24_PET_7 - Pétition Examens médicaux des conducteurs de plus de 75 ans, modifions les règles hasardeuses !.
Séance du Grand Conseil du mardi 6 mai 2025, point 37 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa Commission des pétitions a traité de cet objet le 21 octobre 2024. Un grand merci à M. Florian Ducommun, secrétaire de commission, pour ses excellentes notes de séance. Les personnes entendues étaient composées de l’unique signataire de la pétition et des membres de l’administration représentés par M. Pascal Chatagny, chef du Service des automobiles et de la navigation (SAN), ainsi que Mme Elisabeth Rupp, responsable du Domaine droit de conduire au SAN.
L’objet de cette pétition est de faire la lumière sur les examens médicaux exigés aux seniors de plus de 75 ans et d’apporter une réflexion sur ces mesures afin de voir si elles sont adaptées à la situation ou non. Pour le pétitionnaire, les principales problématiques étaient que les tests demandés pour l’examen d’aptitude à la conduite ne seraient pas adaptés à la réalité de ce qui est nécessaire pour pouvoir conduire. Il partage notamment des exemples des tests exigés : résoudre un calcul mental, répéter et mémoriser certains mots, marcher en ligne droite. Il nous a donné l’exemple d’une personne de 96 ans qui doit marcher un pied devant l’autre pendant l’examen, impliquant que, selon lui, il n’est pas adéquat de demander ce genre de test à une personne de 96 ans. Il relève aussi les différences de traitement entre les médecins traitants qui ne demandaient pas les mêmes exigences d’un médecin à l’autre, provoquant ainsi une situation d’inégalité. Il souhaite également qu’un deuxième avis de médecin puisse être possible et que les possibilités de recours à la décision de retrait puissent être accessibles et surtout bien expliquées.
Pour les représentants du SAN, à l’inverse, la première chose à relever est que les examens médicaux d’aptitude pour conduire sont régis au niveau fédéral. Ainsi, le SAN applique les exigences fixées par la loi. D’autres éléments figurent dans le rapport que je vous invite à consulter.
Pour les commissaires, la pétition pointe effectivement certains enjeux, notamment la question de l’égalité de traitement entre les seniors selon les médecins traitants qui prennent la décision. Néanmoins, il n’en demeure pas moins que ces tests sont indispensables pour la sécurité publique et que si certains exercices peuvent paraître intrigants ou inadaptés, il s’agit de tester différents éléments pour que le médecin puisse émettre un avis sur la vue, les réflexes, la mémoire ou l’équilibre des personnes examinées. Un vœu a été formulé lors de cette séance de commission afin que la communication autour des cours du Touring Club Suisse (TCS) destinés aux seniors soit renforcée, ainsi que la communication autour des droits de recours et des possibilités d’adaptation existantes pour pouvoir vivre sans permis. En conclusion, la commission recommande au Grand Conseil de classer la pétition par 3 voix et 8 abstentions.
La discussion est ouverte.
Je commence par déclarer mes intérêts : j’ai effectué plus d’une centaine d’examens médicaux pour des conducteurs de plus de 75 ans ou pour des chauffeurs professionnels. Néanmoins, ayant pris ma retraite le 1er avril de cette année, ces intérêts ont perdu quelque peu de leur actualité. La lecture de la pétition suscite quelques remarques. Premièrement, il faut bien comprendre que le médecin généraliste, lorsqu’il est mandaté par le SAN pour faire un examen d’aptitude des seniors, change complètement de rôle. Il quitte sa fonction de médecin traitant pour endosser celle d’un expert, ce qui peut ne pas être très agréable lorsqu’il faut informer un de ses patients qu’il n’est plus apte à la conduite. Cette fonction d’expert entraîne une responsabilité considérable et je suis choqué d’apprendre, comme le relève le pétitionnaire, que certains médecins ne se donnent même pas la peine d’examiner leurs patients pour statuer sur leur aptitude à la conduite. A titre personnel, et tout au long de mes 30 années de pratique, j’ai été amené à demander un deuxième avis, généralement à un spécialiste, lorsque j’estimais que les conditions n’étaient pas remplies pour accorder le renouvellement de l’aptitude à la conduite.
Deuxième point, le pétitionnaire s’insurge sur les tests permettant de détecter des débuts de maladies d’Alzheimer. Pris isolément, le fait de reconnaître l’image d’un rhinocéros, de soustraire 7 de 100, de dessiner une horloge ou de se souvenir de la date du jour, peut effectivement étonner le patient. Avant de faire le test de Montreal Cognitive Assesment (MoCA), j’ai toujours pris soin d’expliquer au patient qu’une ou deux questions l’étonneront certainement, mais qu’il ne devait pas s’en offusquer. Ce test de MoCA a été validé scientifiquement et permet de déceler des indices de troubles cognitifs qui passeraient complètement sous les radars sans effectuer un tel test. Il va de soi qu’on ne va jamais retirer une autorisation de conduite à quelqu’un qui a oublié la date. C’est un faisceau d’indices qui nous amène à prendre une décision et la limite à atteindre de 26 points sur 30 est indicatrice, elle n’est pas exclusive. De même, on ne va pas non plus empêcher de conduire une personne âgée qui peine à se mettre sur la pointe des pieds ou sur les talons. En revanche, si la vitesse d’exécution de ces tests est trop lente, elle pourrait se répercuter sur le temps de réaction pour appuyer sur la pédale de frein.
