23_LEG_93 - EMPD ordonnant la convocation des électeurs pour se prononcer sur la modification des articles 74 et 142 de la Constitution du Canton de Vaud du 14 avril 2003 et RAPPORTS DU CONSEIL D’ETAT AU GRAND CONSEIL - sur la motion transformée en postulat Stéphane Montangero et consorts au nom du groupe socialiste « Pour que tous-tes les Vaudois-es, y compris les Vaudois-es de l’étranger, puissent élire les Conseillers » (16_MOT_089 ; 17_POS_233) - sur la motion Hadrien Buclin et consorts « Mettre un terme aux discriminations en matière de droits politiques contre les personnes atteintes de troubles psychiques » (19_MOT_117) et PREAVIS DU CONSEIL D’ETAT AU GRAND CONSEIL - sur l’initiative Hadrien Buclin et consorts « Faciliter l’accès aux droits politiques communaux pour les étrangères et étrangers » (21_INI_1) - sur l’initiative populaire cantonale « Pour des droits politiques pour celles et ceux qui vivent ici » (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 27 mai 2025, point 13 de l'ordre du jour
Documents
- Rapports de majorité et de minorité de la commission - 23_LEG_93 - Alexandre Démétriadès _Marion Wahlen_ David Vogel
- Texte adopté par CE - EMPD Révision constitutionnelles - Composition du corps électoral - publié
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourEn préambule, je souhaite faire une intervention générale pour rappeler que la Commission thématique des institutions et des droits politiques (CIDROPOL) a examiné ces quatre projets de décret. Il s’agit bien de décrets, puisqu’ils prévoient une potentielle convocation du corps électoral. Ces quatre décrets concernent, pour trois d’entre eux, des demandes émanant de notre Parlement en vue de modifier la Constitution.
- Le premier objet concerne une demande visant à permettre aux Vaudois résidant à l’étranger de voter lors de l’élection du Conseil des Etats. (Décret A)
- Le deuxième objet vise à supprimer l’exclusion du corps électoral des personnes placées sous curatelle de portée générale en raison d’une incapacité durable de discernement. (Décret B)
- Le troisième objet vise à raccourcir le délai de résidence nécessaire pour que les personnes étrangères puissent voter au niveau communal. (Décret C)
Ces trois objets sont issus de demandes formulées par notre Parlement. Le Conseil d’Etat a proposé une application concrète de ces demandes et ces objets ne seront soumis au vote du peuple que si notre Parlement les accepte.
- En revanche, le quatrième objet est de nature différente, car il émane d’une initiative populaire demandant l’octroi du droit de vote aux personnes étrangères au niveau cantonal. Cette initiative ayant récolté le nombre de signatures nécessaires, le corps électoral sera convoqué et devra se prononcer sur ce point. (Décret D)
Je souhaitais partager ce propos introductif, car nous avons traité ces quatre objets simultanément. Je souligne également – et cela figure dans le rapport – que quel soit le sort réservé à chacun des quatre objets, s’ils devaient tous être soumis à la population, le contenu final de notre Constitution dépendra des résultats spécifiques de chaque vote. Ces objets sont indépendants les uns des autres, et ce, même si le peuple sera appelé à se prononcer simultanément. Il pourra accepter certains objets et en refuser d’autres, en toute souveraineté, sans que cela n’ait d’impact sur les autres projets.
Nous en venons donc au premier projet de décret, qui concerne le vote des Vaudois et des Vaudoises de l’étranger pour l’élection au Conseil des Etats. Ce projet de décret vise à répondre à une motion, transformée en postulat, de notre collègue Stéphane Montangero. Il a également fait l’objet d’une demande de notre collègue Alexandre Berthoud, mais ce dernier avait finalement retiré son texte à la suite de l’engagement du Conseil d’Etat de proposer le présent projet de décret. Concrètement, il s’agit de permettre aux Vaudois établis à l’étranger de participer à l’élection au Conseil des Etats, soit la Chambre haute de notre Parlement fédéral. Pour rappel, le droit de vote et d’éligibilité pour l’élection au Conseil national ainsi que pour les votations fédérales relève du droit suisse. Or, ce dernier prévoit que les personnes domiciliées à l’étranger peuvent voter à ce niveau. En revanche, l’élection au Conseil des Etats est régie par le droit cantonal et, actuellement, il ne prévoit pas que les Vaudois sis à l’étranger puissent y prendre part. Plusieurs cantons suisses ont déjà intégré une disposition similaire à celle que nous nous apprêtons probablement à accepter et à soumettre au peuple – Bâle-Campagne, Berne, Fribourg, les Grisons, le Jura, Neuchâtel, Soleure, Schwytz, le Tessin et Genève. Le Conseil d’Etat soutient cette demande de modification de la Constitution visant à octroyer le droit de vote au Conseil des Etats aux Suisses de l’étranger. Il propose également de leur accorder le droit d’éligibilité, sous réserve d’une condition : en cas d’élection, la personne devra élire domicile dans notre canton.
Le projet de décret que nous examinons propose de convoquer le corps électoral pour ancrer ces principes dans la Constitution. Les conditions d’application de ce nouveau dispositif devront être précisées dans un second temps par une modification de la Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP), en cas d’acceptation par le peuple de ce nouvel article constitutionnel. De la même manière que pour l’éligibilité, la question de sa mise en œuvre concrète doit être discutée, notamment les conditions de déménagement d’une personne élue depuis l’étranger.
Il existe également un enjeu non négligeable concernant la tenue d’un deuxième tour lors de l’élection au Conseil des Etats. En effet, la participation des Vaudois de l’étranger risque de prolonger les délais pour cette élection, afin qu’ils puissent se prononcer suffisamment tôt. Cela nécessitera une modification de la LEDP, à condition bien sûr que le peuple accepte cette modification de la Constitution. L’argument central qui a motivé la majorité de la commission à soutenir ce projet est que le droit fédéral permet déjà aux Suisses domiciliés à l’étranger de voter pour le Conseil national. Il est donc logique d’aligner ce principe au vote au Conseil des Etats. Un autre argument évoqué en faveur de ce texte souligne que l’Assemblée fédérale exerce des compétences très claires en matière de politique étrangère, avec des impacts clairs pour les concitoyennes et concitoyens qui résident à l’étranger.
Dans ce projet, il y a un enjeu important : maintenir un lien avec son canton d’origine. C’est une dimension que l’on retrouve déjà dans le droit de vote au niveau du Conseil national pour les Suisses de l’étranger. Or, c’est ce que nous proposons ici. Vous avez peut-être déjà rencontré – cela m’est déjà arrivé – des personnes vivant à l’étranger qui s’étonnent de recevoir leur matériel de vote pour les élections fédérales, mais pas pour celle du Conseil des Etats – alors même qu’elles conservent un attachement fort à leur canton.
Avant de conclure, je souhaite apporter une précision : je déposerai, pour l’ensemble des trois décrets, un amendement de forme sur demande de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC). Il s’agit d’ajouter, à la fin de chaque décret proposé, une question qui sera posée au corps électoral. Actuellement, rien ne figure ; il s’agit donc d’intégrer une phrase du type : « Acceptez-vous la modification de la Constitution ? » Pour conclure, et pour ne pas oublier l’essentiel, la commission vous encourage à l’unanimité à soutenir cette modification de la Constitution.
Je vous propose d’ouvrir une discussion générale sur l’ensemble des quatre objets et de procéder ensuite décret par décret, avec une entrée en matière sur chacun d’entre eux.
La discussion générale est ouverte.
Nous sommes ici en présence d’une réponse à deux textes datant de 2016 et 2017, ainsi qu’à l’initiative d’Alexandre Berthoud, qui a depuis été retirée au profit du texte actuellement soumis à notre examen. Pour mémoire, ces interventions parlementaires demandaient que les Vaudoises et Vaudois de l’étranger puissent participer à l’élection des deux Chambres fédérales, soit le Conseil national – ce qui est déjà le cas, conformément au droit fédéral – ainsi que le Conseil des Etats, dont l’élection est de compétence cantonale. Or, plusieurs cantons accordent déjà ce droit de vote aux Suissesses et Suisses de l’étranger, notamment Bâle-Campagne, Berne, Fribourg, Genève, les Grisons, le Jura, Neuchâtel, Soleure, Schwytz et le Tessin ; en Suisse romande, seuls Vaud et le Valais, ne leur accordent pas ce droit.
Le Conseil d’Etat soutient cette ouverture du droit de vote pour l’élection au Conseil des Etats en faveur des Suisses de l’étranger. En ce qui concerne le droit d’éligibilité, il estime que celui-ci devrait également leur être reconnu, pour autant qu’en cas d’élection, les personnes concernées élisent domicile sur le territoire cantonal. Les conditions d’application seront débattues dans le cadre de la révision de la LEDP, en cas d’acceptation par le peuple vaudois. Le seul élément problématique de ce dossier réside dans le fait que, pour garantir à chacune et chacun le temps nécessaire pour voter, il faudra probablement prolonger l’intervalle entre les deux tours de l’élection, passant de trois à quatre semaines – le vote électronique n’étant pas encore d’actualité.
Le motionnaire se déclare satisfait de la réponse donnée à son texte transformé en postulat, bien qu’il déplore le délai écoulé pour y parvenir. Les trois articles du projet de décret ont été adoptés à l’unanimité par la commission, de même que l’entrée en matière et le rapport du Conseil d’Etat. La commission recommande donc au Grand Conseil d’accepter ce rapport à l’unanimité. Le groupe PLR vous invite à en faire de même.
Le groupe socialiste vous invite à adopter ces quatre objets. Il s’agit de causes que nous défendons depuis de nombreuses années, qu’il s’agisse du droit de vote pour les Vaudoises et Vaudois de l’étranger ou du droit de vote pour les personnes placées sous curatelle. Nous soulignons également l’importance d’intégrer rapidement à la vie publique et politique les personnes étrangères qui vivent sur notre territoire. Cela leur permet de s’intégrer beaucoup plus rapidement et de s’intéresser à la cause commune. Nous vous encourageons donc à soutenir ces quatre objets.
Puisque nous n’en sommes pour l’instant qu’à une discussion générale, je reviendrai ultérieurement sur les projets de décret relatifs à des objets spécifiques – même si plusieurs de ces éléments ont déjà été évoqués. Plus généralement, les Verts ont toujours été favorables à l’élargissement des droits politiques. Nous sommes convaincus qu’une plus grande inclusion politique constitue un renforcement de nos institutions et une plus grande légitimité des décisions prises.
C’est une réelle manière de vivifier notre démocratie, dans un contexte géopolitique troublé où, dans certaines régions du globe, la démocratie elle-même est remise en question. Nous souhaitons donc vivement que notre Parlement cantonal approuve ces quatre objets. Nous reviendrons plus en détails sur chacun d’entre eux, car bien qu’ils soient liés par le renforcement démocratique, ils demeurent relativement différents dans leurs demandes.
Le groupe UDC déplore vivement la méthode employée dans le cadre de ces quatre décrets. Ces objets, en cas d’acceptation, seront potentiellement soumis au vote populaire. Cela signifie concrètement que le peuple devra se prononcer à la fois sur l’octroi du droit de vote aux Vaudois de l’étranger et sur celui des étrangers résidant sur sol vaudois. Pour notre groupe, cette approche mélange des thématiques qui, certes, concernent le droit de vote, mais qui vont créer une usine à gaz et rendre une éventuelle campagne nébuleuse et peu compréhensible pour les citoyennes et citoyens non initiés. Cette méthode nous rappelle malheureusement celle appliquée lors de la prise de position de notre plénum sur l’initiative dite des « 12 % », où le Conseil d’Etat avait également proposé plusieurs objets pour répondre à une seule demande émanant des milieux économiques.
J’exposerai le point de vue de mon parti sur chacun des décrets lorsque nous les passerons en revue. Mais à ce stade, nous demandons vivement au Conseil d’Etat de renoncer à ce type de présentation mêlant plusieurs objets, surtout lorsqu’il s’agit de décrets pouvant faire l’objet d’un vote populaire. Si une initiative appelle une réponse, concentrons-nous sur un point précis. Pour notre groupe, cette démarche consistant à multiplier les décrets vise à ménager la chèvre et le chou afin de contenter plusieurs courants politiques, mais elle ne fait qu’ajouter de la confusion et risque d’amener le peuple à se prononcer sur quatre objets différents.
Nous vous invitons à soutenir ces quatre propositions, qui visent toutes à étendre les droits politiques et à renforcer la démocratie dans notre canton. Cela a été rappelé : aujourd’hui, à travers le monde, les droits démocratiques s’érodent dans de nombreux pays, menacés par des régimes autoritaires. Dans ce contexte, il serait particulièrement souhaitable que des propositions progressistes en matière de droits démocratiques soient adoptées par notre Grand Conseil, tant en faveur des droits politiques des personnes en situation de handicap qu’en faveur des immigrés.
Concernant la privation des droits politiques pour les personnes sous curatelle de portée générale, nombre d’entre elles le ressentent comme une profonde injustice, comme une forme d’exclusion. Il est temps de répondre à leur aspiration à participer pleinement à la vie démocratique. De récents rassemblements devant notre Parlement – dont un pas plus tard que ce matin impliquant des personnes concernées – ont rappelé cette aspiration. La population genevoise a montré la voie, en rétablissant ces droits politiques en 2020, avec 74 % des suffrages. Hasard du calendrier, j’ai appris avec une grande satisfaction le vote récent du Conseil national allant dans le même sens, avec un score tout aussi net de 109 voix contre 68. Il est donc grand temps que le canton de Vaud aille dans la même direction.
S’agissant des droits politiques pour les immigrés, nous soutiendrons à la fois l’extension des droits communaux – issue d’une initiative que j’ai eu l’honneur de déposer – et l’initiative populaire visant à introduire ces mêmes droits au niveau cantonal. Il nous paraît tout à fait logique que des personnes qui contribuent depuis de nombreuses années à notre société, tant sur le plan économique que social, puissent se prononcer sur des choix collectifs qui les concernent directement. Voici donc quelques considérations générales sur les objets présentés ; je reprendrai peut-être la parole dans certains débats d’entrée en matière.
Il convient de rappeler ici la position du Conseil d’Etat sur les objets soumis à discussion. S’agissant de la participation des Suisses de l’étranger à l’élection du Conseil des Etats, le Conseil d’Etat se déclare favorable à cette réforme, en s’appuyant sur plusieurs arguments.
Premièrement, les Suisses de l’étranger ont déjà le droit de voter pour élire les membres du Conseil national. Il paraît dès lors cohérent qu’ils puissent également participer à l’élection des membres du Conseil des Etats, c’est-à-dire de la seconde Chambre composant le législatif fédéral.
Deuxièmement, l’Assemblée fédérale participe à la définition de la politique extérieure de la Suisse et surveille les relations avec l’étranger. La politique étrangère de la Confédération ne manque pas de concerner et d’impacter la situation des ressortissants suisses établis à l’étranger. Il apparaît donc légitime que ceux-ci puissent concourir à l’élection des membres des deux chambres du Parlement.
Troisièmement, le raisonnement susmentionné s’impose d’autant plus que l’attachement des Suisses de l’étranger à leur pays d’origine demeure souvent très marqué, et l’octroi du droit d’élire les membres du Conseil des Etats est de nature à renforcer ce lien – lequel est parfois moins évident avec le canton auquel ils sont rattachés.
En conclusion, nous sommes donc favorables à cette ouverture pour l’élection au Conseil des Etats. Nous notons toutefois qu’il pourrait y avoir, de temps à autre, des électeurs qui pourraient ne pas être en mesure d’exercer leurs droits politiques pour le second tour compte tenu des délais d’acheminement postaux. Néanmoins, nous restons évidemment favorables à cette proposition.
