23_POS_63 - Postulat Claude Nicole Grin et consorts - Pour la mise en place de conditions afin d’améliorer la situation des acteurs et actrices des secteurs de la culture.
Séance du Grand Conseil du mardi 2 septembre 2025, point 21 de l'ordre du jour
Texte déposé
La notion d’acteurs culturels et d’actrices culturelles doit être comprise au sens large, ce qui veut dire qu’elle englobe non seulement les personnes exerçant une profession culturelle mais aussi les personnes actives exerçant des professions techniques et administratives dans le secteur de la culture. Rappelons que l’industrie culturelle et créative est en Suisse un important facteur économique et un secteur qui compte sur le marché du travail, avec ses 64 000 entreprises actives, soit 10,4 % du total des entreprises du pays. Le secteur emploie quelque 268 000 personnes, ce qui correspond à 5,4 % des personnes actives occupées. Le secteur de la culture contribue à la création de valeur à hauteur de 2,1 % du produit intérieur brut (PIB).
Or, le revenu moyen de ces personnes est inférieur à celui de l’ensemble des secteurs économiques. Les formes de travail dites atypiques ont continué de gagner en importance dans le secteur de la culture au cours des dix dernières années. Ainsi, les emplois à durée limitée, les emplois multiples et l’activité à titre indépendant y sont plus répandus que dans l’économie en général. Ces formes de travail vont fréquemment de pair avec un revenu plus faible et une protection sociale moins bonne, en particulier à la retraite. De plus, les personnes actives dans le secteur culturel à titre indépendant ne sont généralement pas suffisamment assurées contre la perte de gain en cas de maladie ou d’accident.
À ce constat, il faut ajouter que les temps de conception et préparation d’une œuvre artistique ne sont que rarement rétribués.
Rappelons que le financement de la culture par les collectivités publiques provient de trois sources : les cantons, les communes et en subsidiarité la Confédération. Le Canton de Vaud a donc un rôle majeur à jouer dans l’amélioration des conditions cadres à mettre en place pour les acteurs et actrices des secteurs de la culture.
Dès lors, le présent postulat demande au Conseil d’État via un rapport d'examiner comment le Canton peut contribuer à une amélioration tangible des conditions de travail des acteurs culturels et des actrices culturelles dans tous les secteurs de la culture (arts de la scène, arts visuels, films, musiques, littérature, illustration, …).
Ainsi, lors de ses choix d’attributions de soutiens financiers aux secteurs de la culture, le Canton pourrait notamment :
- Prendre davantage en compte les phases de travail effectivement accomplies par les acteurs culturels professionnels et les actrices culturelles professionnelles en amont (recherche, développement de l’idée, conception) et en aval de la production culturelle proprement dite (promotion, diffusion, distribution, médiation).
- S’assurer que les acteurs culturels professionnels et les actrices culturelles professionnelles reçoivent une rémunération équitable calculée sur les montants salariaux ou les cachets recommandés par les associations professionnelles.
- S’assurer des bonnes conditions de travail garantissant le respect de l’intégrité physique et psychique.
- S’assurer que l’égalité des genres est une dimension prise en compte lors de l’évaluation des demandes de soutien.
- Encourager les acteurs culturels professionnels et les actrices culturelles professionnelles à toucher leurs droits d’auteur et droits voisins lors de l’utilisation de leurs œuvres en streaming.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Cendrine Cachemaille | SOC |
David Raedler | VER |
Julien Eggenberger | SOC |
Yannick Maury | VER |
Felix Stürner | VER |
Géraldine Dubuis | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Nathalie Jaccard | VER |
Pierre Fonjallaz | VER |
Alice Genoud | VER |
Valérie Zonca | VER |
Martine Gerber | VER |
Sylvie Podio | VER |
Elodie Lopez | EP |
Vincent Bonvin | VER |
Pierre Zwahlen | VER |
Alberto Mocchi | VER |
Yolanda Müller Chabloz | VER |
Joëlle Minacci | EP |
Théophile Schenker | VER |
Kilian Duggan | VER |
Documents
- RC - 23_POS_63 (maj.) - O. Petermann
- RC - 23_POS_63 (min.) - C.laude Nicole Grin
- 23_POS_63-Texte déposé
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s'est réunie le lundi 18 décembre 2023. Ont participé à cette séance M. le conseiller d'Etat Vassilis Venizelos, chef du Département de la jeunesse de l'environnement et de la sécurité (DJES) et Mme Nicole Minder, cheffe du Service des affaires culturelles (SERAC).
