22_MOT_53 - Motion Pierre Zwahlen et consorts - en faveur d'un examen périodique des droits humains.
Séance du Grand Conseil du mardi 28 janvier 2025, point 24 de l'ordre du jour
Texte déposé
Comme bien d’autres, notre pays rend compte de sa situation des droits humains dans le cadre d’un examen périodique universel (EPU) auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Dans un Etat fédéraliste comme la Suisse, le rapport officiel ne peut examiner en détail les 26 situations cantonales. Ce sont pourtant bien des cantons que relèvent des domaines majeurs, tels que la formation, l’action sociale, la police ou la détention.
Afin d’informer sur les évolutions vaudoises mais surtout de disposer de données fiables et de fournir une meilleure vue d’ensemble, le Canton peut dresser périodiquement un état des lieux des droits humains sur son territoire. Dans une phase pionnière, il peut collaborer à cette fin avec le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), avec des organisations de la société civile ainsi qu’avec la Confédération. D’autres cantons se joindront vraisemblablement au processus. Un examen par les pairs serait alors bénéfique : des cantons pourraient étudier et comparer leurs pratiques de manière réciproque, évaluer les situations, adresser des recommandations aux cantons sous revue – à l’instar de l’examen périodique universel des Etats.
La démarche fait désormais son chemin. Des représentant-e-s des cantons, du gouvernement fédéral, du monde universitaire et de la société civile en ont largement débattu début novembre, lors d’un événement convoqué à Berne par l’Institut du fédéralisme, le CSDH et une équipe de recherche de l’université de Lausanne, soutenue par le Fonds national suisse. Au-delà de nos frontières, la mise en œuvre montrera l’intérêt d’une approche fédéraliste des droits humains. Elle s’inscrira aisément dans le cadre de l’Agenda 2030 du canton.
Les cosignataires de la motion demandent de créer la base légale pour un examen périodique cantonal de la situation des droits humains sur le territoire vaudois, en collaboration avec des partenaires de la société civile et de la Confédération.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Géraldine Dubuis | VER |
Julien Eggenberger | SOC |
Hadrien Buclin | EP |
Alberto Mocchi | VER |
Joëlle Minacci | EP |
Felix Stürner | VER |
Yannick Maury | VER |
Céline Misiego | EP |
Théophile Schenker | VER |
Sébastien Humbert | V'L |
Graziella Schaller | V'L |
Sylvie Podio | VER |
Mathilde Marendaz | EP |
Martine Gerber | VER |
Nathalie Jaccard | VER |
Didier Lohri | VER |
Laurent Balsiger | SOC |
Claude Nicole Grin | VER |
Nathalie Vez | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Valérie Zonca | VER |
Jean-Louis Radice | V'L |
Alexandre Démétriadès | SOC |
Alice Genoud | VER |
Yves Paccaud | SOC |
Isabelle Freymond | IND |
Aude Billard | SOC |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s’est réunie le 5 mai 2023. Mme Christelle Luisier, présidente du Conseil d’Etat, a participé à cette séance, accompagnée de M. Aurélien Buffat, chancelier d’Etat, Mme Delphine Magnenat, adjointe du chancelier et conseillère juridique de la chancellerie, et M. Théophile von Buren, responsable juridique départemental. Je remercie Mme Fanny Krug, secrétaire de commission, pour l’excellence de son travail.
La commission a auditionné l’équipe du projet droit international et parlements cantonaux de l’Université de Lausanne (ILSP), et une collaboratrice scientifique de l’Institut du fédéralisme de l’Université de Fribourg. Une présentation du projet qui mène à l’idée d’un examen périodique des droits humains dans le canton de Vaud est développée. Le sujet présenté est le droit international et les cantons. Le projet part du principe que les traités internationaux, notamment relatifs aux droits humains, créent des obligations légales pour les cantons et notamment pour les parlements cantonaux, s’ils impliquent des changements législatifs. Les traités de droits humains contiennent souvent des dispositions qui entrent dans les compétences cantonales − formation, santé, action sociale, police, détention. Cela crée des défis, car lorsqu’un nouveau traité des droits humains est ratifié et entre en vigueur en Suisse, 26 cantons et leurs autorités doivent agir pour que le cadre légal cantonal respecte le droit international.