Concernant le droit de vote des personnes incapables de discernement, nous rappelons que des efforts ont déjà été fournis en faveur des personnes sous curatelle. Toutefois, dans le cas présent, il s’agit d’une modification constitutionnelle. Plusieurs cantons ont déjà franchi ce pas. Par ailleurs, un développement significatif est en cours au niveau fédéral : le Conseil national s’est récemment prononcé en faveur d’une réforme similaire. Cette décision doit encore être confirmée par le Conseil des Etats. Si cette confirmation intervient, elle constituera un argument supplémentaire en faveur de l’acceptation de cette réforme au niveau vaudois, permettant d’harmoniser les conditions du droit de vote aux niveaux fédéral et cantonal.
Le Conseil d’Etat estime que cette réforme constitutionnelle permettrait de mieux garantir les droits politiques des personnes concernées, sans pour autant compromettre le bon fonctionnement de la démocratie vaudoise. Par ailleurs, elle permettrait au droit cantonal de se conformer davantage aux exigences du droit international. C’est pourquoi le Conseil d’Etat s’est prononcé en sa faveur. Nous avons également souligné que cette modification permettrait de mettre fin à une forme de stigmatisation qui frappe encore aujourd’hui les personnes considérées comme incapables de discernement, mais qui manifestent un intérêt réel pour l’exercice des droits politiques. Enfin, nous avons relevé qu’une telle réforme engendrerait des coûts de mise en œuvre, en particulier si on les rapporte au nombre de personnes concernées. Par ailleurs, un certain nombre d’années seraient nécessaires pour mettre en œuvre cette réforme. Il s’agit là de questions liées aux modalités pratiques ; sur le fond, le principe est acquis.
Concernant les droits politiques des personnes étrangères au niveau communal, le Conseil d’Etat admet qu’une personne ayant séjourné de manière ininterrompue depuis cinq ans, avec une autorisation de séjour, a déjà tissé des liens forts avec notre pays et témoigne de sa volonté d’intégration. Pour le Conseil d’Etat, la réduction de la durée de séjour apparaît donc comme une mesure raisonnable afin de bénéficier des droits politiques au niveau communal.
Concernant l’élargissement du droit de vote des étrangers au niveau cantonal, le Conseil d’Etat se déclare défavorable. Il réaffirme ici les arguments déjà avancés lors de sa prise de position sur une initiative similaire, en 2011. A l’époque, tant le Conseil d’Etat que le Grand Conseil avaient préconisé de ne pas octroyer les droits politiques à l’échelle cantonale aux personnes étrangères, car la possibilité de décider de l’avenir de la communauté vaudoise suppose que l’on se reconnaisse vaudois et que l’on se fasse préalablement naturaliser. La naturalisation étant ainsi privilégiée, les droits politiques cantonaux doivent rester liés à la détention de la nationalité suisse. Ces arguments demeurent valables aujourd’hui. En effet, il est toujours justifié de ne pas accorder aux mêmes conditions les droits politiques communaux et cantonaux, en rattachant davantage les premiers aux critères de la résidence et en tenant compte également, pour les seconds, de la nationalité. En conclusion, le Conseil d’Etat soutient l’élargissement des droits politiques pour les personnes étrangères au niveau communal, mais s’oppose à leur extension au niveau cantonal.
La discussion générale est close.
Projet de décret visant à introduire le droit de vote et d’éligibilité des Vaudois.e.s de l’étranger pour l’élection du Conseil des Etats et Rapport du Conseil d’Etat sur la motion
transformée en postulat Stéphane Montangero et consorts au nom du groupe socialiste « Pour que tous-tes les Vaudois-es, y compris les Vaudois-es de l’étranger, puissent élire les
Conseillers » (16_MOT_089 ; 17_POS_233) (Décret A)Premier débat
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Monsieur le président, peut-être n’ai-je pas été suffisamment attentif à votre intervention précédente. Lors de ma précédente prise de parole, je me suis principalement concentré sur les raisons qui ont conduit la commission à soutenir ce projet de décret à l’unanimité. Je me permets ici de les rappeler brièvement et de vous encourager, à votre tour, à faire de même, à savoir soutenir l’élargissement du droit de vote aux Vaudois résidant à l’étranger pour l’élection du Conseil des Etats.
Comme promis, nous revenons maintenant sur les positions détaillées concernant chacun de ces objets. S’agissant plus particulièrement de celui-ci, il apparaît clairement qu’il s’agit d’une demande fédératrice et qui fait pleinement sens. Par exemple, un déménagement à l’étranger, notamment pour une personne ayant grandi en Suisse ou y ayant longtemps résidé, ne devrait pas entraîner un affaiblissement des droits politiques. De surcroît, cet affaiblissement est à géométrie variable, étant donné que certains cantons autorisent déjà les Suissesses et Suisses vivant à l’étranger à voter pour l’élection au Conseil des Etats.
De plus, il s’agit d’une demande fédératrice, puisqu’elle résulte d’un dépôt socialiste initial, appuyé par un dépôt PLR qui a été intégré dans le projet final. Dans la mesure où les Suissesses et Suisses de l’étranger sont en première ligne de la politique extérieure de la Confédération – politique extérieure qui est le fait presque exclusif du niveau fédéral – il est tout à fait pertinent que nos compatriotes installés sous d’autres latitudes participent à l’élection du Conseil des Etats. Le groupe des Verts soutiendra donc unanimement la convocation du corps électoral vaudois sur cet objet.
Concernant la réponse donnée à ma motion transformée en postulat, je vous le dis d’emblée : je suis satisfait. Non pas du temps nécessaire pour y arriver, mais parce que nous y sommes enfin parvenus ! Pour rappel, cet objet avait été déposé en 2016, dans l’idée qu’il soit possible pour les Suissesses et Suisses de l’étranger de voter pour le Conseil des Etats en 2019. En trois ans, cela paraissait largement faisable, d’autant plus que, à chaque étape, il y eut un très large soutien, voire un soutien unanime. D’ailleurs, cela me réjouit et montre combien cette demande est légitime. Pour autant que le peuple vaudois l’accepte, ce sera donc possible en 2027. Je remercie au passage mon estimé collègue Alexandre Berthoud d’avoir remis une compresse puis accepté de retirer son texte, afin de ne pas surcharger la barque administrative. Comme la commission qui vous recommande à l’unanimité d’adopter ce texte, je vous invite à en faire de même, au nom du groupe socialiste.
Dans la droite ligne de mon préopinant, je vous informe que le groupe vert’libéral soutient la proposition d’élargir les droits aux électeurs vaudois de l’étranger. C’est pour cette raison que nous vous encourageons à soutenir ce projet.
Je dois avouer que la lecture de ces projets de décret n’est pas particulièrement facile. Il aurait été agréable d’avoir un tableau miroir avec le texte actuel de la loi. A l’article 1, je lis : « Les électeurs en matière cantonale seront convoqués par un arrêté du Conseil d’Etat afin de répondre à la question suivante … » or, il n’y a pas de question ! Je me demande comment la rédaction est faite par les services compétents !
J’ai indiqué, lors de la discussion générale, que je déposerai un amendement sur les premier, deuxième et troisième décrets, afin d’ajouter ce qui manque, à savoir la phrase suivante : « Acceptez-vous la modification suivante de la Constitution cantonale du 13 avril 2003 ? », conformément à la demande de la DGAIC qui avait oublié de l’inscrire dans les projets de décret. Je le ferai ultérieurement.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise à l’unanimité.
Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.
Art. 1. –
Comme je viens de l’indiquer, je vous propose l’amendement suivant à l’alinéa 1 :
« Art. 1. – Al. 1 : « Acceptez-vous la modification suivante de la Constitution cantonale du 13 avril 2003 ? »
L’amendement Alexandre Démétriadès est accepté à l’unanimité.
L’article 1, amendé, est accepté à l’unanimité.
Les articles 2 et 3, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.
Le projet de décret est adopté en premier débat.
Projet de décret visant à accorder automatiquement le droit de vote cantonal aux personnes protégées par une curatelle de portée générale ou un mandat pour cause d'inaptitude, en raison d'une incapacité durable de discernement (Décret B)
Premier débat
En préambule, nous tenons à préciser qu’il ne s’agit pas d’un vote en faveur ou en défaveur des personnes qui sont sous curatelle ou des personnes handicapées. La composition du corps électoral constitue un enjeu fondamental dans tout le système démocratique. La délimitation des personnes pouvant participer aux élections et aux votations affecte en effet directement la représentativité des candidats élus et, plus généralement, la légitimité des résultats des scrutins. La présidente du Conseil d’Etat a rappelé que la motion adoptée par le Grand Conseil demande au Conseil d’Etat de soumettre au Grand Conseil une révision de la Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) afin de rétablir les droits politiques aux personnes faisant l’objet d’une curatelle de portée générale, ceci afin que le Canton de Vaud, comme celui de Genève, puisse permettre à chaque citoyen et à chaque citoyenne suisse âgée de 18 ans de voter, d’élire et d’être élue. Cette question concerne une petite catégorie de personnes dans le canton. Il s’agit uniquement des personnes faisant l’objet d’une curatelle de portée générale pour cause d’incapacité durable de discernement, soit environ 1400 personnes. En effet, le motionnaire estime que cette privation est discriminatoire.
Le Conseil d’Etat et son département ont rencontré les associations qui défendent les personnes handicapées concernées, ainsi que des personnes jugées incapables de discernement et ne pouvant pas voter ni être élues. Pour un certain nombre d’entre elles, il a été pour le moins constaté une volonté de pouvoir participer à la vie démocratique. Le Conseil d’Etat a néanmoins souligné quelques coûts et difficultés liés à cette réforme, notamment celle d’un troisième registre des électeurs dans le canton et d’un registre particulier pour les scrutins cantonaux. Et, au niveau fédéral, ces personnes restent en dehors du corps électoral, le risque de captation de suffrages n’étant pas exclu. Si l’intention d’élargir l’accès aux droits politiques peut sembler louable, la majorité de la commission oppose une réserve de fond basée sur un principe essentiel de notre démocratie : le discernement. En effet, voter n’est pas un simple acte administratif, mais un engagement civique qui suppose la capacité de comprendre des enjeux, de se former une opinion et de l’exprimer de manière autonome. Or, la curatelle de portée générale tout comme le mandat pour cause d’inaptitude sont précisément des dispositifs conçus pour protéger des personnes dont les capacités de discernement ont été jugées durablement altérées. En leur accordant automatiquement le droit de vote, on nierait en quelque sorte cette réalité pourtant établie par une évaluation rigoureuse et encadrée.
Par conséquent, si le décret devait entrer en vigueur, il introduirait une contradiction majeure entre l’incapacité durable et l’exercice d’un droit nécessitant justement cette capacité. Une telle mesure risquerait d’affaiblir la crédibilité de notre système démocratique en vidant de son sens le principe même de responsabilité civique. C’est pourquoi, dans un souci d’équilibre entre inclusion et protection, la majorité de la commission refuse ce projet de décret.
Nous débattons à nouveau de cet important sujet. En effet, il a déjà été traité lors de la révision de la LEDP. A cette occasion, je me permets de vous le rappeler, nous avions accepté la proposition du Conseil d’Etat de ne pas toucher à la Constitution pour des raisons pratiques, pour que la nouvelle LEDP puisse entrer en vigueur lors des élections cantonales suivantes. Malgré cela, nous avons essayé à cette occasion d’exploiter toutes les marges de manœuvre possibles pour faciliter autant que possible la réintégration dans le corps électoral des personnes sous curatelle pour incapacité durable de discernement. Ces personnes sont exclues du corps électoral de manière systématique et leur réintégration est toujours laissée à la marge d’appréciation des municipalités avec des risques de recours clairs.
Sous l’angle des droits politiques, notre Constitution maintient une discrimination qui contrevient – cela a déjà été dit – aux engagements que la Suisse a pris en ratifiant la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap (CDPH). Cette analyse n’est pas la mienne, mais celle du Conseil fédéral. Ce dernier indique la chose suivante : pour que la Suisse respecte l’engagement pris auprès de la CDPH, elle a deux options : d’une part, abroger l’exclusion du droit de vote pour incapacité durable de discernement ou, de l’autre, borner l’exclusion du corps électoral à des analyses faites au cas par cas sous l’angle de la capacité d’une personne à se forger une opinion politique – et non pas à gérer ses affaires administratives. Ce sont ces éléments qui ont conduit le Conseil d’Etat à proposer de modifier la Constitution par le biais de ce projet de décret, ce d’autant plus qu’une motion a été déposée auprès de notre Grand Conseil et acceptée par le plénum. Ajoutons que le Conseil d’Etat a mené des rencontres avec les associations concernées. Ces dernières nous ont accueillis à deux reprises. Par conséquent, la minorité de la commission vous encourage à soutenir cette révision.
A l’heure actuelle, pour respecter la CDPH, l’analyse effectuée dans le cadre d’une décision de Justice de paix pour prononcer une curatelle de portée générale pour incapacité durable de discernement – et donc exclure quelqu’un du corps électoral – ne porte que sur la capacité de la personne à gérer ses affaires administratives, et aucunement sur sa capacité à se forger une opinion politique. Il s’agit d’un élément crucial à conserver à l’esprit : l’élément incompatible avec la CDPH. Comme indiqué précédemment, nous avons deux options : annuler l’exclusion systématique ou procéder à des analyses au cas par cas de la capacité à se forger une opinion. A ce titre, la proposition du Conseil d’Etat opte pour une chose simple et pragmatique : supprimer l’exclusion systématique du corps électoral pour respecter la CDPH.
Quant au risque de captation des suffrages – qui est à peu près le seul véritable argument de la majorité de la commission – il a été traité en commission. Nous avons posé des questions à la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC). Selon cette dernière, concrètement, ce risque n’existe pas. Comme évoqué par le directeur de la DGAIC, les quelques soupçons de captation de suffrages dans notre canton n’ont jamais concerné des personnes qui avaient des problèmes de discernement – même si elles n’avaient pas de curatelle de portée générale – ou qui se trouvaient en institution. Les occurrences sont relatives à un phénomène appelé vote communautaire.
Les 1400 personnes concernées par le changement de la Constitution dont nous parlons sont suivies, encadrées ; leurs intérêts sont protégés. Ce sont peut-être d’autant plus ces personnes qui auraient le moins de risques de subir une tentative de captation de suffrages – sans parler du fait que la captation de suffrages fait l’objet d’une condamnation pénale si elle est révélée et peut mener jusqu’à une amende de 10’000 francs. Ainsi, tout un régime de sanctions interdit cette pratique. Le dernier argument qui conduit la minorité de la commission à soutenir cette révision constitutionnelle réside dans le fait que la demande émane des personnes concernées. A plusieurs reprises, ces dernières – ou les associations qui représentent leurs intérêts – ont affiché une ferme volonté d’abroger une disposition constitutionnelle vécue – il est important de le dire – comme discriminante.
A l’époque, le traitement d’un texte de notre collègue Buclin avait occasionné des discussions avec des gens concernés venus au Parlement pour nous parler. Nous avons aussi pu le constater lors des auditions que le Conseil d’Etat a menées avec les associations et les personnes concernées : elles demandaient à pouvoir exprimer leur opinion. En outre, nous avons aussi pu le voir par le biais des lettres adressées par Insieme Vaud et Forum Handicap Vaud – qui représentent plus d’une trentaine d’associations actives dans le domaine du handicap – tout comme par une autre structure. Toutes affichaient cette revendication.