La postulante explique que les salaires dans le milieu des artistes sont très bas, particulièrement pour les arts de la scène. La plupart des actrices et acteurs dans la culture sont employés en contrats à durée déterminée (CDD) parfois de très courte durée. Le salaire médian vaudois dans le secteur des arts de la scène est estimé à moins de 4000 francs par mois. Les arts de la scène produisent des spectacles montés par des compagnies indépendantes qui doivent rassembler suffisamment d'argent en faisant appel à des soutiens. La situation est également complexe dans les arts visuels, sachant que les personnes travaillent souvent à temps partiel dans d'autres professions. En plus des salaires bas, la prévoyance des artistes est faible. Par conséquent, elles et ils se retrouvent très souvent dans une situation précaire au moment de la retraite.
Le Conseil d'État est conscient de la précarité des actrices et acteurs des secteurs de la culture. Dans le cadre de son Programme de législature, le Conseil d'État veut favoriser les collaborations interdépartementales, intercantonales, nationales et intercommunales, en faveur de l'économie culturelle et de l'amélioration des conditions de travail des professions culturelles par le renforcement des dispositifs adaptés à la diversité des métiers artistiques. Il est relevé que l'État de Vaud n'est pas l'employeur des actrices et ne se substitue pas à leurs employeurs, mais peut agir à différents niveaux. Au niveau cantonal, l'État a aidé à la création d'une coopérative qui œuvre dans le domaine de la location de services. Cette entité agit comme organe d'encaissement et en tant qu'employeur du secteur des musiques actuelles pour toutes les prestations où les artistes n'ont pas d'employeur. En outre, le SERAC soutient plusieurs faîtières ainsi que des structures d'encadrement pour que celles-ci puissent établir des états des lieux de leur discipline et émettre des recommandations. Au niveau intercantonal, plusieurs mesures seront mises en place, comme l'amélioration de la rémunération des actrices et acteurs culturels et de leur prévoyance professionnelle ou la clarification de leur statut juridique et économique.
La cheffe du SERAC ajoute que la situation est très diverse selon le domaine artistique. Dans le milieu des arts de la scène, une surproduction est observée en lien avec le nombre élevé de compagnies, ce qui a créé un déséquilibre par rapport à la quantité de théâtres disponibles et au public. La Commission romande de la diffusion des spectacles (Corodis) a réalisé un rapport évoquant certaines pistes pour résoudre ce problème. L'État est subsidiaire et n'est donc qu’un parmi plusieurs intervenants, d'où le travail effectué avec d'autres cantons. Les compagnies doivent trouver des collaborations avec d'autres partenaires, par exemple la Loterie Romande.
Quant à l'idée d'étatiser les acteurs et actrices de la culture, il s’avère que l'État ne peut pas les prendre en charge, sinon il faudrait le faire dans d'autres secteurs qui emploient des personnes en CDD, avec des contrats de courte durée ou avec des salaires bas comme dans le domaine du sport ou de la restauration, etc. Le respect des conditions de travail ou l'application des conventions sont de la compétence des associations professionnelles et des syndicats, mais pas du Canton. Certes, les personnes devraient pouvoir vivre de leur travail, mais il n'incombe pas au Canton de se substituer aux associations professionnelles. Il leur paraît également compliqué que l'État supplée aux conditions des actrices et acteurs du secteur culturel. En outre, il existe des CCT qu'il faut respecter.
Les réponses du Conseil d'État semblent suffisantes. Les actrices et acteurs culturels doivent trouver d'autres solutions pour se protéger. Au vote, la commission recommande au Grand Conseil de ne pas prendre en considération ce postulat par 3 voix contre 3 et la voix prépondérante du président.
Après la réunion de notre commission, j'ai repris contact avec l’association Visarte, faîtière des plasticiens pour celles et ceux qui travaillent dans la sculpture, la peinture, et avec le Syndicat suisse romand du spectacle (SSRS), qui représente tous les artistes qui travaillent dans le spectacle vivant. Si tout le monde reconnaît que le travail accompli au niveau de la culture dans le canton de Vaud – parmi l'un des plus riches cantons au niveau des propositions culturelles – est immense, il l’est aussi au niveau de l'éducation, de la formation, puisque le canton abrite des écoles pour former les comédiens, les metteurs en scène, les scénographes ; nous avons aussi l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL).
