24_LEG_107 - EMPL modifiant la loi du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI) relative à la fin de la responsabilité solidaire en cas de séparation/décès pour les impôts, cantonaux et communaux, impayés nés durant la vie commune (3e débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 29 avril 2025, point 9 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Troisième débat

Il est passé à la discussion en troisième débat des articles modifiés en deuxième débat.

Article premier. 

Art. 14.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

En ce qui concerne l’article 14, je rappelle les éléments suivants. La Confédération prévoit, en plus de la fin de la solidarité pour les époux séparés ou divorcés, de mettre fin à cette solidarité lorsque l’un des époux devient insolvable, même s’ils vivent sous le même toit. Je tiens également à souligner que la version adoptée lors de la première lecture reprend exactement l’article tel qu’il est prévu au niveau fédéral, et que cette formulation suffit amplement à la Confédération pour appliquer cet article. Par conséquent, la version adoptée lors de la deuxième lecture est superfétatoire. Un article de loi doit rester le plus général et simple possible. Enfin, je rappelle que le Conseil d’Etat, dans son projet de loi, a exprimé son souhait de s’aligner sur la majorité des autres cantons ainsi que sur la Confédération, et il est donc pertinent de reprendre l’article tel qu’il est appliqué au niveau fédéral. Au vu de ce qui précède, je vous invite à revenir à la version adoptée lors du premier débat.

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

Pour les raisons longuement exposées lors des premier et deuxième débats, le Conseil d’Etat a choisi de se rallier à la version adoptée lors du deuxième débat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

L’article 14 est accepté tel qu’admis en deuxième débat par 69 voix contre 58 et 1 abstention.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande un vote nominal.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui préfèrent la version du deuxième débat votent oui ; celles et ceux qui préfèrent la version du premier débat votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’article 14 est accepté tel qu’admis en deuxième débat par 73 voix contre 65.

* insérer vote nominal

Art. 2.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Sans surprise, je vous invite à confirmer le vote assez massif que vous avez exprimé lors du second débat concernant l’article 2, alinéa 2 nouveau du projet de loi. Cela inclut, bien sûr, la fameuse virgule qui a suscité de nombreux commentaires – et je ne fais pas ici référence à la rivière du pays Bigouden, au nord de la France, mais à un fleuve digne de la Venoge, appelé La Virgule. Quoi qu’il en soit, je tiens à répéter, à l’attention de M. le conseiller d’Etat, ce que j’ai dit lors du deuxième débat : il s’agit d’un système de rétroactivité, improprement dit, qui traite des procédures de perception pendante, afin que les choses soient parfaitement claires. Mais qu’entend-on par procédures de perception pendante ? Il s’agit de celles qui n’ont pas encore eu lieu, mais qui pourraient avoir lieu en application de l’ancien article 14, respectivement du nouveau 14, et comme aiment à dire certains juristes qui ont un penchant pour la langue allemande, c’est entweder oder. Quoi qu’il en soit, il serait judicieux, je le dis à l’intention des rédacteurs du Bulletin du Grand Conseil, de disposer du fameux graphique qui a guidé nos débats, notamment lors du deuxième débat, et qui avait été préparé par notre collègue Gafner, et qui illustre bien la différence entre les amendements déposés à ce moment-là. Je vous remercie donc de soutenir la version proposée lors du deuxième débat.

* introduire graphique 

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Avec les versions adoptées en première et en deuxième lecture, la majorité du Grand Conseil a décidé de ne pas introduire de rétroactivité, malgré le fait que cette situation ait été dénoncée il y a plus de dix ans par Me Noël, et que la motion de l’intergroupe F ait été déposée en 2019. Le Conseil d’Etat a persisté dans l’application de la cosolidarité fiscale, malgré la volonté clairement exprimée par la grande majorité du Grand Conseil de mettre fin à cette pratique qui plonge certaines femmes avec enfants dans la précarité financière, en les accablant de procédures et de poursuites.