Au-delà des démarches cantonales, cette même demande a été formulée au niveau fédéral par le biais d’une résolution déposée à l’occasion de la toute première session des personnes handicapées de Suisse qui a eu lieu le 21 mars 2023 au Parlement fédéral. Cette première résolution déposée demandait précisément l’abrogation de l’exclusion du corps électoral. Depuis, une motion a été déposée aux Chambres pour matérialiser la demande. En outre, le Conseil national s’est prononcé en faveur de la suppression de l’exclusion pour le corps électoral au niveau suisse. Ainsi, même en cas de révision du corps électoral fédéral, en parallèle à notre révision, nous n’aurions même pas le potentiel problème de registres différents sur le plan cantonal et fédéral.
En résumé, nous nous trouvons face à une partie de la population qui se sent discriminée, qui le vit comme tel, mais qui souhaite pouvoir faire valoir son droit à donner son opinion ou celui de ne pas en avoir, puisque la population, dans son ensemble, a le droit de ne pas se juger apte à se former une opinion sur n’importe quel objet que nous devons traiter. Et, en Suisse nous nous y employons de manière récurrente.
Au vu de ce qui précède et en considérant, d’une part, qu’il est temps de mettre un terme à une discrimination historique des personnes en situation de handicap et, d’autre part, qu’il est pertinent de soumettre ce vote à la population vaudoise, je vous invite, au nom de la minorité de la commission, à soutenir cette révision constitutionnelle proposée par le Conseil d’Etat.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
La question qui nous est soumise concerne 1400 personnes dans le canton de Vaud ; c’est loin d’être anodin. Ce chiffre correspond approximativement à la population de la commune de Yens – laquelle j’habite. Je conçois mal ce qui justifie que l’on prive la population d’une commune de la taille de la mienne des droits politiques, quand bien même les personnes concernées seraient soumises à une curatelle de portée générale. L’exemple genevois – canton qui a très largement accepté en 2020 une modification constitutionnelle pour octroyer les droits politiques aux personnes faisant l’objet d’une curatelle de portée générale – n’a pas démontré de problèmes particuliers, comme le rapporteur de minorité l’a très bien dit, même si l’introduction d’un tel système est récente.
En outre, il y a quelques jours à peine, lors d’une session spéciale, le Conseil national a adopté une motion qui entend supprimer de la Constitution la disposition discriminatoire qui prive des droits politiques les personnes en situation de handicap. Par conséquent, si nous refusons ce texte et ne donnons pas à la population la possibilité de s’exprimer, nous pourrions nous retrouver dans une situation absurde. Au début de l’année 1990, les citoyennes d’Appenzell Rhodes-Intérieures avaient le droit de vote au niveau fédéral, mais pas cantonal. Elles l’ont obtenu de force en novembre de la même année sur décision du Tribunal fédéral. Toutes proportions gardées, nous pourrions nous retrouver dans la même situation ubuesque où les personnes sous curatelle de portée générale pourraient avoir le droit de vote au niveau fédéral, mais non cantonal, raison pour laquelle, et par cohérence, le groupe des Verts vous invite à soutenir le rapport de minorité et à donner à la population la possibilité de s’exprimer sur ce sujet.
Le groupe UDC ne soutiendra pas ce décret visant à octroyer le droit de vote cantonal aux personnes protégées par une curatelle de portée générale ou sous le coup d’un mandat d’inaptitude. Il est rappelé que les personnes concernées sont soumises à la curatelle la plus restrictive qu’il existe de par leur état de santé. Ce seul point me semble expliquer les motifs de refus de ce décret. Pour un grand nombre de tâches quotidiennes, ces personnes ont besoin de l’aide de leur curateur. Comment estimer qu’elles pourront être capables de voter, et même au-delà de signer le bulletin de vote, auront-elles la capacité de voter avec toute la conscience demandée ? Le fait que le Conseil d’Etat stipule que des personnes incapables de discernement puissent déjà voter de nos jours, car tout simplement non identifiées et donc échappant à une mesure de curatelle de portée générale, ne me semble clairement pas une raison pour l’octroyer de fait à toutes les personnes concernées.
Ainsi, il nous paraît très risqué qu’une personne incapable de discernement pour un grand nombre de tâches – entraînant la curatelle – puisse l’être au niveau civique. Dès lors, il existe un risque non négligeable que le curateur influence, même involontairement, une personne qui n’a pas la capacité de discernement pour faire la part des choses entre l’avis de son curateur en lequel elle a potentiellement une grande confiance et sa propre volonté ou son propre avis. Je ne pense pas qu’un curateur votera en pleine conscience à la place du pupille, mais par le fait que la capacité de discernement est altérée, il y a un fort risque selon nous que le vote soit influencé. A cet égard, on observe déjà les difficultés dans les communes qui font le tour des EMS pour faire voter les résidents, et parfois des cas complexes où la personne âgée a tendance à demander au personnel du bureau électoral présent ce qu’il pense, afin de pouvoir se déterminer.
A titre d’exemple, dans le cadre de la capacité de discernement pour les mineurs pour lequel la majorité est le point de passage nécessaire pour pouvoir participer à la vie civique, le peuple a d’ailleurs tranché. Ainsi, estimons-nous qu’une personne sous curatelle de portée générale aurait plus de capacité de discernement qu’une personne âgée de 15, 16 ou 17 ans ? Je ne le pense personnellement pas. Certes, le volume de personnes concernées est faible au regard du nombre total de votants, mais nous ne pouvons pas prendre un tel risque. D’ailleurs, dans les communes, si plusieurs bulletins comportent la même écriture, ils sont considérés comme nuls, peu importe si leur nombre est faible et peu importe si cela ne change rien au résultat final. Si l’on est strict pour le traitement des bulletins remplis par un conjoint, on doit l’être tout autant pour accorder le droit de vote aux personnes sous curatelle générale. Pour toutes les raisons évoquées, le groupe UDC refusera ce décret et vous propose d’en faire de même.
Ce projet de décret vise à accorder automatiquement le droit de vote cantonal aux personnes sous curatelle de portée générale en raison d’une incapacité durable de discernement ; seraient concernées par cette modification environ 1400 personnes. C’est en effet peu. Toutefois, ce n’est pas tant le nombre d’électeurs potentiels qui est problématique, mais plutôt le fond de la proposition : celle d’accorder automatiquement le droit de vote. Dans les discussions de commission, plusieurs éléments exprimant la réticence ont mis en évidence les risques d’abus ou de captation de suffrages, notamment par influence extérieure ou manipulation. Il s’agit d’une problématique constatée d’ailleurs à d’autres niveaux. Par conséquent, il n’apparaît pas judicieux d’ajouter une nouvelle possibilité de tromperie. La possibilité que des personnes sous curatelle ne soient pas réellement aptes à faire des choix politiques éclairés doit être prise en compte, sachant que cet acte peut déjà s’avérer parfois compliqué pour tout un chacun. La difficulté d’évaluer la capacité de discernement concernant le vote est distincte de la gestion administrative ou civile.
La mise en œuvre de ce projet nécessiterait la création d’un troisième registre des électeurs dans le canton et un registre particulier pour les scrutins cantonaux. La possibilité pour les personnes concernées de demander leur droit de vote plutôt que de le leur accorder automatiquement a été évoquée comme une alternative ; cette proposition devrait être étudiée. En effet, la capacité de discernement est importante dans cette problématique, et si une personne réclame son droit au vote, il s’agirait déjà d’un acte responsable. Alors, on pourrait imaginer que cet individu est en effet intéressé par la chose politique.
Pour toutes ces raisons, une grande partie du groupe PLR vous recommande de suivre la majorité de la commission – 9 voix contre 6 – et de refuser l’article 1 du projet de décret, et n’ainsi de pas entrer en matière. Enfin, le groupe PLR vous invite à suivre la commission en ce qui concerne le rapport du Conseil d’Etat sur la motion Buclin et de l’accepter.
La curatelle de portée générale constitue une mesure de protection pour une personne en cas d’incapacité de discernement durable. Elle vise à protéger les intérêts des personnes qui n’arrivent plus à gérer certaines affaires courantes et surtout administratives. La privation des droits politiques n’a rien à voir avec la sauvegarde des intérêts de la personne. Dans beaucoup de situations, il est tout à fait possible d’expliquer les enjeux d’une votation à une personne sous curatelle de portée générale, de lui donner les arguments favorables ou défavorables à une telle votation et de la laisser se forger librement sa propre opinion et exercer ainsi son droit civique. Il n’y a nul lien avec le suivi de ses factures ou de la gestion de ses biens.
A plusieurs reprises, lors de mon activité médicale, j’ai côtoyé des personnes sous curatelle de portée générale avec lesquelles les enjeux d’une votation pouvaient être discutés sans problème majeur. Vivre sous curatelle est déjà une limitation considérable, n’ajoutons pas à cette limitation une restriction des droits civiques ! Par conséquent, je vous invite à soutenir le rapport de minorité, qui par ailleurs reflète la position du Conseil d’Etat.
A titre personnel – que ce soit sur le plan professionnel, social, associatif, politique ou civique – je suis profondément attaché à l’égalité des chances. Je tiens surtout à ce qu’aucune forme de discrimination, physique ou psychique, ne vienne interférer avec les droits fondamentaux de la personne. S’agissant de la motion de notre collègue Buclin, discutée aujourd’hui, j’en partage pleinement les objectifs. Je considère cette ségrégation comme profondément injuste et regrettable. Il nous revient de modifier la législation actuelle et de nous rappeler que ces personnes font partie intégrante de notre société.
A ce titre, je prends pour exemple les nombreuses soirées de « bla-bla vote » partagées à la maison de quartier de Chailly, à Lausanne, où les résidents d’Eben-Hézer – à l’origine de cette démarche – participent avec beaucoup d’intérêt aux discussions organisées avec divers représentants des autorités politiques. Ceux-ci ont à cœur de vulgariser les objets de votations ou d’expliquer les enjeux d’une élection. Les résidents n’hésitent jamais à intervenir dans les débats, à exprimer leurs opinions ou à rechercher des explications. Par conséquent, ce qui est possible à Chailly doit pouvoir l’être ailleurs, y compris pour d’autres personnes atteintes dans leur autonomie quotidienne.
Quant aux arguments évoquant un prétendu risque de captation de suffrages, si ces personnes étaient intégrées ou réintégrées dans le corps électoral, ils me laissent dubitatif. En effet, nul ne peut dire aujourd’hui combien d’entre elles, sous curatelle de portée générale, exerceraient leur droit de vote.
En conclusion, le droit de vote doit être une règle commune, égale pour toutes et tous, indépendamment de l’existence ou non d’une curatelle de portée générale. Je vous invite donc à accepter la motion Buclin et à soutenir le rapport de minorité.
La question que nous abordons aujourd’hui est légitime et éminemment politique : qui a le droit de participer et de faire vivre la démocratie, de nous faire élire, par exemple, et qui en est exclu ? Débat légitime, mais guère évident à première vue. En effet, qu’est-ce qu’une personne en situation de handicap ? A partir de quand ? Quand se voit-on soumis à une curatelle de portée générale ? Pour quelles raisons ? Ce n’est pas si simple. Qui décide et parfois qui influence ? Qu’est-ce réellement que la capacité de discernement lorsqu’il s’agit d’un choix politique ? Par conséquent, revenons à des faits tangibles. Il s’agit de peu d’individus. A cet égard, mentionnons tout de même que le nombre de personnes sous curatelle de portée générale dans notre canton est bien supérieur à d’autres cantons – nous y reviendrons peut-être. En effet, dans certains cantons suisses, il s’agit de moins d’une dizaine de personnes concernées. En l’état de la loi, personne ici n’est à l’abri de perdre un jour son droit de vote en fonction d’une curatelle. Peut-être un jour, vous ou moi, ne recevrons plus d’enveloppe de vote. C’est violent. Il s’agit d’une question de fond, d’égalité de droits, de la reconnaissance d’une citoyenneté à part entière.
En outre, les personnes concernées et les associations revendiquent ce droit et clament leur intérêt à la chose politique. En tant qu’élus, nous pleurons et regrettons souvent le désintérêt de la population…Or, voilà tout le contraire qui se présente ! Ces personnes étaient présentes ce matin devant le Parlement et à la tribune pour le troisième mardi de suite. Par ailleurs, relevons le retard du canton de Vaud relativement aux conventions internationales par rapport à ses voisins, notamment Genève, mais aussi Appenzell Rhodes-Intérieures, Zurich, Zoug, Soleure, Glaris, Berne, Lucerne. Ces derniers sont tous en marche vers ce qu’a décidé le Conseil national il y a trois semaines, c’est-à-dire de reconsidérer cette exclusion de liberté de penser et l’expression d’opinions politiques par le biais du vote. C’est inverser le fardeau de la preuve. Et, il est fort à parier que le Conseil des Etats suivra le Conseil national, en automne, vu le nombre de cantons déjà en mouvement.
Enfin, nombre de personnes en situation de handicap – pour la majorité avec des handicaps invisibles – subissent au quotidien des discriminations d’accès au travail, au logement, au sport, à la culture, à la mobilité, et j’en passe. Nous avons aujourd’hui l’occasion rare de débattre et – somme toute, assez simplement – de supprimer une discrimination parmi d’autres. Celle-ci est fondamentale. Ne ratons pas cette occasion de renforcer la démocratie ! Ne restons pas en queue de peloton ! Le groupe socialiste soutient ce changement et vous invite à suivre tant le Conseil d’Etat que le rapport de minorité.
Les travaux de notre Parlement n’étant jamais très rapides – et ceux du Conseil d’Etat non plus – il y a maintenant quelques années, vous avez adopté à la quasi-unanimité deux motions de mon collègue Julien Cuérel et de moi-même pour la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées dans notre canton. Vous avez opté pour un choix de principe, symbolique, très important. Aujourd’hui, il s’agit d’une première étape pour passer tout simplement aux actes. En effet, on ne peut se limiter aux bons principes et aux belles paroles, mais il faut aussi se montrer conséquent et ancrer cela dans la pratique. C’est notre travail en tant que membre de ce Parlement. D’où venons-nous en matière de droit de vote des personnes en situation de handicap ? D’une situation où lors du changement du droit de la curatelle en Suisse, des volumes énormes de curatelles ont été transférés de manière automatisée, ou en tous les cas simplifiée. Lors de ce changement, de nombreuses personnes en situation de handicap ont perdu tout droit de vote dans notre canton.
Parfois des curateurs ont eu le réflexe de transmettre ces informations à leur pupille, dans d’autres cas, ces informations ne sont jamais parvenues aux personnes intéressées. Ce sont probablement des centaines de personnes dans notre canton qui, du simple fait du changement de loi, ont perdu leurs droits politiques. De quel droit ? Sans aucun examen de leur situation. Pour faire entendre leurs droits, ceux qui en ont eu l’opportunité ont dû recourir. Voilà comment certains citoyens sont obligés de se battre pour préserver leurs droits quand leur curateur leur en donne la chance. Or, cette chance n’a pas été laissée à tous. D’autres personnes ont simplement changé de domicile et, en raison des difficultés d’interface des registres entre communes, du simple fait d’un changement de domicile, elles ont perdu leur droit de vote. Et elles ont dû, comme à l’époque de Mme Anne Thérèse Tercier – aussi active à la maison de quartier de Chailly citée par mon collègue Gaudard – se battre pour comprendre pourquoi, soudainement, elles ont perdu ce droit de vote et dû entamer des démarches pour le réobtenir. Cette discrimination, ajoutée à celle quotidienne dont sont victimes les personnes en situation de handicap, est tout simplement insoutenable.