La problématique identifiée par mon postulat était davantage liée à la condition des acteurs et actrices culturelles. Les différents syndicats ou organisations insistent sur un certain nombre de points, principalement dans deux domaines : d’une part, la nécessité d’une meilleure reconnaissance officielle du statut professionnel, cela soit-il pour les artistes visuels ou les gens du spectacle vivant. En effet, ils ou elles sortent de formations absolument reconnues. D’autre part, la problématique de la protection sociale qui n'est pas adaptée à ce type de métiers. Les deux groupes demandent une mise en place de dispositifs d'assurance sociale qui soient plus adaptés à l'intermittence, à la spécificité des carrières artistiques, puisque ce sont des emplois à durée déterminée, de facto précaires. Ce type de contrats rendent les choses difficiles en cas de recours à l’assurance maternité, maladie ou chômage. Les métiers demandent à être pris en compte de manière plus spécifique.
Tout un travail est aussi demandé au niveau des barèmes de rémunération qui ne sont pas toujours appliqués, vu la diversité des types d'activités dans ces métiers. Si nous prenons l’exemple du domaine du spectacle qui englobe les comédiens et les metteurs en scène, mais qui s’étend aussi aux métiers hors scène, c'est-à-dire aux administrateurs ou administratrices, à celles et ceux qui travaillent sur la communication ou la promotion, sur des contrats d'accueil d'artistes étrangers et sur une quantité d'autres domaines qui sont liés à la culture de la scène. De même, pour les artistes plasticiens, tout un travail existe autour de la manière dont ils sont reçus dans les galeries artistiques, dans les musées, etc. Tous ces métiers sont liés à la culture et ne s'estiment pas suffisamment reconnus. Vous risquez de me dire que cela ne concerne pas directement le département de la culture du Canton de Vaud, mais aussi les assurances sociales, ou d'autres directions.
La discussion est ouverte.
Je vous remercie pour le dépôt de ce postulat. Je déclare mes intérêts, puisque j'ai été actrice culturelle. Ainsi, j'ai mené des activités qui se déroulent dans l'invisibilité, imperceptibles depuis la scène. Je conçois donc parfaitement ce que signifie être employée à durée déterminée, de n’avoir aucune idée de ce qu’on va pouvoir faire concrètement à la fin d’un contrat, de se confronter à des situations compliquées, qu’il s’agisse d’une certaine manière d’un métier de dévouement. Si ce n’est pas totalement faux, le rapport de minorité en démontre toutefois bien la précarité.
Il est important de comprendre que les critères pour obtenir des subventions cantonales sont extrêmement précis. Dans les domaines des arts de la scène et des spectacles, il existe la partie visible, mais également une partie invisible – c’est-à-dire de création, qui implique le travail de plusieurs dizaines de personnes ainsi que du matériel – qui ne peut être subventionnée. Aussi, si les critères pouvaient être adaptés et des aides supplémentaires amenées, cela pourrait renforcer toute la structure et améliorer les conditions de travail. Cela serait aussi beaucoup plus durable. La question d’adaptabilité des critères est importante.
En outre, l'impression qui émane du rapport de majorité semble dire qu’élargir un petit peu le soutien pour améliorer les conditions des acteurs culturels revient à se substituer à tous les bailleurs de fonds et amène les acteurs culturels à devenir des administrés. Or, je ne crois pas que cela soit le but de ce postulat. Toutefois, il faut comprendre que l’accès à une subvention d'un acteur public comme le canton ouvre des portes pour pouvoir recevoir d’autres fonds. Ainsi, il ne s'agit pas de devenir les principaux employeurs des acteurs culturels, mais simplement de pouvoir adapter ce qui est possible d’adapter pour leur permettre de solidifier leur statut.
Enfin, en 2003, la commune de Lausanne a mandaté une étude à la HEC Lausanne pour se donner une idée de l'impact économique des montants investis dans la culture lausannoise en termes de retombées économiques pour la commune. L'étude a démontré que, pour un million investi, les retombées économiques indirectes équivalaient à 3,3 millions : c'est beaucoup. Il s’agit de retombées économiques pour l'hôtellerie, pour les commerces, c’est-à-dire pour l'économie de la ville. Ainsi, au même titre que nous octroyons des aides et des soutiens à l'innovation, aux entreprises et aux PME, je considère qu’investir plus de moyens pour les milieux culturels, pour les projets culturels et celles et ceux qui les portent, revient à investir dans notre économie. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir le renvoi de ce postulat au Conseil d'Etat.