A ce sujet, je me permets de vous lire un extrait d’un témoignage qui m’est parvenu hier, et qui a également été partagé avec certains de nos collègues députés et députées : « Après quinze années consacrées à l’éducation de mes enfants et à subvenir à leurs besoins, j’ai décidé de reprendre une formation de quatre ans avec pour projet de créer ma propre entreprise et de retrouver une place active dans le monde professionnel. Ce projet, mûrement réfléchi, a été totalement anéanti par la saisie automatique de mon salaire par l’administration fiscale, afin de m’obliger à payer des arriérés d’impôts qui ne concernent que les revenus encaissés uniquement par mon ex-mari, rendant toute initiative entrepreneuriale et personnelle impossible à concrétiser. Cette situation ubuesque m’empêche tout retour à l’emploi, malgré ma motivation et mon engagement. Aujourd’hui, je cherche simplement l’opportunité de me reconstruire, de contribuer à nouveau et de préparer sereinement l’avenir pour moi et pour mes enfants. Mais votre refus de la rétroactivité vole notre dignité, réduit à néant nos projets de reconstruction, nos perspectives d’avenir, et nos tentatives de sortir la tête de l’eau. »

En partant du postulat que l’application de la cosolidarité fiscale contrevient à l’article 8, alinéa 2, de notre Constitution – ainsi qu’aux traités internationaux ratifiés par la Suisse, notamment la Convention européenne des droits de l’homme – nous nous exposons au risque que la Suisse soit condamnée pour discrimination indirecte à l’égard des femmes. Cela ouvrirait la voie à la révision de tous les arrêts rendus en application de la loi vaudoise dans sa forme actuelle, entraînant des conséquences financières bien plus lourdes pour le canton que l’introduction d’une rétroactivité. Je vous invite néanmoins à accepter la version adoptée lors du deuxième débat.

M. Oleg Gafner (VER) —

Je tiens à remercier Mme Thalmann pour avoir lu la lettre que certains d’entre nous ont reçue. Je profite de cette occasion pour exprimer ma reconnaissance à la personne qui a eu le courage de partager son vécu en envoyant cette lettre à certains d’entre nous. Cela nous permet de rappeler une dernière fois que le mécanisme prévu dans la loi vaudoise jusqu’à présent est inégalitaire, comme l’a reconnu la ministre qui a porté ce dossier jusqu’à récemment. Je déplore que nous n’ayons pas réussi à trouver un compromis entre la proposition de Mme Thalmann et celle de M. Buffat. C’est un échec, car, suite aux débats des premier et deuxième tours, nous avons accepté, et nous assumons collectivement, que certaines personnes, notamment des femmes vaudoises, continueront à être soumises à la solidarité fiscale pendant encore plusieurs années, voire plusieurs décennies. C’est ce que révèle la lettre que nous avons reçue, et c’est un fait que je regrette profondément. Il est positif de clore le débat aujourd’hui et de mettre fin à cette pratique, mais n’oublions pas que nous l’avons fait de manière insuffisante. Certaines personnes, comme l’autrice de cette lettre, ne l’oublieront pas. Ainsi, même si, collectivement, nous voterons vraisemblablement aujourd’hui pour la version du deuxième débat, qui constitue un moindre mal, je crains que certaines personnes continuent de subir cette inégalité.

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

Bien sûr, nous aurions préféré maintenir la proposition du Conseil d’Etat. Cependant, il est important de souligner que, dans les propos qui viennent d’être évoqués, il est question de moindre mal, et cela correspond précisément à la définition d’un compromis. Un compromis, c’est lorsque chacun fait un pas vers l’autre, et en quelque sorte, c’est accepter ce moindre mal. Je pense que, dans l’esprit, c’est ainsi que ce compromis a été accepté lors du deuxième débat. Et il me semble préférable de l’aborder sous cet angle. D’ailleurs, j’ai expliqué à deux reprises que les articles de loi évoluent avec le temps. La société change, et les lois doivent également s’adapter. Comme le disait Benjamin Constant, « la loi s’adapte aux mœurs, et non l’inverse ». A un moment donné, il est nécessaire de réviser les articles de loi afin qu’ils soient plus en adéquation avec notre société. Chercher à corriger ou réparer quoi que ce soit par une rétroactivité ne ferait que créer de nouvelles inégalités. Je crois l’avoir démontré à plusieurs reprises au cours des débats précédents.

Ainsi, l’article proposé lors du deuxième débat a été largement accepté, dans la mesure où il ne remet pas en cause l’article 277m, qui a déjà été confirmé par ce plénum, que ce soit lors du premier ou du deuxième débat – je ne me souviens plus exactement. Il précise également que l’application commencera à partir du 1er janvier 2026 et s’appliquera aux procédures pendantes. Comme l’a souligné le député qui a déposé l’amendement, cela signifie que ces procédures ne sont pas encore terminées, mais qu’elles peuvent avoir été initiées avant cette date – c’est là que l’on peut parler de rétroactivité. Vous ne pouvez donc pas affirmer qu’il n’y en a pas, même si elle reste raisonnable, puisque ces procédures n’ont pas encore trouvé d’issue. Dans cet esprit, je pense que si cet article est accepté, il pourra être appliqué de manière cohérente. Je précise cela, car nous avons évoqué la question de la virgule, et il est toujours délicat d’interpréter des textes juridiques avec ou sans virgule, etc. C’est pourquoi, afin de clarifier l’esprit de cet article, et en complément des propos de M. Buffat, je me permets de le reprendre ici.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

L’article 2, formule d’exécution, est accepté tel qu’admis en deuxième débat par 132 voix contre 4 et 3 abstentions.

