Article 27 LMSD
Déductions - a) charge (usufruit - rente - droit d'habitations)
Article 27 LMSD "Lorsque les biens dévolus par donation ou succession sont grevés d’une charge (usufruit, rente, droit d’habitation, etc.), l’estimation en est faite sans déduction de la valeur de cette charge, sauf si la constitution de celle-ci donne ou a donné lieu, directement ou indirectement, à perception d’un droit de mutation ou d’un impôt sur les successions ou sur les donations".
But(s) de la disposition
Lorsque les biens dévolus sont grevés d'une charge, la question se pose de savoir comment traiter cette charge sur le plan fiscal. En effet, celle-ci n'affecte généralement par la valeur patrimoniale du bien mais, souvent, elle ne touche que son rendement.
Le législateur a prévu que la charge n'est pas déductible de l'estimation des biens dévolus, sauf si la constitution de la charge a donné lieu ou donne lieu à la perception d'un droit de mutation ou d'un impôt sur les successions, voire d'un impôt sur les donations.
En outre, pour déterminer si une charge consentie à titre onéreux est déductible, il faut examiner si cette charge a le caractère d’une modalité de paiement ou non. Ce n’est que dans l’affirmative qu’elle est déductible avec pour corollaire la perception d’un droit de mutation chez le bénéficiaire de la charge.
Commentaire succinct de la disposition
Définition d’une charge
La charge apparaît comme une clause accessoire d'une attribution à titre gratuit, en vertu de laquelle l'attributaire assure une obligation dont le contenu peut varier à l'infini. Elle affecte le statut des biens donnés. Elle peut avoir une valeur économique ou non. Elle se distingue de la contre-prestation dans la mesure où elle n'est pas calculée en fonction de la valeur des biens donnés mais qu'elle consiste souvent en une obligation de faire ou de laisser faire quelque chose à un tiers. La charge n'étant qu'accessoire, l'acte d'attribution demeure dans son principe une libéralité et en conserve tous les signes extérieurs.
Les charges les plus courantes sont l'usufruit, la rente, le droit d'habitation, l'obligation d'entretenir une tombe, voire l'obligation de conserver un bien sa vie durant. Il existe bien évidemment bon nombre d'autres types de charges.
Il faut constater également que la charge peut avoir le même caractère ambigu que les dettes (article 29 LMSD), lorsqu'elle se trouve dans un acte à titre onéreux. Ainsi, en cas de vente d'un immeuble, avec paiement du prix partiellement par espèces et partiellement par constitution d'une rente ou d'un droit d'habitation, ces derniers sont considérés comme un mode de paiement, donc une contre-prestation (article 6, alinéa 3 LMSD) et non comme une charge déductible en vertu de l'article 27 LMSD.
Différents types de charge
La charge est une clause accessoire d'une attribution à titre gratuit, en vertu de laquelle l'attributaire assume une obligation dont le contenu peut varier à l'infini. Du point de vue fiscal, on peut distinguer les charges selon les critères suivants :
Genre de prestations
- La charge peut consister pour l’héritier ou le donataire de devoir distraire une partie des biens reçus pour les remettre à une autre personne ou l’affecter à un but particulier. L’enrichissement du donataire ou héritier sera diminué, dans ce cas, à la fois d’une partie du capital dévolu et des revenus de cette part de capital (Exemple : un héritier reçoit CHF 100'000.- à charge pour lui d’employer la moitié de cette somme à promouvoir la lutte contre la xénophobie ou à récompenser une douzaine d’étudiants militants).
- La charge peut consister en la distraction des seuls revenus du bien dévolu à l’héritier ou au donataire. C’est le cas de l’usufruit qui n’enlève que la jouissance des revenus au donataire ou à l’héritier, du droit d’habitation qui ne porte que sur une part des revenus de l’immeuble dévolu, de la rente qui, en principe, est payée sur le revenu des biens reçus.
- La charge peut aussi n’avoir aucune valeur appréciable en argent. Ce sera le cas lorsqu’elle consiste en une obligation de faire, qui implique éventuellement certaines dépenses pour le débiteur de la charge (Exemple : donner de ses nouvelles et de celles de la famille du donataire, entretenir une tombe, etc.).
Bénéficiaires
Le bénéficiaire peut être un tiers. Dans ce cas le donateur ou défunt procède à une libéralité indirecte : en effet, à travers la personne du donataire ou héritier, il gratifie une tierce personne.
Le bénéficiaire peut être le donateur lui-même. Il se réserve alors une part ou tout le revenu des biens grevés. S’il se réserve une part des biens grevés eux-mêmes, il y aura donation mixte : le donataire doit alors verser une certaine contre-prestation ou assumer une dette dont le donateur est le créancier (Exemple : donation du domaine agricole avec constitution par le donateur d’une cédule hypothécaire qu’il conserve).
Moment de la création de la charge
La charge peut être créée pour déployer ses effets à partir de la donation ou de la dévolution successorale. C’est le cas le plus fréquent. Il peut néanmoins arriver que la dévolution porte sur des biens déjà grevés d’une charge, antérieurement à la dévolution. Le donataire ou l’héritier reçoit le bien avec mission de continuer à remplir la charge qui auparavant incombait au donateur ou défunt.
La règle posée par l’article 27 LMSD déploiera des effets différents selon le type de la charge, le bénéficiaire, etc. En effet, si le donataire ou héritier peut demander la déduction de la charge de la libéralité reçue lorsqu’elle donne ou a donné lieu, lors de la constitution, à la perception d’un droit de mutation, la question qui se pose pour le fisc est de savoir dans quels cas il imposera la constitution de la charge.
On peut affirmer que chaque fois que cette imposition est possible, le fisc doit y procéder. En effet, l’impôt sur les successions et donations étant destiné à frapper l’enrichissement du donataire ou héritier, il est souhaitable de procéder à la déduction de la charge afin que le donataire ou héritier ne soit pas frappé au-delà de son enrichissement.