Je considère que le postulat déposé par notre collègue, Mme Grin, au sortir du Covid était quelque chose d'assez intelligent, qui m'a touché, parce qu'au bout du compte, une vie sans culture, sans théâtre, serait une vie bien terne et bien morne.
Les réponses apportées par le Conseil d'État sont assez claires : 160 groupes théâtraux existent dans le canton de Vaud. Je considère qu’il n’incombe pas à l'État de se substituer à un employeur ni à un pourvoyeur de fonds. A ce titre, il me semble qu’il existe suffisamment de soutiens pour nos troupes de théâtre, pour nos groupes de chanteurs régionaux et locaux. A mes yeux, ce que demande le postulat serait beaucoup trop contraignant et apporterait une énorme surcharge de travail pour le Conseil d'Etat et apporter des réponses aux endroits où le rôle de l'Etat n’est pas de se substituer. Raison pour laquelle le groupe PLR, dans sa grande majorité, vous invite à ne pas renvoyer le postulat au Conseil d'Etat.
Le groupe socialiste soutient le rapport de minorité de la commission. Travailler dans le domaine de la culture est passionnant, mais relève bien souvent du sacerdoce, tant les salaires des artistes sont bas. Le salaire médian est estimé à moins de 4000 francs mensuels. Pour l'anecdote, on parle parfois de la langue de Shakespeare ou de celle de Goethe. Or, si Jean-Baptiste Poquelin n'avait pas bénéficié des prébendes du roi Soleil, on ne parlerait pas du tout de la langue de Molière ! En outre, même si l'État n'est pas l'employeur direct, il peut contribuer à améliorer les conditions de travail des artistes. Ainsi, un rapport sur la situation actuelle permettrait d'identifier les manières de remédier à cette situation et de présenter au Grand Conseil les résultats des réflexions en cours. Par conséquent, le groupe socialiste vous invite avec conviction à prendre en considération ce postulat et à le renvoyer au Conseil d'État.
Au-delà du sort réservé à ce postulat, je partage les propos de mon collègue Mottier. A nos discussions, j'aimerais ajouter que l'économie privée investit beaucoup dans le soutien à la culture, soutient les fanfares – dont je fais partie – mais aussi les chœurs. Il ne faut jamais oublier de les en remercier. Ainsi, au-delà de l'État, ces sociétés reçoivent le soutien de PME, de boulangers, de petits artisans, mais aussi de multinationales pour ce qui concerne la culture. J'aimerais que ce Parlement se le rappelle de temps en temps.
Dans sa grande majorité, le groupe UDC ne soutiendra pas ce postulat. En effet, étatiser va également à l'encontre de la liberté d'expression du milieu artistique. Par ailleurs, si des subventions cantonales existent, n'oublions pas que les communes sont des acteurs aussi très importants.
J’aimerais ajouter deux choses : d’abord, vous référez à des activités culturelles, telles que les chœurs ou les fanfares, c'est-à-dire des sociétés qui allient amateurs et professionnels. Or, il faut tenir compte que la culture, les spectacles qu'on va voir au théâtre impliquent un travail professionnel de la part de personnes qui ne font pas ça par pur plaisir, pour le spectacle de fin d'année, mais qui sont riches de compétences professionnelles, qui ont appris un métier et qui font vivre des espaces dans lesquels vous avez l'occasion d'aller voir des choses qui nous sortent un petit peu de notre quotidien morose, qui nous invitent à réfléchir, à nous évader, et qui sont à mon avis des activités et des espaces absolument essentiels, surtout en ce moment.
En outre, quant à la crainte exprimée que des moyens supplémentaires puissent être attribués, je pense que nous sommes en train de parler d'un postulat, c’est-à-dire d’un rapport qui permettrait de mettre en lumière des lacunes dans la manière dont les acteurs de la culture peuvent être soutenus. Il serait extrêmement intéressant de réfléchir à la manière dont il serait possible d’adapter le système en collaboration avec les autres acteurs du financement. En effet, le financement des projets culturels inclut des entreprises ou des fondations privées – vous avez évoqué la Loterie Romande – et fonctionne en pyramide. Cela signifie que pour pouvoir accéder à des financements, il faut d'abord avoir l’accord de la commune et ensuite celui du Canton. Et, comme première pierre à l'échelon, le soutien cantonal s’avère très important. Etudier la manière dont nous pourrions adapter ces soutiens pour pouvoir les aider à construire la pyramide du financement serait très pertinent.