Deux cas de figure sont présentés, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Il en résulte, de manière générale, en Suisse, pour l’équipe auditionnée, divers points qui pourraient, selon eux, être améliorés : pas de procédure claire de mise en œuvre des traités internationaux au niveau cantonal ; processus lancés parfois par l’administration, parfois par des députées et députés ; mise en œuvre un peu artisanale, hétérogène, dépendant des contextes et des acteurs cantonaux. En conclusion de l’exposé, il ressort de celui-ci qu’un examen périodique des droits humains dans le canton de Vaud serait bénéfique au canton. Il permettrait d’accéder à une vue d’ensemble plus systématique et plus complète de la mise en œuvre des droits humains.
Par suite de cet exposé, les commissaires prennent le temps de quelques questions. Concernant la situation genevoise donnée comme exemple, un office a été créé en 2008, mais fermé en 2013. Le Grand Conseil du canton de Genève dispose d’une Commission des droits humains depuis 2001, décrite comme unique en Suisse, en 2008. Pourquoi l’office créé en 2008 a-t-il été fermé en 2013 ? Les personnes présentes ne peuvent pas répondre à la question du commissaire. Concernant la mise en place d’un examen périodique des droits humains à l’échelle cantonale, quelle est l’ampleur du travail ? Comment ce mécanisme sera-t-il mis en place, par qui, et selon quelles procédures ? Il est répondu que le Canton décide des modalités de mise en place de cet examen périodique. Cela dépend de la manière dont les administrations cantonales sont structurées.
Le motionnaire relève que les droits humains sont des valeurs fondamentales reconnues au niveau mondial avec la Déclaration universelle des droits de l’homme à l’échelon des Nations unies depuis 1948. En Europe, le Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait partie, a mis en place une Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à Strasbourg, qui est aussi une référence pour notre pays. L’examen périodique universel (EPU) au niveau des Nations unies a lieu tous les cinq ans, en général. C’est un examen réalisé par les pairs. A l’échelon cantonal, on pourrait imaginer un dispositif semblable, avec d’autres cantons qui évaluent la situation vaudoise sur la base d’une évaluation réaliste et réalisée par le canton de Vaud.
Le Conseil fédéral a adopté le 4e rapport sur la mise en œuvre des droits humains en Suisse en septembre 2022. Dans son communiqué de presse, le Conseil fédéral indiquait que l’examen périodique universel est un important mécanisme de suivi de la situation des droits humains dans le monde et que son rapport offre un aperçu de la situation des droits de l’Homme en Suisse, qui est très bonne dans l’ensemble. Le Conseil fédéral s’est aussi efforcé de répondre à une série de recommandations que la Suisse avait acceptées lors du rapport précédent, cinq ans auparavant, de suivre le dossier et de montrer les évolutions dans les pays. Plusieurs exemples concernant nos réalités cantonales – droit d’asile, protection contre la violence domestique, égalité à l’égard des personnes de différentes orientations sexuelles, etc. La Suisse a d’ailleurs mis en place, l’année passée, une institution nationale des droits humains indépendante. Cette institution nationale remplace le Centre suisse de compétence pour les droits humains.
Selon le motionnaire, le canton de Vaud devrait mettre en place un dispositif léger et efficient. Ce dispositif doit être à vocation transversale, car les droits de la personne recouvrent des groupes très différents de notre société vaudoise. Il s’agirait sans doute d’effectuer un travail interdépartemental et de travailler avec des partenaires de la société civile et avec les actrices et acteurs concernés. Cette manière de travailler va dans le sens de ce que le gouvernement vaudois accomplit aujourd’hui. Il s’agirait que nous puissions évoluer de la meilleure manière dans l’application des droits humains tels qu’ils sont reconnus.