Le droit relatif aux curatelles est complexe. Les parents, les proches et les curateurs qui s’occupent de la protection des personnes ont un regard certainement bienveillant vis-à-vis de ces dernières, mais très souvent, au moment de prendre les choix de protection, malheureusement, la question des droits politiques est souvent leur dernière préoccupation. En effet, tout le monde n’est pas prof de droit, n’a pas un avocat sous la main ni une administration disponible pour répondre à ces questions. Malgré tout le travail des associations de proches de personnes handicapées, de nombreuses personnes ne sont pas correctement orientées vers la bonne curatelle dans ce type de situations. Et même si elles sont orientées vers la bonne curatelle, beaucoup de situations sont aussi évolutives et ne tiennent pas compte de ce potentiel d’évolution. Ainsi, certaines personnes votent un jour, mais plus le lendemain. Chez les citoyens « classiques », à l’inverse, on trouve des personnes qui ne votent pas, mais qui un jour ou l’autre face à une problématique dont elles comprennent les enjeux se mobilisent.
Par conséquent, aujourd’hui, nous devons donner la possibilité à ces personnes – comme à n’importe quel autre citoyen – de s’exprimer. Or, remettre cette capacité d’analyse à un certificat médical introduit une nouvelle discrimination. Quelle est la compréhension de votre médecin traitant ? Personnellement, de son vivant, mon frère s’est retrouvé face à des médecins qui ne le comprenaient tout simplement pas. C’est le curateur qui s’est chargé de la traduction auprès du médecin. Mais la traduction était-elle fidèle ? Y avait-il un huissier assermenté à côté de ce médecin ? Comment s’assurer de la compréhension de ce médecin ? Certains médecins consacrent du temps à leur patient, alors que d’autres signent des documents en moins de 15 minutes. Aujourd’hui, remettre la situation des droits politiques aux aléas d’une consultation médicale ou à une procédure beaucoup plus invasive – comme semble le suggérer la majorité de la commission pour éventuellement avoir un système consolidé – d’une part, cela n’existe pas aujourd’hui, et d’autre part, cela restera empreint d’un réel risque de discrimination. Ainsi, dans un tel contexte, une seule solution prévaut : accorder le droit de vote et d’éligibilité – et je le dis de manière très assumée. La solution proposée par la minorité et par le Conseil d’Etat est celle qui a mon soutien.
Enfin, je vous appelle à un acte d’honnêteté par rapport au risque de captation de suffrages. Lors des campagnes, nous sommes tous très présents à battre le pavé dans les villes de ce canton. Dans ce cadre, je vous défie de savoir si vous avez dénoncé les personnes qui disent « non, non, c’est mon mari qui vote ! » ou « c’est ma femme qui s’occupe de ça chez moi ! ». Avez-vous entamé des procédures pour leur enlever le droit de vote ? Le cas échéant, vous pouvez refuser la proposition du Conseil d’Etat. Si vous ne l’avez pas fait, je vous invite à vous montrer conséquents et à ne pas discriminer les personnes handicapées par rapport à des citoyens lambda et à vous prononcer en faveur du projet du Conseil d’Etat.
Une confusion commence à m’agacer. Elle vient d’être perpétuée de façon caricaturale par mon préopinant, mais fut le cas de plusieurs autres. En effet, il existe une confusion entre personne en situation de handicap et personnes sous curatelle de portée générale en raison d’une incapacité durable de discernement. La grande majorité des personnes en situation de handicap ne sont pas sous curatelle de portée générale ; elles ne sont donc pas concernées. Ainsi, cette confusion tend à vouloir nous donner l’impression que toutes les personnes en situation de handicap, que ce soit visuel, auditif, de motricité, sont concernées par l’interdiction, le retrait du droit de vote. Cela me paraît fausser le débat et, dans une certaine mesure, s’avère carrément malhonnête. Fort de ces aspects, je souhaite que ceux qui soutiennent le fait que des personnes sous curatelle de portée générale en raison d’une incapacité durable de discernement sont capables d’avoir automatiquement le droit de vote – un droit que dans la situation actuelle ils peuvent récupérer – répondent à la question suivante : si elles peuvent être électrices, seraient-elles aussi éligibles ?
Les discussions de commission sont bien relatées dans les deux rapports, celui de majorité et de minorité, et je remercie les deux rapporteurs. J’exprime ici ma position personnelle de soutien à ce projet de décret. Vous l’avez bien compris : il ne s’agit pas de beaucoup de citoyennes et citoyens – 1400, semble-t-il. Si l’on tient compte d’un taux de participation usuel de 30 à 40 %, alors il s’agit de 400 à 500 votes. Or, même si cela peut sembler peu, cela demeure important. Car le droit de vote est essentiel. Tellement de personnes se sont battues pour que vous et moi ayons ce droit. Je félicite ceux qui aujourd’hui encore se battent pour cela ; nous devons le défendre et veiller à sa préservation. Pour avoir rencontré certaines des personnes qui revendiquent ce droit, j’ai été convaincu de leur motivation et de leur capacité à exercer ce droit. D’ailleurs, celles et ceux qui n’en sont pas capables ne l’exerceront pas. Effectivement, certains sujets mis au vote sont complexes, et ceci pour de nombreux citoyens. Je pense néanmoins que pour beaucoup d’objets soumis à votation populaire, une personne s’y intéressant peut être à même de donner sa position. A plus forte raison, lors des élections, tout le monde est à même de se forger une opinion et de choisir ses représentants dans un législatif ou un exécutif.
Se pose alors la question légitime de la captation de votes. En effet, voter à la place de quelqu’un d’autre est un délit grave qui doit être poursuivi et puni. Cela est vrai dans le cas précis dont nous discutons, mais également dans le cadre familial, communautaire, associatif et professionnel. Ainsi, soumettre ce projet de décret au vote populaire permettra de réaffirmer avec force qu’il ne sera jamais admis que quelqu’un vote à la place d’une autre personne. Enfin, à titre personnel, je pense que ce projet de décret réaffirme la valeur et l’importance du droit de vote en le donnant à des citoyens qui le demandent légitimement.
Je vais commencer par annoncer mes intérêts, puisque je suis directrice de Pro Infirmis Vaud, association qui, tant au niveau cantonal que national, s’engage depuis longtemps auprès des personnes concernées pour que les personnes sous curatelle de portée générale puissent obtenir le droit de vote. Dans les faits, en 2025, des personnes sont exclues du corps électoral sans que soit vérifiée leur capacité à se forger une opinion politique. Comme déjà souligné par mes préopinants, l’évaluation effectuée pour décréter une curatelle de portée générale ne porte que sur la capacité de discernement en relation avec les droits civils – la signature des contrats ou la gestion des biens – et non pas sur la capacité de discernement concernant la compréhension des enjeux politiques. D’ailleurs une telle vérification n’existe pour aucun et aucune autre membre du corps électoral en Suisse. Par conséquent, l’exclusion du corps électoral que subissent les personnes sous curatelle de portée générale est donc bel et bien une discrimination qu’il est temps de supprimer.
L’opinion politique de toutes les personnes en situation de handicap doit être prise en compte conformément à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la Suisse, en 2014. Toutes les personnes en situation de handicap impliquent aussi celles qui sont sous curatelle de portée générale. Le Conseil national l’a bien compris, puisque le 5 mai 2025, il a supprimé cette discrimination. Il est temps que le Canton de Vaud agisse aussi dans ce sens, comme s’y sont déjà employés certains autres cantons.
Concernant les inquiétudes sur la captation de voix, il convient de rappeler que celle-ci est condamnable pénalement. Par ailleurs, depuis son introduction, à Genève, en 2020, aucun cas de captation de suffrages n’est apparu en lien avec la réintroduction des droits politiques pour les personnes sous curatelle de portée générale. Dès lors, ce risque semble peu probable, en tout cas pas plus que pour toute autre catégorie de la population. Je dois dire que je suis assez surprise de la vision que M. Weissert a des curateurs et curatrices professionnels et privés qui profiteraient de leur statut afin de commettre un acte pénalement répréhensible. Dans tous les cas, il n’est pas admissible que sous prétexte du risque d’une action malveillante, des personnes soient privées de leurs droits civiques. C’est à l’Etat de faire le nécessaire pour éviter et contrôler le respect de la loi.
Enfin, j’aimerais aborder encore deux éléments. D’abord, les personnes en situation de handicap subissent déjà de nombreuses discriminations. Pour les personnes sous curatelle de portée générale, c’est encore plus le cas, et ce dans tous les domaines de la vie, comme l’a démontré le récent indice d’inclusion réalisé par Pro Infirmis Suisse, en 2023. Supprimer l’interdiction des droits politiques démontrerait une reconnaissance politique de cette situation et la volonté de lutter concrètement contre ces discriminations. Ensuite, accepter ce projet de décret du Conseil d’Etat revient à permettre à la population de se prononcer sur cet objet de société et la composition du corps électoral qui, finalement, relèvent de sa compétence. Il me semble particulièrement opportun de ne pas priver la société civile de cette discussion. Je vous remercie de votre attention et vous recommande de suivre la minorité et de soutenir ce décret.
Ces dernières semaines, d’une part et d’autre de cet hémicycle, nous avons entendu des discours touchant au vote historique auquel nous allions procéder concernant la politique du sport. Aujourd’hui, je me permets de tirer un petit parallèle : à mon sens, nous avons la possibilité de consentir véritablement à un vote historique pour le droit des personnes en situation de handicap et soumises à une curatelle de portée générale. Par quel biais, vous et moi, nous fondons-nous une opinion politique ? Pour certains d’entre vous, à première vue, il est nécessaire d’avoir certaines capacités intellectuelles. Je n’ai pas forcément le même avis. Je considère en effet que très tôt, les gens sont capables de concevoir, comprendre énormément d’éléments touchant aux choix qu’ils opèrent et aux conséquences de ces choix. L’un de mes préopinants a d’ailleurs établi le parallèle avec le droit de vote à 16 ans, projet pour lequel les Verts, mais d’autres partis aussi se sont battus à tous les niveaux afin de légitimer la possibilité pour des personnes qui n’ont pas 18 ans de voter, et donc ainsi de participer à une société que nous voulons toutes et tous, je crois, plus inclusive – c’est en tout cas aussi le discours qui nous a été tenu depuis quelques semaines dans cet hémicycle, ce dont je ne peux que me réjouir.
Ainsi, la question posée aujourd’hui est la suivante : comment souhaitons-nous intégrer les personnes avec une déficience mentale dans leurs choix politiques. De mon point de vue, une personne en situation de handicap peut être considérée de manière infantilisante ou au contraire sous un aspect d’autonomie. Pour ma part, je me bats avec d’autres personnes plus concernées pour que ces personnes accèdent à une reconnaissance plus importante de leur autonomie, y compris dans leur capacité à se fonder une opinion politique. J’ai d’ailleurs, avec d’autres personnes de cet hémicycle, participé à un projet de l’UNIL qui vise à présenter par des vidéos explicatives des choix de votation, des positions de partis sur des objets de votation. Nous avons eu pour défi de présenter cela de manière simple pour inclure dans la décision des personnes avec une déficience intellectuelle.
Par conséquent, il s’agit d’un choix historique : entrer en matière pour offrir plus de droits. Enfin, je m’interroge sur la volonté de certaines personnes au sein de cet hémicycle qui ne soutiendraient pas la possibilité d’offrir plus de droits à des personnes qui l’ont, ce droit, d’être incluses dans notre société. Ainsi, il serait regrettable de ne pas entrer en matière sur un projet qui se veut inclusif, ouvert et qui nous permet aussi à toutes et à tous, en tant que politiciens, de nous positionner sur les raisons pour lesquelles nous nous impliquons et pour lesquelles nous défendons certaines valeurs d’inclusivité. En conclusion, je vous invite à soutenir le rapport minoritaire et la position du Conseil d’Etat.
Je me dois de répondre à Mme Podio : à quel moment ai-je dit que les curateurs votaient de façon volontaire à la place de leur pupille ? Vous deviez être distraite au moment de ma prise de parole. J’ai mentionné que la relation de confiance entre le curateur et son pupille « pouvait » influencer ce dernier dans son choix. J’ai donc parlé d’influence involontaire du curateur.
J’aimerais revenir sur une observation – ou plutôt une question – de M. Haury sur l’éligibilité des personnes sous curatelle. En effet, accepter cette motion impliquerait que les personnes sous curatelle de portée générale – pourtant estimées incapables de gérer leurs affaires – pourraient être élues et gérer celles de la population, en votant et prenant des décisions impactant tout un chacun. Au-delà de cette responsabilité, qui peut imaginer la pression morale mise sur ces personnes ? Raison pour laquelle nous vous invitons à refuser cette motion.
Je crois que nous avons vraiment tout entendu cet après-midi : on en vient à mélanger les situations de jeunes de 16 ans, de personnes vivant à l’étranger, ou encore celles qui seraient simplement absentes… Non, restons concentrés sur l’objet de la motion Buclin. Il me semble essentiel de s’en tenir à ce cadre. Aujourd’hui, la question des droits politiques des personnes atteintes de troubles psychiques doit être limitée à cela. Et sur ce point, comme cela a été clairement exprimé, nous ne pouvons pas aller plus loin. Il faut rester dans le cadre que nous avions auparavant, et c’est pourquoi je ne peux que soutenir le rapport de majorité.
Derrière le principe dont nous discutons aujourd’hui, il y a des personnes. Et j’aimerais leur donner la parole en citant deux passages d’un travail de diplôme de l’Ecole supérieure sociale intercantonale de Lausanne (ESSIL) qui a fait l’objet de l’émission Vacarme du 9 février dernier et que je vous invite à écouter. « Les personnes sous curatelle de portée générale n’ont pas toutes les mêmes capacités au niveau de leur autonomie et de leur indépendance. Même chose avec la capacité de discernement. Ce critère est très vaste, car une personne avec une déficience intellectuelle pourra très bien avoir des difficultés sociales au quotidien sans nécessairement avoir des problèmes à suivre l’actualité, à se forger un avis pour se prononcer lors de votations. Cette privation du droit de vote, doublée d’une inégalité de traitement, pose de nombreux problèmes et difficultés aux personnes concernées. En effet, ces dernières se sentent dévalorisées dans leur capacité. Le fait de ne pas être écoutées leur donne le sentiment d’être exclues de la société et de ses débats. » J’aimerais encore citer l’une de ces personnes, à Eben-Hézer : « Je me bats pour tout le monde afin que les autres puissent aussi avoir leur avis et suivre le chemin pour voter comme tout le monde. Tout cela grâce à moi qui ai fait toutes ces démarches et comme ça on sait que je suis là et que j’existe. »
La privation du droit de vote chez cette population est considérée comme une injustice pour l’entourage et pour la résidente. Par conséquent, je nous invite vraiment à donner ce droit. En effet, au-delà, il s’agit de toute la reconnaissance d’une population qui souhaite exister, être pleinement reconnue. Par conséquent, je me joins à mes nombreux préopinants – notamment pour une fois avec mon collègue Gaudard avec qui je suis tout à fait d’accord ! Je vous invite vraiment à leur donner cette reconnaissance.
En préambule, permettez-moi de déclarer mes intérêts en tant que collaborateur judiciaire au sein de l’Ordre judiciaire vaudois. Il faut peut-être rappeler ici de quoi il est question. Une curatelle de portée générale constitue la mesure de protection la plus lourde de l’adulte, c’est-à-dire l’ultima ratio en matière de protection de l’adulte, de l’individu contre lui-même et contre les tiers, sous réserve évidemment des placements à des fins d’assistance dont il n’est pas question ici. Il s’agit d’une mesure que l’on prononce à l’endroit de personnes qui sont, de par l’ampleur de leurs difficultés personnelles, dans une situation de vulnérabilité particulière et, la mesure, vous le savez, couvre tous les domaines de l’assistance personnelle, de la gestion du patrimoine, des rapports juridiques avec les tiers, c’est ce que prévoit le Code civil. Cela concerne des personnes qui sont particulièrement vulnérables, dont on considère qu’elles ne sont pas, par exemple, en mesure de conclure seules un contrat de téléphonie mobile – un exemple parmi d’autres. Néanmoins, il est donc quand même permis de s’interroger légitimement sur la pertinence d’associer ces personnes à des décisions politiques qui sont autrement plus complexes.
