25_REP_3 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Loïc Bardet et consorts au nom Nicole Rapin, Aliette Rey-Marion, Alain Cornamusaz, Bernard Nicod et Thierry Schneiter - Route de Berne à 60 km/h : Quelle prise en compte des Broyards ? (24_INT_178).

Séance du Grand Conseil du mardi 6 mai 2025, point 23 de l'ordre du jour

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M. Loïc Bardet (PLR) —

Tout d’abord, je remercie le Conseil d’Etat pour sa réponse ainsi que pour le développement régulier de l’offre en transports publics dans la Broye et le Jorat. En revanche, vous vous doutez bien que je ne suis pas forcément satisfait du reste de la réponse, notamment du maintien de la volonté de baisser à 60 km/h le tronçon entre les Croisettes et le Chalet-à-Gobet.

Deux éléments me froissent particulièrement dans cette réponse. Tout d’abord, il y a une certaine omission de l’historique du projet qui date d’une vingtaine d’années. Initialement, le but était de supprimer deux des quatre pistes, de créer trois giratoires sur le tronçon en question et d’y abaisser la vitesse maximale à 60 km/h. A l’époque – cela est rappelé dans l’interpellation de 2011 de notre collègue Frédéric Haenni – il y avait eu un des interventions politiques. Fin 2007, 31 communes de la région de la Broye et du Jorat avaient écrit au canton pour s’opposer à la suppression de ces deux pistes. Plusieurs députés – dont certains siègent aujourd’hui encore, notamment nos collègues Aliette Rey-Marion et Jean-François Cachin – avaient déposé des objets parlementaires. Tout cela a entrainé une modification du projet. Un arrangement a été trouvé avec le maintien non pas de deux, mais de trois pistes sur les quatre, la création de deux giratoires et l’abaissement de la vitesse non à 60, mais à 70 km/h. Ce compromis semblait avoir satisfait la majorité. Cela figure d’ailleurs dans l’exposé des motifs et projet de décret accepté par le Grand Conseil à la suite d’une publication du Conseil d’Etat en 2017. J’aurais apprécié que l’on rappelle ces éléments. 

Par ailleurs, une des questions de l’interpellation portait sur l’information et la prise en compte des habitants de la région. A ce sujet, je m’étonne un peu de la réponse du Conseil d’Etat. Comme je l’ai indiqué, différentes interpellations et autres interventions politiques avaient été déposées par le passé. A l’époque déjà, les réponses à ces objets parlementaires mentionnaient que les habitants de Lausanne et d’Epalinges avaient été consultés. Dans la réponse à la deuxième question de l’interpellation, on nous dit que les communes de la Broye ont été informées par les instances de la Communauté régionale de la Broye (COREB) lors de son assemblée à la fin novembre 2024. Il s’agissait d’une information ; on ne peut donc pas parler d’une prise en compte des habitants de la région. Cette information a surtout eu lieu à la fin du mois de novembre pour une entrée en vigueur prévue, à l’époque, pour le début du mois de janvier 2025. On peut donc estimer que l’avis des principaux utilisateurs a été peu pris en compte. 

Pour ces différentes raisons, avec les cosignataires de cette interpellation, nous soumettons au Grand Conseil la détermination suivante :

« Lorsque des éléments centraux de projets d’infrastructure routière font l’objet de débats au sein des organes parlementaires, la vitesse maximale autorisée par exemple, le Grand Conseil invite le Conseil d’Etat à ne pas revenir sur ces éléments sur simple décision administrative. »

Cela peut s’apparenter à du charabia ou laisser penser que l’on s’accroche simplement à une différence de vitesse de 10 km/h, mais il s’agit d’une question de principe du respect du pouvoir législatif : des décisions ont été prises au sein de ce plénum, de simples décisions de l’administration ne doivent pas permettre de les contourner. C’est pourquoi je vous appelle toutes et tous à soutenir cette détermination.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion sur la détermination est ouverte.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Je vous encourage à accepter la détermination proposée par notre collègue Loïc Bardet – comme moi député du district de la Broye-Vully. En effet, en 2017, à la suite de discussions concernant la future limitation de vitesse une fois la requalification et les travaux sur ce tronçon terminés, un compromis avait été validé, soit 70 km/h pour la descente depuis le Chalet-à-Gobet. Je vous rappelle que ce tronçon ne concerne pas que les Broyards, un grand nombre de citoyennes et citoyens fribourgeois empruntent quotidiennement cette fameuse route de Berne et font également les frais des bouchons aux heures de pointe, entre 6h30 et 9 heures du matin. Des transports publics depuis Moudon – et même depuis Lucens, depuis décembre 2024 – ont été mis sur pied. Cela est très réjouissant, mais il faut bien penser que nos bus sont aussi pris dans les bouchons depuis Ropraz et Montpreveyres. Je vous rappelle également que les Broyards sont des citoyens qui payent des impôts comme tout le monde et qu’ils ont aussi droit à quelques facilités pour atteindre la capitale ou l’accès à l’autoroute. Afin d’éviter ces désagréments, les Broyards demandent moins de chicanes. Ils demandent également que des emplois soient proposés dans notre région, ce qui éviterait les bouchons sur les routes en direction de Lausanne. Je vous remercie de soutenir cette détermination.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Chers collègues de la Broye, j’aimerais revenir sur la question de la prise en compte des intérêts des habitants d’Epalinges – près de 10’000 – et en particulier des riverains de la route de Berne. A ce stade, il est bon que je déclare mes intérêts : je suis Palinzard, mais pas riverain de cette route. Epalinges est une charmante commune où il fait bon vivre – comme dans bien d’autres communes de notre canton – si ce n’est qu’elle est encerclée par la route de Berne et ses 30’000 véhicules journaliers et par l’autoroute de contournement de Lausanne et ses plus de 90’000 véhicules par jour. Résultat : à Epalinges, n’est pas « Autant en emporte le vent », mais « bruit d’autos apporte le vent ». 