Mme la conseillère d’Etat indique avoir été constitutionnaliste et avoir travaillé à l’Institut du fédéralisme pendant près de cinq ans. Elle est donc familière des questions liées aux droits humains. Pour la conseillère d’Etat, si sur le fond, le raisonnement présenté est imparable, la question est de savoir si la méthode préconisée est la bonne à l’échelle du canton. Pour elle, à cause de cet élément, la motion ne peut être soutenue. La Confédération elle-même n’est pas favorable à un tel mécanisme d’audit. La Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) y est également défavorable, en particulier car il alourdirait de manière très importante le fardeau administratif. Pour rappel, la CdC est la seule Conférence intercantonale qui rapporte les positions des gouvernements cantonaux. Elle est l’organe de coordination intercantonale pour les démarches liées au rapport de la Suisse dans le cadre de l’Examen périodique universel.
Actuellement, la préparation des rapports à l’attention des organes onusiens représente déjà une charge de travail importante pour l’administration. Le rapport de la Suisse pour l’examen périodique universel ne peut pas relater en détail l’état de la législation pratique en matière des droits humains dans les 26 cantons ; le degré de détail n’est pas le même. Si l’outil actuel n’est pas optimal, il est possible de l’améliorer. Toutefois, refaire le travail à l’échelle cantonale paraît disproportionné à la conseillère d’Etat. La Suisse a des obligations qui se traduisent par le fait que les cantons sont associés à la procédure de rédaction des rapports rendus par la Suisse. Une coordination est réalisée avec la Confédération et les cantons. Cette coordination passe par l’intermédiaire des cantons.
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) informe continuellement le gouvernement cantonal de l’avancée des démarches sur la procédure d’élaboration du rapport national et en ce qui concerne l’évaluation des recommandations. Il collabore étroitement avec la Conférence des directeurs pour les recommandations thématiques. Les 26 gouvernements cantonaux décident s’ils acceptent ou refusent des recommandations dans le cadre de la CdC. Sur la forme, ce système paraît juste à la conseillère d’Etat. Pour le dernier rapport, 90 recommandations sur 317 relevaient des compétences cantonales. Cela ne veut pas dire qu’il est optimal dans le fonctionnement ; il est toujours possible de mieux faire dans le cadre actuel.
Sur la base des informations fournies par le Conseil d’Etat et ses représentants ainsi que des documents mis à disposition, la majorité de la commission confirme que le Conseil fédéral indique que la situation des droits de l’homme en Suisse et dans le canton de Vaud est très bonne, que la CdC ne souhaite pas d’examen périodique au niveau cantonal, que le canton rédige un rapport écrit, transmis à l’Office des affaires extérieures qui a un lien permanent avec la CdC et le processus d’examen périodique des droits humains − ce rapport n’était pas connu du motionnaire ainsi que de la majorité de la commission − que sur le plan interne et indépendamment des rapports effectués avec la Confédération, il existe des moyens de contrôle internes à l’administration cantonale vaudoise. Par exemple, le Département de la santé et de l’action sociale a développé des outils de monitoring pour s’assurer de la régularité des pratiques en matière de droits humains sur les placement à des fins d’assistance (PLAFA), monitoring sur les droits des patientes et des patients pour le CHUV, etc. D’autre part, plusieurs autorités administratives ont été créées dans le but de veiller au respect des droits fondamentaux : le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH), l'Autorité de protection des données et de droit à l'information.
S’agissant du contrôle abstrait, il existe dans le canton de Vaud un contrôle juridictionnel sous l’angle des droits humains − contrôle abstrait par la Cour constitutionnelle, contrôle concret des décisions par les différentes instances de recours. A cela s’ajoutent les droits accordés aux parlementaires, notamment en matière de Commission de gestion. Pour la conseillère d’Etat, les outils à disposition sont les outils adéquats, tout comme la forme, même s’il est possible de perfectionner potentiellement la qualité de l’information donnée dans le cadre de la CdC en vue du rapport de la Suisse. Elle préférerait que des démarches soient entreprises pour optimiser ce processus plutôt que d’ajouter un nouveau processus. Au terme de la discussion, le motionnaire confirme sa demande de transformer sa motion en postulat. La majorité de la commission recommande au Grand Conseil de ne pas renvoyer au Conseil d’Etat la motion transformée en postulat par 4 voix contre 3.
Pour rappel, la motion transformée en postulat par son auteur demande un examen périodique des droits humains qui reflète, à l’échelle cantonale, l’examen qu’effectue la Suisse tous les cinq ans dans le cadre de ses engagements internationaux.