Le projet de loi est adopté en troisième débat.

La discussion générale est ouverte.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Le groupe socialiste salue le fait que le Grand Conseil mette enfin un terme à la cosolidarité fiscale. Il s’agit d’une avancée majeure, obtenue de haute lutte. Il aura fallu cinq longues années pour parvenir à cette décision. Le groupe socialiste regrette toutefois que la majorité du Grand Conseil ait refusé l’introduction de la rétroactivité, oubliant que l’application de la cosolidarité fiscale continue de plonger quelques milliers de femmes et quelques hommes, ainsi que leurs enfants, dans la précarité. Enfin, j’ai encore une question à adresser à M. le conseiller d’Etat Borloz : maintenant que l’article 2 a été adopté, pouvez-vous vous engager à suspendre toute taxation des personnes qui seraient concernées par l’article 14 ?

M. Philippe Jobin (UDC) —

Je m’exprime en mon nom propre. J’ai bien pris en compte ce que vous avez dit, monsieur le conseiller d’Etat. Je suis en partie d’accord avec vous, mais il demeure en moi un sentiment que, sans rétroactivité, cette mesure reste parfois injuste. Malheureusement, nous connaissons des cas récurrents depuis 2019. 

Quant à la lettre que j’ai reçue, je l’ai lue, mais elle n’était pas signée. Je me suis dit que je pourrais peut-être m’abstenir de faire des commentaires à ce sujet, mais il y a tout de même une forme qui me dérange un peu. Je vais néanmoins voter en faveur de cette loi. De toute façon, cette réforme me semble nécessaire pour corriger, du moins en partie, l’injustice qui a particulièrement frappé les femmes. Je reste tout de même un peu sur ma faim, mais je soutiens cette réforme que j’applaudis des deux mains, en espérant que mes collègues feront de même.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

A l’issue des débats sur la fin de la solidarité fiscale entre ex-époux, nous avons un goût amer. Certes, nous saluons la décision du Grand Conseil de mettre un terme à cette pratique discriminatoire, mais nous regrettons que la majorité ait refusé d’introduire la rétroactivité, et ce, pour des raisons qui nous apparaissent avant tout financières. Je tiens à rappeler que cette situation a été portée à la connaissance du public depuis 2014, puis au Grand Conseil dès 2018. Malgré cela, le Conseil d’Etat n’a, d’une part, pas pris la décision d’instaurer un moratoire sur cette pratique totalement discriminatoire à l’égard des femmes concernées, et d’autre part, cet objet a été inscrit tardivement à l’ordre du jour. Pendant tout ce temps, des femmes – car la grande majorité des cas concernent des femmes – ont continué à devoir supporter les dettes de leur ex-époux, alors qu’il aurait été politiquement possible de mettre fin à cette situation plus rapidement. Lors de nos débats, le Grand Conseil aurait pu prendre ses responsabilités et réparer ce tort fait à ces victimes d’un système totalement injuste. Il faut le dire : tant le Conseil d’Etat que le Grand Conseil portent aujourd’hui la responsabilité de ne pas avoir agi assez rapidement et de ne pas avoir accordé la rétroactivité.