Je dois dire que j’abonde dans le sens de notre collègue Haury qui a déploré les confusions que certains cherchent à introduire dans ce débat. En effet, fondamentalement, de quoi parle-t-on ? L’incapacité durable de discernement n’est mentionnée qu’à titre d’exemple. Elle ne saurait être comprise comme une condition stricte d’institution d’une curatelle de portée générale. C’est ce que la jurisprudence dit explicitement. Certains ont affirmé ici que l’on parlait de 1400 personnes. Il faut être précis : environ 1400 personnes sont sous curatelle de portée générale actuellement dans le canton de Vaud, mais ces 1400 personnes ne sont pas pour autant toutes durablement incapables de discernement, et ce ne sont pas 1400 curatelles de portée générale qui ont été prononcées pour cause d’incapacité durable de discernement. Par conséquent, ces personnes ne sont pas toutes privées de leurs droits politiques. Je me réfère à la page 8 du projet de décret, dont il faut peut-être faire une lecture un peu plus attentive. Que nous dit le Conseil d’Etat ? Que nous ne disposons pas en l’état du nombre précis de personnes privées de leur droit de vote en raison d’une curatelle de portée générale prononcée pour incapacité durable de discernement. En revanche, il est certain que ce nombre est inférieur à 1400 personnes.
Par conséquent, il est tout simplement faux de parler d’exclusion systématique du corps électoral lorsqu’une curatelle de portée générale est prononcée, ce aussi bien s’agissant de curatelles de portée générale « ordinaires » – soit lorsque la personne concernée n’est pas incapable de discernement – puisque l’article 4 de la LEDP le prévoit explicitement et que la Justice de Paix ne communique ses décisions aux municipalités, aux registres civiques que lorsque les curatelles sont prononcées pour cause d’incapacité durable de discernement. Mais, cela est aussi faux pour les personnes qui sont durablement incapables de discernement. Pourquoi ? Parce que dans ces cas-là, avant de prononcer une mesure, la Justice de Paix commande une expertise et que la question est explicitement posée aux experts, c’est-à-dire aux médecins psychiatres qui entendent ces personnes pour savoir si elles sont en mesure ou non d’exercer leur droit de vote au sens de la LEDP.
Ainsi, je vous invite à ne pas raconter n’importe quoi dans ce débat. Par ailleurs, les personnes concernées – comme répété à de nombreuses reprises – ont la possibilité de demander leur réintégration dans le corps électoral sur simple présentation d’un certificat médical, il ne s’agit pas d’une procédure dont on peut raisonnablement affirmer qu’elle est d’une complexité ou d’une lourdeur particulière. Enfin, indépendamment du nombre de personnes concernées, la confiance dans le processus électoral commande de maintenir un exercice fiable et sûr du droit de vote par celui qui détient ce droit ; raison pour laquelle, parmi d’autres, l’UDC vous appelle à rejeter ce projet de décret.
Je voudrais rappeler les propos de notre collègue Kessler. L’autorité vaudoise a quand même la main particulièrement lourde sur la prononciation de curatelles de portée générale. Ainsi, je suis d’accord avec notre collègue, M. Suter, qui évoque une mesure symbolique, mais qui s’impose un peu plus évidemment à nous, législateurs vaudois, qu’à ceux des autres cantons dans la mesure où nous en prononçons plus que dans les autres cantons. Nous impactons de facto beaucoup plus de concitoyens par cette limitation du droit de vote.
Par ailleurs, et cela a été rappelé par M. Christe, toute curatelle de portée générale ne suppose pas nécessairement une incapacité de discernement. La confusion a en effet été faite trop de fois lors de ce débat, car quantité de personnes sous l’effet d’une curatelle de portée générale sont pleinement capables de discernement. Et, pourtant, en tout cas sur le plan fédéral, elles se voient privées de leur droit de vote. En outre, j’aimerais rappeler que la capacité de discernement est quelque chose d’extrêmement volatile. Il est très rare d’être incapable de discernement durant plusieurs jours consécutifs. Le seul exemple que j’ai en tête est le coma. C’est la seule situation dans laquelle on peut être durablement incapable de discernement de manière totalement constante. Pour le reste, il s’agit de quelque chose d’extrêmement fluctuant d’un jour à l’autre. Laissez-moi vous donner un exemple pour vous montrer aussi à quel point cela peut être inégalitaire. En effet, si je décide de m’adonner de façon exagérée à la boisson, un soir, puis je décide de voter à cette occasion-là, je risque de voter sans ma capacité de discernement, alors que d’autres personnes sous curatelle de portée générale (CPG), mais pleinement capables de discernement, n’auront pas la capacité de voter alors qu’elles ont pleinement leur capacité de discernement ; l’inégalité de traitement est particulièrement crasse. Au-delà de cela, et cela s’avère encore plus choquant, si je suis habilité à voter sans ma capacité de discernement, précisément certains ou certaines Vaudoises qui ont pleinement leur capacité de discernement seront privées de plein droit uniquement par le prononcé d’une CPG. Enfin, je rappelle encore une dernière fois afin que cela soit définitivement entendu par toutes et tous ici : dans le canton de Vaud, nous avons plus de CPG prononcées qu’ailleurs. A mon avis, cela nous donne une responsabilité plus caractérisée de rendre ce droit à ces concitoyens régulièrement capables de ce discernement, contrairement à ce qui a été dit maintes et maintes fois lors de ce débat.
J’ai moi-même participé au projet mentionné par notre collègue Dubuis. J’avoue que c’était une expérience très enrichissante. Au niveau du projet de décret dont nous discutons, je n’avais pas forcément prévu de prendre la parole au début, mais plusieurs propos m’interloquent suffisamment pour m’y prêter. Tout d’abord, on entend régulièrement qu’il faut écouter la science pour se forger son opinion. Or, cet après-midi, tout à coup, la capacité intellectuelle ne jouerait pas un rôle dans la formation de l’opinion politique. Ensuite, le climat de suspicion évoqué relativement aux médecins m’étonne également. Quid de l’examen médical pour les personnes âgées qui se font retirer leur permis de conduire ? Se pose-t-on les mêmes questions ?
Enfin, on nous dit que cela concerne finalement un nombre restreint de personnes : environ 1400 personnes dans le canton. Toutefois, cela concerne également le droit de vote au niveau communal et la question des élus potentiels, un certain nombre de communes du canton connaissent d’ailleurs un Conseil général. Ce type de conseils n’admet parfois que 25 ou 30 personnes assermentées. Cela signifie que cela peut représenter un pourcentage non négligeable de l’électorat qui prend les décisions. J’ai eu l’occasion de le dire lorsque nous avons eu le débat sur le quorum et l’initiative Christen : il faut être très prudent lorsqu’on modifie les règles démocratiques, car cela peut amener des changements dont le rôle n’est pas négligeable. En conclusion, je vous appelle à suivre le rapport de majorité.
J’aimerais ajouter deux petites remarques relativement au choix du médecin qui reste un être humain, avec tout ce que cela implique. Toutefois, cela m’a été rapporté très clairement par les associations et d’autres curateurs, mettre en œuvre le droit à recourir, aller chercher finalement le bon papier chez le bon médecin n’est de loin pas aussi simple. En effet, l’environnement ou l’accès aux soins s’avèrent parfois des obstacles importants sur le chemin pour récupérer ses droits. Par rapport aux propos de mon collègue Christe, et sans posséder ses connaissances juridiques, les dernières statistiques à ma disposition – des chiffres du 31 décembre 2023 – c’est-à-dire celles de la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes (COPMA) pour le canton de Vaud, dans son article 398 du Code civil, indiquent la chose suivante : les curatelles de portée générale prononcées depuis 2013, dans le canton de Vaud, s’élèvent à 1184. A titre de comparaison, dans le canton d’Uri, elles s’élèvent à 5, Zoug 4, Obwald et Nidwald 2 ou 3, Glaris 2. Vous observez aisément que le facteur est extrêmement différent. Les aspects structurels doivent être pris en compte. Effectivement, si la curatelle de portée générale est la mesure de protection la plus sévère, cela ne démontre pas que ces personnes en ont besoin. Il suffirait d’habiter dans un autre canton, à quelques kilomètres, pour finalement ne pas se voir privé de ses droits politiques.
Je vais abonder un peu dans le sens de M. Kessler. En effet, normalement, la curatelle de portée générale devrait être l’ultimaratio, c’est-à-dire la mesure la plus lourde. Or, ce n’est pas le cas dans le canton de Vaud qui affiche le plus mauvais taux, soit 4,96 curatelles de portée générale pour 1000 habitants, en 2023 – contre 0,39 pour le même nombre d’habitants, à Bâle. Dès lors, je pense que les personnes qui sont aujourd’hui sous curatelle de portée générale dans le canton de Vaud méritent d’avoir le droit de vote, puisque dans d’autres cantons elles y auraient accès. Bien entendu, nous pourrions estimer qu’il s’agit de supprimer la curatelle de portée générale ; mais, pour les personnes concernées, c’est extrêmement long. Dès lors, il s’avère plus simple de leur accorder ce droit de vote qu’elles demandent depuis longtemps.
Contrairement à ce qui a été affirmé, nous ne sommes pas en train de débattre de la motion de M. Hadrien Buclin, mais bien d’un texte adopté par notre Parlement et mis en œuvre dans le cadre d’un projet du Conseil d’Etat. Je tiens à rappeler que le cœur de ce texte porte sur une incompatibilité entre une disposition de notre droit actuel et un engagement international pris par la Suisse – en l’occurrence, la Convention relative aux droits des personnes handicapées – et, comme l’a souligné notre collègue Bouverat, auquel notre canton a voulu, de manière symbolique, signifier son attachement. Ainsi, pour être conforme à cette convention, il ne s’agit pas nécessairement de renoncer à toute exclusion du corps électoral. L’enjeu est ailleurs : il s’agit de s’assurer que toute exclusion repose sur une évaluation précise de la capacité à se forger une opinion politique. Or, notre droit actuel ne prévoit pas une telle évaluation. L’exclusion repose aujourd’hui sur la seule base de l’instauration d’une curatelle de portée générale.
L’analyse que je vous présente ici n’est pas une interprétation personnelle, mais bien celle du Conseil fédéral. Celui-ci a identifié deux voies pour rendre notre droit compatible avec la convention : supprimer l’exclusion systématique ou procéder à une évaluation individualisée des capacités des personnes concernées. A ce jour, aucune personne dans notre canton – ni même au niveau suisse – ne fait l’objet d’une telle évaluation de sa capacité à se forger une opinion politique. On comprend donc que la proposition du Conseil d’Etat vise à supprimer une discrimination fondée sur un critère inadéquat. Il s’agit d’une solution simple, pragmatique, et largement reconnue comme telle.
Je voulais simplement recentrer le débat sur cet aspect fondamental, qui justifie pleinement la révision proposée et qui, selon moi, mérite que nous entrions en matière, pour que nous soutenions cette modification de la Constitution. Je le rappelle, Genève a soumis une proposition similaire à sa population, qui l’a approuvée à 73 %. Dans le canton de Vaud, le débat prendra bien sûr une autre forme. Chacun pourra défendre ses arguments, et notre population se prononcer en toute liberté et en toute conscience.
Pour rebondir sur les propos de M. Démétriadès, j’aimerais préciser que même si la votation à Genève a passé à une très large majorité, il demeure une question administrative sous-jacente, dans le sens que les registres électoraux à Genève sont tous centralisés, et les personnes qui sont sous curatelle sont intégrées directement dans ces fichiers. Or, dans le canton de Vaud, elles ne le sont pas. Par conséquent, pour les communes, il faudrait qu’un troisième registre soit constitué, ce qui n’est pas sans impact pour les communes, une nuance qu’il faut garder en tête.
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer les arguments du Conseil d’Etat lors de l’entrée en matière. J’aimerais simplement rappeler que ce texte du Conseil d’Etat fait suite à une motion votée par le Grand Conseil et qu’il met en œuvre. Ce dernier s’est prononcé favorablement à cette réforme du fait de la mise en conformité avec le droit international et de la suppression d’une stigmatisation qui pourrait frapper les personnes qui sont aujourd’hui dans l’incapacité d’exercer leurs droits politiques, étant entendu qu’effectivement, in fine, il incomberait à la population d’avoir le dernier mot. Tout à l’heure, relativement à cette adoption, j’ai aussi évoqué la décision du Conseil national qui s’est prononcé en faveur d’une réforme similaire. Enfin, une confirmation par le Conseil des Etats fournirait un argument de plus pour accepter une réforme au niveau vaudois et faire coïncider le droit de vote au niveau fédéral et cantonal.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise par 71 voix contre 62 et 6 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’entrée en matière votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’entrée en matière est admise par 72 voix contre 63 et 6 abstentions.
* Insérer vote nominal
Art. 1. –
Un amendement technique, non examiné en commission, mais s’inscrivant dans la continuité de celui adopté pour le premier décret, consiste à ajouter la question mentionnée à l’alinéa 1, à savoir :
« Art. 1. – : « Acceptez-vous la modification suivante de la Constitution cantonale du 13 avril 2003 ? ».
Par 6 voix contre 9, la commission rejette l’article 1 du projet de décret présenté par le Conseil d’Etat.
L’amendement Alexandre Démétriadès est accepté avec 2 avis contraires et quelques abstentions.
L’article 1, amendé, est accepté par 70 voix contre 62 et 5 abstentions.
Art. 2 et 3. –
A l’unanimité, la commission adopte l’article 2 du projet de décret tel que présenté par le Conseil d’Etat, de même que l’article 3, également adopté à l’unanimité.
Les articles 2 et 3, formule d’exécution, sont acceptés avec quelques abstentions.
Le projet de décret est adopté en premier débat.
Le deuxième débat interviendra ultérieurement.
Projet de décret visant à raccourcir le délai d’attente des étrangères et étrangers vivant dans le Canton pour l’exercice des droits politiques au niveau communal et Préavis du Conseil d’Etat sur l’initiative Hadrien Buclin et consorts « Faciliter l’accès aux droits politiques communaux pour les étrangères et étrangers » (21_INI_1) (Décret C)
Premier débat
Nous abordons ici la question du droit de vote, ce qui correspond au troisième décret examiné. Il s’agit du droit de vote et d’éligibilité au niveau communal pour les ressortissants étrangers. Cette proposition de décret, émanant du Conseil d’Etat, vise à modifier la Constitution afin de réduire le délai requis pour que les étrangers puissent voter et se présenter aux élections communales. Actuellement, notre Constitution exige une résidence de dix ans en Suisse, dont trois années consécutives dans le Canton de Vaud, pour pouvoir voter au niveau communal. Le Conseil d’Etat propose ainsi de ramener ce délai à cinq ans de résidence en Suisse, dont un an de résidence dans le Canton de Vaud.
Cette proposition du Conseil d’Etat répond à une initiative partiellement prise en considération par notre plénum. Au-delà de cet élément, le Conseil d’Etat soutient cette révision constitutionnelle pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’appuie sur l’expérience de 20 ans avec ce dispositif, expérience positive partagée – je pense – par l’ensemble des personnes présentes dans cette salle. Le Conseil d’Etat souligne que la possibilité d’exercer des droits politiques participe activement au processus d’intégration des personnes résidant parmi nous. Selon lui, une résidence ininterrompue de cinq ans en Suisse, accompagnée d’une autorisation de séjour, permet de tisser des liens forts avec notre pays et marque une volonté claire d’intégration.
