24_REP_221 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Cédric Weissert et consorts - Accueil collectif préscolaire - Où en est-on ? (24_INT_134).
Séance du Grand Conseil du mardi 6 mai 2025, point 25 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe remercie le Conseil d’Etat pour ses réponses qui donnent un bon éclairage sur la situation. Néanmoins, selon moi, elles posent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses. Beaucoup de monde partage le constat que la croissance importante des places d’accueil – qui a été demandée et dûment autorisée année après année – met une pression sur le recrutement du personnel, en particulier sur le personnel formé au niveau ES-HES. La pénurie n’est d’ailleurs plus à démontrer et fait régulièrement l’objet de débats et de communications autant à la radio que dans la presse écrite. La réponse à la question numéro 4 indique que la pression sur le recrutement n’empêche pas la croissance de l’offre. Toutefois, certaines garderies ayant débuté leur activité récemment n’ont pas obtenu le nombre de places souhaité, ne pouvant justifier du quota de personnel formé au niveau ES-HES. Nous pouvons donc en conclure qu’aujourd’hui déjà, la pénurie empêche d’ouvrir de nouvelles places d’accueil et par conséquent de permettre à des parents de concilier vie privée et vie professionnelle.
Nous lisons également lire qu’à ce jour, aucune institution n’a dû réduire sa capacité d’accueil ou fermer ses portes en raison d’un manque de personnel. Toutefois, cette pénurie de personnel met l’ensemble du monde de la petite enfance en difficulté. Afin de respecter les normes dans un contexte admis de pénurie, le Service cantonal de l'accueil de jour des enfants (SCAJE) octroie régulièrement des dérogations auxdites normes. Ces dérogations peuvent être attribuées ou renouvelées selon un processus qui, à ce jour et à ma connaissance, n’est pas normé et dont les critères de décision ne sont pas toujours clairement établis. Dans les réponses apportées, je comprends que le nombre de personnels formés manquant n’est à ce jour pas connu, malgré une pénurie existante depuis quelque temps. Une étude sur le parcours professionnel des éducateurs et éducatrices de l’enfance est en préparation et donnera au Conseil d’Etat une vision globale des enjeux autour des métiers de l’éducation de l’enfance. Il serait intéressant de savoir quand les conclusions de ce rapport seront rendues publiques.
Par ailleurs, comment est-il possible d’imposer et de faire respecter les normes d’encadrement dans un contexte de pénurie de personnel dont on sait pertinemment qu’il existe, mais que l’on ne peut pas quantifier ? Dans ce sens, il est compréhensible qu’un système de dérogation ait dû être mis en place pour apporter une réponse rapide au manque de personnel formé. Il serait intéressant d’obtenir des informations quant aux critères et conditions d’attribution des dérogations : durées et conditions sur quelles bases. Une des possibilités serait d’adapter les normes, même de manière transitoire, pour tenir compte de la réalité actuelle du marché du travail et éviter l’octroi de dérogations permanentes – ce qui aurait l’avantage de rendre le contexte plus clair et plus lisible.
Concernant les réponses à la question 5, je peine à comprendre les pistes envisagées. On apprend à la lecture de la réponse qu’en 2023, l’OrTra Santé-Social Vaud a publié les résultats d’une recherche sur le devenir des assistants sociaux éducatifs (ASE) titulaires d’un CFC. Ceux-ci mettent en exergue que le nombre d’ASE formés par des écoles professionnelles vaudoises semble correspondre aux besoins. Il est indiqué aussi que l’Ecole supérieure en éducation de l’enfance a régulièrement augmenté sa capacité de formation et qu’à la rentrée 2024, 6 classes de 20 élèves étaient disponibles, soit une capacité de 120 places de formation au total. Il est également écrit que depuis 2021, environ 120 diplômés par année sortent de l’école avec un titre ES. Toutefois, il est indiqué que lors de la rentrée scolaire 2023, pour la première fois, puis en 2024, des places de formation sont restées vacantes. Le nombre d’éducateurs formés qui sortiront de l’école dans quelques mois ou années va donc mécaniquement diminuer en dessous des 120, bien que pour pallier le manque d’éducateurs souhaitant se former, la Fondation pour l’accueil de jour des enfants (FAJE) verse désormais une subvention incitative visant à combler le manque à gagner durant la formation.
Plusieurs questions restent sans réponse. Quel est le nombre d’étudiants qu’il serait nécessaire de former chaque année pour atténuer, voire supprimer la pénurie ? Sait-on combien de places sont restées vacantes dans cette école de formation durant ces deux dernières années ? Dans quelles mesures et dans quelles régions cette tendance semble-t-elle se confirmer depuis 2023 ? Est-il envisagé d’adapter la capacité d’accueil de l’école supérieure en fonction de la demande effective, comme ce fut le cas lorsqu’il s’agissait d’augmenter la capacité ? Quelle est la stratégie pour diminuer la pénurie si les étudiants venaient à manquer à court ou moyen terme ? Il aurait été intéressant d’obtenir des réponses via cette interpellation et non un grand développement sans réponses précises.