Par ailleurs, nous regrettons qu’en dépit de plusieurs tentatives de compromis de la part de la gauche, nous en arrivions finalement à l’amendement Buffat, qui, force est de le dire, ne répond absolument pas à la question de la rétroactivité. L’argument selon lequel les propositions de rétroactivité créeraient des inégalités me semble inacceptable, puisque ces propositions auraient justement permis de réparer une discrimination manifeste. Ce sont donc, encore une fois, ces femmes qui devront payer le prix des décisions prises par le Grand Conseil et le Conseil d’Etat. Elles subiront les conséquences d’une volonté politique de ne pas mobiliser les moyens financiers nécessaires pour réparer cette injustice. Je le dis ici clairement : ces femmes ne devraient pas être les victimes des choix politiques qui ont conduit le canton à une situation financière délicate. Je pense notamment à la politique fiscale menée par le Conseil d’Etat, qui a des conséquences très concrètes pour les personnes et génère des injustices manifestes.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Permettez-moi tout de même quelques brèves remarques. La première concerne l’effet rétroactif. Il s’agit d’un outil exceptionnel qui doit être manié par le législateur avec la plus grande prudence, et je dirais même avec une extrême modestie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la jurisprudence souligne que la rétroactivité doit être très limitée dans le temps, généralement à une année, voire deux au maximum, et elle doit être justifiée par des motifs légitimes – les deux conditions sont cumulatives. Je conteste ici, dès le départ, l’existence de ces « justes motifs ». Mais pourquoi ? Parce que, chers collègues, comme déjà mentionné, si la rétroactivité s’étend trop longtemps, elle risque de créer d’autres inégalités. Ce que vous allez faire, défaire et refaire engendrera d’autres types d’inégalités, dont certaines seront irréparables, injustifiables, et peut-être même encore plus choquantes que celles que vous dénoncez, à juste titre.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors des débats, une rétroactivité trop étendue reviendrait à une forme d’amnistie. Et Dieu sait combien j’ai entendu, en particulier sur les bancs de la gauche, des cris d’alarme chaque fois qu’il était question d’amnistie fiscale. Mais, en réalité, c’est bien de cela qu’il s’agit. En effet, certains époux – hommes et femmes – qui se sont acquittés de leurs dettes – parfois au prix de gros sacrifices – se verront confrontés à d’autres qui ne les auront pas encore réglées et qui seront finalement « amnistiés » à partir du 1er janvier 2026. Cela ne me semble pas acceptable non plus.

Je conclurai par une réflexion tournée vers l’avenir, monsieur le conseiller d’Etat. Il est vrai que les situations qui nous ont été rapportées soulèvent la question des remises d’impôts. Je me réfère, bien que je ne me souvienne plus si cela relevait d’une interpellation ou d’un postulat de notre collègue Thalmann, à cette question spécifique. La réponse donnée par le Conseil d’Etat était assez franche et objective : nous avons une pratique extrêmement restrictive en la matière, mais finalement, c’était présenté comme étant parfaitement satisfaisant. Je pense qu’il y aurait cependant ici une opportunité d’ouvrir un peu la réflexion et de faire quelques efforts pour adopter une politique plus humaine dans l’examen de ces remises d’impôts, car, là aussi, le canton de Vaud semble faire preuve d’une rigidité qui n’a rien à envier à celle de la justice de Berne.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Nous allons enfin corriger cette pratique qui avait été dénoncée par l’intergroupe F en 2019, et c’est une bonne chose. Malheureusement, à l’époque, nous n’avions pas pu obtenir un moratoire sur ces situations, et elles se sont encore détériorées pour de nombreuses femmes. Aujourd’hui, les jeux sont faits. Comme vous, j’ai reçu cette lettre d’une personne affectée par ces décisions. Ce que je voudrais peut-être suggérer aujourd’hui, c’est un appel à l’administration fiscale. A plusieurs reprises, nous avons entendu qu’il était possible de discuter avec elle, qu’il y avait des moyens de trouver des arrangements. De plus, ces cas peuvent être identifiés grâce aux rappels d’impôts, ce qui permettrait à l’administration fiscale de faire preuve d’humanité et d’empathie envers ces femmes. Elle pourrait les aider à trouver des solutions, afin qu’elles ne se retrouvent pas piégées dans des situations inextricables qui mènent au désespoir. L’administration pourrait vraiment, comme cela nous a été suggéré, faire preuve d’humanité et d’écoute. C’est peut-être ce message que j’aimerais vous transmettre, monsieur Borloz, en vous demandant de prêter une attention particulière aux cas de ces femmes qui restent, malgré tout, encore désespérées.

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

Puisque j’ai été interpellé à trois reprises, je vais répondre. Tout d’abord, concernant mon engagement à suspendre certains travaux de taxation, je tiens à préciser qu’il n’en est évidemment pas question, cela me semble évident. Ensuite, il est important de laisser les gens travailler, appliquer la loi et faire leur travail correctement, comme ils le font jour après jour dans tout le canton, et cela, bien sûr, de manière équitable.

En ce qui concerne la remise d’impôts, la question est pertinente, et je peux confirmer aujourd’hui que la porte de l’administration est ouverte. Les demandes de remise d’impôts sont soumises à un certain nombre de critères, qui, d’ailleurs, sont en partie définis par la loi et ne sont pas négociables en tant que tels. Cependant, bien entendu, je pense que le message à retenir est celui de l’écoute. Si une citoyenne ou un citoyen ressent le besoin de partager sa situation particulière et difficile avec l’administration, celle-ci est ouverte et traitera tous les dossiers qui lui seront soumis. A un moment donné, une décision sera prise. Encore une fois, je comprends cette demande, mais il faut garder à l’esprit qu’il existe des critères à respecter.