Par conséquent, je vous invite vivement à renvoyer ce postulat afin que nous puissions accéder à des données via un rapport relatif à ce qui pourrait être envisagé pour répondre au problème de la précarité des acteurs culturels qui – et j'insiste sur ce point – n'est pas dû au Covid, même si cela l’a accentuée.
J'insiste sur le fait qu’une activité « amateur » – théâtre, musique, accordéon – est entourée par des professionnels qui sont payés, qui vivent de cette activité, y compris les écoles de musique que les communes soutiennent activement. Je comprends bien votre position par rapport au théâtre professionnel, mais ces derniers font aussi partie dans le fond du magma de la culture amateur. Et, la culture « amateur », dans toute sa splendeur, est soutenue par l'économie privée, les fondations, au même titre que ce qui est professionnel.
J'avoue que je suis quand même très étonné d'entendre le terme de « magma » quand on parle de personnel professionnel et d’actrices et d’acteurs culturels. Il ne s'agit pas de faire le procès de celles et ceux qui pratiquent la culture ou la vie culturelle pour leur plaisir, leur passion, dans un cadre de loisir et de bénévolat, il s'agit plutôt de reconnaître que le secteur culturel qui met en scène des professionnels qualifiés sont dans des situations de précarité évidentes, même si ce n’est peut-être pas partout. J'en oublie de déclarer mes intérêts de municipal de la culture à Morges depuis fort longtemps. Dans ma pratique, j'ai eu l'occasion d'accueillir et de rencontrer de très grandes quantités d'artistes dont certains ne sont évidemment pas précaires, mais pour la plupart, la difficulté de la rémunération est une réalité, puisque la production culturelle fait elle-même appel à des ressources financières exigeantes et que très souvent, la rémunération de l'artiste – lorsqu'elle n'est pas codifiée ou lorsqu'elle n'est pas conventionnée – est souvent la dernière chose qui est considérée dans le budget d'un projet culturel.
Bien entendu, les milieux privés économiques soutiennent les projets culturels. Ces soutiens privés sont la plupart du temps remerciés et visibilisés pour les immenses efforts financiers qu'ils consentent, notamment dans ce canton de Vaud, dont on a dit la richesse culturelle. Mais, de l'autre côté, il y a quand même une réalité difficile : celle d'admettre qu'une ou qu’un artiste professionnel a droit à une rémunération digne. Pour vous donner un exemple, à Morges, nous insistons dans le cadre des conventions qui nous lient aux productions culturelles à des tiers – puisqu’en effet, la culture n'est pas forcément municipale – auprès d'organisatrices et organisateurs de projets pour conclure des conventions dans lesquelles la rémunération des artistes fait partie des conditions sine qua non pour accueillir une production culturelle ou une manifestation.
Ainsi, ne serait-ce que pour le partage d'expériences entre les pratiques cantonales et les pratiques communales, une réponse à un postulat serait vraiment très intéressante pour mettre à plat la diversité de ces pratiques.
J’aimerais conclure en vous citant un article paru hier dans La Côte. On y apprend que, pour certaines manifestations – je pense notamment au Buskers Festival de Morges – le canton de Vaud impose directement les revenus au chapeau. Or, ces revenus concernent des productions des arts de la scène particulièrement précaires : les artistes touchent entre 60 et 80 francs par soirée. C’est donc sur ces modestes cachets – souvent leur unique rémunération – que le canton vient encore prélever un impôt. On conviendra que ce montant est loin d’être conséquent. Il semblerait d’ailleurs que le Canton de Vaud soit le seul à agir de la sorte. Je ne sais pas si cela est exact, mais il me paraît en tout cas nécessaire d’en débattre. Pour toutes ces raisons, je vous invite vivement à renvoyer ce postulat au Conseil d’État.