Le manque de personnel entraîne une surenchère salariale, mais aussi un taux de rotation du personnel inédit et qui ne cesse de s’accroître, dépassant même celui du domaine infirmier, pourtant reconnu comme déjà élevé. In fine, c’est la qualité de l’accueil des enfants qui en pâtit, ceux-ci étant régulièrement confrontés à de nouvelles figures d’attachement. En Suisse romande, seuls les cantons de Vaud et de Genève font la distinction, dans leurs normes, entre personnel tertiaire et secondaire. Les autres cantons considèrent de manière pragmatique mais qualitative, ces deux classes de professionnels formés au même niveau, limitant de facto la concurrence malsaine qui s’installe avec la pénurie de personnel ES-HES. Cela a permis une autorégulation rapide et une diminution du turnover. Cette absence de distinction dans les normes en matière de diplômes devrait être étudiée, l’absence de personnel formé étant couverte par des dérogations et la situation n’étant pas si différente auprès des enfants du personnel non formé ou formé au niveau ASE.
Pour finir, je ne m’attends pas à des réponses plus précises à ce stade, mais devant les questions restées en suspens, je me réserve la possibilité de déposer un postulat pour étudier des pistes d’amélioration, à l’instar de ce qu’ont fait d’autres cantons.
La discussion est ouverte.
Le Conseil d’Etat se réjouit surtout de l’explosion du nombre de places d’accueil offertes par les communes pour répondre à la très importante demande parentale qui, je dois le dire, n’est pas encore complètement satisfaite. Pendant longtemps, nous avons considéré que la réponse apportée aux besoins des parents pour concilier vie familiale et vie professionnelle – ou vie familiale et formation –devait rester de la responsabilité individuelle. Nous nous réjouissons que les communes, le canton et les employeurs aient conclu une Sainte-Alliance qui a permis de développer massivement le nombre de places d’accueil dans ce canton à la faveur d’une politique publique qui tend à l’universalité de l’accueil.
C’est un point important, mais cela ne parle que de la quantité de places offertes. Or, la Loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) ainsi que l’ensemble des partenaires – y compris l’Etablissement intercommunal pour l'accueil collectif parascolaire primaire (EIAP) qui fixe les normes pour le parascolaire – sont attachés à une autre dimension : la qualité de l’accueil des enfants. Récemment, une émission de télévision s’est penchée sur les conditions de cet accueil. Il est certain que la qualité de l’accueil ne devrait pas fléchir pour augmenter la quantité. Cela n’aurait pas de sens que de demander aux parents de confier leurs enfants à des structures qui auraient pour ambition de diminuer la quantité et la qualité des professionnels formés pour s’occuper de leurs enfants, d’autant que les problématiques tendent parfois à se complexifier. La société vit des moments difficiles qui se répercutent sur la vie des familles et la santé des enfants. Dans ce sens, le niveau de formation des professionnels pour faire face à la complexité des situations familiales est un point essentiel sur lequel le canton de Vaud n’entend pas transiger. Il y a eu, par le passé, beaucoup de discussions pour savoir quels étaient le niveau de formation exigible et le nombre de personnes formées dans les structures d’accueil. Il y a eu une tentative d’affaiblir le nombre de personnes formées pour encadrer les enfants. A juste titre, l’EIAP et finalement le Conseil d’Etat ont décidé que la croissance de l’offre ne devait pas se réaliser au détriment de la qualité et de la formation des professionnels, formation qui débouche sur des conditions salariales qui expliquent, en partie, cette pénurie à partir d’un certain âge. L’étude que nous sommes en train de mener mettra vraisemblablement en lumière cette dimension. Je rappelle que la CCT qui couvre ce secteur d’activité majoritairement féminin a mis 26 ans à être négociée entre les partenaires sociaux. Aujourd’hui, elle n’a toujours pas été signée par l’entier des structures qui accueillent des enfants, raison pour laquelle il conviendra à l’avenir de garder un œil attentif sur cette dimension. J’ai la conviction qu’en améliorant les conditions de travail des professionnels, nous pouvons fidéliser ces personnes dans les structures où il y a un très gros turnover – ce qui est très dommageable pour la profession et les enfants.
Vous avez relevé un autre point important : parfois des structures d’accueil ouvrent, mais n’offrent pas tout de suite 100 % des places effectives. En effet, les communes prévoient un développement possible de l’offre en construisant des structures qui ne sont pas occupées d’emblée à 100 % par les enfants. Les questions que vous posez trouveront vraisemblablement des réponses satisfaisantes dans l’étude qui a commencé. Elles passeront non seulement par la dimension de valorisation du nombre de places de formation, mais vraisemblablement aussi par une valorisation des conditions de travail pour pouvoir disposer de professionnels formés et salariés dans des conditions qui leur permettent d’exercer durablement cette profession jusqu’à la retraite.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.