En conclusion, j’aimerais vous dire que je suis un peu déçu par certains propos qui m’ont semblé inutilement agressifs. En effet, nous avons tenté d’avancer, nous vous avons proposé cette modification, que vous attendiez, et je pense qu’il faut s’en réjouir. Elle reflète une évolution de notre société vers plus d’équité entre hommes et femmes, et c’est ainsi qu’il convient de la considérer. Le Conseil d’Etat, ainsi que la personne qui gérait ce département avant moi, sont enthousiastes à l’idée de cette modification et de vous l’avoir présentée. J’espère sincèrement que, dans un instant, vous l’accepterez à une très large majorité.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Je m’excuse de reprendre la parole après M. le conseiller d’Etat et je le remercie d’avoir répondu de manière très franche à la question concernant la suspension du traitement. Cela m’amène toutefois à lui poser la question que M. Oleg Gafner lui avait déjà posée lors de la dernière séance, sans réponse à ce jour : comment s’assurer que l’administration ne va pas prioriser ces dossiers de manière inéquitable d’ici le 31 décembre 2025 ? En ce qui concerne la remise d’impôts, j’aimerais que M. Borloz me dise ce que je dois répondre à cette femme, qui se retrouve aujourd’hui empêchée dans ses projets. Que doit-elle faire pour pouvoir obtenir cette remise d’impôts ?

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

Les conseillers d’Etat en charge de leurs dossiers apprécient toujours de recevoir les lettres des citoyennes et des citoyens qui souhaitent faire part de leurs préoccupations aux députés et il ne faut pas hésiter à leur répondre. Pour ma part, je réponds en principe à tous mes courriers. Si j’en ai omis un ou deux depuis que je suis en fonction, je m’en excuse sincèrement. Il est important de ne pas hésiter à nous faire part de vos remarques. 

Quant au sous-entendu concernant l’administration cantonale des impôts, je l’ai dit à plusieurs reprises lors des débats : il est désagréable de voir systématiquement s’élever des voix assez hostiles à l’égard du travail de l’administration, des voix qui prêtent à celle-ci des intentions manifestement étrangères à ses préoccupations. L’administration accomplit son travail. Les fonctionnaires chargés de la taxation n’ont aucune cible personnelle. Ils ne cherchent pas à gêner les citoyens, mais simplement à accomplir leur mission dans le respect des procédures et des lois. Je regrette donc, pour la troisième fois, d’avoir à rappeler cela et de devoir souligner qu’il est important de respecter ceux qui sont à leur poste de travail chaque jour.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

J’interviens à la suite des propos que vient de tenir notre conseiller d’Etat, M. Borloz. Je crois qu’il faut le dire clairement : ce n’est pas l’administration qui est la cible du courroux de certains d’entre nous, mais bien le choix de la majorité de faire abstraction d’une demande qui est à la fois légitime et fondée en droit – celle d’introduire une rétroactivité. Cette demande est portée depuis longtemps par deux associations majeures : l’Association des familles monoparentales et recomposées (FMR) ainsi que l’Association vaudoise pour les droits des femmes. Ces organisations ont même renoncé à réclamer une rétroactivité totale jusqu’en 2014, soit sur dix ans, et s’étaient ralliées à une proposition plus modérée, à savoir une rétroactivité à partir de 2019.

Il apparaît que les arguments avancés par M. Borloz concernant la question de la rétroactivité – à savoir que la fin de la solidarité fiscale irait à l’encontre de la sécurité juridique, de la prévisibilité du droit, et qu’elle entraînerait des inégalités choquantes – ne peuvent être retenus pour justifier l’absence de correction rétroactive. En effet, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur cette question et a rappelé que la Constitution impose l’élimination des discriminations. Il a également précisé qu’il est légitime de tenir compte du moment où la victime a pour la première fois contesté la discrimination, et qu’il n’est ni arbitraire ni insoutenable de corriger cette injustice à partir du moment où elle a été dénoncée.

C’est bien sur cet aspect qu’une partie, malheureusement minoritaire, de ce plénum a réagi – non pas pour critiquer le comportement ou le travail des employés du canton, qui, en effet, appliquent les directives qu’on leur donne, mais parce que nous avions ici la possibilité d’agir autrement. Nous aurions pu choisir une voie différente, plus juste, et rétablir une forme d’équité sociale en faveur de ces femmes, qui subissent encore aujourd’hui, de manière discriminatoire, des conséquences extrêmement lourdes.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le projet de loi est adopté définitivement par 134 voix contre 2.

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