Pour être sûre que je n’ai pas généré de confusion, j’aimerais répondre à M. Berthoud. Mon intervention ne visait pas à opposer les acteurs professionnels et non professionnels. Je suis entièrement consciente et convaincue qu’énormément d'activités amatrices dans le monde de la culture reposent sur les épaules de professionnels. On ne peut que se réjouir que le Conseil d'Etat ait annoncé l’adaptation des critères pour soutenir ce type de projets à la jonction entre amateur et professionnel.
Sans vouloir rallonger, puisque l’heure des festivités approche, indépendamment du sort qui sera réservé au postulat de la députée Grin, il est intéressant de rappeler trois principes qui guident l'action de l'État en matière de soutien culturel. D'abord, la Loi sur la vie culturelle et la création artistique (LVCA) confère au Canton la responsabilité de ne soutenir que le secteur professionnel. Cependant, il n'est évidemment pas question de nier l'important dispositif, le bassin d'engouement populaire pour les chorales, les fanfares, la culture « amateur ». Leurs acteurs, essentiels, enrichissent le paysage culturel vaudois, raison pour laquelle les lignes de politique culturelle du Canton ont évolué pour aussi soutenir ces passionnés de culture sur l'ensemble du territoire vaudois. Ces derniers sont la plupart du temps soutenus, encadrés, stimulés et inspirés par des professionnels. Ainsi, il n’est pas question de les opposer : tous deux sont importants pour le Canton, a fortiori nécessaires les uns aux autres. Il est d’ailleurs commun d’assister à des spectacles mis sur pied par des chœurs amateurs, mais dont la partition a été composée par des professionnels. A ce titre, nous pouvons prendre l’exemple de la Fête des Vignerons, qui appartient à notre ADN vaudois et qui repose sur cette excellente formule. En outre, comme relevé par M. Berthoud nous avons la chance de posséder une économie riche – et qui répond toujours présent – pour soutenir les événements et les productions artistiques. J'aimerais ajouter que les communes font aussi leur part, une part importante, puisque, dans notre pays, la culture repose d'abord sur les communes, et subsidiairement ensuite sur le Canton. Quant à elle, la Confédération donne les lignes directrices.
Par ailleurs, le Covid n'a pas seulement appauvri les gens, il a révélé une série de situations préoccupantes relatives à la chaîne économique de la culture qui ne se limite pas aux artistes, mais inclut les ébénistes qui créent les décors, les électriciens qui gèrent les luminaires, les voituriers qui véhiculent les artistes, l’hôtelier qui les héberge, etc. A ce titre, avec ma collègue Isabelle Moret – et cela figure dans le Programme de législature – nous avons pour ambition de développer ce qu'on appelle le cluster de l'économie culturelle. Je regrette que nous n’ayons le temps d’en parler aujourd'hui, mais le point suivant de l'ordre du jour s’inscrit dans cette ligne, à savoir l'économie du cinéma. Si vous suivez l'actualité des séries à la télévision, The Deal a été tournée majoritairement dans notre canton, avec des retombées économiques majeures, notamment pour l'hôtellerie, mais aussi pour toute une série d’autres acteurs économiques.
Ainsi, l'État, dans sa zone de compétence, soutient en subsidiarité ce secteur, parce qu'il fait vivre des hommes et des femmes qui, à défaut, se retrouveraient en situation de très grande précarité ; le Canton y est résolument engagé. En outre, nous avons créé aux côtés de nos collègues des cantons romands une Conférence intercantonale autour de la culture. En effet, il est important à nos yeux de commencer à harmoniser nos critères de soutien. Nous avons pour ambition de créer un espace romand de la culture pour permettre et favoriser un rayonnement plus large et plus durable des activités culturelles, qui constituent un phare incontesté. De surcroît, comme évoqué par nombre d’entre vous, le canton de Vaud est parmi les plus riches en matière d'offre culturelle, en matière de professionnels et d'amateurs de la culture. Ainsi, s'intéresser aux conditions de vie des gens qui pratiquent ces métiers s’avère tout aussi noble que pour d'autres secteurs économiques. A cet égard, la Conférence intercantonale en a fait un axe de travail afin d’identifier ensemble ce qui permettrait de limiter la casse pour celles et ceux qui n'arrivent pas à vivre de leur métier et de leur passion.
La discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 72 voix contre 50 et 3 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celle et ceux qui soutiennent le rapport de majorité (classement) votent oui ; celles et ceux qui soutiennent le rapport de minorité (prise en considération) votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 72 voix contre 49 et 5 abstentions.
*insérer vote nominal