Une large majorité de la commission s’est déclarée favorable à cette modification constitutionnelle. Elle a proposé d’entrer en matière sur ce projet et de le soutenir, par 12 voix contre 3. Ce résultat témoigne de l’adhésion de la commission aux arguments avancés par le Conseil d’Etat, qui considère le vote communal comme une prise directe avec l'avis de nos concitoyennes et concitoyens. Toutefois, une partie de la commission a suggéré, lors des discussions, d’abaisser le délai de résidence en Suisse requis pour le droit de vote de 10 à 5 ans, tout en maintenant à 3 ans la durée de résidence nécessaire dans le Canton de Vaud. Cet amendement a été accepté par la commission par 10 voix contre 2 et 3 abstentions. Une fois cet amendement adopté, la commission a soutenu le projet de révision de la Constitution par 12 voix contre 3. Enfin, je tiens à souligner que la commission a unanimement soutenu l’entrée en matière sur ce projet de décret.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Les personnes étrangères résidant dans notre canton jouissent du droit de vote au niveau communal, un droit également accordé dans la majorité des cantons romands. Ce système s'est révélé efficace et éprouvé. Il n'est donc pas rare de voir, au sein de certains organes délibérants communaux ou de plusieurs exécutifs, des individus qui, bien que n'étant pas titulaires d'un passeport suisse, consacrent leur temps et leur énergie au service de la collectivité. Cela constitue non seulement une preuve d'intégration, mais également – il est important de le souligner – une nécessité pour le bon fonctionnement de nos institutions. Il est même légitime de se réjouir de la possibilité offerte aux personnes étrangères de participer au vote communal, car, à l'instar de certains secteurs de notre économie, certaines communes ne disposeraient pas d'un nombre suffisant de personnes pour assurer le bon fonctionnement des collectivités. Je ne crois pas avoir entendu de voix remettant en cause ce principe éprouvé dans le canton de Vaud. Lorsqu'un système fonctionne bien, il convient de le renforcer et de le maintenir, ce que propose précisément l'initiative Buclin, affinée par la CIDROPOL, pour aboutir au compromis qui vous est soumis et qui semble tout à fait acceptable aux yeux du groupe des Verts, lequel vous invite à l'accepter.
Le groupe PLR soutiendra à l'unanimité l'amendement visant à porter de 1 à 3 ans la durée de domicile dans la commune requise pour acquérir le droit de vote. Nous estimons que l'ancrage local est essentiel pour pouvoir exercer ce droit. Concernant le reste du décret, les opinions au sein du groupe sont partagées. Une partie estime que 5 ans de résidence en Suisse sont insuffisants pour acquérir les acquis, les liens locaux et la connaissance du système. L'autre partie considère que, si une personne a déjà résidé 3 ans dans la commune et 5 ans dans le pays, cela est suffisant. Comme vous l'aurez compris, le groupe PLR sera divisé sur ce décret.
Le groupe UDC s'oppose fermement à ce projet de décret visant à réduire les délais d'établissement pour accorder le droit de vote communal aux personnes de nationalité étrangère. Selon nous, les délais proposés sont inappropriés, et nous préconisons de maintenir la durée actuelle. Comme pour le dernier décret concernant le droit de vote au niveau cantonal, nous estimons que le raccourcissement des délais compromet l'incitation à la naturalisation. Certes, une personne désireuse de devenir citoyenne suisse entamera les démarches de naturalisation, mais celles et ceux qui souhaitent uniquement participer à la vie publique sans en assumer l'ensemble des contraintes risquent de moins s'engager, notamment en raison des nouveaux délais proposés.
Je prends cet exemple pour souligner que la personne qui acquiert la nationalité suisse et s'engage dans ce processus d'intégration assume également les responsabilités associées à cette nationalité. Prenons, à titre d'exemple, la participation au maintien de notre armée de milice ou son financement via la taxe militaire. Dans un monde en constante évolution, où notre armée doit rester forte pour défendre nos concitoyens, il n'est pas équitable qu'une personne de nationalité étrangère se voie accorder des droits, tels que celui de participer à la vie civique, de manière simplifiée, alors qu'elle ne contribue pas à l'effort de notre armée de milice. Comment rendre attrayante la naturalisation pour un jeune qui, au moment de changer de nationalité, se verrait convoqué pour l'école de recrues ou soumis au service militaire ? Je parle bien de service militaire et non de service civil, car des discussions sont en cours au niveau fédéral pour éventuellement rendre le service civil obligatoire pour toutes et tous.
Enfin, comme ce sera également le cas pour le prochain décret, l'UDC ne s’oppose pas au principe du droit de vote pour les personnes étrangères, mais encourage celles-ci à mener à terme le processus d'intégration, c'est-à-dire jusqu'à la naturalisation, qui constitue selon nous l'étape finale d'une volonté d'intégration. Une personne souhaitant participer pleinement à la vie civique doit entamer les démarches de naturalisation et, une fois naturalisée, bénéficier des mêmes droits et devoirs qu'un citoyen suisse, plutôt que de créer une distinction entre Suisses et étrangers résidant dans le canton, comme le proposent ces décrets. Si l'objectif actuel est d'égaliser les droits entre Suisses et personnes résidant en Suisse de nationalité étrangère, il convient non pas d’abaisser les critères, mais d’encourager l’étape ultime de l'intégration : devenir citoyen suisse. Je l'ai également mentionné précédemment, et je terminerai là-dessus : à ma connaissance, un citoyen suisse déménageant en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis ne bénéficierait en aucun cas du droit de vote sans être naturalisé. Il nous semble donc juste que les droits actuels, déjà plus souples dans notre canton et dans nos communes, ne soient pas élargis outre mesure. Le groupe UDC vous invite donc à refuser ce décret.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise par 64 voix contre 58.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent cette entrée en matière votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’entrée en matière est admise par 68 voix contre 65.
* introduire vote nominal
Art. 1. –
Pour la troisième et dernière fois aujourd'hui, je soumets l’amendement technique que j'ai déjà présenté à deux reprises, visant à introduire la phrase suivante à l’alinéa 1 :
« Art. 1. – : « Acceptez-vous la modification suivante de la Constitution cantonale du 13 avril 2003 ? ».
En ma qualité de président de la commission, je tiens à souligner que le vote que nous venons d'effectuer m'étonne quelque peu, au regard des résultats des débats en commission. En effet, l'amendement déposé dans le cadre de nos travaux en commission, ainsi que le projet que nous sommes en train de traiter, ont fait l'objet de recommandations de vote très claires : 12 voix pour et 3 voix contre. Je précise que cet amendement émanait d'une partie de l'hémicycle, dont je m'abstiendrai de nommer les membres, conformément au principe de confidentialité des travaux de commission. Néanmoins, je dois exprimer ma surprise face au résultat du vote que nous venons de constater.
Toutefois, comme l'a fait la commission, je vous invite à soutenir le projet ainsi que l'amendement visant à maintenir à trois ans le délai de domicile dans le canton pour acquérir le droit de vote communal, au lieu de le réduire à une année. Cet amendement a été accepté par la commission, et nous allons le traiter. Je vous encourage à suivre la décision de la commission et à soutenir l'amendement qu'elle a déposé. Nous y reviendrons très probablement lors de nos prochaines délibérations.
« Art. 1. – al. 1 : Les électeurs en matière cantonale seront convoqués par un arrêté du Conseil d'Etat afin de répondre à la question suivante :
Art. 142 - Droits politiques
1 Sans changement.
a. Sans changement.
b. les étrangères et les étrangers domiciliés dans la commune qui résident en Suisse au bénéfice d'une autorisation depuis cinq ans au moins et sont domiciliés dans le canton depuis trois ans
un anau moins.2 Sans changement.
3 Sans changement. »
Je trouve intéressant ce qu’a dit M. Démétriadès, et je partage pleinement son analyse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais déjà voté avant même d’entendre ses propos. Sans trahir le secret des délibérations en commission, il est évident que certains membres, qui avaient initialement soutenu l’amendement et donc le projet final, ont modifié leur position. Bien sûr, cela est tout à fait possible, mais ce qui me semble délicat — et ce n’est pas la première fois que cela se produit dans ce plénum — c’est que nous parvenons à un compromis en commission, qui semble acceptable pour une très large majorité, et que, lorsque nous arrivons au moment du vote en plénum, ce compromis pourtant élaboré collectivement vole en éclats. Cela me pose un problème quant à notre manière de travailler dans ce plénum. A partir du moment où nous avons accepté un amendement – qui n’allait pas exactement dans le sens que je souhaitais, mais représentait un pas vers l’autre camp – nous nous retrouvons à devoir voter cet amendement sans savoir si, même en l’acceptant, le projet final sera adopté.
Dans ce cas précis, j'aurais préféré que l'on nous indique dès le départ que l'objectif de l'amendement était uniquement de réduire la portée du projet initial. Ainsi, j'aurais pu refuser l'amendement et voter directement sur le projet tel qu'il était initialement présenté. Je souhaite inviter ce plénum, quel que soit le sujet traité, à respecter les compromis élaborés en commission. Bien sûr, il est possible de les remettre en question, mais dans ce cas, il serait souhaitable d'en être informés à l'avance. Ainsi, si le compromis n'est plus valable, nous pourrions ajuster collectivement notre stratégie.
Je dois avouer que j’ai beaucoup de peine à l'idée de devoir recevoir des leçons sur la manière de voter. Nous sommes dans un Parlement, un lieu de débat et de discussion. Chacun d'entre nous siège au sein d'une commission, et c'est en plénum que les décisions finales doivent être prises, non en commission.
Monsieur Cardinaux, je ne cherche en aucun cas à vous dicter votre manière de voter. Si vous m'avez écouté attentivement, vous aurez compris que je n'ai aucun problème avec le fait que, ponctuellement, l'on puisse modifier son vote. Ce que j'exprime ici, c'est un souhait, non une exigence. Je ne suis pas en train de faire la morale à qui que ce soit, car je n'estime pas avoir ce pouvoir ni ce droit. Je partage simplement un sentiment personnel : il me semble dommage que des compromis, élaborés de manière réfléchie, soient parfois remis en question. J'apprécie particulièrement le processus de compromis, qui est, me semble-t-il, une caractéristique de la politique suisse. Cependant, lorsque ces compromis sont défaits, ce qui n'est pas la première fois depuis le début de cette législature, cela sape ma confiance et ma volonté de m'engager dans de futurs compromis. Je me dis que chaque fois que je fournis un effort pour parvenir à un compromis, il est annulé, ce qui peut diminuer mon envie de renouveler l'expérience. Je tiens à préciser que vous êtes libre de voter comme bon vous semble. Ce que je regrette, c'est la manière dont certains compromis évoluent.
Je ne pensais pas reprendre la parole, mais je tiens à préciser que je me suis exprimé suite à l’intervention des deux derniers intervenants. Je crois qu'il est essentiel de permettre à chaque député, en son âme et conscience, de faire son choix au moment du vote. Je n'ajouterai rien de plus. J'ai entendu votre point de vue, mais je ne le partage pas.
Vous allez peut-être dire que je radote ou que je me répète sans cesse, mais il est vrai qu’il est toujours possible de choisir les exemples qui nous arrangent. Prenons l'exemple de l'initiative « Sauvons le Mormont » : avec le Conseil d'Etat et la commission, nous avions le sentiment d'avoir trouvé un compromis. Nous pensions qu’un contre-projet acceptable pour toutes et tous avait été élaboré pour le plénum. Pourtant, l'initiative n'a pas été retirée. Cela démontre que chacun peut choisir l'exemple qui l’arrange, mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd’hui.
Sauf erreur de ma part, nous n'avons pas encore pris connaissance de la position du Conseil d'Etat sur ce projet. Je me demande donc si cela était prévu avant de passer au vote.
Effectivement, je n’ai pas repris la position du Conseil d’Etat que j’ai, il me semble, exprimée clairement tout à l’heure lors de la discussion générale, mais je me fais un plaisir de la rappeler, d’autant plus que le Conseil d’Etat adopte une position distincte selon qu’il s’agit du droit de vote communal ou cantonal.
En ce qui concerne le droit de vote communal, le Conseil d’Etat reconnaît qu’une personne ayant séjourné de manière ininterrompue, avec une autorisation de séjour, pendant cinq ans, a déjà tissé des liens avec notre pays et fait preuve d’une volonté d’intégration. Cette réduction du délai de résidence paraît donc raisonnable au Conseil d’Etat pour l’accès aux droits politiques au niveau communal. Je rappelle par ailleurs que, tout comme pour la proposition précédente, il s’agit ici de répondre à un texte émanant du Grand Conseil, que nous mettons en œuvre dans le cadre de la présente proposition qui vous est soumise. La position du Conseil d’Etat sur le droit de vote communal est donc claire – tout comme elle l’est sur le droit de vote cantonal, bien qu’opposée.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il y a en réalité une appréciation différente des intérêts en jeu en ce qui concerne le droit de vote cantonal, dans la mesure où celui-ci est davantage lié à la nationalité qu’à la seule résidence, contrairement à la conception du Conseil d’Etat. Je ne reprendrai pas l’ensemble des arguments que j’ai déjà exposés, mais ils reprennent en substance ceux présentés par le Conseil d’Etat pour s’opposer à une initiative similaire en 2011 – ce que j’avais également mentionné précédemment. En résumé, le Conseil d’Etat est favorable à la réduction du délai de résidence pour le droit de vote communal, mais s’y oppose en ce qui concerne le droit de vote cantonal.
L’amendement Alexandre Démétriadès est accepté avec quelques abstentions.
L’amendement de la commission est accepté par 125 voix contre 6 et 4 abstentions.
L’article 1, amendé, est accepté par 70 voix contre 65 et 1 abstention.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent l'article 1 amendé votent oui ; celles et ceux qui s'opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’article 1, amendé, est accepté par 71 voix contre 68.
* introduire vote nominal
Les articles 2 et 3, formule d’exécution, sont acceptés par 74 voix contre 67.
Le projet de décret est adopté en premier débat.
Le deuxième débat interviendra ultérieurement.
Projet de décret visant à convoquer le corps électoral afin qu’il se prononce sur l’initiative populaire cantonale « Pour des droits politiques pour celles et ceux qui vivent ici » (Décret D)
Premier débat
Nous abordons à présent le décret D, relatif à l’initiative populaire concernant les droits politiques au quotidien pour les étrangers. Je vous propose, dans un premier temps, de donner la parole aux rapporteurs de majorité et de minorité. Après une discussion globale sur l’objet, il n’y aura pas de discussion d’entrée en matière, puisque le Grand Conseil est tenu de se prononcer sur le projet de décret ordonnant la convocation des électeurs afin qu’ils puissent se prononcer sur cette initiative populaire visant à reconnaître des droits politiques aux personnes résidant ici. Nous passerons ensuite directement à l’examen de l’article 2, l’article 1 constituant le texte de l’initiative, qui demeure non modifiable.
Le Conseil d’Etat se déclare favorable à l’octroi de droits politiques au niveau communal, mais s’y oppose au niveau cantonal, comme cela a été exposé précédemment par la Présidente du Conseil d’Etat. Il est donc défavorable à la proposition contenue dans l’initiative. Je rappelle que le Grand Conseil est ici appelé à émettre un préavis. Le débat porte essentiellement sur la légitimité des personnes qui vivent et travaillent dans le canton à participer au vote : d’un côté, l’argument en faveur de l’initiative repose sur le principe « J’y vis, j’y vote », tandis que l’argument opposé, notamment défendu par M. Weissert, soutient que le droit de vote doit rester lié à l’acquisition de la nationalité – autrement dit, « Je me fais naturaliser et je vote ».