Je remercie le Conseil d’Etat – tout comme la municipalité d’Epalinges, à majorité PLR, montrant ainsi que la question de la vitesse n’est pas une histoire de parti – de s’être montré sensible au dépassement des normes en matière de bruit généré par cet axe de trafic important et impactant des milliers d’habitants. Par ailleurs, cette mesure amène un peu plus de sécurité dans cet espace aussi partagé avec des cyclistes et des piétons de plus en plus nombreux au vu de la densification de la zone et du développement de la prestigieuse Ecole hôtelière de Lausanne (EHL). 10 km/h en moins sont quelques secondes en plus, mais seulement aux rares heures où il n’y a pas de bouchons. Chers amis broyards, je vous remercie pour votre compréhension à l’égard des Palinzardes et des Palinzards. Je vous propose de profiter de ces quelques secondes supplémentaires pour admirer le magnifique paysage, de privilégier le bus – qui avance rapidement sur sa piste, comme cela a été dit tout à l’heure – ou encore la mobilité douce. Bien sûr, je vous invite également à rejeter cette détermination et à continuer de vous tourner vers les solutions d’avenir, comme les transports publics et la mobilité partagée.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Je ne vais pas me prononcer sur le fond de la réponse du Conseil d’Etat, mais plutôt sur la forme de la détermination. Ce cas précis a fait réagir la droite de cet hémicycle qui propose une réflexion plus large : lorsqu’un élément important d’un projet d’infrastructures est remis en question, le Conseil d’Etat doit adopter une procédure différente que de simplement décider administrativement d’un changement. Cela s’apparente clairement à de la cogestion. A chacun ses attributions : le rôle de l’exécutif est différent de celui du législatif. A la limite, je pourrais entendre que l’on demande que le législatif soit informé pour les éléments importants, mais pas que l’on dicte au Conseil d’Etat la manière dont il doit procéder et qu’on lui interdise de prendre des décisions. Je trouve cela un peu gênant ! Par ailleurs, comme la demande s’étend à l’ensemble des projets d’infrastructures routières du canton, il me semble un peu délicat d’imposer cela. Bien sûr, il s’agit d’une détermination et non pas d’une motion, mais j’ai un peu de peine avec la forme proposée et je vous appelle à ne pas soutenir ce texte.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Monsieur Balsiger, je crois que la problématique dépasse la question du 60 ou du 70 km/h. Dans le cas contraire, nous aurions simplement déposé une détermination invitant le Conseil d’Etat à maintenir le 70 km/h pour le tronçon entre les Croisettes et le Chalet-à-Gobet. 

Vous pouvez consulter les différents échanges sur les objets concernant ce tronçon – je me suis amusé à le faire pendant les vacances pascales. Pendant nombre d’années, le Conseil d’Etat répondait systématiquement que ce tronçon allait être abaissé à 60 km/h. Puis il y a eu un changement de paradigme : il est passé à 70 km/h sur pression du Parlement. Nos collègues broyards ont alors signalé qu’il aurait été de bon ton d’en informer les députés et les communes de la région, plutôt que de simplement leur dire : « Dans un mois, il y aura un retour en arrière sur ce qui avait été négocié il y a bientôt une dizaine d’années, mais vous n’avez rien à dire. » C’est le but de notre détermination. Nous sommes conscients qu’il ne s’agit que d’un vœu, que cela ne va pas changer la face du monde, mais en tant que législatif – je rejoins  M. Cala – nous ne sommes pas là pour faire de la cogestion. Néanmoins, le nombre d’interventions qui ont eu lieu dans notre plénum durant les 20 dernières années montre tout de même qu’il y a un certain intérêt des députés sur cette question.

