations professionnelles – et que Mme Carvalho a rappelés. Il s’agit premièrement de la question du salaire, pour lequel nous ne sommes pas compétents. Nous relevons simplement et demandons aux associations professionnelles de veiller à ce que leurs niveaux de salaires soient corrects et restent attractifs. Sur le plan des analyses et études que nous avons entreprises auprès des apprentis, nous n’avons pas relevé de problématiques, mais cela doit rester une préoccupation et à mon avis, les associations professionnelles doivent rester attentives à l’évolution de leurs salaires.
Deuxièmement, il y a la question des vacances, un point sur lequel nous sommes plus fermes, car nous savons qu’il a un effet très clair sur l’attractivité. Certaines branches connaissent une évolution très intéressante, avec quelques tentatives qui permettent aux jeunes apprentis d’entrer dans le marché du travail d’une manière pas trop abrupte, avant de terminer leur formation avec des conditions sensiblement semblables à celles qu’ils trouveront ensuite en emploi – s’ils y entrent tout de suite et ne continuent pas leurs études.
Troisièmement, la question des frais est une thématique que nous avons soulevée à maintes reprises et sur laquelle je me suis déjà exprimé ici plusieurs fois. Le montant mensuel est un montant qui ne convient pas dans bien des situations. Nous sommes en train d’effectuer un inventaire général de ces situations, afin d’avoir des discussions plus précises sur certains corps de métier. En effet, il s’agit parfois d’une somme importante à investir au début de l’apprentissage. L’Etat ne va pas tout faire non plus et il s’agit aussi que les associations répondent à cette question, car il s’agit de leurs exigences, qui évoluent et nécessitent parfois de très grands investissements. Nous sommes d’accord d’être leurs partenaires, mais pas de prendre en charge l’ensemble. Ce n’est pas l’esprit de la formation professionnelle dans ce pays !
Cela dit, j’invite les représentants des syndicats à travailler également en ce sens. Ils peuvent tout à fait convaincre les représentants des associations professionnelles d’être plus actifs et plus ouverts sur toute cette partie qui les concerne. Ainsi, nous aurons un travail commun et nous travaillerons tous dans le même sens. Il ne faut pas tout attendre de l’Etat ! Les syndicats sont en contact permanent avec les entreprises et les associations professionnelles et ils ont un rôle à jouer, bien entendu. La nouvelle Loi sur la formation professionnelle est annoncée. En venant ici aujourd’hui, je n’ai pas pensé à regarder exactement où elle en est, mais nous sommes à bout touchant et nous viendrons bientôt vous présenter des propositions de modification. Ces dernières sont plus vastes que nous l’avions tout d’abord imaginé, parce que vous avez déposé plusieurs demandes et interventions parlementaires, au cours des deux ou trois dernières années. Nous avons donc essayé de tenir compte de tout cela et nous sommes sur le bon chemin ; vous n’aurez donc pas à attendre dix ans avant de voir le projet arriver sur votre table de travail.
La discussion est close.
La détermination Carine Carvalho est refusée par 63 voix contre 57 et 6 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent la détermination Carine Carvalho votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, la détermination Carine Carvalho est refusée par 68 voix contre 59 et 3 abstentions.
*introduire vote nominal