Au sein de la commission, il a également été relevé que certains pays, comme la Chine aujourd’hui – ou encore l’Italie dans les années 1980, même si elle est revenue sur sa position depuis – interdisent la double nationalité, ce qui complique le recours à la naturalisation pour certaines personnes. A cet argument, il a été répondu que le canton de Vaud n’avait pas à adapter ses règles au regard des pratiques restrictives d’autres Etats.
Un autre argument avancé concerne la longueur de la procédure de naturalisation, même pour des personnes bien intégrées. C’est une remarque tout à fait légitime. Toutefois, il convient de rappeler que cette question relève de la compétence fédérale, et non cantonale. D’autres éléments ont été évoqués, notamment l’idée selon laquelle les personnes qui paient des impôts devraient également pouvoir voter. Cet argument renvoie en réalité à la notion de suffrage censitaire, un principe qui a été aboli depuis longtemps.
Par ailleurs, au cours des débats en commission – et dans d'autres contextes également – certains ont établi un parallèle avec le droit de vote des femmes, en soulignant que le Canton de Vaud a été pionnier en la matière en 1959, et qu’il devrait donc continuer à jouer un rôle précurseur. Il me semble cependant que les deux situations ne sont pas directement comparables. Dès lors, au nom de la majorité de la commission, je vous propose d’adopter le projet de décret tel que présenté par le Conseil d’Etat.
Je serai peut-être un peu plus long que mon collègue rapporteur. Avant tout, je tiens à souligner que plusieurs des arguments avancés par le Conseil d’Etat dans le cadre de l’examen des projets de décrets ont conduit la minorité de la commission à se positionner en faveur de l’initiative visant à accorder des droits politiques à celles et ceux qui vivent ici.
Premièrement, le Conseil d’Etat lui-même a reconnu à plusieurs reprises que l’introduction, il y a vingt ans, du droit de vote et d’éligibilité des personnes étrangères au niveau communal avait été une réussite. Cette expérience a démontré que l’accès aux droits politiques renforce les liens avec la communauté et favorise une citoyenneté active, et non simplement passive. Deuxièmement, selon les propres termes du Conseil d’Etat, une personne résidant en Suisse depuis moins de cinq ans a déjà établi des liens solides avec notre pays – une affirmation que la conseillère d’Etat a d’ailleurs rappelée à l’instant à propos de l’objet précédent. Or, l’initiative que nous examinons aujourd’hui fixe des critères plus exigeants encore : dix ans de résidence en Suisse, dont trois ans dans le canton. Il s’agit donc de personnes bien établies, souvent engagées, et manifestement concernées. Dans ce contexte, la minorité peine à comprendre pourquoi le Conseil d’Etat ne soutient pas cette initiative populaire, alors même que plusieurs de ses propres arguments plaident en sa faveur.
Au-delà de la position exprimée par le Conseil d’Etat, la minorité soutient cette initiative pour plusieurs raisons fondamentales. Tout d’abord, parce qu’il est juste que chacun puisse voter là où il vit. Selon la minorité, une démocratie véritablement inclusive doit permettre à toutes celles et ceux qui contribuent à la société – par leur travail, le paiement de leurs impôts ou leur engagement associatif – de participer aux décisions qui les concernent directement. Aujourd’hui, un tiers de la population demeure exclu du droit de vote, y compris des personnes nées ici ou établies parmi nous depuis des décennies. La minorité n’est pas opposée à la fixation de conditions en matière d’ancienneté sur le territoire, et à cet égard, le projet est clair : il prévoit une durée de résidence de dix ans en Suisse, dont trois ans dans le canton de Vaud. Il ne s’agit donc pas révolution. Sur la question de l’intégration, certains – comme notre collègue M. Weissert l’a exprimé tout à l’heure – considèrent que seule la naturalisation constitue une véritable preuve d’intégration. Or, selon la minorité, réduire l’intégration à la possession d’un passeport est une vision trop étroite. Des personnes naturalisées peuvent, dans certains cas, être peu investies dans la vie communautaire, tandis que d’autres, dépourvues de la nationalité suisse, participent activement à la vie de leur commune. Nous connaissons tous de nombreux exemples en ce sens. Par ailleurs, l’exercice même du droit de vote contribue à renforcer le sentiment d’appartenance et constitue, en soi, un levier important du processus d’intégration.
Enfin, d’un point de vue institutionnel, cette initiative représente une avancée démocratique significative, et pleinement souveraine, pour notre canton. Le droit fédéral laisse aux cantons la compétence d’élargir les droits politiques au niveau cantonal. Dès lors, pourquoi continuer à subordonner l’exercice d’un droit cantonal – le droit de vote – à un statut juridique défini par la Confédération ? Le Canton de Vaud, comme cela a été rappelé par mon préopinant, a été pionnier dans l’instauration du droit de vote des femmes. Il peut aujourd’hui, de manière tout aussi souveraine, jouer un rôle de précurseur pour celles et ceux qui vivent ici. En acceptant cette initiative, nous mettrions en place un système progressif et cohérent : cinq ans de résidence pour voter au niveau communal, dix ans pour le niveau cantonal, et la naturalisation – conformément au droit fédéral – pour accéder aux droits politiques au niveau national. Selon la minorité, ce modèle renforcerait la cohérence de notre système démocratique et, surtout, nourrirait ce sentiment d’appartenance à notre communauté vaudoise, auquel je faisais référence en évoquant la souveraineté cantonale.
Comme pour plusieurs objets abordés aujourd’hui, nous sommes ici face à une initiative qui touche au cœur même de ce que signifie vivre ensemble. Une initiative qui nous invite à considérer, avec ambition mais aussi lucidité, la réalité de notre démocratie. Car cette proposition visant à accorder des droits politiques à celles et ceux qui vivent ici ne constitue pas un bouleversement ; elle s’inscrit, au contraire, dans la continuité naturelle d’un processus amorcé il y a plus de vingt ans dans notre canton, avec l’introduction des droits politiques communaux pour les personnes étrangères – une réforme que toutes les parties, y compris le Conseil d’Etat, reconnaissent comme une réussite. Permettez-moi un mot personnel pour illustrer cette réussite : c’est celle de voir, à la tête du Conseil communal de Nyon, un président membre du PLR prononcer un discours particulièrement apprécié lors des cérémonies du 1er août. Ce moment d’émotion, il l’a vécu alors même qu’il n’a pas encore obtenu la nationalité suisse. Au regard de cette expérience concrète, mais aussi de l’ensemble des arguments exposés précédemment, la minorité de la commission vous invite à soutenir cette initiative populaire. Elle déposera, à cet effet, un amendement afin que le Grand Conseil puisse lui aussi exprimer son soutien.
La discussion générale est ouverte.
Le groupe des Verts soutient le rapport de la minorité et vous invite à accepter cette initiative, en recommandant son approbation à l’article 2 du décret. La naturalisation est une démarche longue, exigeante, et qui, selon nous, doit être distinguée de l’accès aux droits politiques. Les personnes étrangères qui vivent dans notre canton y résident, y travaillent, y paient leurs impôts ; elles doivent pouvoir voter, élire et être élues, après un certain temps de présence. L’initiative fixe des délais clairs : cinq ans de résidence pour le droit de vote au niveau communal, dix ans pour le niveau cantonal – soit le double. Cela nous semble cohérent avec le processus d’intégration que notre canton soutient depuis longtemps. Il a d’ailleurs été rappelé tout à l’heure que le Canton de Vaud fut le premier, en 1959, à accorder les droits politiques aux femmes – une avancée dont nous sommes fiers. Dans cet esprit, Vaud reste un canton ouvert, un canton de progrès. Il est donc logique que notre Grand Conseil recommande au peuple vaudois d’approuver cette initiative.
Le groupe socialiste soutiendra l'initiative. Il est difficile de comprendre la position du Conseil d’Etat, qui se dit favorable aux droits politiques au niveau communal, mais s’y oppose au niveau cantonal. Cette distinction semble davantage relever d’un principe que d’une justification fondée. Le seul argument avancé par le Conseil d’Etat repose sur l’idée que les droits politiques cantonaux doivent rester liés à la nationalité suisse. À titre personnel, j’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont entrepris les démarches de naturalisation lorsque j’étais enfant. Ainsi, je n’ai jamais eu à me poser la question de savoir ce que je devais faire pour pouvoir voter. J’ai attendu tranquillement mes 18 ans pour me rendre au bureau de vote. Mais d’autres jeunes n’ont pas cette chance. Certains doivent attendre leur majorité pour démarrer les procédures de naturalisation, dont on sait qu’elles peuvent être longues. On empêche ainsi des personnes pleinement intégrées, parfois nées en Suisse, de voter à leur majorité. Je vous invite donc à suivre le rapport de minorité et à soutenir l’initiative populaire « Pour des droits politiques pour celles et ceux qui vivent ici ».
Le groupe UDC s’oppose à cette initiative et soutiendra en conséquence le rapport de majorité. Je ne reviendrai pas sur des arguments déjà présentés, mais souhaite rappeler que nous encourageons vivement les personnes souhaitant s’engager dans la vie civique à manifester leur motivation par l’engagement le plus significatif et concret : demander la nationalité du pays dans lequel elles résident. Pour répondre à M. Démétriadès, je partage son constat selon lequel de nombreuses personnes étrangères sont parfaitement intégrées dans notre canton et nos communes. Toutefois, une intégration complète implique également d’assumer pleinement les obligations qui en découlent, notamment, comme je l’ai souligné, la participation à la défense de notre pays. On ne peut exiger uniquement des droits sans accepter les devoirs qui les accompagnent. C’est précisément pour cette raison que nous encourageons la naturalisation. Je rappelle que cette approche est en accord avec les pratiques des pays, départements ou communes de nos voisins. Certes, la naturalisation peut parfois entraîner la perte de la nationalité d’origine, mais comment prétendre à une intégration sincère et à une participation pleine et entière à la vie du canton, voire du pays, sans accepter les efforts que cela requiert ? Nous vous invitons donc à adopter les conclusions du rapport de majorité.
Le droit de vote ne doit pas être perçu comme une récompense découlant d’une intégration politique, mais bien comme un outil d’intégration politique. L’exemple cité par le rapporteur de la minorité illustre parfaitement ce propos. En effet, si le droit de vote était une récompense, que diriez-vous, mesdames et messieurs, chers collègues, avoir accompli pour la mériter ? Qu’ai-je moi-même fait pour la mériter ? Rien d’autre que le hasard de la naissance. Ainsi, le droit de vote ne constitue pas une récompense, mais un instrument facilitant l’intégration. Il permet aux personnes étrangères de s’exprimer électoralement, renforçant leur sentiment d’appartenance et leur engagement actif dans la vie collective. Il en va de même, naturellement, pour le droit d’éligibilité. C'est un fait largement documenté.
Paradoxalement, en Suisse, le chemin vers la naturalisation se complexifie de plus en plus. Certes, les « faiseurs de Suisse », comme on les appelait autrefois, se font plus rares. Toutefois, l’accès à la nationalité suisse reste largement conditionné par des procédures administratives rigoureuses ainsi que par des exigences financières. Les frais liés aux démarches de naturalisation sont souvent élevés, ce qui rend cet accès difficile pour certains. Par exemple, les personnes bénéficiant de l’aide sociale ne peuvent prétendre à la nationalité. Il est donc clair qu’aujourd’hui, devenir Suisse n’est pas une possibilité offerte à toutes et à tous. Le droit de vote et d’éligibilité représente aussi une reconnaissance officielle de la présence des étrangers en tant que membres à part entière de notre communauté. Mesdames et messieurs, chers collègues, les études en sciences politiques sont assez critiques à cet égard. Elles mettent en lumière le déficit de légitimité d’un système politique qui gouverne des personnes sans leur accorder de droits politiques. Comme cela a été souligné précédemment, un tiers de la population du canton de Vaud est étrangère, dont certaines sont présentes depuis plusieurs générations. Pourtant, aucune d’entre elles ne pourra voter sur l’initiative « 12 % », ni sur l’initiative Christen, ni sur l’initiative relative au Mormont, ainsi que sur son contre-projet. Toutes ces décisions auront pourtant un impact direct sur leur vie. Pourtant, aucune de ces personnes n’a voix au chapitre, ni dans ce Parlement, ni dans ce gouvernement.
Comment, mesdames et messieurs, chers collègues, peut-on prétendre à la légitimité de décisions dans un canton qui ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans la contribution essentielle de la communauté étrangère ? Je vous épargne le récit complet de l’histoire de notre canton, qui s’est largement construit et transformé grâce à ces personnes dépourvues de nationalité suisse. Pour nombre d’entre elles, c’est ici qu’elles sont nées, qu’elles ont grandi, qu’elles partagent une connaissance, parfois même plus approfondie, que celle de certaines personnes qui, par le seul hasard de leur naissance, ont obtenu le droit de vote dès l’âge de 18 ans. Par ailleurs, les expériences de l’octroi du droit de vote et d’éligibilité dans d’autres cantons, notamment ceux limitrophes, n’ont pas révélé d’effets négatifs. C’est pourquoi je ne peux qu’apporter mon soutien au rapport de minorité et à l’initiative.
Je suis une femme naturalisée, et il me semble important de le souligner, mais je n’ai pas attendu cette naturalisation pour m’engager en politique, pour exprimer une opinion ou pour comprendre que les décisions prises par ce Parlement, mon Conseil communal et les Chambres fédérales me concernent directement. C’est pourquoi je tiens à relayer ce que mon camarade Romain Pilloud exprimait tout à l’heure : le droit de vote n’est pas une récompense liée à la naturalisation, mais un véritable outil d’intégration. Je ne partage pas l’avis de M. Vogel : le droit de vote des personnes étrangères peut être mis en parallèle avec le droit de vote des femmes, parce qu'il s'agit clairement d'un cheminement long vers les droits démocratiques, vers l'accès à des droits.
Par ailleurs, l’intervention de M. Weissert semble suggérer que l’obtention du droit de vote devrait être conditionnée non pas à la naturalisation — qui implique des droits mais aussi des devoirs — mais principalement au service militaire. Cette position fait fi du fait que de nombreuses femmes suisses ont obtenu le droit de vote après de longues luttes, sans avoir jamais été soumises à l’obligation du service militaire. De même, certains hommes, à force de combats, ont obtenu le droit de ne pas effectuer ce service, tout en restant pleinement engagés politiquement et en faisant entendre leur voix.
Par ailleurs, associer le droit de vote à la naturalisation revient à ignorer les limites actuelles de la législation. Le processus de naturalisation tel qu’il est défini aujourd’hui s’avère profondément discriminatoire. Il pénalise notamment les personnes sans diplôme universitaire ainsi que celles originaires de pays situés en dehors de l’Union européenne ou de l’AELE. A titre d’exemple, saviez-vous que 68 % des personnes naturalisées dans le canton de Vaud depuis 2018 détiennent un diplôme universitaire ? Réfléchissez-y : cela exclut de fait une large part de personnes qui contribuent activement à notre pays, tant sur le plan économique que dans la cohésion sociale. L’intégration passe avant tout par un véritable débat démocratique, offrant à chacun le droit à la parole. C’est pourquoi je vous invite vivement à soutenir cette initiative, qui a pour but d’élargir nos droits démocratiques.