Selon les représentants de l’Institut du fédéralisme de l’Université de Fribourg et de l’Institut d’études politiques de l’Université de Lausanne, auditionnés par la commission, un examen cantonal permettrait une vue d’ensemble de la situation des droits humains dans le canton. Il favoriserait aussi une mise à disposition d’informations systématiques et complètes à la Confédération en vue de l’état des lieux national. Les évolutions dans le domaine, telles que l’action sociale, la formation, les personnes migrantes ou vivant avec un handicap, les minorités sexuelles, la détention ou la sécurité publique relèvent des cantons. Il est donc souhaitable que ceux-ci puissent, à terme, évaluer périodiquement les freins et les avancées quant au respect des droits fondamentaux sur le territoire.
Pour la minorité de la commission, le canton de Vaud peut être pionnier dans le respect des droits de la personne, qui s’exerce le mieux au niveau cantonal dans les secteurs sensibles. Son examen pourrait encourager d’autres cantons à évaluer et optimiser l’application des droits fondamentaux. Des bases existent à cet effet. Dans les cantons du Valais et du Tessin, s’est exprimé l’intérêt pour une plateforme d’échanges avec d’autres cantons sur les droits humains. Si le canton de Genève a renoncé à un office dédié en 2013, sa Constitution prévoit une évaluation périodique indépendante de la réalisation des droits fondamentaux sur son territoire. Son Grand Conseil dispose d’une commission sur les droits de la personne.
A la mise en œuvre des droits humains ne peut être opposée la lourdeur administrative. Pour éviter un dispositif disproportionné, on pourra définir des solutions allégées. La manière dont les cantons participent actuellement à l’EPU de la Suisse paraît artisanale. Ce n’est pas convaincant. En commission, la représentante du Conseil d’Etat a d’ailleurs reconnu la vérité d’être optimisée.
Le motionnaire a renoncé par ailleurs à demander une modification de loi et a transformé sa motion en postulat. Il accepte ainsi que le gouvernement examine l’opportunité et les modalités d’un examen périodique des droits de la personne et rapporte au Parlement cantonal. La minorité de la commission recommande donc au Grand Conseil de prendre en considération et de renvoyer au Conseil d’Etat la motion transformée en postulat Pierre Zwahlen et consorts en faveur d’un examen périodique cantonal des droits humains.
La discussion est ouverte.
Je vous remercie pour ces deux rapports. Dans le domaine de l’examen des droits humains, nous pouvons songer à des solutions allégées pour éviter un dispositif disproportionné. L’examen cantonal des droits humains peut être confié à une organisation ou à un bureau spécialisé sous forme de mandat, par exemple. Si ce Bureau ou cette organisation énonce des recommandations, elles pourront faire l’objet de réponses du Conseil d’Etat, qui prendra position et pourra indiquer comment et dans quel délai il entend améliorer telle situation. Si ces recommandations sont rendues publiques, tout comme les réponses du gouvernement, nous pourrons même dispenser le Grand Conseil d’être partie à la procédure. Il sera évidemment loisible à tel ou tel député d’intervenir sur un sujet qui mériterait quelques détails supplémentaires. Nous pouvons imaginer d’autres modèles procéduraux simplifiés.
Ce qui importe est que Vaud pourrait être pionnier dans le respect des droits de la personne, sur invitation de l’Institut du fédéralisme, notamment. J’avais pu participer à ce colloque à Berne en fin de Covid ; il était alors possible d’y participer à distance, ce qui est bien pratique. Ces droits s’exercent le mieux au niveau cantonal dans les secteurs sensibles. L’exemple vaudois peut encourager d’autres cantons à évaluer et optimiser l’application des droits fondamentaux. En ce sens, je vous recommande aussi de prendre en considération ce désormais postulat.
J’avais préparé une intervention concise. Toutefois, au vu de la présentation très complète des rapporteurs et afin d’éviter des doublons avec des actions qui se mènent déjà au niveau cantonal, je me restreins à déclarer que le groupe PLR recommande de ne pas renvoyer cette motion transformée en postulat et de la classer.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 72 voix contre 46 et 1 abstention.