Mme Nuria Gorrite (C-DICIRH) — Conseiller-ère d’Etat

Je remercie M. Bardet d’avoir retracé l’historique de ce dossier. Je le connais bien – c’est l’avantage de mon grand âge – puisque c’est moi qui ai géré ce dossier de la route de Berne en 2012, lorsque je suis arrivée en fonction. Ce dossier faisait partie des dossiers « mis au congélateur » à l’époque, faute d’un accord politique sur les enjeux, compréhensibles et qui restent d’actualité. Aujourd’hui, des réponses ont été trouvées pour nombre de points, ce qui nous a permis de faire évoluer ce dossier vieux de 13 ans. En 13 années, la politique a évolué, mais des projets ont été réalisés certains domaines. A l’époque, il s’agissait de trouver une solution à l’accessibilité du nord de Lausanne, d’accompagner le développement de la commune d’Epalinges et la croissance de l’EHL – fleuron de la formation en hôtellerie internationale qui se situe sur cette route de Berne – et de garantir une porte d’accès aux gens qui viennent du Jorat et de la Broye, des régions qui étaient alors fort peu desservies en transports publics – Mme Aliette Rey-Marion le sait bien. 

Depuis, l’eau a coulé depuis la Broye pour rejoindre la capitale, puisqu’un certains points ont évolué. Tout d’abord, j’aimerais préciser qu’il ne s’agissait pas d’une quelconque pression du Parlement pour fixer la vitesse à 70 km/h. A l’époque, en 2013, il s’agissait d’une des dernières valeurs d’ajustement pour trouver un accord avec une députation broyarde soucieuse de ne pas être coupée de l’accès à la capitale, aussi bien par la route que par le rail. Depuis – comme le rappelle la réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation – nous avons massivement développé l’offre en transports publics, notamment en termes de dessertes ferroviaires. Aujourd’hui, par exemple la commune de Moudon est beaucoup mieux desservie, avec une cadence semi-horaire. L’ensemble de la ligne de la Broye a également vu une augmentation de ses dessertes, ce dont nous pouvons nous réjouir. Les réseaux de bus ont également connu un bond spectaculaire : c’est l’une des plus grosses croissances en matière de développement d’offres et de fréquentation. Les réseaux de bus que nous avons développés dans tout le Jorat ont explosé et ont rencontré leur public. Cela montre que quand on offre une alternative à la voiture, les gens l’utilisent. Dans toute la région du Jorat, ces bus sont cadencés de manière importante en semaine, en soirée et durant le week-end. Il y a une immense réorganisation – je me souviens d’en avoir fait mention dans ce Parlement – notamment sous l’angle du changement du prestataire de service, ce qui vous avait inquiété à l’époque. Pour cela, nous avons réalisé des voies de bus. C’est bien d’avoir des bus, mais c’est encore mieux quand ils peuvent avancer à une vitesse commerciale et avoir la priorité sur le trafic individuel. Aujourd’hui, c’est chose faite avec les travaux de la route de Berne. Depuis lors, des giratoires ont également été réalisés, notamment à la demande de l’EHL qui a beaucoup insisté pour faciliter le transit en direction ou depuis cette haute école, qui a connu un agrandissement assez important. Ces travaux esquissés en 2013 sont aujourd’hui achevés. Depuis, d’autres éléments ont également évolué. Des tests ont été réalisés à la demande des communes. Comme évoqué dans le point précédent de l’ordre du jour, le canton n’agit jamais seul en matière d’abaissement des vitesses, il le fait toujours à la demande des riverains et des communes. Dans ce cas précis, la commune d’Epalinges et les riverains nous ont formellement demandé d’étudier ce qui avait été testé – à satisfaction – dans d’autres communes, par exemple dans la commune d’Aigle, à savoir un abaissement de la vitesse à 60 km/h pour protéger les riverains contre le bruit. Le test réalisé à la demande de la commune a donné satisfaction. 

Pour celles et ceux qui ont un souci d’accessibilité de la Broye à la capitale, la meilleure réponse est le développement des trains et des bus. Ces derniers possèdent aujourd’hui leurs voies propres ; ils ne sont plus pris dans les bouchons. Par ailleurs, nous avons documenté la perte de vitesse que représenterait le passage de 70 à 60 km/h : sur un tronçon de 3 km, cela représenterait une perte de 26 secondes. Au regard de l’apaisement que cela apportera à la population aux abords de l’entrée d’Epalinges – en matière de protection contre les excès de bruit et pour la santé publique – c’est une pesée d’intérêts parfaitement acceptable. Encore une fois, il s’agissait d’une demande de la commune.

Nous avons publié cet abaissement dans la Feuille des avis officiels et le délai de recours court encore. La question des vitesses a connu une évolution fulgurante dans le débat public. C’est aussi cela, la politique : adapter les décisions aux réalités et aux attentes de la population, en dépassant des postures qui auraient pu paraître figées, dès lors que, dans d’autres domaines, elles ont considérablement évolué à la faveur des habitantes et des habitants de la Broye, que nous continuons de défendre, notamment en regard des décisions attendues de Berne pour la ligne directe entre Lausanne et Berne.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

La détermination Loïc Bardet est adoptée par 62 voix contre 53 et 9 abstentions.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

Je demande un vote nominal.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent la détermination Loïc Bardet votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, la détermination Loïc Bardet est adoptée par 66 voix contre 60 et 6 abstentions.

*Introduire vote nominal 

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