Je ne souhaite pas m’étendre davantage, ayant déjà pris la parole lors du débat général ce matin, mais je tiens tout de même à rappeler une réalité que je considère fondamentale et qui justifie pleinement notre soutien à cette initiative populaire. Je remercie d’ailleurs chaleureusement toutes celles et ceux qui se sont mobilisés pour la faire aboutir. Les immigrés jouent un rôle déterminant dans la vie économique et sociale de notre pays et de notre canton. Les droits politiques, tant au niveau communal que cantonal, doivent être une reconnaissance de cette réalité. Cette réalité est multiple, mais j’aimerais en souligner un aspect particulier : les immigrés en Suisse, et dans notre canton en particulier, paient souvent un lourd tribut à la prospérité économique. Des études démontrent que, statistiquement, les immigrés sont beaucoup plus exposés aux accidents du travail que les Suisses. En analysant les chiffres relatifs aux accidents professionnels, on constate tristement que, parmi les dizaines de milliers d’accidents recensés chaque année, les Portugais figurent en tête des victimes, suivis des Italiens.
C’est une réalité qu’il me paraît essentiel de rappeler : lorsqu’il s’agit d’attribuer aux immigrés les tâches les plus dangereuses, notamment dans le secteur de la construction, je crois que personne ne peut le nier. Mais pour moi, cette réalité doit impérativement s’accompagner d’une reconnaissance de la contribution de ces personnes, non seulement sur le plan économique, mais aussi social et culturel, à la vie de la Suisse. Cette reconnaissance passe nécessairement par l’octroi d’un droit de codécision dans les grandes décisions de la vie démocratique, à tout le moins au niveau local. Les priver de ce droit ne reflète pas à mes yeux l’importance de leur apport à notre économie et à notre société. C’est là un argument parmi d’autres – il y a bien sûr aussi des arguments de principe, notamment liés à l’égalité – mais c’est un point qu’il me semble important de souligner dans ce débat. Ainsi, à mes yeux, les droits politiques au niveau cantonal doivent être une marque de reconnaissance de cet engagement.
Dans ce long débat, je ne sais pas si cela a été mentionné, mais deux cantons en Suisse disposent déjà de ce droit de vote : Neuchâtel et le Jura. Pourquoi ces cantons l’ont-ils instauré ? Comme le canton de Vaud, ils accueillent une proportion importante de résidents étrangers installés de longue date sur leur territoire. Accorder ce droit de vote, c’est leur témoigner que leur opinion compte également dans la vie démocratique du canton, notamment sur des décisions qui les concernent directement. C’est aussi une manière de leur permettre de participer pleinement à la vie sociale, un véritable signe de reconnaissance de leur contribution à la société. Je ne pense pas que ces deux cantons aient eu à regretter cette décision. Ce sont des esprits progressistes qui ont porté cette réforme, et je vous invite, à leur exemple, à faire preuve de la même ouverture d’esprit en accordant ce droit de vote cantonal aux étrangers.
Je n’avais pas initialement prévu de prendre la parole, mais puisque certains insistent sur leur naturalisation, je souhaite également souligner que moi-même, né italien, je suis devenu suisse à l’âge de 18 ans. Je suis fermement opposé à la dévalorisation du droit de vote. Le droit de vote s’inscrit dans une logique d’intégration à une communauté, qui implique aussi l’acceptation des obligations qui en découlent. Je respecte pleinement ceux qui choisissent de rester étrangers – je connais beaucoup de personnes qui préfèrent conserver ce statut, soit parce qu’elles ne s’intéressent pas à la vie politique suisse, soit parce qu’elles souhaitent éviter certains devoirs, comme le paiement d’impôts ou le service militaire. Cette décision mérite le respect. Mais, dans ce contexte, pourquoi banaliser à ce point le droit de vote en affirmant que la seule participation à la vie économique ou sociale suffit à l’octroyer ? Cela me semble totalement lunaire. Ces personnes bénéficient déjà pleinement des prestations sociales du canton, qu’il s’agisse des aides sociales, des subventions à l’assurance-maladie, ou encore de la prospérité générale du canton. Alors pourquoi aller plus loin en dévaluant ce droit fondamental, alors même que faire partie d’une communauté et décider de son avenir implique aussi d’en assumer les obligations ?
Mesdames et messieurs, il s’agit là d’une dérive que je qualifierais de socialiste, consistant à brader ce qui reste des droits que les Suisses détiennent encore. Une telle démarche reviendrait à vider de son sens la naturalisation, en la privant de son intérêt véritable. Si l’on observe les pays voisins, aucun d’entre eux n’a adopté une telle mesure. Pourquoi donc, sous prétexte de progressisme, devrions-nous emprunter cette voie qui, en réalité, me paraît plutôt absurde ? Je vous invite donc à rejeter cette initiative.
Je souhaite simplement répondre à Mme Carvalho : en effet, certains hommes ne sont pas tenus de servir dans l’armée, mais ils y contribuent de manière indirecte, soit par le paiement d’une taxe, soit par des journées effectuées au service de la protection civile. Quant à vous, monsieur Pilloud, il est exact que les personnes étrangères ne peuvent pas voter ni sur la question du Mormont ni sur l’initiative « 12 % ». Toutefois, si elles souhaitent aller au bout de la démarche démocratique, il nous semble qu’elles devraient entamer une procédure de naturalisation. J’ai déjà entendu de nombreuses personnes affirmer qu’elles ne souhaitaient pas se naturaliser, notamment en raison de la taxe militaire ou des coûts associés. À mes yeux, cela reflète un manque d’intégration. Je l’ai déjà souligné : lorsqu’on revendique des droits, il est aussi nécessaire d’en accepter les devoirs.
En écoutant MM. Weissert et Moscheni, je me permets de nuancer leurs propos concernant les pays de l’Union européenne. En effet, d’après mes lectures, « Depuis 1994, les citoyens de l’Union européenne qui résident dans un Etat membre dont ils n’ont pas la nationalité peuvent voter et sont éligibles aux élections municipales dans cet Etat, dans les mêmes conditions que les nationaux. Pour les étrangers hors Union européenne, les modalités varient d’un pays européen à l’autre. Onze pays de l’Union européenne ont décidé d’accorder un droit de vote, parfois d’éligibilité, aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne, pour les élections municipales, voire générales ou régionales, à partir d’une certaine durée de séjour sur leur sol. Trois d’entre eux donnent le droit de vote aux ressortissants de pays sous condition de réciprocité. Enfin, onze refusent encore d’accorder ce droit, la France faisant partie de cette dernière catégorie. » Lorsqu’on dit des choses sur des pays étrangers, il est essentiel d’être précis.
Je souhaite rappeler brièvement à M. Moscheni que les étrangers payent également des impôts. Pour celles et ceux qui ne disposent pas du permis C, cette contribution se fait souvent sous la forme d’impôts à la source, ce qui limite considérablement les risques d’évasion fiscale.
Je souhaitais simplement rappeler un point important concernant l’accès à la naturalisation. Tout d’abord, il est vrai que cette démarche peut parfois s’avérer complexe. Permettez-moi une précision personnelle : je suis moi-même une personne naturalisée. Un autre aspect à souligner est que la naturalisation implique parfois de renoncer à certaines nationalités, car dans certains pays, la double nationalité n’est pas autorisée. Ainsi, en matière d’inclusion, il convient aussi de réfléchir au fait que, pour en obtenir une nouvelle, il faut parfois abandonner une partie de ses racines. Je me permets donc d’apporter cette précision sur une réalité qui, souvent, reste méconnue.
A titre liminaire, je tiens à déclarer mes intérêts : j’ai moi-même été naturalisé, sachant que ma famille d’origine bernoise a obtenu la naturalisation vaudoise il y a environ deux siècles. Je laisserai aux historiens le soin de déterminer si nous sommes restés fidèles lorsque les Bernois sont partis, ou si nous avons tourné notre veste. Cela étant dit, je souhaite maintenant aborder le cœur du sujet.
À titre liminaire, je considère que, tant sur le plan intellectuel que juridique ou politique, la question du droit de vote ne peut, à mon sens, être « saucissonnée ». Malheureusement, nous avons déjà entamé un tel découpage avec l’instauration de droits de vote à différents niveaux, et il faut bien reconnaître que c’est désormais une réalité à laquelle il faut désormais nous adapter. Cela dit, je crois qu’il est essentiel d’éviter la création de systèmes où le droit de vote varierait selon l’échelon ou la vitesse d’adaptation. J’entends l’argument selon lequel le vote constitue un vecteur d’intégration ; personnellement, j’adopte une perspective différente. Il me semble que le droit de vote s’inscrit dans un ensemble de droits et d’obligations étroitement liés à la nationalité. À ce propos, je me permets de rappeler que la Suisse dispose d’un système de nationalité particulièrement singulier, dans lequel l’obtention de la bourgeoisie cantonale précède la naturalisation fédérale, elle-même condition nécessaire pour obtenir le passeport suisse. Nous sommes donc profondément attachés à l’intégration au niveau cantonal avant d’accorder la naturalisation, ce qui me conduit à penser qu’il est difficile, voire incohérent, de dissocier ces deux questions.
Sur le fond du texte qui nous est proposé aujourd’hui, je dois avouer avoir certaines réserves et nourrir des interrogations quant au système envisagé. En effet, si je comprends bien, il s’agit de fixer comme critère pour l’octroi du droit de vote aux étrangères et étrangers une résidence de dix ans en Suisse, assortie d’une condition supplémentaire de trois ans de résidence dans le canton. Or, en examinant la Loi fédérale sur la nationalité, qui régit précisément l’octroi de la nationalité suisse, on retrouve des conditions similaires, notamment en ce qui concerne la durée de résidence en Suisse. J’ai donc du mal à comprendre qu’on puisse considérer qu’une personne remplissant ces critères de résidence devrait avoir accès au vote sans souhaiter entamer une procédure de naturalisation. Les critères matériels de résidence sont en effet strictement comparables, que ce soit pour la naturalisation ou pour l’accès au droit de vote. Au fond, il me semble que ce projet crée un système hybride potentiellement difficile à comprendre pour la collectivité.
Enfin, je suis quelque peu surpris par l’argumentation financière avancée concernant la naturalisation. Ayant siégé de nombreuses années au sein de la Commission de naturalisation de la Commune de Lausanne, je n’ai, à ma connaissance, jamais rencontré de dossier où le coût aurait constitué un frein à l’intégration ou à la procédure de naturalisation. Il est vrai que les émoluments s’élèvent à plusieurs centaines de francs, ce qui peut représenter une somme conséquente, je le conçois, mais cela ne devrait, selon moi, pas constituer un obstacle décisif à la décision de naturalisation. Pour conclure, je tiens à rappeler que le droit de vote au niveau cantonal – et, de manière similaire, au niveau communal, bien que ce ne soit pas le sujet de notre débat – est fondamentalement lié à la naturalisation, c’est-à-dire à la nationalité. Le droit de vote s’inscrit dans un ensemble cohérent de droits et d’obligations attachés à cette nationalité, et il me paraît difficile de le fragmenter ainsi. Je vous invite donc à rejeter cette proposition.
Je serai bref et répondrai à M. Paccaud. Pour être précis, vous évoquiez des situations concernant des personnes vivant au sein de l’Union européenne : ainsi, un Allemand qui choisit de s’installer en France, ou un Français qui décide de vivre en Allemagne, bénéficient effectivement du droit de vote dans leur pays de résidence. Ce n’est toutefois pas le cas des Suisses. Si, par exemple, vous décidiez de vous installer à Lyon, vous ne bénéficieriez pas des mêmes droits de vote qu’une personne française résidant à Lyon qui aurait auparavant vécu dans le canton de Vaud. C’est ce que je souhaitais souligner. Je n’ai pas nié l’existence de règles au niveau européen, mais je soulignais l’importance de la réciprocité pour une personne suisse qui décide de s’établir à l’étranger.
Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire régional du syndicat UNIA, dont la majorité des membres sont d’origine migrante et participent pleinement à l’activité économique de notre canton – un canton qui ne pourrait fonctionner sans l’apport de cette main-d’œuvre, mais aussi, selon nous, sans la contribution de ces citoyens. Je suis quelque peu surpris que la discussion prenne, en fin de compte, la tournure d’une remise en question fondamentale de l’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux personnes d’origine étrangère, y compris – d’après ce que j’entends – au niveau communal, alors que ce n’est absolument pas l’objet du débat actuel. Il est évident que l’on promet des choses en se faisant élire, notamment sur notre Constitution, mais que l’on semble ensuite les remettre en cause quelques séances plus tard au Grand Conseil. Cette attitude m’interroge, d’autant plus que cette Constitution a été validée par un vote populaire introduisant clairement ce principe. J’aurais espéré, à tout le moins, que vous adhériez à ce principe.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’une remise en question de principe, mais plutôt d’interroger l’échelle à laquelle s’exercent les droits de vote et d’éligibilité. Dans le quotidien des citoyens, dans celui des travailleurs, est-ce uniquement à l’échelle communale que ces droits ont un impact concret, ou bien l’échelle cantonale est-elle également concernée ? Doit-on considérer que seules les décisions locales influencent notre vie de proximité, ou les choix cantonaux jouent-ils aussi un rôle déterminant ? A cette question, nous estimons que l’échelle cantonale reste, dans notre contexte, une sphère de proximité. Si l’on se compare à de nombreuses villes européennes, le canton de Vaud apparaît en réalité comme une grande agglomération, où des compétences relevant ailleurs de municipalités – telles que la gestion des écoles ou les politiques sociales – sont ici cantonales. Pour rappel, dans certaines villes alémaniques, ces domaines relèvent strictement de la politique communale. Or, les personnes qui contribuent à la richesse de notre canton doivent aussi pouvoir participer à la définition de notre vivre-ensemble, à l’échelle cantonale, par le biais du droit de vote et d’éligibilité.
Je crois que nous partageons tous le souhait de parvenir au vote dès cet après-midi. Par conséquent, je propose, par motion d’ordre, de passer directement à l’examen de l’article 2.
La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 membres.
La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.
Très brièvement, je souhaite simplement rappeler la position du Conseil d’Etat : nous avons approuvé l’élargissement du droit de vote et d’éligibilité au niveau communal, mais nous nous opposons à son extension au niveau cantonal. Je rappelle également que le peuple vaudois s’était déjà prononcé en septembre 2011 contre l’octroi de ces droits politiques à l’échelle cantonale, avec un rejet à 68,96 %. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai déjà présentés plus tôt, compte tenu de l’avancement des débats.
La discussion est close.
La motion d’ordre Jacques-André Haury est acceptée par 106 voix contre 6 et 20 abstentions.
Art. 2. –
C’est la dernière intervention que je ferai aujourd’hui, et j’en suis heureux, afin de soumettre un amendement au nom de la minorité de la commission. Cet amendement vise à transformer l’article 2 en recommandant au Grand Conseil d’inviter le peuple à accepter l’initiative. Cette proposition s’inscrit dans la continuité des propos que nous avons tenus précédemment.
« Art. 2. – al. 1 : « Le Grand Conseil recommande au peuple d’accepter
de rejeterl'initiative. »
Je propose à nouveau, par motion d’ordre, de passer directement au vote sur cet amendement ainsi que sur l’article 2, le débat ayant déjà eu lieu lors de l’entrée en matière.
La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 membres.
La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.
Je vous invite à en rester à la version du Conseil d’Etat et non à celle de la minorité de la commission.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
La motion d’ordre Jacques-André Haury est acceptée avec quelques avis contraires et abstentions.
L’amendement Alexandre Démétriadès est refusé par 77 voix contre 61.
L’article 2 est accepté par 79 voix contre 51 et 6 abstentions.
Les articles 3 et 4, formule d’exécution, sont acceptés avec quelques avis contraires et abstentions.
Le projet de décret est adopté en premier débat.
Le deuxième débat interviendra ultérieurement.