Troisièmement, je regrette que de jeunes collègues se soient montrés si pointilleux devant un test de MoCA à 25 points. Encore une fois, c’est un faisceau d’indices qui doit nous aider à statuer et jamais un seul point qui manque à un test. Il faut saluer l’introduction des cours de formation pour les médecins qui veulent pratiquer cette expertise de l’aptitude à la conduite. Ces cours sont d’excellente qualité et les questions soulevées par le pétitionnaire y sont abordées sans tabou.
Quatrièmement, je comprends le pétitionnaire qui habite Cheseaux – et moi Echallens – à la campagne, le permis de conduire peut être un trait d’union important entre son lieu d’habitation et le village ou la ville. Il s’avère que ce n’est pas un argument suffisant pour un conducteur qui n’a plus ses réflexes. Le risque d’accident avec un enfant est présent et, en ville ou en campagne, un enfant reste un enfant. En conclusion, ce n’est pas au Conseil d’Etat de statuer sur ces questions et par conséquent je vous encourage à ne pas soutenir cette pétition. En revanche, je soutiens le vœu émis par la commission sur les droits des recourants et sur la possibilité de demander un deuxième avis quand le médecin traitant ne l’a pas fait.
Permettez-moi de remercier la rappotrice de la commission et notre collègue Blaise Vionnet pour ses commentaires médicaux qui me paraissent pertinents. Ce qui est ressorti dans l’examen de la Commission des pétitions – et c’est une remarque que je fais pour le groupe des Verts – c’est une grande disparité dans l’attitude des médecins durant cet examen d’aptitude à la conduite pour les seniors de plus de 75 ans. Il est vrai que des formations sont maintenant imposées aux médecins en lien avec cet examen d’aptitude et cela nous paraît utile pour faire diminuer ces écarts – nous voulons le croire en tout cas. Le ou la médecin de niveau 1 pose son constat sur la base de test et en fonction d’une tabelle. En cas de doute sur une compétence, il adresse la personne à une ou un spécialiste qui vérifiera ses facultés. Si l’inaptitude est déclarée, le patient ne peut pas consulter un deuxième spécialiste pour avoir un autre avis concernant des faits clairement établis, mais un recours est possible – les voies de droit étant indiquées dans la décision. Ce qui est aussi important, c’est qu’en cas de doute, la personne peut produire le certificat d’une ou d’un médecin qui sera alors examiné. La demande d’un nouveau contrôle après une période déterminée peut ainsi être formulée. Ce sont des éléments qui nous paraissent rassurants et qui nous font prioriser la sécurité routière sur ces questions. Il est incontestable que des personnes ne sont plus aptes à conduire à partir d’un certain âge et qu’elles représentent un péril pour d’autres conductrices ou conducteurs. C’est dans cet esprit et avec précaution que le groupe des Verts vous invite à classer cette pétition, comme le demande la majorité de la Commission des pétitions.
Notre groupe suivra l’avis de la commission, mais je tenais, à travers cette prise de parole, à attirer l’attention du Conseil d’Etat sur les points relevés par la commission, notamment le manque de communication à destination des seniors dans cette partie de la vie qui n’est pas toujours très facile. Il n’est pas évident de se retrouver tout d’un coup devant ces examens médicaux qui peuvent être parfois ressentis comme infantilisants ou devant un retrait de permis quand on a conduit toute sa vie. Je tenais sincèrement à attirer l’attention du Conseil d’Etat sur ce vœu que la communication soit renforcée auprès des seniors sur les cours du TCS qui leur sont destinés, sur leurs droits de recours et les possibilités qui s’offrent à eux de demander des avis externes. J’insiste également sur l’importance de communiquer clairement sur les alternatives de mobilité à disposition des personnes âgées confrontées à un retrait de permis. Par exemple, à Château-d’Oex, des bancs pour être pris en autostop (bancs-stop) ont été instaurés. D’autres initiatives sont déployées ici et là. Il est important d’informer ces personnes sur les alternatives qui s’offrent à elles au moment de revoir leur manière de se déplacer. J’espère que ces observations et ces vœux ne tomberont pas dans les abîmes de l’oubli.
Je remercie la commission d’avoir compris la situation. De notre côté, nous prenons acte de ce vœu. Nous avons déjà commencé à imaginer quels seraient les supports sur lesquels nous pourrions renforcer l’information aux seniors sur les alternatives à la conduite, en lien avec nos partenaires que sont le TCS et Pro Senectute.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil décide de classer la pétition par 96 voix contre 1 et 9 abstentions.