Article 15 LMSD
Article 15 LMSD - "Les actes juridiques dans lesquels la prestation de l’une des parties est en disproportion manifeste avec celle de l’autre partie sont assimilés à une donation pour la différence de valeur entre les deux prestations, calculée selon les règles d’évaluation de la présente loi, à moins que les parties ne démontrent qu’elles n’ont pas entendu faire une libéralité.
Il n’y a pas donation mixte au sens de l’alinéa 1 lorsque les seules prestations à titre onéreux consistent en la reprise par le donataire des dettes en relation directe avec l’immeuble donné"
But(s) de la disposition
La donation mixte est un complexe de deux actes juridiques différents : d'une part, un contrat bilatéral à titre onéreux, une vente, et d'autre part, une donation.
Economiquement, la vente se caractérise par l'échange de prestations, en principe de même valeur, de sorte qu'aucune des deux parties ne se trouve ni appauvrie, ni enrichie.
La donation, en droit fiscal vaudois, se caractérise par trois éléments :
- un acte d'attribution (tout acte qui procure un avantage patrimonial, cet avantage pouvant consister soit en un enrichissement positif, soit dans l'économie d'une dépense),
- à titre gratuit (la gratuité suppose l'absence de toute contre-prestation de la part du bénéficiaire),
- procédant d'une intention libérale (pour qu'une attribution gratuite puisse être qualifiée de donation, il faut encore qu'elle procède d'une intention de donner – "animus donandi").
Il faut donc interpréter l'article 7 LMSD en liaison avec l'article 15 LMSD. Ces deux articles règlent l'imposition du contrat mixte (ou donation mixte) qui se présente lorsque, dans une cession de biens en la forme d'un contrat onéreux, le prix a été fixé manifestement au-dessous de la valeur réelle des biens cédés, dans l'intention de faire une donation au cessionnaire.
La disproportion doit être assez grande pour que les parties, en y apportant une attention suffisante, aient dû en avoir conscience. Il y a fréquemment, à l'origine d'une donation mixte, un lien de parenté ou d'amitié entre parties. La dénomination du contrat n'est pas déterminante, c'est par l'analyse de son contenu qu'il pourra être qualifié.
Commentaire succinct de la disposition
Qualification de la donation mixte
Pour qualifier l'acte passé entre les parties, l'autorité fiscale doit apprécier et définir un certain nombre d'éléments, comme : l’intitulé de l’acte, la volonté des parties, la parenté, la contre-prestation, les dettes, les charges et l’évaluation des prestations et contre-prestations.
La donation mixte se caractérise essentiellement par la disproportion entre la valeur du bien transféré et la contre-prestation : l'évaluation du bien est donc nécessaire. Celle-ci doit permettre d'apprécier l'importance respective des deux composantes de l'acte - la donation et le transfert à titre onéreux - qui sont soumis à des impôts différents.
Le législateur a abordé la donation mixte sous l'angle de la vente immobilière en dessous de la valeur vénale, la différence entre les prestations en faveur de l'acheteur étant assimilée à une donation. Les simples donations avec charges et reprises des dettes et les ventes à des prix n'atteignant pas la valeur vénale maximale ne sont en principe pas visées.
Pour savoir si l’on est en présence d’une donation simple avec ou sans charges et/ou reprise de dettes, d’une donation mixte ou d’une vente, il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances. La volonté interne des parties doit ressortir de circonstances reconnaissables pour les tiers. L'existence d'une donation mixte ne peut être retenue en l'absence d'une intention de donner (animus donandi), bref d'une volonté de l'aliénateur de favoriser, d'enrichir le bénéficiaire. L’intitulé de l’acte ne constitue qu’un indice.
Il est difficile de tirer un élément général d'appréciation du degré de parenté qui unit ou non les parties. En effet, une vente à un proche parent peut être aussi naturelle qu'une donation. S'il s'agit de parents plus éloignés, les actes à titre onéreux sont en général la règle. Toutefois, des liens d'affection peuvent également conduire à une donation.
Assiette de l'impôt
Si c'est à la valeur vénale de l'immeuble que l'on doit se référer pour qualifier un acte de donation mixte, il ne s'ensuit pas nécessairement que cette valeur soit imposable. En effet, chaque partie de l'acte doit être traitée selon les règles qui lui sont applicables.
- S’agissant de la part donnée de l'immeuble (part gratuite ou libérale), elle doit être soumise à l’impôt conformément à l'article 23 LMSD ; cette disposition prévoit que les immeubles sont comptés pour 80% de leur estimation fiscale. Les prestations fournies par l’acquéreur, en particulier – reprise de la dette hypothécaire, paiement en espèces, prestations périodiques en faveur dans l’ancien propriétaire – sont déductibles en vertu de l’article 29 LMSD. La seule exception à la déduction des prestations fournies par l’acquéreur des biens concerne les charges qui n’auraient pas donné lieu directement ou indirectement à la perception d’un droit de mutation (article 27 LMSD).
- S'agissant de la part de l'immeuble transférée à titre onéreux (paiement direct, reprise de dette sans relation directe avec l’immeuble ou toute autre prestation qualifiée d’onéreuse), la loi prévoit que l’ensemble de ces prestations doit être soumis au droit de mutation.
- S’agissant de la (ou des) dette(s) reprise(s) en relation directe avec l’immeuble par le donataire (exemple, dette hypothécaire), la loi prévoit de la soumettre à un droit de mutation réduit de 50%.
Lorsque la donation ne porte pas sur un immeuble entier, mais sur une part matérielle ou intellectuelle de celui-ci, l'estimation fiscale est réduite proportionnellement.
Exemple
Une tante "vend" à son neveu une parcelle lui appartenant pour le prix de CHF 200'000.-. Elle met en outre à la charge de celui-ci la reprise d’une dette hypothécaire de CHF 100'000.-. La parcelle a une valeur vénale de CHF 600'000.-, alors que l’estimation fiscale se monte à CHF 500'000.-.
Calcul de la différente prestation sur le plan civil | |
Valeur vénale de l’immeuble | CHF 600'000.- |
Prix de vente ou part onéreuse (versement en espèces) | CHF 200'000.- |
Dette hypothécaire mise à la charge du donataire | CHF 100'000.- |
Libéralité accordée au neveu (différence entre la valeur vénale et les contreprestations) | CHF 300'000.- |
Le prix de vente convenu est manifestement plus faible que la valeur vénale de l’immeuble. Il ne peut s’agir d’une vente à un prix modéré. Le paiement d’un prix par l’acheteur, la disproportion manifeste entre les prestations, le lien de parenté entre la donatrice et le donataire permettent de conclure à une donation mixte, le montant de la libéralité sur le plan civil étant de CHF 300'000.-.
Droit de mutation
- Prix de vente ou versement en espèces - CHF 200'000.-
Droit de mutation prélevé au taux de 3.3% (Impôt cantonal et communal) - Dette hypothécaire reprise par le donataire – CHF 100'000.-
Droit de mutation réduit de moitié au taux de 1.65% (Impôt cantonal et communal)
Impôt sur les donations
Calcul de la libéralité sur le plan fiscal | |
Estimation fiscale de l’immeuble CHF 500'000.-, dont le 80% | CHF 400'000.- |
Prix de vente ou part onéreuse (versement en espèces) | CHF 200'000.- |
Dette hypothécaire mise à la charge du donataire | CHF 100'000.- |
Libéralité imposable sur le plan fiscal | CHF 100'000.- |
Assiette imposable (libéralité) CHF 100'000.-, soumise à l’impôt sur les donations au taux du "barème d", neveu.